Khmers rouges

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Drapeau des Khmers rouges
Drapeau des Khmers rouges

Les Khmers rouges (en khmer : Khmaey Krahom), dont le nom officiel fut successivement Parti communiste du Cambodge et Parti du Kampuchea démocratique (autres noms : Parti communiste du Kampuchéa, PCK, Parti communiste khmer, Armée nationale du Kampuchéa démocratique, PDK), étaient les membres d'une organisation communiste qui fut au pouvoir au Cambodge de 1975 à 1979.

Le nom de Khmers rouges leur fut attribué par le roi Norodom Sihanouk dans les années 1950 et il est utilisé couramment en français à travers le monde. Les révolutionnaires eux-mêmes n'utilisaient pas ce terme et préféraient « kampuchéen » à « khmer », qui rappelait trop l'ordre ancien.

L'organisation khmers rouge se caractérisa par des méthodes autoritaires d'une brutalité extrême — au point qu'on a pu y voir une forme d'« autogénocide ». Les Khmers rouges sont devenus tristement célèbres pour leurs exactions qui sont à l'origine de la mort d'environ 1,5 millions de personnes (plus d'un quart de la population), mortes de faim, d'épuisement ou exécutées. Ce bilan fait du régime de Pol Pot l'un des plus meurtriers du XXe siècle. À ce jour, aucun des leaders Khmers rouges n'a été jugé pour ses crimes.

Sommaire

[modifier] Naissance du mouvement

Les dirigeants révolutionnaires cambodgiens sont pour la plupart issus de familles de la bourgeoisie. Beaucoup effectuèrent leurs études dans des universités françaises dans les années 1950. Dans une atmosphère parisienne cosmopolite et propice aux échanges d'idées, ils se rallièrent à l'idéologie communiste.

Une fois revenus au Cambodge, ils tentèrent de développer un mouvement d'élévation des conditions de vie en entamant un travail d'éducation politique auprès de leurs élèves. Un Parti communiste cambodgien autonome par rapport au Parti communiste indochinois (fondé en 1931) fut formé en 1951. Sous le Sangkum, la participation gouvernementale de quelques intellectuels progressistes resta provisoire et symbolique.

Constatant qu'ils manquaient de moyens financiers et humains dans la capitale, et conscients de surcroît que le régime réprimerai leur mouvement à brève échéance, les chefs du Parti prirent le maquis en 1962 dans des bases tenues par le Front national pour la libération du Viêt Nam. Ils y apprirent les fondements de la gestion politique de la population et du contrôle policier qu'ils allaient appliquer une fois au pouvoir. À partir du milieu des années 1960, ils menèrent des actions de guérilla de faible intensité le long de la frontière vietnamienne, principalement afin de soutenir les communistes vietnamiens dans leur guerre contre les États-Unis. En 1968, un an après la révolte paysanne de Samlaut dans le Nord-Ouest, ils lancèrent la lutte armée. En 1968-1969, de nombreux intellectuels en butte à des persécutions politiques les rejoignirent dans le maquis.

[modifier] Idéologie

L'idéologie des révolutionnaires se veut sans modèles mais combine en fait une forme révisée du maoïsme (qu'ils appliquaient « avec créativité » selon l'expression de Pol Pot devant les dirigeants chinois) avec des idées égalitaristes tirées des utopistes et des principes économiques anti-colonialistes issus de la gauche anti-impérialiste européenne que les cadres du parti, notamment Pol Pot, Ieng Sary et Khieu Samphan ont découvertes durant leur séjour en France dans les années 1950. À cela s'ajoute une volonté de servir de modèle à d'autres mouvements communistes, loin du « révisionnisme » du Viêt Nam et de la Chine (critiqués pour le maintien de la propriété, de la cellule familiale, du culte de la personnalité, du commerce privé, etc.).

[modifier] Dirigeants

Quelques uns des leaders Khmers rouges. Pol Pot est à gauche (photo exposée au musée Tuol Sleng à Phnom Penh).
Quelques uns des leaders Khmers rouges. Pol Pot est à gauche (photo exposée au musée Tuol Sleng à Phnom Penh).

Le comité exécutif du comité central des Khmers rouges (« Centre du Parti ») pendant qu'il était au pouvoir était composé de :

  • Pol Pot (Saloth Sar) dit « Frère numéro 1», le chef effectif du mouvement, secrétaire général depuis février 1963 (mort en 1998) ;
  • Nuon Chea « Frère numéro 2 » Premier ministre (toujours en vie) ;
  • Ieng Sary « Frère numéro 3 » Vice-Premier ministre (beau-frère de Pol Pot) (toujours en vie) ;
  • Khieu Samphan Président du présidium d'État, un rôle figuratif (toujours en vie) ;
  • Ta Mok (Chhit Chhoeun) « Frère numéro 7 » (mort) ;
  • Son Sen Ministre de la défense (mort) ;
  • Yun Yat (mort), Ke Pauk « Frère numéro 13 » ancien secrétaire de la zone Nord (mort) et Ieng Thirith (toujours en vie).

