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Évangile selon Jean

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L'évangile selon Jean (kata Johanan) fut probablement écrit vers la fin du premier siècle de notre ère, soit après les trois autres évangiles dits "synoptiques" qu'il complète. Clément d'Alexandrie (150 env. -215 env.) l'appelait l'"évangile spirituel". On a concédé à Jean le symbole de l'aigle (parmi les "quatre Vivants" de l'Apocalypse : cf. Ap 4,6-8) : c'est en effet l’animal qui, dit-on, vole le plus haut, et peut regarder le soleil en face...

L'évangile selon saint Jean se distingue par son ton et son style, qui est tout sauf prosaïque : il a un caractère solennel qui évoque la liturgie, la poésie. Pourtant, il est parmi les quatre évangiles canoniques celui qui a le vocabulaire le plus pauvre, le plus limité. Son langage est symbolique, figuratif. Le fait qu'un terme (comme "élevé" (3,14), à propos de la crucifixion) pût avoir un sens double, et devenir source d'équivoque était plus qu’une affaire de style : c'était aussi le cœur du drame – "les ténèbres n'ont pas reçu la lumière" (Jn 1,5).

Spécialement depuis saint Irénée, qui identifie Jean l'apôtre, Jean l'Ancien (ou le presbytre) et le « disciple bien-aimé », l'ensemble de la littérature johannique (les 3 épîtres, l'Apocalypse, l'évangile) sont attribués à Jean l'apôtre, le fils de Zébédée, qui nous est bien connu par le témoignage des évangiles synoptiques, et celui des Actes des Apôtres.

Sommaire

[modifier] Le témoignage de l'ancienne tradition

L'ancienne tradition a toujours attribué au seul Jean l'écriture de notre IVe évangile, des trois épîtres placées sous son nom, et de l'Apocalypse. L'évangile selon Jean se termine par l'attestation que «C’est ce disciple [le compagnon de Pierre] qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique. » (Jn 21,24).

Le IVe évangile est anonyme, mais il a évidemment le même auteur que les trois épîtres de Jean, qui se réclament de «Moi, le presbytre » (2 Jn 1 ; 3 Jn 1). Jean se déclare « presbytre », comme le faisait Pierre dans sa première épître : «Les presbytres qui sont parmi vous, je les exhorte, moi, presbytre comme eux. » (1 P 5,1). Les apôtres Jacques et Jude, non plus, dans l’adresse de leurs épîtres, ne se prévalent pas du nom d’apôtre.

D’autre part la tradition a toujours reconnu ce même apôtre et évangéliste comme l’auteur de l’Apocalypse, qui se nomme Jean avec insistance.

Aucun autre auteur n’a jamais été proposé pour ces quatre ouvrages. Certes, aux confins des IIIe et IVe siècle, une discussion a pu s’engager pour savoir s’il n’y avait pas lieu de distinguer entre « Jean l’apôtre » et « Jean le presbytre ». Mais la tradition asiate a toujours gardé le souvenir de Jean, à la fois comme apôtre, évangéliste et « Ancien ». Dans la moderne Selçuk, près d’Éphèse, on vénère la basilique, en ruines, et le tombeau du seul Jean.

Vers 180, Irénée écrivait : « Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il séjournait à Éphèse, en Asie. » (Adv. Hae. III, Prologue).

Or saint Irénée était particulièrement bien placé pour en parler car, originaire d’Asie et vivant en Gaule, il avait pu recueillir les traditions de l’Orient et de l’Occident. Il fut l’auditeur de Polycarpe dont il rappelle le souvenir précis, et ce Polycarpe lui-même, comme il le raconte, fut le disciple de saint Jean : « C’est encore par les apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque dans l’Église de Smyrne. Nous-même l’avons vu dans notre jeunesse.» (Adv. Hae. III, 3, 4). D’après Tertullien, rapportant une ancienne tradition smyrniote, Polycarpe fut même nommé évêque par saint Jean (cf. De praescr. haeretic. 32,2).

Irénée avait donc pu recueillir la tradition apostolique la plus haute et la plus sûre.

Le témoignage d’Irénée est corroboré par le Canon de Muratori, par Clément d’Alexandrie, par Tertullien, par Eusèbe de Césarée et par tous les Pères.

Le quatrième évangile, et même les épîtres de saint Jean, étaient cités comme écriture inspirée dans les lettres de saint Ignace d’Antioche, mort martyr sous Trajan, vers 110.

Le plus ancien manuscrit de l’évangile (donnant : Jn 18, 31-33.37-38), le papyrus Rylands, P 52, trouvé en Égypte, est daté par les experts des environs de l’an 125. Ce qui laisse supposer une diffusion rapide de cet écrit. Les manuscrits dont on a conservé l’en-tête sont toujours placés sous le nom de Jean, et de personne d’autre.

[modifier] Le témoignage de l'Apocalypse

Un point d'exclamation, car la proposition est paradoxale.

L’Apocalypse serait bien de saint Jean, comme l’évangile; mais elle serait plus ancienne et elle contiendrait une préfiguration très claire du futur quatrième évangile.

L’Apocalypse est à dater sans aucun doute du règne de Néron, et même de la persécution de Néron (64-68). En effet le chiffre 666, du verset 13,18, désignerait Néron selon l’interprétation la plus souvent donnée de cette gématrie (et c'est aussi le nom du numérique du diable ou encore de Satan). De plus aux versets 17,9-10 il nous est dit : « Ce sont aussi sept rois, dont cinq ont passé, l’un vit, et le dernier n’est pas encore venu. » Ce sixième empereur, basileus en grec, encore vivant ne fut autre que Néron (César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron) selon la manière de compter des anciens.(Cf. Suétone, Vie des douze Césars).

Or au chapitre 10, Jean aurait fait une prophétie détaillée du livre qu’il méditait déjà dans son exil de Patmos, avec ses sept parties envisagées.

« Je vis ensuite un autre ange puissant, descendre du ciel enveloppé d'une nuée. » (10,1) L’ange de la Révélation divine.

« Il tenait en sa main un petit livre ouvert. » (10,2). Le futur quatrième évangile, déjà révélé et destiné à tous ("ouvert").

« Après quoi, les sept tonnerres firent retentir leur voix. » (10,3). Les sept tonnerres, ou révélations, ou chapitres, de l’évangile projeté.

« Quand les sept tonnerres eurent parlé, j’allais écrire mais j’entendis du ciel une voix me dire : 'Tiens secrètes les paroles des sept tonnerres et ne les écris pas'. » (10,4). Jean recevait l’ordre de ne pas écrire encore l’évangile, mais de le méditer longuement et de ne le publier que beaucoup plus tard, la persécution une fois achevée.

« Je pris le petit livre de la main de l’ange et l’avalai ; dans ma bouche il avait la douceur du miel, mais quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume. » (10,10). Comme le livre de Daniel, le quatrième évangile contiendrait la douceur de la Parole de Dieu, pour les croyants, mais aussi l’amertume des avertissements divins pour les incrédules.

"Il te faut de nouveau prophétiser contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois." (10,11): l'Apocalypse en cours; les enseignements de Jean; puis plus tard le quatrième évangile.

Cette prophétie ne fut jamais aperçue, car on date habituellement l’Apocalypse du règne de Domitien, ce qui a pour effet de la rendre quasiment incompréhensible, et de brouiller toutes les allusions historiques, pourtant nombreuses, qu’elle contient.

Le propos de saint Irénée au sujet de l’Apocalypse aurait été mal interprété. Ce n’est pas l’Apocalypse qui aurait été vue à la fin du principat de Domitien, mais bien l’auteur de l’Apocalypse lui-même. (Cf. Adv. Hae V, 30, 3 dans le texte latin).

[modifier] Plan septénaire de l'évangile de Jean, plus l'appendice

L'Apocalypse nous conduit tout droit (le paradoxe continue) au plan septénaire de l'évangile de saint Jean.

Dans ses premières éditions (1956) la Bible de Jérusalem écrivait judicieusement : « On a proposé de nombreuses manières de diviser l’évangile, qui toutes contiennent une part de vrai, mais pèchent souvent par excès de systématisation. Le mieux est de se laisser guider par les indications les plus nettes données par l’évangéliste lui-même. D’une part, il est clair qu’il insiste sur l’importance des fêtes liturgiques juives, comme jalons de son récit. [...] D’autre part, en plusieurs circonstances, il note soigneusement le comput des jours pour diviser la vie du Christ en périodes déterminées. »

Ces principes seront appliqués ici, scrupuleusement.

On notera d’abord que le IVe évangile est bâti sur la description d’une Semaine inaugurale (1,19 --- 2,12) et de six fêtes religieuses juives : première Pâque à Jérusalem (2,13 --- 4,54) ; deuxième fête à Jérusalem (5,1-47) ; Pâque du pain de vie (6,1-71) ; fête des Tentes à Jérusalem (7,1 --- 10,21) ; fête de la Dédicace à Jérusalem (10,22 --- 11,54) ; dernière Pâque à Jérusalem (11,55 --- 20,31). Ce qui fait au total sept parties.

Chacune de ces parties, ayant un objectif doctrinal déterminé, sera illustrée par un miracle éclatant, et bien précis.

Il faut y ajouter le Prologue (1,1-18) placé en exergue, et l’Appendice (21) rajouté après coup, après une première conclusion, et illustré lui-même par une pêche miraculeuse.

