Intégrale de Lebesgue
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En mathématiques dans la branche de l'analyse réelle, l'intégrale de Lebesgue est une intégrale représentative d'une théorie qui étend la notion d'intégrale représentant l'aire du domaine sous la courbe d'une fonction pas forcément définie sur .
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[modifier] Introduction
En mathématiques, l'intégration est souvent présentée comme le procédé permettant de calculer l'aire du domaine Sf sous la courbe représentative d'une fonction f. Il s'agit de l'intégrale de Riemann.
Lebesgue a généralisé cette intégrale à l'intérieur de ce qui est la théorie de l'intégration de Lebesgue. Son approche présente l'avantage essentiel de faciliter la démonstration des théorèmes de passage à la limite. De tels théorèmes sont utiles, par exemple, dans l'étude des séries de Fourier et des transformées de Fourier. Ajoutons que cette théorie fournit une plus grande classe de fonctions intégrables.
[modifier] Historique
Avant Henri Lebesgue, la théorie de l'intégration s'appuyait sur l'intégrale de Riemann, mais celle-ci était plutôt insatisfaisante pour diverses raisons : problème de définition efficace des intégrales dites impropres, difficulté à établir des théorèmes de convergence...
En créant son intégrale, Lebesgue l'a lui-même comparée à l'intégrale de Riemann : « Imaginez que je doive payer une certaine somme ; je peux sortir les pièces de mon porte-monnaie comme elles viennent pour arriver à la somme indiquée, ou sortir toutes les pièces et les choisir selon leur valeur. La première méthode est l'intégrale de Riemann, la deuxième correspond à mon intégrale. » Pour expliquer cette phrase, on peut préciser que l'intégration de Riemann « parcourt » le segment et mesure la « hauteur » de la fonction au fur et à mesure, tandis que l'intégrale de Lebesgue considère la « taille » des ensembles de niveau {f = y}.
Cette théorie s'est avérée particulièrement féconde. Elle a permis (via la théorie des tribus) de formaliser les probabilités, de définir de nombreux espaces fonctionnels extrêmement importants et a marqué le début de la théorie de la mesure.
La théorie de l'intégrale de Lebesgue reste tout de même relativement complexe (inabordable avant la 3e année de licence en France), mais, peut-être parce que Lebesgue était Français, elle est très populaire en France et quasiment tout étudiant de mathématiques finit par la rencontrer.
[modifier] Construction formelle
Soit μ une mesure positive sur une σ-algèbre X au-dessus d'un ensemble E. (En analyse réelle, E désigne l'espace euclidien de dimension n, ou des sous-ensembles de celui-ci mesurables au sens de Lebesgue; X désigne la sigma-algèbre de tous les sous-ensembles de E mesurables au sens de Lebesgue, et μ la mesure de Lebesgue. En probabilité et en statistique, μ est une probabilité sur un espace probabilisable E.) Nous construisons l'intégrale des fonctions à valeurs réelles définies sur E de la manière suivante :
Soit S une partie de X et soit f la fonction définie sur E qui vaut 0 en dehors de S et 1 sur S (i.e., f(x) = 1 si x est dans S, f(x) = 0 sinon.) Cette fonction est appelée fonction indicatrice ou fonction caractéristique de S et est notée 1S.
Pour donner une valeur à ∫1S conforme à la mesure donnée μ, on pose raisonnablement :
Nous étendons par linéarité à l'espace vectoriel engendré par les fonctions indicatrices :
où la somme est finie et les coefficients a k sont des nombres réels. Une telle combinaison linéaire finie de fonctions indicatrices s'appelle une fonction étagée. Remarquons qu'une fonction étagée peut être écrite de plusieurs façons comme une combinaison linéaire de fonctions caractéristiques, mais l'intégrale sera toujours la même.
Maintenant les difficultés commencent quand nous tentons de passer à la limite pour pouvoir intégrer des fonctions plus générales. Quelles sont les limites de fonctions étagées et peut-on définir leur intégrale ? Le procédé suivant fonctionne et contourne le problème.