Le leadership des Khmers rouges changea peu entre les années 1960 et le milieu des années 1990.

[modifier] Prise de pouvoir

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Photos de jeunes combattants Khmers rouges, la plupart issus de familles de paysans pauvres (photo exposée au musée Tuol Sleng à Phnom Penh).

Ce n'est qu'en 1970 que l'extension de la guerre du Viêt Nam leur apporta des soutiens prestigieux (Norodom Sihanouk en exil, Nord-Viêt Nam, Chine). La barbarie des bombardements américains en tapis et la corruption et l'impéritie du gouvernement de Lon Nol permirent au parti d'implanter des bases et de recruter des combattants. C'est essentiellement à cette période que furent expérimentés nombre de principes futurs de la révolution d'avril 1975 : autarcie, prise en main centralisée des échanges économiques, militarisation de la force du travail, etc. Les Khmers rouges arrivent aux portes de la capitale.

Finalement le 17 avril 1975, les rebelles du FUNK (Front uni national du Kampuchéa) investissent Phnom Penh, organisent des élections formelles auxquelles ne participent que des membres du Parti et des paysans, et instaurent une nouvelle dictature particulièrement dure et extrémiste sous le nom de « Kampuchéa Démocratique ». Le Parti, représenté par une organisation quasi-mystique l'Angkar (un terme dérivé du vietnamien signifiant l'organisation), devient la seule référence toute puissante et est dirigée principalement par Pol Pot, Nuon Chea, Sao Pheum, Ta Mok, Ieng Sary, Son Sen et une poignée de lieutenants.

[modifier] Régime Khmer rouge

[modifier] Prise en main de la population

En 1975, Phnom Penh fut vidée et sa population envoyée dans les coopératives pour travailler et être surveillée. En 1976-1977, l'alimentation en commun fut définitivement mise en place pour assurer l'égalité des rations - chose qui ne fut généralement pas respectée. Ce type d'organisation ne fut pas répudié lors des rectifications ultimes de l'année 1978. Le « Kampuchéa nouveau à tous les égards » chercha à rééduquer l'ensemble de la population pour détruire l'idée de propriété privée. À cette fin, le Parti-État devait, selon Pol Pot, s'immiscer dans tous les recoins de la société. Même au niveau des ministères, les réunions de critique et d'autocritique fustigeant l'individualisme étaient fréquentes, et les cadres étaient appelés à se reconstruire et à se forger dans le sens d'une soumission à l'Organisation révolutionnaire.

Il en résulta un contrôle policier des comportements et des pensées particulièrement inquisitorial, ainsi que des appels constants à la vigilance révolutionnaire vis-à-vis des « mauvais éléments » et des ennemis, en même temps que des appels à ne pas être trop à gauche (même si le plus important était de ne pas être trop à droite).

[modifier] Descente aux enfers

Population du Cambodge entre 1961 et 2001. On peut noter la diminution de la population durant la période khmère rouge (1975-1979).
Population du Cambodge entre 1961 et 2001. On peut noter la diminution de la population durant la période khmère rouge (1975-1979).

La situation économique se dégradant d'année en année, la recherche de boucs émissaires et les tricheries multiples rendirent la situation particulièrement angoissante et invivable. Les exécutions étaient monnaie courante. La volonté de multiplier les rendements à l'hectare par trois et la conviction que le premier pas vers l'industrialisation était l'exportation de riz amenèrent Pol Pot à affamer la population cambodgienne pour atteindre ces objectifs.

Pol Pot n'était pas enclin à remettre en question la ligne idéologique (alimentation en commun, autarcie régionale, rendement de trois tonnes de paddy par hectare, absence de rangs dans l'armée, éducation des enfants en commun, rééducation prolongée des intellectuels patriotes…), aussi n'est-ce qu'en 1977 qu'il s'inquiéta de certaines situations. Il reporta la responsabilité des échecs du système sur le Parti et déclencha des purges meurtrières au sein de celui-ci, largement alimentées par sa paranoïa. Ce sont ces purges qui remplirent également le sinistre centre d'interrogation et d'exécution S-21, construit dans l'ancien lycée de Tuol Sleng.

[modifier] Chute

En janvier 1979, le Viêt Nam envahit le Cambodge pour mettre un terme au régime. Les incidents de frontières s'étaient multipliés du fait de la paranoïa des dirigeants Khmers rouges, qui avait réveillé une rivalité pluriséculaire entre le Cambodge et le Viêt Nam. Sans doute la République socialiste du Viêt Nam avait-elle perçu l'opportunité, par le biais de défections de cadres et de ses propres incursions en territoire cambodgien, que constituait l'état de délitement avancé du pays, ravagé par la famine, la peur et les pénuries. L'invasion commence en décembre 1978 et Phnom Penh (ville fantôme, car vidée de sa population depuis 1975) tombe très vite le 7 janvier 1979. Malgré la peur de la domination vietnamienne qui est traditionnellement ancrée dans les esprit cambodgiens, l'armée vietnamienne est aidée par de nombreuses défections de Khmers rouges et est accueillie avec soulagement par la population. Le pouvoir central doit se replier le long de la frontière thaïlandaise (officieusement protégé par des éléments de l'armée thaïlandaise). En 1985 Khieu Samphan succède officiellement à Pol Pot en tant que leader Khmer rouge.