La plupart de ces semaines, ou fêtes, seront divisées en journées nettement distinctes. On sent que le plan idéal de Jean, même s’il n’est ici qu’ébauché, comme esquissé, tendrait, comme dans l’Apocalypse, en une structure en 7 X 7 = 49 parties.

[modifier] Sept semaines (esquissées) de sept jours (sept tend vers huit).

Ce plan s'inspire de celui suggéré par la Bible de Jérusalem, tout en le modifiant.

Prologue: 1,1-18. Le Logos.

I. Semaine inaugurale: 1,19 --- 2,12. Choix des premiers disciples.

(Miracle de l'eau changée en vin, à Cana)

  • 1. jour: 1,19-28
  • 2. jour: 1,29-34
  • 3. jour: 1,35-39
  • 4. jour: 1,40-42
  • 5. jour: 1,43-51
  • 6.7. jr.: 2,1-12

II. 1ère Pâque à Jérusalem: 2,13 --- 4,54. Il faut renaître d'eau et d'Esprit.

(Guérison, à Cana, du fils d'un fonctionnaire royal)

  • 1. jour: 2,13-25
  • 2. jour: 3,1-21
  • 3. jour: 3,22 --- 4,3
  • 4. jour: 4,4-40a
  • 5.6. jr.: 4,40b-42
  • 7. jour: 4,43-50
  • 8. jour: 4,51-54

III. 2e Fête à Jérusalem: 5,1-47. Le témoignage du Père.

(Guérison d'un infirme à la piscine de Bethesda)

  • 1. jour: 5,1-47

IV. Pâque du Pain de Vie: 6,1-71. Je suis le Pain de Vie.

(Miracle de la multiplication des pains, suivi de la marche sur les eaux)

  • 1. jour: 6,1-21
  • 2. jour: 6,22-71

V. Fête des Tentes à Jérusalem: 7,1 --- 10,21. Je suis la lumière du monde.

(Guérison d'un aveugle-né)

  • 1. jour: 7,1-9
  • 2. jour: 7,10-13
  • 4. jour: 7,14-36
  • 7. jour: 7,37 --- 8,1
  • 8. jour: 8,2 --- 10,21

VI. Fête de la Dédicace à Jérusalem: 10,22 --- 11,54. Je suis la Résurrection et la Vie.

(Résurrection de Lazare)

  • 1. jour: 10,22-39
  • 2.3.4jr: 10,40-42
  • 5.6...jr: 11,1-16
  • 7. jour: 11,17-46
  • 8. jour: 11,45-54

VII. Dernière Pâque à Jérusalem: 11,55 --- 20,31. Aimez-vous comme je vous ai aimés.

(Résurrection du Christ)

  • 1. jour: 12,1-11
  • 2. jour: 12,12-50
  • 3. jour: 13,1 --- 17,26
  • 4. jour: 18,1 --- 19,3
  • 5. jour: 19,4-16a
  • 6.7...jr: 19,16b-42
  • 8.. jour: 20,1-25
  • 15.jour: 20,26-29

Appendice: 21,1-25. Choix de Pierre comme berger.

(Pêche miraculeuse)

  • 1. jour: 21,1-25

Un tel schéma pourrait être développé sous forme d'arborescence, en nommant et analysant toutes les journées ci-dessus décelées.

On remarquera l'unité de composition de tous ces chapitres: une circonstance déterminée, un thème bien choisi, un miracle pour l'illustrer.

Le corps de l'évangile est ainsi construit sur sept miracles ou signes, dont le plus grand est évidemment celui de la Résurrection du Christ. C'est pourquoi Jean dira dans la première conclusion de son ouvrage: "Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d'autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu." (Jn 20,30-31). Jean rajoutera un signe dans l'appendice, ayant rapport au ministère pétrinien.

Le quatrième évangile est aussi celui de la gloire. Mais cette gloire éclate dès le début, dès le Prologue, dès Cana: "Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui." (Jn 2,11). C'est pourquoi le Père dit au verset 12,28: "Je l'ai glorifié [dans le passé] et de nouveau [dans l'avenir] je le glorifierai."

[modifier] Les journées dans Jean. Le rythme septénaire

Bien des exégètes ont relevé l’importance des journées dans le quatrième évangile. Le plan que nous avons proposé ci-dessus les met particulièrement en lumière. On peut soutenir que l’évangile de Jean est articulé en semaines (ou fêtes en principe hebdomadaires) et jours. Plusieurs de ces semaines ne sont guère que suggérées (comme esquissées) car l’évangéliste n’avait certainement pas pour finalité d’appliquer mécaniquement un plan préconçu.

A cet égard, le plan du IVe évangile apparaît bien plus souple que celui de l’Apocalypse, plus moderne, plus décontracté dirions-nous. On sent que l’évangile est une œuvre de maturité, longuement réfléchie, plus d’une fois remise sur le métier.

Comme pour l'Apocalypse, on pourrait aisément compléter ce plan septénaire en dégageant les mots ou formules charnières qui articulent la composition. Ils sont le plus souvent des indications de temps, de lieu ou de fête liturgique. On ne doit pas forcément les chercher au début du paragraphe qu’ils identifient.

En œuvre profondément sémite, l’évangile de Jean obéit spontanément (ou délibérément) à un rythme septénaire sous-jacent. Mais le chiffre sept a tendance à déborder sur huit. Car le huitième jour, le Jour du Seigneur, vient couronner l’Heptaméron biblique. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle, celle de la Nouvelle Alliance.

Ce rythme septénaire (ou encore quinquénaire ou ternaire, en tous les cas impair) se retrouve dans l’ensemble de l’œuvre, comme nous l’avons profondément ressenti suite à la prédiction de l’Apocalypse. Mais aussi dans toutes les fêtes, prises une à une, et même dans toutes les journées. En les analysant, on apprécierait cette pulsion septénaire, ou seulement quinquénaire ou ternaire, qui anime l’œuvre. Ce rythme est obtenu sans effort apparent. Il ressortit plutôt d’un procédé mnémotechnique, didactique, esthétique, pour organiser sa pensée, puis ensuite pour l’exposer. Mais la connotation religieuse, ou biblique, se voit toujours latente. Il est fait référence à Dieu, plus exactement à l’œuvre de Dieu qui a fait le monde en sept jours : « Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille. » (Jn 5,17).

Le rythme septénaire (ou impair) implique de soi une construction chiasmatique. En effet la quatrième partie (sur sept), la troisième partie (sur cinq), la deuxième partie (sur trois) deviennent d’instinct le centre du discours, la clef de voûte de la voûte avec le versant ascendant et le versant descendant qui se répondent, le croisement du chiasme (ou X).

Ne donnons qu’un exemple d'une telle construction, impaire et chiasmatique à la fois, le fameux Prologue.

  • a ) 1,1-5 : La Parole éternelle.
  • b ) 1,6-8 : L’envoi de Jean-Baptiste.
  • c ) 1,9-14 : L’envoi de la Parole dans le monde.
  • b’) 1,15 : Le témoignage de Jean.
  • a’) 1,16-18 : L’action de la Parole dans le monde.

Avec une nette césure dans la partie centrale (c) entre les versets 1,13 et 1,14. Jusque là le Verbe était dans le ciel. Désormais, il habite aussi sur la terre.

Le centre chiasmatique de tout l'évangile se situe dans la partie logiquement centrale (quatrième sur sept) : la Pâque du pain de vie (Jn 6,1-71), qui contient la profession de foi de Pierre. Soulignons qu'il en est ainsi dans Marc et dans Luc, ce qui démontre l'unité organique profonde du corpus évangélique.

Dans l'évangile de Jean, chaque semaine ou fête, bien que souvent incomplète, se voit aussi soigneusement agencée, en particulier la fête des Tentes (ou Tabernacles) à Jérusalem (Jn 7,1 --- 10,21). Si l’on supprimait la péricope dite « de la femme adultère » (Jn 7,53 --- 8,11), qui manque dans certains manuscrits importants, l’ordonnance de cette partie se trouverait déséquilibrée.

Elle s’organise en cinq journées (rythme impair). Si l’on enlevait la péricope, on devrait regrouper les deux dernières journées, ce qui alourdirait considérablement la composition. De plus on aboutirait à des invraisemblances historiques, car Jésus eût prononcé, le dernier jour de la fête, un grand nombre de discours dans un lieu encombré par les cérémonies liturgiques. Cette péricope a pour conséquence d’introduire un lendemain de la fête, ce qui s'avère très naturel chez Jean.

De plus la péricope en elle-même, ou tout au moins : Jn 8,2-11, constitue l’un des cinq éléments de la cinquième journée (nombres impairs). Elle s’inscrit donc avec aisance dans la rythmique habituelle de Jean.

Mais on reviendra sur le problème.

[modifier] Pensée théologique de "Jean le théologien"

Observons de suite qu’il serait anachronique de parler de « théologie » à propos de l’évangile de Jean. Car la théologie catholique ne commence guère qu’avec saint Irénée. Le propre de l’activité théologique, c’est d’étudier le donné révélé. Or le quatrième évangile fait partie du donné révélé ; il en est même l’une des pièces maîtresses.