Soit f une fonction positive définie sur E (nous lui permettons d'atteindre la valeur + ∞, en d'autres termes, f prend des valeurs dans la droite réelle achevée.) Nous définissons ∫f comme étant la borne supérieure de ∫s où s varie dans l'ensemble de toutes les fonctions étagées qui sont inférieures à f (c'est-à-dire que pour tout x, s(x) ≤ f(x).) Cette définition est analogue à celle des sommes inférieures de Riemann. Cependant, nous ne construirons pas de somme supérieure, et ce fait est important pour obtenir une classe plus générale de fonctions intégrables. Pour être plus explicite, on peut mentionner la mesure et le domaine d'intégration:
Vous pouvez vous demander si cette définition a un sens (est-ce que les fonctions étagées gardent la même intégrale ?) Vous pouvez aussi vous demander si ceci correspond dans tous les cas à la même notion d'intégrale de Riemann. Il n'est pas du tout difficile de prouver que la réponse aux deux questions est oui.
Nous avons défini ∫f pour toute fonction positive définie sur E; cependant pour certaines fonctions, ∫ f sera infinie. De plus, les propriétés attendues d'addition et de limite des intégrales ne sont pas satisfaites, à moins que nous n'exigions que toutes nos fonctions soient mesurables, i.e. que la pré-image (ou image réciproque) de tout intervalle soit dans X. Nous ferons dorénavant cette hypothèse.
Pour traiter les fonctions signées, nous avons besoin de définitions supplémentaires. Si f est une fonction mesurable sur l'ensemble E à valeurs réelles (ou ± ∞), alors nous pouvons écrire f = g - h où g(x) = (f(x) si f(x)>0, 0 sinon) et h(x) = (-f(x) si f(x) <0, 0 sinon). Remarquons que les deux fonctions g et h sont positives. Aussi remarquons que |f| = g + h. Si ∫|f| est finie, alors f est dite intégrable au sens de Lebesgue ou sommable. Dans ce cas, les deux intégrales ∫g et ∫h sont finies, et cela a un sens de définir ∫f par ∫g - ∫h.
Les fonctions à valeurs complexes peuvent être intégrées de la même manière, en considérant la partie réelle et la partie imaginaire séparément.
[modifier] Théorèmes
Toute notion d'intégrale doit raisonnablement être linéaire et monotone, et l'intégrale de Lebesgue possède ces propriétés: si f et g sont des fonctions intégrables et a et b sont des nombres réels, alors af + bg est intégrable et ∫(af + bg) = a∫f +b∫g; si f ≤ g, alors ∫f ≤ ∫g.
Deux fonctions qui diffèrent seulement sur un ensemble de mesure μ nulle ont la même intégrale, ou plus précisément: si μ({x : f(x) ≠ g(x)}) = 0, alors f est intégrable si et seulement si g est intégrable, et dans ce cas ∫ f = ∫ g.
L'un des avantages les plus importants que l'intégrale de Lebesgue procure par rapport à l'intégrale de Riemann est la facilité avec laquelle nous pouvons passer à la limite. Nous allons donner ici trois des théorèmes les plus utilisés:
Le théorème de convergence monotone déclare que si (f k) est une suite de fonctions mesurables positives telles que pour tout k, fk(x) ≤ fk+1(x) et si f = lim fk, alors la suite de terme général ∫fk converge vers ∫f (remarque: ∫f peut être infinie ici).
Le lemme de Fatou déclare que si (f k) est une suite de fonctions mesurables positives et si f = liminf fk, alors ∫f ≤ liminf ∫fk (à nouveau, ∫f peut être infinie).
Le théorème de convergence dominée déclare que si (f k) est une suite de fonctions mesurables de limite ponctuelle f, et s'il existe une fonction intégrable g telle que pour tout k, |f k| ≤ g, alors f est intégrable et la suite de terme général ∫fk converge vers ∫f.
[modifier] Voir aussi
- Ensemble de mesure nulle
- Henri Léon Lebesgue
- Intégrale, mesure
- σ-algèbre
- Mesure de Lebesgue
- Probabilité
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