Conrad Detrez
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Conrad Detrez (1937-1985) est un écrivain belge d'expression francophone, naturalisé français en 1982, dont l'œuvre fiévreuse et baroque, nourrie de son expérience personnelle en Belgique puis en Amérique du Sud et de la propension à la bouffonnerie, à l'excès, au fantastique, de la tradition flamande, mêle le mysticisme, l'espoir révolutionnaire et un érotisme homosexuel sans ostentation.
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[modifier] Biographie
Conrad Detrez naît le 1er avril 1937 à Roclenge-sur-Geer, dans la Province de Liège (Belgique). Son père est d'origine wallonne, sa mère d'origine flamande. Son enfance, dans le climat d'un catholicisme rural, est marquée par les bombardements, les crues du Geer, la guerre scolaire belge, l'horreur qu'il éprouve devant les bêtes égorgées par son père, boucher de profession. Il est brillant élève à l'école communale du village et au cathéchisme de la paroisse. Pensionnaire au Collège de Visé à partir de 1949, puis à celui d'Herstal, il poursuit des études secondaires gréco-latines et, tenté par la prêtrise, entre en 1957 au séminaire de Saint-Trond. Tandis que sa mère meurt en 1959, il étudie la philosophie et la théologie à l'Université catholique de Louvain.
Ayant rencontré de jeunes étudiants du Tiers monde qui lui font découvrir sa réalité économique, scandalisé par la guerre d'Algérie, impressionné par les grandes grèves insurrectionnelles de la classe ouvrière en Wallonie durant l'hiver 1960-1961, il réfléchit sur les problèmes de la décolonisation de l'Afrique et la révolution engagée par Fidel Castro, et se pose le problème de l'action politique. Traversant une crise religieuse, philosophique et morale, il interrompt ses études et renonce à entrer dans les ordres.
Comme de nombreux représentants de sa génération, Conrad Detrez croit que la transformation du monde est possible à partir du tiers monde plus que de l'Europe. Se libérant de l'Église, de la famille, du village et de l'imminence d'un service militaire au Congo belge, il émigre en 1962 au Brésil. Après y avoir obtenu une licence de Lettres, il enseigne à Rio de Janeiro dont le climat érotique et la liberté des mœurs provoquent un violent éveil, sous la double forme homosexuelle et hétérosexuelle, de sa sensualité. Il y fait du journalisme, milite dans le parti d'opposition “Movimiento Democratico Brasiliero” résistant, principalement sous l'action de Carlos Marighella, au régime dictatorial du général Castello Branco qui a renversé le président Goulart en 1964. Il est emprisonné en février 1967 durant six jours, torturé puis expulsé. Revenu l'année suivante au Brésil, il s'engage dans la lutte clandestine de l'opposition castriste, mais, se sentant menacé, quitte le pays.
Revenu en Europe, en Belgique et en France, Conrad Detrez séjourne à Paris au milieu de la contestation de 1968. En 1970 Pour la libération du Brésil, écrit en collaboration avec Carlos Marighella, est interdit par le ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, qui utilise un décret du 6 mai 1939 sur les nécessités de la défense nationale, puis publié sous les noms des 23 plus importants éditeurs français qui se déclarent solidairement responsables.
Condamné à deux ans de prison par le tribunal militaire de Rio de Janeiro, dans le sentiment d'un d'échec non seulement dans son espoir révolutionnaire mais encore dans sa vie affective, son homosexualité le marginalisant dans la société très conformiste de l'époque, Conrad Detrez se retire en Algérie comme professeur dans un lycée de province, à Sour El-Ghozlane (Wilaya de Bouira) où enseigne également Vital Lahaye. Ayant rencontré la psychanalyse et découvert pour son enseignement l'écriture dépouillée des premières œuvres de Mohamed Dib, il y travaille à son premier roman, Ludo, « autobiographie hallucinée » dans laquelle il entreprend de reconstituer l'itinéraire de son enfance.
En 1972 Conrad Detrez revient à Bruxelles, achève Ludo, poursuit le récit de son parcours ,à travers l'adolescence, dans un deuxième roman, Les Plumes du coq. Ce roman est l'un des rares romans wallons - en fait probablement le seul - qui, à la manière fantastique de Detrez, prend comme toile de fond la Question royale et où l'auteur se dépeint comme affrontant (dans le camp catholique) les casquettes de la classe ouvrière wallonne opposée au retour de Léopold III. L'ouvrage est en quelque sorte dédié aux victimes de la fusillade de Grâce-Berleur. Nommé en 1975 correspondant de la Radio-Télévision Belge à Lisbonne il rend compte depuis le Portugal de la “Révolution des œillets”. En 1978 il s'installe à Paris, collaborant au “Matin” et au “Magazine littéraire”. La même année son troisième roman, qui retrace la suite de sa vie entre 18 et 30 ans, obtient le Prix Renaudot.
Amnistié par le gouvernement, Conrad Detrez retourne au Brésil en 1980 et l'évoque à nouveau dans un essai, les Noms de la tribu. Naturalisé français le 28 mars 1982, il est nommé en septembre attaché culturel à Managua, au Nicaragua, cadre de son dernier roman, La ceinture de feu. Il y demeure jusqu'en septembre 1984, subissant les premières atteintes du sida. Rentré à Paris, Conrad Detrez y meurt le 12 février 1985.
[modifier] Citation
« Or moi je veux voir . Je demande des paysages, des climats, du fantastique, je veux des visions. Moi je veux que sur tout : châteaux, campagnes, que sur Paris et sa banlieue, sur le désert ou la banquise, que sur Bruxelles ou Managua, on me donne un regard , on m'en impose un autre, à l'occasion plus incisif, qui renouvelle le mien. Je veux qu'on me fasse sentir le temps, la femme, le passage d'un train, comme jusque-là, jamais, je ne les avais sentis. Ou alors, au moins, qu'on m'apprenne des choses neuves : sur Jésus, Lénine, La Callas ou sur moi. Je veux qu'un auteur ouvre en moi mes propres abîmes. »
- extrait de Romans vides, romans pleins, texte adressé quelque temps avant sa disparition par Conrad Detrez au journal "Le Monde" et publié le 14 février 1985.
[modifier] Bibliographie
[modifier] Romans
- Ludo, roman, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1974; Bruxelles, Editions Labor, 2003.
- Les Plumes du coq, roman, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1975; Paris, Le Livre de poche, 1982; rééditions, 1995, 2006.
- L'Herbe à brûler, roman, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1978 (Prix Renaudot); Paris, Le Livre de poche; Bruxelles, Editions Labor, 2003.
- La Lutte finale, roman, Paris, Editions Balland, 1980; réédition, 1996; Paris, Le Livre de poche, 1982.
- Le Dragueur de Dieu, roman, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1980; réédition, 1994.
- La Guerre blanche, roman, Paris, Editions Calmann-Lévy, 1982; réédition, 1994.
- La Ceinture de feu, roman, Paris, Gallimard, 1984.
- La Mélancolie du voyeur, préface d'Hector Bianciotti, Paris, Editions Denoël, 1986.
[modifier] Essai
- Pour la libération du Brésil, essai, en collaboration avec Carlos Marighella, Paris, Le Seuil, 1970.
- Les Mouvements révolutionnaitres en Amérique latine, essai, Bruxelles, Vie ouvrière, 1972.
- Les Noms de la tribu, essai, Paris, Editions du Seuil, 1981.
[modifier] Poésie
- Le Mâle apôtre, poèmes, Paris, Editions Persona, 1982.
[modifier] Traductions du portugais
- Les Pâtres de la nuit, roman de Jorge Amado, Paris, Editions Stock, 1970; réédition, Paris, Le Livre de poche.
- Révolution dans la paix, essai de Don Helder Camara, Paris, Editions du Seuil, 1970.
- Mon pays en croix, roman d'Antonio Callado, Paris, Editions du Seuil, 1971.
[modifier] Entretien
- Jean-Marc Barroso, Fièvres et combats de Conrad Detrez, in "Le Monde Dimanche", Paris, 23 mars 1980.
[modifier] Lien externe
- Conrad Detrez sur le site du Service du livre Luxembourgeois [1]
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