Cependant les grecs, et avec eux nombre de commentateurs contemporains, ont coutume de qualifier l’apôtre et évangéliste Jean de « théologien » et d’étudier sa pensée comme une théologie qui lui serait propre, comme un corps de doctrine. Quant à lui Jean n’entendait rapporter que la doctrine du Christ, dont il fut l’ami et le témoin privilégié, et auquel il cède abondamment la parole : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; - car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage...» (1 Jn 1,1-2). Il proteste à maintes reprises de la fidélité de son attestation. Il s’efface au point de se rendre anonyme.

En un sens le dogme et la théologie n’ajoutent rien au dépôt révélé. On pourrait même dire qu’ils l’appauvrissent ! Car il est de foi catholique de croire que la révélation s’arrête à la mort du dernier apôtre, en l’occurrence Siméon, ou Simon, « frère du Seigneur », mort martyr en 107 (cf. H. E. III, 32) et non pas Jean comme on le dit souvent.

Non que le dogme ou la théologie fussent inutiles. Le dogme a pour principale fonction d’écarter de la foi les innombrables déformations ou aberrations qui ont pu l’affecter dans le passé, ou qui l’affectent encore. Le dogme livre des formules précises, sort des ambiguïtés du langage courant, développe ce qui n’était qu’implicite. Il réfute les erreurs. Le magistère (évêques et pape) interprète avec autorité, et même infaillibilité, la foi catholique. Il ne se détermine d’ailleurs que pour les points essentiels.

Quant à la théologie, son champ d’investigation reste immense : l'exploration du donné révélé. Elle n’en aura jamais fini.

Mais il convient de revenir aux sources : l’évangile selon saint Jean est plus riche que tous les commentaires qui lui furent consacrés.

La pensée du Christ, telle que Jean nous la livre sous forme de confidences, nous paraît achevée, sans l’ombre d’une hésitation, tant dans la foi, dans la doctrine des sacrements que dans la morale. Elle s’avance avec une souveraine fermeté, tout en ne dévoilant pas encore la totalité du mystère. On trouve dans Jean la nécessité du Credo, plutôt que le Credo lui-même, la nécessité des sacrements, au moins les principaux, sinon les sacrements eux-mêmes. Les principes de la morale chrétienne sinon la morale elle-même. On possède là les textes fondateurs. On découvre dans Jean les racines de la foi catholique, mais ces racines sont essentielles car le Credo, les sacrements, la morale n’ont de sens que par elles, en elles.

En s’attachant au texte écrit, ou à ses inférences immédiates, on se convaincra de ne point trop spéculer.

[modifier] Doctrine du baptême

Le thème de l’eau et du baptême parcourt tout le IVe évangile. Depuis le baptême de Jésus dans le Jourdain (1,32-34) et le témoignage de Jean-Baptiste ; le miracle de l’eau changée en vin à Cana (2,1-11) ; le discours à Nicodème sur la nécessité du baptême (3,3-21) suivi du baptême des disciples dans le même Jourdain (3,22 --- 4,2) ; la Samaritaine au bord de son puits, à qui Jésus promettra l' "eau jaillissant en vie éternelle" (4,14); la guérison d’un infirme dans la piscine de Bethesda (5,1-18) ; la Pâque du pain de vie sur les bords du lac de Tibériade, suivie de la marche souveraine sur les eaux ( 6,1-20) ; la fête des Tentes avec ses nombreux rites d’eau, la promesse de l’eau vive, symbole du Saint-Esprit (7,37-39), la guérison d’un aveugle-né avec la salive même de Jésus, avec l’ordre de se laver dans la piscine de Siloé (9) ; le retour de Jésus au bord du Jourdain, là où Jean-Baptiste, et Jésus, avaient baptisé (10,40-42) avant de ressusciter Lazare (11) ; sur la croix, la soif de Jésus (19,28-30) au moment de mourir, et le solennel témoignage de Jean : « L’un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage et son témoignage est véritable» (19,34-35) dans lequel la tradition a toujours reconnu le symbole fort de l’eucharistie et du baptême jaillissant du côté transpercé du Christ ; le dernier miracle enfin sur les eaux poissonneuses du lac (21,6), pour conforter Pierre dans son rôle de pasteur suprême.

Mais ce serait surtout dans le récit de la première Pâque à Jérusalem (2,13 --- 4,54), deuxième phase du septénaire, que Jésus délivrerait ses enseignements essentiels sur le baptême.

Dès le miracle retentissant de Cana, Jésus vient purifier le Temple de Jérusalem du trafic éhonté qui le déshonore – nouvel Hercule nettoyant les écuries d’Augias.

Un notable Pharisien, effrayé par l’audace de ce geste mais conquis par la renommée grandissante du nouveau prophète, vient le trouver de nuit, à son domicile de Jérusalem, et l’interroge sur sa doctrine. Sans préambule Jésus lui déclare : «A moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu.» (3,3).

Nicodème, le savant, le pieux juif, est abasourdi.

Jésus lui explique qu’il faut renaître d’eau et d’Esprit pour entrer dans le Royaume de Dieu qui est celui de l’ère messianique, qu’il faut croire au Fils de l’homme, qu’il faut croire au Fils de Dieu, l’Unique Engendré de Dieu (le Père).

Jésus reprend donc la matérialité de la gestuelle de Jean-Baptiste, l’immersion dans l'eau, ou l’ablution d’eau ; mais il l’élève à une tout autre dimension. Il énumère en même temps les Trois Personnes de la Sainte Trinité : l’Esprit (3,5), l’Unique Engendré (3,16), et Dieu, le Père de ce Fils Unique (3,18). Il enseigne donc à Nicodème, dès les débuts de son ministère, les rudiments du baptême trinitaire chrétien.

Il est probable que ce Nicodème acceptera, après des atermoiements (cf. 3,11), le baptême chrétien, et non pas seulement celui de Jean-Baptiste, car il deviendra disciple du Christ et le défendra dans les conseils (cf. 7,50-52). Nous le retrouverons au moment de la Passion (19,39-42).

Aussitôt dit, aussitôt fait. Jésus ne se contente pas d’enseigner la théorie de son nouveau baptême. Mais de suite il redescend au pays de Judée, dans la vallée du Jourdain, dans la mouvance de Jean, pour le mettre en pratique. Là, nous dit formellement l’évangile, «il baptisait» (3,22). Une discussion ne manquait pas de s’élever parmi les juifs sur la validité respective de ces baptêmes concurrents. Mais Jésus, qui ne voulait pas de rivalité avec son précurseur Jean-Baptiste, quittait sans tarder la région du Jourdain pour regagner sa patrie, la Galilée (3,25 --- 4,3). Il traverserait la Samarie.

L’évangéliste Jean nous précise que ce n’était pas Jésus lui-même qui baptisait, mais seulement ses disciples (4,2). En effet, étant lui-même la deuxième Personne de la Trinité, il lui était difficile de baptiser au nom de la Trinité. C’est pourquoi il aura enseigné son nouveau baptême à ses disciples, et il les aura formés pour l’administrer.

Ce nouveau baptême, qui avait pour effet de créer des disciples de Jésus (cf. 4,1) – et non pas du Baptiste – et d’agréger dans le Royaume de Dieu advenant (où n’entrerait pas Jean), était certainement déjà le baptême chrétien.

Un fait littéraire bien précis montrait l’unité de composition de cette première Pâque à Jérusalem (2,13 --- 4,54). L’entretien qui suivait, de Jésus avec la Samaritaine (4,4-42), roulerait sur le thème de l’eau et sur l’Esprit.

Le signe illustrant cette semaine, la guérison du fils d’un fonctionnaire royal (4,46-54) aurait lieu à Cana, là même où Jésus avait d'abord changé l’eau en vin.

[modifier] Doctrine de l'eucharistie

Bien qu’il parle de la dernière Cène du Christ, Jean ne relate pas le récit de l’institution de l’eucharistie que nous connaissons par les synoptiques (cf. Mt 26,26-28 ; Mc 14,22-24 ; Lc 22,19-20) et par saint Paul (cf. 1 Co 11,23-25).

Mais il a consacré tout un chapitre de son livre, la quatrième section du septénaire (6,1-71), la Pâque du pain de vie, la section logiquement centrale, à nous entretenir du mystère eucharistique selon Jésus-Christ.

Cette section du Pain de vie, chez Jean, se voyait parfaitement unifiée. Elle se répartissait en deux journées, l’une synoptique (commune aux quatre évangiles) : le miracle de la multiplication des pains, et l’autre propre à Jean : le discours du lendemain dans la synagogue de Capharnaüm, qui en était un commentaire ou une extrapolation.

Sur la colline Jésus nourrissait les foules d’un pain matériel. Mais dans la synagogue il ouvrait l’esprit des juifs à des réalités d’ordre spirituel.

Déjà les douze apôtres furent les distributeurs de la manne terrestre comme ils le seraient de l’eucharistie. Ils amassèrent même douze couffins de restes (un par apôtre !) car il y aurait de reste pour tout le monde, et même le monde entier.

Dans le texte des synoptiques qu’il avait sous les yeux (au moins Marc et Luc) Jean introduisait le mot technique : « eucharistier » (6,11), rendre grâces. Il ajoutait des détails concrets, qui montraient qu’il était présent. C’est Philippe qui s’enquerrait : «Deux cents deniers ne suffisent pas... » (6,7) André qui lui répondait : « Il y a ici un enfant... » (6,9) Les pains étaient « d’orge » (ib.). À la fin de la journée, Jésus, dans Jean, était reconnu comme « le prophète » (6,14) et même comme « roi » (6,15).

Le lendemain Jésus enseignait aux juifs, en nouveau Moïse mais combien supérieur à lui, que non seulement il était en sa personne la nouvelle manne, le pain vivant descendu du ciel, ce qui pouvait s’entendre en un sens moral, mais encore que sa propre chair était destinée à devenir un aliment pour l’humanité, donc un repas («manger », «boire »), donc un sacrement, un mystère sacré. Les fidèles mal accrochés, les juifs incrédules, Judas dans son cœur, regimbaient définitivement : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » (6,52).

Jésus insistait et proposait aux juifs une véritable anthropophagie de sa personne : « Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » (6,55-56).

C’était le scandale inévitable. Le mot est dans le texte : « Cela vous scandalise ? » (6,61).

Mais Jésus précisait bien que ses propos devaient être entendus dans un sens spirituel : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. » (6,63).

Pour les chrétiens la manducation rituelle, ou sacramentelle, du Christ n’implique pas anthropophagie car elle induit son corps «spirituel », «pneumatique » (cf. 1 Co 15,44), c’est-à-dire son corps ressuscité.

Elle se réalise sous les espèces d’aliments ordinaires, et anodins : le pain et le vin eucharistiés. Elle est une reprise du sacrifice non sanglant de Melchisédech (cf. Gn 14,17-24), et même des nombreuses oblations de farine, habituelles dans les sacrifices du Temple.

Mais le sacrement contient néanmoins son corps et son sang offerts pour le salut du monde : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » (6,51).

C’était donc à propos de l’eucharistie que se nouait l’intrigue du IVe évangile; un tel fait démontrant une fois de plus que cette quatrième section était bien la section logiquement centrale du livre. D’une part la foule, les juifs, les disciples, Judas, reniaient Jésus, au moins dans leur cœur, et déjà, par conséquent, décidaient sa mort, et d’autre part les apôtres, au moins les Onze, à la suite de Pierre, optaient définitivement pour Jésus et le suivraient quoi qu’il arrive, malgré leurs défaillances. La confession de Pierre, comme dans Marc et dans Luc, se situait donc au centre logique de l’évangile.

Cette section des pains dans Jean, que nous venons d’étudier (comme il y a une section des pains dans Marc : cf. Mc 6,30 --- 8,21), recèle un phénomène littéraire peu aperçu, mais certainement intentionnel, vérifié ici dans l’original grec.

Elle ne contient pas moins de 21 fois le mot « pain » (artos, en grec) :

  • 7 fois de suite pour signifier le pain matériel (cf. 6,5.7.9.11.13.23.26)
  • 7 fois de suite pour signifier le pain descendu du ciel, Jésus lui-même (cf. 6,31.32a.32b.33.34.35.41)
  • 7 fois de suite pour signifier l’eucharistie (cf. 6,48.50.51a.51b.51c.58a.58b).

Une telle série de septénaires fait toucher du doigt l’unité organique de la section. Elle démontre aussi avec évidence la fidélité des manuscrits qui nous ont transmis le texte. En effet le moindre accident de copie eût occulté sans remède l’existence de ces septénaires.

[modifier] Doctrine de la pénitence

La pénitence s’entend de la conversion personnelle des pécheurs, et du sacrement de pénitence par lequel nous obtenons de l’Église l’absolution de nos péchés.

Dans les synoptiques, la métanoïa-conversion implique un double mouvement : détestation du péché (et du passé) et conversion vers le Dieu qui vient (dans l’avenir) : « Repentez-vous [de vos péchés] et croyez à la Bonne Nouvelle [du Royaume de Dieu advenant]. » (Mc 1,15).

L’évangile de Jean met presque uniquement l’accent sur la foi : se convertir, c’est croire en celui que Dieu envoie, c’est l’accueillir. Le refuser, c’est se fermer les voies du salut. Celui qui croit obtient le pardon de ses péchés. Il devient fils de Dieu. « À tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (1,12). Nous observons que dans l’évangile Jésus pardonne les péchés. À Nicodème il enseigne : «Qui croit en lui [le Fils] n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé. » (3,18). Jésus a pardonné à la Samaritaine : «Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » (4,39). Il a pardonné à l’infirme de la piscine de Bethesda (cf. 5,14). Il a pardonné à la femme adultère (cf. 8,11). Il a pardonné à l’aveugle-né en lui recommandant d’aller se laver à Siloé (cf. 9,7). Il a purifié ses apôtres par le bain des pieds (cf. 13,4-11). Au lendemain de la Passion, il absolvait ces mêmes apôtres de leurs reniements, lâchetés, et même incrédulités, en leur répétant : «Paix soit à vous. » (20,19.21.26).

Mais Jésus a voulu laisser à son Église un sacrement par lequel elle continuerait son œuvre. Ce n'est pas nous, en effet, qui nous remettons nos péchés mais le Christ, ou l'Église en son nom. Ce n'est pas nous qui nous justifions, mais la grâce de Dieu.

Le concile de Trente enseigne : « Le Seigneur a institué principalement le sacrement de pénitence quand, ressuscité des morts, il souffla sur ses disciples en disant : ‘Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez.’ (Jn 20,22-23) » (14e session, Ch. 1).

C’est donc bien dans l’évangile de Jean qu’on trouve le lieu théologique le plus formel de l’institution de la pénitence, sa date : le jour même de la Résurrection, son heure : le soir au moment de passer à table, ses circonstances : la première apparition de Jésus aux dix apôtres, sa manière : il exhala son souffle sur eux, après leur avoir pardonné leurs propres péchés.

Il est probable cependant – certain même – que l’Église des origines n’a pas attendu la publication de l’évangile de Jean pour pratiquer la pénitence. Le pouvoir d’absoudre, en effet, était déjà inclus dans le pouvoir des clefs, remis par le Christ à Pierre d’abord (cf. Mt 16,19), puis à tous les apôtres (cf. Mt 18,18). Il est inclus dans l’envoi en mission des apôtres (cf. Mt 28,19-20) qui ont hérité des pouvoirs du Christ (cf. 2 Co 5,18 : où Paul parle du « ministère de la réconciliation »).

[modifier] Doctrine de la Sainte Trinité

Immense sujet qu'on peut condenser en quelques lignes. Soulignons d’abord la situation assez extraordinaire :

  • de l’évangéliste,
  • du commentateur de l’évangile,
  • du simple lecteur de l’évangile :

exposer, ou connaître de, la doctrine de la Sainte Trinité selon les confidences de l’une des Personnes de la Sainte Trinité.

Platon, dans ses dialogues, faisait parler un homme : Socrate.

Jean dans l’évangile fait parler un Dieu.

Qui donc était le mieux placé, en effet, pour nous entretenir de Dieu, sinon le Fils de Dieu lui-même ?

Jésus, ou Jean, se sont exprimés dans des termes très simples - mais ô combien efficaces ! - que les théologiens, ou les Pères de l’Eglise, ont traduits dans des formules savantes.

Il nous faut revenir à la source – qui est inspirée – mais sans pour autant renier le dogme, qui en est un commentaire infaillible. Les deux s’accordent d’ailleurs merveilleusement. L’Écriture Sainte appelle et fonde le magistère. Une interprétation de l’Écriture contraire aux définitions du magistère de l’Église serait forcément erronée, et ceci en vertu même de l’Écriture (cf. 2 P 1,20).

Une observation liminaire doit être faite : le mot « Trinité » n’appartient pas au vocabulaire du Nouveau Testament, ni par conséquent au vocabulaire de Jean. Ce mot de formation savante ne sera introduit qu’au second siècle dans le lexique ecclésiastique, peut-être à partir de Théophile, sixième évêque d’Antioche. Mais la réalité de la Trinité est bien présente dans l’évangile. Ce sont l’Esprit, le Père et le Fils qui sont nommés séparément.

Il en est de même pour les mots : « Personne » et « Hypostase » qui ne seront utilisés par les théologiens que postérieurement. Le mot « Personne » semble avoir été initié en Occident par Tertullien, et le mot « Hypostase » dans l’Église grecque, sans doute à partir des spéculations d’un Plotin. C’est le concile de Chalcédoine, en 451, qui fera équivalents les mots de Personne et d’Hypostase.

Nous emploierons donc tous ces mots avec une valeur rétrospective.

La doctrine trinitaire exposée dans saint Jean est répandue avec abondance dans tout l’évangile. Le mieux pour en traiter serait de la répartir sous quelques rubriques.

  • Doctrine du Père, qui est Dieu.

Le Père est l’unique vrai Dieu, proclamé comme tel par Jésus-Christ (17,3). Il est plus grand que tout (10,29) et nul ne peut rien arracher de sa main (ib.). Il est même plus grand que le Fils (14,28) considéré dans ses missions temporelles.

Il est Père (17,1.11) et c’est Jésus-Christ qui nous a fait connaître son Nom (17,6), c’est-à-dire son essence de Père. Il est donc Père de toute éternité, portant dans son sein (1,18), c’est-à-dire dans sa nature divine, un Fils Unique qui sera Jésus-Christ. Il est le Père de Jésus (2,16) et il aime le Fils (3,35 ; 5,20). Il a même tout remis en sa main, y compris le jugement du monde (5,22).

Dieu le Père est pur Esprit (4,24). En permanence il est à l’œuvre (5,17). Il ressuscite les morts (5,21). Il a la vie en lui-même (5,26) et il a donné au Fils de l’avoir en lui-même (ib.).

On peut en conclure que le Père est l’origine de tout, y compris de la Sainte Trinité. Il aime les hommes puisqu’il leur a donné son Fils Unique.

  • Doctrine du Fils monogène du Père.

Jésus-Christ est le Logos (1,1) ou la Parole de Dieu. Il est Fils de Dieu (1,49 ; 19,7) et Dieu lui-même (1,1). Il est le Fils Unique de Dieu (1,18 ; 3,16.18) qui réside dans le sein du Père (1,18). Il est avec lui le créateur du monde (1,3). Il était depuis toujours auprès de Dieu (1,2).). Il est aimé du Père (3,35 ; 5,20). Il est l’égal de Dieu (5,18) dans l’éternité ; cependant il se subordonne à lui dans le temps, par amour, et fait toujours sa volonté (4,34).

Il est en permanence dans le Père, et le Père est en lui (10,38 ; 14,11 ; 17,21). Il est la vie et la lumière du monde (1,4 ; 8,12 ; 9,5). Il s’est fait chair (1,14), c’est-à-dire qu’il s’est incarné. Il fut aimé avant la fondation du monde (17,24) et le Père lui a tout donné (16,15), y compris sa propre divinité.

Jésus-Christ n’est autre que Yahvé, ou le « Je Suis » de l’Ancien Testament (8,24.27.58). Il existe avant Abraham (8,58), c’est-à-dire de toute éternité.

  • Doctrine de l’Esprit, qui procède du Père et qui tient du Fils.

L’Esprit est le Paraclet (14,16.26), ou notre avocat. Il est l’Esprit de Vérité (14,17). Il procède du Père (15,26) mais il prend du Fils (16,14-15) car tout ce qu’a le Père est au Fils, y compris la divinité. Comme le Père et le Fils ne font qu’un (10,30), il procède de l’unité du Père et du Fils, c’est-à-dire encore qu’il procède du Père et du Fils comme étant un seul Dieu. Il est l’Esprit unique d’un Dieu unique.

  • La consubstantialité.

Ce mot savant ne sera employé qu’à partir du concile de Nicée, en 325. Mais la doctrine était déjà dans saint Jean : «Moi et le Père, nous sommes un » (10,30) c’est-à-dire un seul Dieu. On peut extrapoler en disant que le Père, le Fils et l’Esprit ne sont qu’un seul Dieu. En effet, il ne peut exister qu’un seul infini, qui est la divinité. Le Fils prend du Père son bien, c’est-à-dire son être ; pareillement l’Esprit prend du Fils et du Père leur être ; c’est-à-dire leur divinité (16,15).

  • Le Filioque.

Dans le Credo latin ces mots seront ajoutés, vers l’an mille : « et du Fils ». L'Esprit procède du Père comme du Fils. Le dogme sera officialisé aux conciles de Lyon (1274) et de Florence (1439). Comme on l’a vu, rien n’est plus conforme au quatrième évangile que cette doctrine. On peut dire qu’elle est suggérée par lui. Le quatrième évangile ne serait pas compréhensible sans elle. Mais, répétons-le, l’Esprit procède du Père et du Fils comme étant un seul Dieu, et non pas séparément.

  • Les missions temporelles des Personnes divines.

Les Personnes divines ne nous sont connues, dans leur éternité, qu’à travers les missions temporelles du Fils et de l’Esprit ; autrement dit par l’Incarnation et par la Pentecôte. Le Fils, Jésus-Christ, nous révèle le Père et nous envoie l’Esprit. C’est ce que les grecs appellent « l’économie » divine : la gestion du créé par l’incréé.

Il faut bien saisir que les missions temporelles des Personnes divines sont à l’image de leurs « processions » éternelles ; elles nous parlent d’elles.

Non content d’avoir créé le monde (1,3) le Logos s’est fait chair (1,14). Il est envoyé par le Père (4,34). Il est la lumière de ce monde (1,9 ; 8,12). Il est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (1,29.36). Fils (légal) de Joseph de Nazareth (1,45), il est le roi d’Israël (1,49 ; 18,37). Il est le Fils de l’homme (1,51 ; 9,35). Il est l’Elu de Dieu (1,34), le Messie (1,41), le Christ (4,25.29). Il est descendu du ciel (3,13). Marqué du sceau du Père (6,27), c’est-à-dire de son Esprit (1,33), il est le sauveur du monde (3,17 ; 4,42). Il fait les œuvres du Père (5,36). Comme le Père (5,21) il ressuscite les morts (11,43) ; il les ressuscitera au dernier jour (6,40). Il est le Bon Pasteur (10,11.14) et la porte des brebis (10,7). Il enverra l’Esprit (16,7) de la part du Père (14,16.26).

L’Esprit, quant à lui, est déjà présent visiblement sur Jésus-Christ, depuis son baptême (1,32). Il demeure sur lui et il agit en lui.

Mais il ne se répandra visiblement sur l’Église et sur le monde qu’après la glorification du Fils (7,39), c’est-à-dire pour nous au jour de la Pentecôte.

  • L’ère du Père, l’ère du Fils, l’ère du Saint-Esprit.

Autrement dit, l’ère du Père a commencé avec Abraham (cf. 8,56), quand le nom du Dieu unique fut connu. L’ère du Fils a commencé avec son baptême dans le Jourdain (1,32-34) quand son nom de Fils fut révélé. Mais l’ère de l’Esprit, bien que ce nom fût déjà connu des hommes (ib.), ne débuterait qu’à la Pentecôte (cf. 7,39). Elle serait l’ère de l’Église.

  • Baptême trinitaire et confirmation, ou chrismation.

Le sacrement de baptême, avec la nomination des Trois Personnes divines jointe à l'immersion dans l'eau, était déjà possible dès le Jourdain. La confirmation, ou chrismation, ne l’était pas encore, car l’Esprit n’était pas encore répandu (cf. 7,39).

[modifier] Doctrine du Messie, et de la messianité

Le Messie, mot hébreu, et le Christ, mot grec, c’est l’Oint de Yahvé. C’est le fils, ou descendant, de David qui doit hériter non seulement de sa royauté dynastique mais encore de la royauté éternelle qui fut promise à David (cf. 2 S 7,13-14.16) et chantée d’avance par les Psaumes (cf. Ps 89,21-38 ; 132,10-18).

Jésus, dans Jean, est reconnu d’emblée par ses premiers disciples comme le Messie promis et le roi d’Israël (1,41.49) en même temps que le Fils de Dieu. Lui-même avouera son titre de Christ à la Samaritaine (« Je le suis, moi qui te parle. » 4,26).

Mais il refuse la royauté temporelle que ses contemporains intéressés voulaient lui imposer, comme une tentation (6,15).

Après de nombreux débats dans la foule à Jérusalem (7,40-52), il sera reconnu par ses plus proches fidèles, spécialement Marthe et Marie, comme « le Christ, le Fils de Dieu. » (11,27).

Les foules l’acclameront, à son entrée à Jérusalem, comme le roi d’Israël (12,13).

Il sera condamné et crucifié par Pilate spécialement comme le roi des juifs (18,33.37 ; 19,19-22), car le gouverneur romain ne voulaient connaître que de mobiles politiques.

L’évangéliste Jean savait que le Messie, ou Christ, devait naître à Bethléem de la descendance de David (7,42). Mais il ne donne aucune preuve de sa naissance ou de sa généalogie, supposant connu le témoignage des autres évangiles.

Cependant lui-même a rédigé tout son évangile afin que Jésus de Nazareth fût reconnu par tous comme « le Christ, le Fils de Dieu. » (20,31).

[modifier] Doctrine du Royaume, et de l'Église

Le mot « Église » ne se rencontre pas dans l’évangile de Jean, bien qu’on le trouve dans d’autres écrits johanniques (cf. 3 Jn 6.9.10 ; Ap 1,4 ; 2,1 etc.).

On n’étudiera donc la réalité d’Église, dans Jean, qu’à travers la notion de Royaume.

Mais l’Église, à l’état inchoatif, c’était déjà le groupe des disciples gravitant autour du Maître.

  • Le Royaume de Dieu.

D’un bout à l’autre de l’évangile, on l’a vu, Jésus nous est présenté comme le roi d’Israël (1,49), ou de Juda (19,21). Il sera d’ailleurs crucifié sous ce vocable (19,19).

Son royaume est celui de Dieu (3,3) et l’on y rentre par le baptême (ib.). Il n’est pas temporel (6,15). Il n’est pas de ce monde, comme il l’expliquera à Pilate (18,36).

Cependant Jésus est bel et bien venu dans le monde pour réunir dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (11,52). Il est le Berger (10,14) et il a un bercail où il faut qu’il rassemble toutes les brebis. «Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.» (10,16). Son Église sera donc une, et même visiblement une, sous un seul berger qu’il sera lui-même (10,4) ou celui qu’il aura délégué à cet office (21,15).

Son royaume prend donc la succession de l’ancien Israël, car lui-même descend de David comme on l’a vu (7,42). Il reformait les douze tribus d’Israël en ayant institué les Douze (6,67), rétablissant ainsi le royaume unifié de David et de Salomon, celui d’avant le schisme.

Son royaume sera un royaume de paix (14,27). Il sera un royaume d’amour (13,34) sur la terre, et il aura pour but de conduire au ciel où Jésus attend ses fidèles (14,2-3) : «Je vais vous préparer une place.»

  • Les disciples de Jésus.

Les disciples de Jésus forment déjà les arrhes, et les cadres, de la nouvelle Église ou communauté du Christ. Jésus les recrute dès le Jourdain (1,35-51), dès le lendemain de sa propre onction, ou consécration baptismale, par l’Esprit (1,33-34). Ils seront d’abord six, pris dans le vivier de Jean-Baptiste (cf. 1,35-37). Et Jésus manifeste pour eux sa gloire, à Cana (2,11).

Ensuite Jésus choisira les Douze (6,67), mais nous ignorons comment il les a engagés. Voir les autres évangiles.

Ceux-ci s’occupent des nourritures terrestres (4,8). Lors de la multiplication des pains, ils organisent la mise en scène (6,5-13) et vont même jusqu’à ramasser douze couffins pleins de restes.

La nuit venue, ils voguent vers Capharnaüm, et recueille Jésus dans leur barque (6,16-21). À la suite du discours dans la synagogue, le groupe des disciples se scinde en deux: plusieurs l’abandonnent (6,66). Judas renie dans son cœur : « L’un d’entre vous est un démon. » (6,70).

Mais Pierre et les autres décident de suivre Jésus quoi qu’il en coûte (6,68-69). Instant décisif : le Royaume de Dieu sur la terre, et l’Église, pourront vivre malgré l’incrédulité de beaucoup (6,64).

A la fête des Tentes, les disciples interrogent Jésus sur le sort de l’aveugle-né (9,2), provoquant ainsi le miracle.

Au moment de ressusciter Lazare, les disciples acceptent de monter à Jérusalem, et de mourir avec leur Maître (11,16).

A la dernière Cène, Jésus les purifiait de leurs péchés (13,10), en même temps qu’il les ordonnait diacres, ou serviteurs de son Église (13,15). Et dans la nuit (13,30), il leur faisait de longues recommandations, leur laissant son testament spirituel (13,31 --- 17,26).

A Gethsémani, cependant, ses disciples l’abandonnaient (16,32 ; 18,8). Mais dès le jour de sa résurrection (20,19), et huit jours plus tard (20,26), Jésus reformait leur groupe. Il les envoyait à sa suite (20,21) et leur conférait le pouvoir, proprement divin, de remettre en son nom les péchés (20,23).

Au bord du lac Jésus retrouverait les disciples des premiers jours, plus Thomas, pour leur passer les dernières consignes (21).

Manifestement le groupe des disciples, ou des « frères », continuerait l’œuvre du Christ sur cette terre (cf. 21,23)

[modifier] La figure de Marie

Rôle discret de Marie dans l’évangile de Jean, qui n’a pas d’évangile de l’enfance.

Elle n’en tient pas moins sa place, importante, au début et à la fin de la vie publique du Christ.

A Cana, Marie manifeste une confiance stupéfiante en son fils, qui n’a pas encore accompli de miracle public : «Tout ce qu’il vous dira, faites-le.» (2,5). Elle n’ignore pas qu’il est le Logos, et par conséquent tout-puissant. Elle agit, pressée par la charité envers ses hôtes. C’est sans doute à cause d’elle, en effet, que Jésus et ses disciples avaient été invités à la noce de village dans sa parenté. Mystiquement, cette union de Cana symbolise le mariage de Jésus avec toute l'humanité.

Marie a précipité l’heure de Jésus : «Femme, en quoi cela nous regarde-t-il ? Mon heure n’est pas encore venue.» (2,4).

Au Calvaire, Marie, femme et mère admirable, était là, debout, au pied de la croix. Jésus la donne comme mère à Jean (19,26-27) qui avait pourtant sa propre mère naturelle à côté de lui, la mère des fils de Zébédée (cf. Mt 27,56 ; Mc 15,40). Il la donne à Jean, et par lui à toute l’Église, et à toute l’humanité.

Jean la prendra chez lui (19,27), comme un héritage.

Ces quelques phrases d’évangile fondent la piété mariale des âges subséquents : entière référence de Marie à Jésus ; vénération et acceptation de Marie comme mère par tous les chrétiens.

[modifier] La figure de Pierre

Pierre fit partie des tout premiers disciples de Jésus.

Il est appelé par son frère André (1,40-42). Du premier coup d’œil Jésus le jauge, et change son nom de Simon en celui de Céphas, Pierre (1,42), préfiguration de son rôle futur dans l’Église.

On l’a souligné, son intervention sera capitale dans le drame que vit Jésus, et qui parcourt tout l’évangile : à la tête des douze apôtres (6,67) Pierre reconnaît Jésus comme le Saint de Dieu (6,69) c’est-à-dire le Messie (cf. 1,41) et même le Fils de Dieu (cf. 1,18). En somme, il répond au nom de tous les élus.

Mais Pierre n’en reste pas moins quelque peu cabochard ! Au lavement des pieds, il refuse d’abord le geste de Jésus (13,8) puis il se ravise : «pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête! » (13,9) à l’idée de se séparer de son Maître.

Avec élan il promet à Jésus de le suivre jusque dans la mort (13,37). Mais Jésus lui prédit son triple reniement (13,38).

A Gethsémani il se bat d’abord avec bravoure, jouant de l’épée (18,10). Mais chez les grands prêtres, Anne et Caïphe, il renie son Maître par faiblesse (18,15-27).

Au matin de Pâques, cependant, il accourt le premier des apôtres, avec Jean (20,2-8), pour constater la résurrection du Christ (20,9).

Alors que son évangile était déjà achevé, que les révélations des sept tonnerres (cf. Ap 10,3) étaient enfin mises par écrit (Ap 10,4), que le plan septénaire de tout l’ouvrage était réalisé, que la conclusion du livre était déjà posée (20,30-31), Jean a rajouté tout un chapitre (21) pour exalter le ministère pétrinien.

Ce chapitre est bâti sur le même schéma que les autres révélations :

  • Une circonstance déterminée : apparition de Jésus à sept de ses disciples, au bord du lac de Tibériade.
  • Un thème bien précis : choix de Pierre comme berger.
  • Un signe, ou miracle, pour l’illustrer : une pêche miraculeuse.

La langue de ce chapitre était du plus pur style johannique, le même que celui du corps de l’évangile, le même que celui des trois épîtres. On pourrait soutenir que Jean s’est pastiché lui-même.

Ledit chapitre fut rajouté avant publication ; il appartient à l’archétype, car il ne manque dans aucun manuscrit.

Jésus, sur le point de quitter ce monde par son Ascension (cf. 3,13), lègue son troupeau, et son Église, au berger qu’il a choisi. Il lui demande de l’aimer, lui Jésus, plus que tous les autres (21,15). Effaçant son triple reniement (13,38), il l’investit par trois fois (21,15-17) de la charge suprême.

Le disciple Jean (21,24) a rapporté cet épisode alors que Pierre avait déjà témoigné de sa fidélité par le martyre, et suivi Jésus jusqu’au bout (21,19).

[modifier] La figure du disciple bien-aimé

Jean ne se nommait pas dans son évangile. Alors qu’il s’intitulait «le presbytre» dans ses épîtres (2 Jn 1 ; 3 Jn 1) et avait placé l’Apocalypse sous le vocable de «Jean» (Ap 1,1.4).

Le «disciple que Jésus aimait» (21,20) de l’évangile doit bien sûr être identifié au Jean, connu par les synoptiques et par les Actes des Apôtres, l’un des plus proches compagnons de Pierre, en même temps que de Jésus, le fils de Zébédée de Mc 1,19 et de Jn 21,2, dont la mère, Salomé (Mt 27,56 ; Mc 15,40), serait présente au Calvaire.

C’est bien ainsi que l’a toujours entendu la tradition.

Disciple de Jean-Baptiste, dont il reprend le nom avec insistance dans les débuts de son évangile (1,6.15.19.26.28.32.35.40 ; 3,23.24.25.2627 ; 4,1), ce disciple anonyme (1,35) fut avec André le premier à suivre Jésus sur les indications de Jean-Baptiste (1,36). Au Jourdain il était probablement accompagné de son frère Jacques, même si ce dernier n’est pas mentionné.

A la dernière Cène nous retrouvons «celui qu’aimait Jésus» (13,23) penché sur sa poitrine pour demander, sur un signe de Pierre, le nom du traître. À l’instant suprême, il s’entendrait confier par le Christ la charge de sa mère (19,27). Son frère Jacques pourrait s’occuper, quant à lui, de «la mère des fils de Zébédée» (Mt 27,56). Lui-même deviendrait le tuteur légal de Marie, par testament du Christ.

Il est le seul témoin qui nous ait raconté le coup de lance post mortem, et le sang et l’eau qui coulèrent du flanc ouvert (19,34) du Sauveur (4,42). Cette image restera gravée dans la mémoire de l’apôtre. On peut affirmer sans exagération que toute son œuvre, Apocalypse, évangile et épîtres, ne sera qu’une longue méditation, et contemplation, du Christ en croix : «Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé.» (19,37) citation de Za 12,10.

Après la Résurrection, il apparaît comme le plus proche compagnon de Pierre (21,20-23), ce qu’il restera tout au long de la première partie des Actes (cf. Ac 1,1 --- 5,42 ; 8,14-17).

Il devait vivre très âgé (21,23), et survivre à Pierre (21,19).

Pour nous raconter Jésus-Christ, il n’a choisi que quelques faits, et quelques miracles (20,30-31). Mais «le monde entier ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu’on en écrirait.» (21,25).