Les États-Unis et d'autres gouvernements occidentaux, ainsi que la Chine, continuent de reconnaitre le Kampuchéa Démocratique comme gouvernement du Cambodge pour marquer leur désapprobation de l'occupation vietnamienne, soutenue par l'URSS. La Chine lance alors une invasion punitive au Nord-Viêt Nam qui échouera totalement. Les États-Unis soutiennent la résistance Khmer rouge par l'intermédiaires d'alliés thaïlandais. Alors que dès 1980 les Vietnamiens contrôlent l'est et le centre du Cambodge, les combats se poursuivent à l'ouest pendant toutes les années 1980 et des millions de mines sont disséminées. Au terme d'une décennie de combats, toutes les factions politiques cambodgiennes signent un traité en 1991 instaurant des élections et le désarmement. Pourtant les Khmers rouges reprennent les armes en 1992 et rejettent le résultat des élections l'année suivante. Des défections en masse ont lieu en 1996 et la moitié des combattants restant (environ 4 000) quitte le mouvement. Des luttes internes mènent au procès et à l'incarcération de Pol Pot par les Khmers rouges eux-mêmes en 1997. Pol Pot décède en avril 1998 et Khieu Samphan se rend en décembre de la même année.

Le 29 décembre 1998, les leaders Khmers rouges restants présentent leurs excuses pour les morts des années 1970. En 1999, la plupart des membres se sont rendus ou ont été capturés. La capture de Ta Mok en mars 1999 marque le point final de l'histoire des Khmers rouges. Il se tient en ce moment même des discussions quelques peu houleuses concernant le jugement des Khmers Rouges vivants et qui se sont rendus ou capturés. Désaccords sur leur condamnation, entre ceux qui veulent une réforme des chambres extraordinaires et la communauté internationale qui serait la seule vrai garante d'une justice indépendante et non sujette aux pressions politiques.Les cambodgiens ont peur de ces désaccords, et ceprocés qui doit être le moyen de tourner la page ne les condamnent à être spéctateurs de leur propre histoire... Si les désaccords persistent ils se pourraient même que ce ne soit la dernière chance des cambodgiens pour juger et condamner les Khmers Rouges. A noter que l'actuel dirigeant du Cambodge, Hun Sen, est lui même un ancien Khmer Rouge ayant fuit vers le Vietnam pour échapper aux purges internes. La main mise de l'individu sur le pays laisse peu de place à une justice libre et indépendante, d'où la necessité d'un droit de regard de la communauté internationale, sans qu'il soit pour autant question d'ingérence.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Témoignages de rescapés

  • François Ponchaud, Cambodge, année zéro, Julliard, Paris, 1977.
  • Loung Ung, D'abord ils ont tué mon père, Plon, 2002, 280 p.
  • Haing Ngor, Une odyssée cambodgienne. Autobiographie d'un rescapé (Haing Ngor jouera Dith Pran dans le film "la déchirure)
  • François Bizot, Le Portail, 2000, 2006
  • Sor Sisavang, L'enfant de la rizière rouge, Fayard, 1990 (Prix St Exupéry). Récit d'un rescapé.
  • Denise AFFONCO la digue des veuves presses de la renaisance 2005

[modifier] Ouvrages universitaires

  • Sacha Sher, Le Kampuchéa des « Khmers rouges ». Essai de compréhension d'une tentative de révolution, éd. l'Harmattan, mars 2004, 484 p.
  • Philip Short, Pol Pot. Anatomy of A Nightmare, John McRae Books, New York, 2005, 537 p.
  • Ben Kiernan, Le génocide du Cambodge 1975-79, Gallimard, 1998
  • David Chandler, Pol Pot, Frère Numéro Un, Plon, Paris, 1993, 343 p.
  • M.-A. Martin, Le mal cambodgien. Histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques. 1946-1987, Hachette, 1989, 307 p.

[modifier] Filmographie

À l'heure où le conflit américano-vietnamien déborde sur le territoire du Cambodge, Sydney Schanberg, un journaliste américain au New York Times, est un des rares reporters à être encore dans le pays au moment de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Seule l'intervention de son assistant cambodgien Dith Pran lui sauve la vie. Shanberg regagne in extremis les États-Unis mais Pran est arrêté et envoyé dans un camp de travail. Le journaliste américain va faire tout son possible pour faire sortir Pran.

  • S21, la machine de mort Khmère rouge réalisé par Rithy Panh (février 2004), sur les victimes et leurs tortionnaires dans le centre S 21.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes