Gérard de Nerval
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Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie, est un poète français, né à Paris le 22 mai 1808, mort à Paris le 26 janvier 1855.
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[modifier] Biographie
Gérard de Nerval est né le 22 mai 1808 à Paris. Deux ans plus tard, sa mère meurt en Silésie alors qu'elle accompagnait son mari, médecin militaire de la Grande armée napoléonienne. Il fut élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, dans la campagne du Valois à Mortefontaine. Installé à Paris en 1814, lors du retour de son père, il revint régulièrement dans ces lieux évoqués dans nombre de ses nouvelles.
Encore lycéen, il se signala par ses traductions de Faust et autres œuvres de Goethe, qui restent parmi les meilleures jamais exécutées. La première de celles-ci fut simplement signée "Gérard". Elle parut en novembre 1827 et ne porte que sur la première partie du chef-d'œuvre, la seule connue alors. Goethe apprécia grandement son travail et remarqua son inspiration, allant jusqu'à dire qu'il aurait écrit sa pièce ainsi s'il avait dû l'écrire en français. Berlioz s'en inspira pour La Damnation de Faust.
Il se lia d'amitié avec Théophile Gautier et Victor Hugo. Il devint avec Petrus Borel un des premiers membres des Jeunes-France. Il prit part activement, du côté des "modernes", à la bataille d’Hernani déclenchée le 25 février 1830 autour de l'œuvre d'Hugo. Vers 1835, il s'installa rue du Doyenné chez Camille Rougier : tout un groupe romantique s'y retrouvait : ce fut le temps de la " Bohême galante" ou "Bohême dorée". Il décrira cette époque dans un ouvrage sur le théâtre contemporain paru en 1852.
Épris de l'actrice Jenny Colon, Nerval lui voua un culte idolâtre qui prit des formes nouvelles à la mort de celle-ci : figure de la Mère perdue, mais aussi de la Femme idéale où se mêlent, dans un syncrétisme caractéristique de la pensée de Nerval, Marie, Isis, la reine de Saba... Il connut à partir de 1841 plusieurs crises de démence qui le conduisirent à la maison de santé du docteur Blanche. Dès lors ses séjours dans cet établissement alternèrent avec ses voyages, en Allemagne, au Moyen-Orient. Son Voyage en Orient sera publié en 1851. Dans les années 1844 à 1847, Nerval voyagea beaucoup (Belgique, Hollande, Londres, environs de Paris) et rédigea des reportages et impressions de voyages correspondants. En même temps, il travailla comme nouvelliste et auteur de livrets d'opéra ainsi que comme traducteur des poèmes de Heinrich Heine qui était son ami (recueil imprimé en 1848). Ses dernières années furent marquées par la détresse matérielle et morale, et par l'écriture de ses principaux chefs-d'œuvre, réalisés pour se purger de ses émotions sur les conseils du docteur Blanche : les Filles du feu, Aurélia ou le rêve et la vie (1853-1854). On le retrouva pendu à une grille d'un bouge, rue de la Vieille-Lanterne, le 26 janvier 1855, dans le « coin le plus sordide qu'il ait pu trouver », comme l'a noté Baudelaire.
[modifier] Influence postérieure
L'insistance de Nerval sur la signification des rêves eut une influence sur le mouvement surréaliste qui fut soulignée par André Breton. Dans sa dédicace à Alexandre Dumas pour les filles du feu, Nerval évoque " l'état de rêverie super-naturaliste " qui fut le sien lorsqu'il écrivit les sonnets des Chimères.
Marcel Proust et René Daumal furent aussi grandement influencés par cette œuvre majeure.
Antonin Artaud vit en Nerval un suicidé de la société, laquelle fut selon lui "occultement liguée contre sa conscience".
On peut se demander si Arthur Rimbaud, qui fait référence à la traduction de Faust, a lu Aurélia qui parut dans La Revue des Deux Mondes. Certaines similarités dans le rythme et les images permettent de l'envisager. Par exemple, lorsque Nerval écrit "l'étoile qui chatoyait d'un double éclat tour à tour bleue et rose", Rimbaud écrit un poème qui commence par ce vers : "L'étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles".
[modifier] Un chef-d'œuvre : Sylvie
C'est une autobiographie déguisée où, derrière un narrateur fictif s'exprimant à la première personne, Nerval recompose des souvenirs d'enfance et sa quête vaine d'un bonheur simple et réconcilié. Un entrefilet dans un journal plonge brutalement le narrateur dans des souvenirs de fêtes villageoises près de Senlis. Il décide de quitter Paris sur l'heure et au cours du trajet qui le mène à Loisy, il se remémore sa jolie compagne d'alors, la brune Sylvie, et la mystérieuse Adrienne, aperçue un soir au milieu d'une ronde de jeunes filles, et jamais oubliée depuis. Les années ont passé, néanmoins, et sitôt arrivé, le narrateur ne peut que constater le naufrage du temps : Sylvie se moque gentiment de ses obsessions et si l'ombre d'Adrienne plane encore non loin de l'abbaye de Châalis, elle est morte depuis longtemps déjà. Seul le narrateur poursuit ses chimères et prétend confondre l'actrice Aurélie dont il est épris avec ce fantôme. Alors peut-être la sage Sylvie le sauverait-elle en lui offrant une vie sans nuages ? Mais elle est gantière et en voie d'épouser un pâtissier. La construction de cette brève nouvelle est très habile, ménageant des ponts incessants entre le passé et le présent. Les thèmes chers à Nerval s'y déploient avec une étonnante concentration : le pouvoir rédempteur de la Femme, assimilée à la Mère trop tôt perdue ; les charmes d'une province oubliée par le temps, parsemée de châteaux magiques et de bois profonds hantés du souvenir de Jean-Jacques Rousseau, qui passa là ses dernières années; les sortilèges du rêve enfin, et de la mémoire, par lesquels le narrateur affirme une formelle défiance à l'égard du monde réel.
[modifier] Anecdotes
- On vit un jour Gérard se promener en tenant en laisse un homard dans les galeries du Palais-Royal. Alors qu'on l'interrogeait sur le pourquoi de cet acte, il aurait répondu : " J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas… " Les critiques et les biographes voient généralement dans cet épisode un des signes précurseurs de la folie qui allait frapper le poète. Roger Mazelier, dans Gérard de Nerval et l'humour divin, avance une autre hypothèse : il pourrait s'agir d’une volonté d'établir une "parfaite métathèse phonique" pour signifier l' amor (l'amour) ou/et d'une allusion à Omar Ier et à son lieutenant Amrou, que l'on accusa d'être les instigateurs du dernier incendie de la bibliothèque d'Alexandrie. Dans la première lettre d’Angélique, Gérard affirme d'ailleurs vouloir "venger la mémoire de l'illustre calife".
- Alors qu'on l'accusait d'être impie, Gérard s'exclama : "Moi, pas de religion ? J'en ai dix-sept !"
- Au bas d'un portrait photographique de lui, Gérard de Nerval écrivit : "Je suis l'autre".
[modifier] Citations
- « J'arrange volontiers ma vie comme un roman. »
- « Cette vie est un bouge et un mauvais lieu. J'ai honte que Dieu m'y voie. »
- « Ne m'attends pas ce soir car la nuit sera noire et blanche. », mot laissé à sa tante le soir de son suicide.
- « Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé »
- « Je sortais d'un théâtre où tous les soirs je paraissais aux avant-scènes en grande tenue de soupirant. Quelquefois tout était plein, quelquefois tout était vide... »
- « Elle ressemblait à la Béatrice de Dante qui sourit au poète errant sur la lisière des saintes demeures. »
- « Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai jamais pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. »
[modifier] Œuvres principales
- Voyage en Orient (1851)
- La Bohème galante (1852)
- Lorely, souvenirs d’Allemagne (1852)
- Les Illuminés (1852)
- Petits Châteaux de Bohème (1853)
- Les Filles du feu : Angélique, Sylvie, Jemmy, Isis, Émilie, Octavie, Pandora, Les Chimères (1854)
- Promenades et souvenirs (1854)
- Aurélia ou le Rêve et la vie (1855)
[modifier] Œuvres diverses
- Napoléon et la France guerrière, élégies nationales (1826)
- Napoléon et Talma, élégies nationales nouvelles (1826)
- L’académie ou les membres introuvables (1826), comédie satirique en vers
- Le peuple (1830), ode
- Nos adieux à la Chambre des Députés ou « allez-vous-en, vieux mandataires » (1831)
- La main de gloire, histoire macaronique (1832)
- Piquillo (1837), drame
- L’alchimiste (1839), drame
- Léo Burckart (1839), drame
- Scènes de la vie orientale (1846-1847)
- Le marquis de Fayolle (1849)
- Les Monténégrins (1849), drame
- Le diable rouge, almanach cabalistique pour (1850)
- Le chariot d’enfant (1850), drame
- Les confidences de Nicolas (1850)
- Les nuits du Ramazan (1850)
- Les faux saulniers, histoire de l’abbé de Bucquoy (1851)
- L’imagier de Harlem (1852), drame
- Conte et facéties (1852)
- Odelettes
- Une allée du Luxembourg
- Les Chimères (1854)
[modifier] Traductions
[modifier] Bibliographie
- Les écrivains célèbres, Tome III, le XIX et le XXe siècles – Editions d’art Lucien Mazenod.
- Jean Richer, Gérard de Nerval et les doctrines ésotériques, Paris, Le Griffon d'Or, 1947
- Jean Richer, Gérard de Nerval, expérience vécue et création ésotérique, Paris, Guy Trédaniel, 1987, 397 p.
- Léon Cellier, Nerval, Paris, Hatier, 1974
- Jean-Paul Bourre, Gérard de Nerval, Bartillat, Paris, 2001.
- Corinne Bayle Gérard de Nerval, La marche à l'Étoile, Champ Vallon, 2001
[modifier] Liens extérieurs
- Gérard de Nerval sur le site Magister : oeuvres, études, liens.
- Centre de Recherches Gérard de Nerval
- Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Le Moniteur, 25 février 1854.
- Guillaume Apollinaire rapporte des anecdotes sur Gérard de Nerval
- Saint-Martin et ses lecteurs : Histoire d'une réception par Nicole JACQUES-LEFÈVRE et Antoine FAIVRE avec la participation d'André BOYER, Léon CELLIER, Jacques FABRY et Stéphane MICHAUD
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