[modifier] Signes et miracles

On a trop dit que le IVe évangile emploierait le mot «signe» pour dire les merveilles du Christ, tandis que les synoptiques parleraient plus volontiers de «miracles». En fait, il s’agit d’un phénomène d’illusion d’optique, dû aux traductions.

Aussi curieux que cela puisse paraître, il n’existe pas dans le langage néotestamentaire de terme précis pour dire «miracle» ; et nos évangiles utilisent tour à tour différents vocables pour signifier cette réalité, tels que «œuvre» (ergon), «puissance» (dunamis), «prodige» (téras), «signe» (sêméion).

Les synoptiques eux-mêmes, et les Actes, se servaient fréquemment de ce mot de «signe» : Mt 12,38-39 ; 16,1.4 ; Mc 8,11-12 ; 16,17.20 ; Lc 11,29 ; Ac 2,22 ; 5,12 ; 6,8 ; 8,6.13.

Jean l’emploierait systématiquement : 2,11.23 ; 3,2 ; 4,48.54 ; 6,14.30 ; 7,31 ; 9,16 ; 11,47 ; 12,37 ; 20,30.

Le mot «miracle», au sens de chose qu’on admire, étonnante, surnaturelle (thauma), ne se rencontrait pas dans le Nouveau Testament.

Le concept de «signe», dans Jean, est à entendre dans le sens (biblique) que lui-même lui donnera dans sa conclusion : «Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d’autres signes qui ne sont pas relatés dans ce livre. Ceux-là l’ont été afin que vous croyiez...» (20,30-31)

Le miracle est une signature de Dieu qui authentifie l’œuvre de ses envoyés, et qui, de soi, entraîne la foi.

Le miracle des miracles dans Jean, ou le signe des signes, ne fut autre que la résurrection du Christ, «signe» suprême de la divinité de Jésus-Christ. Il était le «sceau», au sens d’achèvement, du mystère de notre rédemption.

[modifier] Notion de témoignage

Dans toute l’œuvre johannique, Apocalypse, évangile, épîtres, la notion de témoignage tient une grande place.

Qu’est-ce qu’un témoin ? C’est d’abord celui qui a vu et entendu, et qui rapporte. Ici nous revient dans les oreilles le grand exorde de la première épître : «Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, [...] nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous.» (1 Jn 1,1.3).

C’est un résumé de tout l’évangile, écrit sans doute peu de temps après sa rédaction finale.

C’est aussi le kérygme, tel que Jean l’entendait dans sa sensibilité propre.

Qui sont donc les témoins ?

Le premier témoin n’est autre que Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, qui témoigne de ce qu’il a vu auprès du Père : « Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu » (3,31-32), et qui mourra « pour rendre témoignage à la vérité » (18,37).

Le second témoin, c’était Jean-Baptiste qui, lui, témoignait du Christ (1,7.34), et qui faisait connaître aux hommes le nom des trois Personnes divines (3,34-35).

Le troisième témoin n’était autre que l’évangéliste, le disciple bien-aimé, qui témoignait de visu, de auditu, de tactu, des faits, gestes et paroles de Jésus, et les transcrivait fidèlement (19,35 ; 21,24).

Les témoins subsidiaires seraient les autres disciples (cf. 17,20) grâce auxquels le kérygme se transmettrait jusqu’à la fin de l’histoire.

Mais du haut du ciel, le Père même ne cessait de témoigner en faveur de son Fils. De vive voix (12,28); par l’envoi de l’Esprit sur lui (1,32); par l’exaucement de toutes ses prières (11,42); par les œuvres qu’il lui donnait de faire (5,36); mais surtout par le grand miracle de la Résurrection (17,5).

Le même mot grec, « martus », peut se traduire par témoin ou martyr. Car le témoin véridique, c’est celui qui peut témoigner au prix de son sang. Et ce grand martyr fut Jésus-Christ (3,14-15).

[modifier] Le combat de la lumière et des ténèbres

Déceler une influence de la pensée essénienne, dans les écrits johanniques, est bien passé de mode.

Cependant, on ne saurait nier un climat commun avec bien des documents pseudépigraphiques (Testaments des douze Patriarches, Assomption de Moïse) ou qoumrâniens (Règle de la communauté, Règlement de la guerre) qui sont de peu antérieurs à l’avènement du christianisme.

Dans ces temps, où l’attente messianique était exacerbée, on imaginait volontiers l’avenir sous la forme d’un combat gigantesque entre le Bien et le Mal, entre le Fils de l’homme et Bélial, entre la lumière et les ténèbres, où, finalement, le parti de Dieu aurait le dernier mot.

Peut-être l’évangéliste Jean a-t-il connu la doctrine des esséniens, à travers son Maître, Jean-Baptiste, qui lui-même aurait été l’élève des esséniens. Cette hypothèse ne peut pas être prouvée. Elle ne sort pas, néanmoins, de la vraisemblance.

Les esséniens étaient, selon nous, les fidèles plus ou moins marginalisés de l’ancien grand prêtre Onias III (le Maître de justice) injustement déposé en 175 avant notre ère, puis assassiné en 170 à l’instigation de son successeur Ménélas (le prêtre impie). La plupart des esséniens appartenaient, comme Jean-Baptiste, à la classe des prêtres ; leurs mœurs étaient celles de prêtres.

Selon le schéma pseudépigraphique ou essénien, la pensée de saint Jean s’organise volontiers sur un mode bipolaire.

Dans l’évangile, le combat de la lumière et des ténèbres s’ouvre dès le Prologue (1,5.10).

Le drame de Jésus s’engage comme un conflit entre les croyants et les incrédules (1,11-12) ; le Fils de l’homme d'une part, les prêtres, les pharisiens, et le pouvoir romain, d'autre part. Les derniers cités remporteront, apparemment, la victoire. Mais la résurrection du Christ rétablira la justice, et même la vérité (18,37). L’Église, et le Royaume de Dieu (3,3), pourront s’instaurer par le moyen de la paix (14,27 ; 20,19.21.26).

[modifier] Liens du IVe évangile avec l'Apocalypse

L’Apocalypse comme on l’a déjà dit (voir ci-dessus : Le témoignage de l’Apocalypse!) fut rédigée antérieurement au IVe évangile ; mais elle présente avec lui bien des ressemblances.

Comme l’évangile elle se réclame de Jean, l’Apocalypse nommément (cf. Ap 1,1.4), le IVe évangile, comme les épîtres, par le truchement de la tradition.

L’Apocalypse et l’évangile se structurent selon un plan semblable, idéalement en 7 X 7 = 49 parties. Dans l’Apocalypse ce plan se trouve pratiquement réalisé, avec des visions intercalaires, et quelques excursus. Dans le IVe évangile il n’est qu’esquissé : sept semaines en principe de sept jours. Mais plusieurs semaines sont incomplètes. Sont adjoints un Prologue, et un appendice (21) composé après une première conclusion (20,30-31).

Bien des notions sont communes au IVe évangile et à l’Apocalypse :

  • Notion de Jésus comme Agneau de Dieu : Ap 5,6-9 ; Jn 1,29.
  • Même contemplation du Christ crucifié : Ap 1,7 ; Jn 19,18-37.
  • Théologie du Logos : Ap 19,13 ; Jn 1,1.
  • Théologie de Jésus comme «Je Suis» : Ap 1,8 ; Jn 8,24.
  • Théologie de Jésus comme le Fils de l’homme : Ap 1,13 ; Jn 1,51.
  • Théologie de Jésus comme lumière du monde : Ap 21,23 ; Jn 1,4.
  • Théologie de Jésus comme le Vivant, l’auteur de la vie : Ap 1,18 ; Jn 1,4.
  • Théologie de Jésus comme vainqueur du monde : Ap 5,5 ; Jn 16,33.
  • Théologie de l’inhabitation divine dans l’âme du fidèle : Ap 3,20 ; Jn 14,23.
  • Théologie de la royauté du Christ : Ap 11,15 ; Jn 1,49.
  • Même évocation du martyre de Pierre : Ap 11,3-12 ; Jn 21,18-19.
  • Doctrine de Marie comme mère de Jésus, et mère des disciples de Jésus : Ap 12,5.17 ; Jn 19,25-27.
  • Même annonce d’une moisson divine : Ap 14,14-16 ; Jn 4,35-38.
  • Contemplation anticipée des noces de l’Agneau : Ap 19,7.9 ; Jn 2,1-11 ; 3,29.
  • Jésus-Christ comme Temple de Dieu : Ap 21,22 ; Jn 2,19-21.
  • Contemplation du fleuve de vie, s’écoulant de la personne de Jésus-Christ : Ap 22,1 ; Jn7,37-39 ; 19,34.

Le style de l’Apocalypse et celui du IVe évangile, comme des épîtres, offraient de grandes différences, en même temps que des affinités.

Celui de l’Apocalypse est plus rocailleux, truffé de réminiscences bibliques, sémitisant, empruntant tout un vocabulaire ésotérique au Pentateuque, aux prophètes, aux pseudépigraphes ses devanciers. Celui du IVe évangile, et plus encore celui des épîtres, devient plus souple, dépouillé, presque abstrait, d’une grécité plus pure.

On pourrait relever entre l’Apocalypse et le IVe évangile bien des similitudes de vocabulaire :

  • même emploi des mots de la famille de «témoin»,
  • même emploi des mots «voir» et «entendre», associés au mot précédent,
  • même emploi insistant du mot «Jean»,
  • «parole», «prophétie», «vrai», «vérité», «menteur», «signes», «œuvre», «disciple», «esclave», «vie» et «mort», «aimer» et «amour», «Fils de Dieu», «Père», «Fils», «Esprit», «porte», «agneau», «saint», «royauté», «gloire», «jugement», «sang», «Temple», «résurrection», «lumière», «ténèbres», «jour», «nuit», etc.

Comme le faisait l’helléniste Edouard Delebecque (L’Apocalypse de Jean, Mame, 1992, page75) on pouvait conclure à l’unité d’auteur, même si les deux écrits furent publiés dans des époques ou dans des circonstances bien différentes.

[modifier] L'auteur du IVe évangile

On le voit : toutes les pistes convergent pour nous faire reconnaître l’apôtre Jean, le fils de Zébédée, comme l’auteur du IVe évangile. Ce dont la tradition n’a jamais douté.

Point n’est besoin pour cela de recourir à la supposition d’une «école johannique», l’une de ces nombreuses chimères de l’exégèse contemporaine. Le corpus mis sous le nom de Jean n’est pas si volumineux qu’il eût besoin de plusieurs auteurs. Les écoles, c’est bien connu, ne produisent que des œuvres composites, et non pas profondément unifiées comme celle que nous venons d’étudier.

On a cru parfois discerner une preuve de ladite «école johannique» dans deux petites phrases de l’évangile qui semblent indiquer l’intervention d’une main étrangère; l’une dans le corps de l’évangile : «Celui qui a vu rend témoignage, son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai, pour que vous aussi vous croyiez.» (19,35).

Et l’autre à la fin de l’appendice : «C’est ce disciple [le compagnon de Pierre] qui témoigne de ces faits, et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique. » (21,24).

Mais c’est une illusion. Rien n’est plus typiquement johannique que ces deux phrases. Ne serait-ce que par la répétition des mots «témoignage», «vrai», «véridique», «pour que vous croyiez», et par la volonté d’anonymat qui s’y exprime. C’est au point qu’on peut voir dans ces deux phrases une signature discrète de Jean.

Le célèbre exégète américain Raymond E. Brown (Que sait-on du Nouveau Testament?) le reconnaissait expressément : la théorie d’une «école johannique» ne reposait que sur des hypothèses très fragiles.

Les quelques indices qu’on pouvait invoquer en sa faveur se retournaient facilement contre elle.

[modifier] La péricope de "la femme adultère" (Jn 7,53 --- 8,11)

Les versets 7,53 à 8,11 manquent dans plusieurs manuscrits importants de l’évangile de saint Jean, et même dans des papyri trouvés en Égypte antérieurs au IVe siècle.

Le Sinaïticus (IVe siècle) et le Vaticanus (IVe siècle) ne les donnent pas.

L’Alexandrinus (Ve siècle) et le Codex Ephrem (Ve siècle), lacuneux en cet endroit, ne sauraient dirimer le débat.

La péricope manquait dans le papyrus Bodmer II (P 66) des environs de 200, et dans le papyrus Bodmer XIV.XV (P 75) du IIIe siècle.

La péricope de «la femme adultère» nous est parvenue essentiellement par le canal de la tradition occidentale : le Codex Bezae (Ve siècle) et divers manuscrits, grecs ou latins (même antérieurs), dérivant de cette tradition.

Elle figurait déjà, à sa place, dans la Vetus Latina (la vieille version latine).

Tatien (vers 167) l’avait incluse dans son Harmonie des quatre évangiles.

On admet aujourd’hui que la tradition occidentale, et le Codex Bezae, représentaient une ancienne édition des évangiles faite à Smyrne aux environs de l’an 120.

Mais la tradition occidentale pouvait fort bien reproduire le texte original.

Le mot à mot de la péricope semblait favorable à l’authenticité. Seul le mot «grammateis» (scribes) ne se trouvait pas ailleurs dans l’évangile de Jean. Mais tous les autres mots, locutions, tournures de phrases, non seulement trouvaient leur parallèle dans le IVe évangile, mais encore s’y lisaient parfois avec insistance.

  • Par exemple l’expression : «Jésus, lui, s’en alla au mont des Oliviers» (8,1) a son équivalent plus loin : «Jésus s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du torrent du Cédron.» (18,1).
  • «Et tout le peuple venait à lui» (8,2) équivalent de «Une grande foule vient à lui.» (6,5).
  • «Dans la Loi, à nous, Moïse a commandé» (8,5) équivalent de «Et dans la Loi, la vôtre, il est écrit que» (8,17).
  • « Lapider de telles femmes » (8,5) « Sur elle jette une pierre » (8,7). À quatre autres reprises dans le IVe évangile, il est question de lapidation (8,59 ; 10,31.32.33).
  • «Toi donc, que dis-tu ?» (8,5) équivalent de : «Toi qui es-tu ?» (1,19), «Quoi donc ?» (1,21), «Que dis-tu de toi-même ?» (1,22).
  • «Ceci, ils le disaient en l’éprouvant» (8,6) presque identique à : «Ceci, il le disait en l’éprouvant.» (6,6).
  • «Et il resta seul avec la femme» de 8,9 comme avec la Samaritaine de 4,7-8.
  • «Il lui dit ‘Femme’.» (8,10). Chez Jean, procédé constant de Jésus pour interpeller les femmes : 2,4 ; 4,21 ; 19,26 ; 20,15.
  • «Personne ne t’a condamnée ?» (8,10) ; «Moi non plus, je ne te condamne pas» (8,11) : correspondance exacte avec le verset 8,15 qui suit : «Vous-mêmes vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne.» Ce dernier verset semble bien reprendre et résumer la péricope.
  • «Va, à partir de maintenant ne pèche plus» (8,11) équivalent de : «Voici que tu es devenu sain, désormais ne pèche plus.» (5,14).
  • «Va» (8,11) correspond à 4,50 : «Jésus lui dit ‘Va’.»

On a déjà dit (voir ci-dessus : Les journées dans Jean. Le rythme septénaire) que la péricope semblait appartenir à la structure d’ensemble de l’évangile : premier (8,2-11) de cinq épisodes de la cinquième journée de la fête des Tentes (7,1 --- 10,21).

Le mouvement interne de 8,2-11 coïncide avec la manière habituelle de Jean :

  • a ) 8,2 : déplacement de Jésus vers le Temple ;
  • b ) 8,3-6a : comparution devant Jésus d’une femme surprise en adultère ;
  • c ) 8,6b-9 : controverse de Jésus avec les scribes et les Pharisiens ;
  • b’) 8,10-11a : dialogue de Jésus avec la femme laissée seule ;
  • a’) 8,11b : renvoi de la femme.

Avec une nette césure (centre du chiasme) entre les versets 8,8 et 8,9 : à partir du verset 8,9 les adversaires se retirent de la scène.

L’analyse interne semblait donc conclure, avec un très haut degré de probabilité, à l’authenticité.

Le seul mot «grammateis» (scribes) paraissait donner à la péricope, comme il a été dit, «une couleur synoptique» et être repris des autres évangiles. Mais des points de contact ne sont pas invraisemblables, par exemple entre le IVe évangile et Luc.

Le début de la péricope semble imiter de très près Lc 21,37-38 et le mot «grammateis» (scribes) se trouvait dans la suite immédiate de Luc (22,2).

Il se pourrait fort bien que le texte de la péricope eût été supprimé de très bonne heure dans l’évangile, comme le voulait saint Augustin. Peut-être dès le premier exemplaire expédié en Égypte. Car pour certains la péricope paraissait devoir excuser l’adultère.

Les historiens, d’autre part, se sont plus à souligner combien la péripétie était en situation dans l’évangile de Jean. La comparution d’une femme prise en flagrant délit d’adultère correspondait bien à ce lendemain de la fête des Tentes (8,2). La coutume de cohabiter dans des huttes de branchages, pendant une semaine, devait être propice à des unions illégitimes. D’autre part, Jésus se trouvait un peu plus tard dans le Temple, face au trésor (8,20) dans le parvis des femmes. Or c’est précisément là, selon le Talmud, à la porte de Nicanor, que comparaissaient les femmes convaincues d’adultère.

Dès l’aube, dès le lendemain de la fête, Jésus vint au Temple ; cela nous le savions par la péricope (8,2).

Cette fête avait été illuminée durant une semaine par deux (ou quatre selon les auteurs) immenses flambeaux.

C’est là face au soleil levant, le Temple étant orienté à l’est, que Jésus allait prononcer cette parole mémorable : «Moi, je suis la lumière du monde.» (8,12).

[modifier] Voir aussi :

[modifier] Bibliographie :

  • Jean-Marc Rouvière, Le silence de Lazare, Desclée de Brouwer, 1996
  • Edouard Delebecque, L’Apocalypse de Jean, Mame, 1992
  • Raymond E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?
  • Xavier Léon-Dufour, Lecture de l'évangile, Paris, 1987.

[modifier] Liens wikis :

Évangile selon Jean est disponible sur Wikisource.

La plus ancienne copie complète de l'Évangile selon Saint Jean qui soit parvenue jusqu'à nous est le fameux Codex Bodmer II (fondation Bodmer, Genève), papyrus datant de la fin du IIe siècle.

[modifier] Liens externes :

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