Traite arabe
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La traite désigne le commerce des êtres humains considérés comme des esclaves. Elle concerne toutes les périodes de l'Histoire ainsi que toutes sortes de populations, mais sa source la plus importante se trouve en Afrique. En général, il s'agit de la traite des Noirs, mais, en fonction de l'époque et de l'aire géographique considérée, on distingue plusieurs types de traites.
La traite orientale a concerné un territoire qui déborde de l'aire arabe ; les négriers n'étaient ni exclusivement musulmans, ni arabes : Persans, Berbères, Indiens, Javanais, Malais, Chinois et Noirs ont participé à ces entreprises, à des degrés plus ou moins grands. Ainsi, une inscription trouvée à Java Est et datée de 860 après J.-C., mentionne, dans une liste de domestiques, la présence de "Jenggi", c'est-à-dire de "Zenj". Une inscription javanaise ultérieure parle d'esclaves noirs offerts par un roi javanais à la cour impériale de Chine.
D'un point de vue centré sur l'Occident, le sujet s'assimile à la traite orientale. Celle-ci a suivi deux types d'itinéraires au Moyen Âge :
- les routes terrestres à travers les déserts du Maghreb et du Machrek d'une part (itinéraire transsaharien) ;
- les routes maritimes à l'est de l'Afrique (Mer Rouge et Océan Indien) d'autre part (itinéraire oriental).
Elle n'a pas eu les mêmes destinations que la traite transatlantique : elle a alimenté en esclaves noirs le monde musulman qui, à son apogée, s'étend sur trois continents, de l'océan Atlantique (Maroc, Espagne) à l'Inde et l'est de la Chine. Elle a été plus étalée dans le temps : elle commence dès le Moyen Âge et s'arrête au début du XXe siècle : le dernier marché aux esclaves est fermé au Maroc en 1920[1] ; environ 1/3 des Éthiopiens[2] étaient des esclaves en 1923.
Sommaire |
[modifier] Sources et historiographie de la traite orientale
[modifier] Un sujet récent et soumis à controverse
L'Histoire de la traite soulève de nombreux débats parmi les historiens. Les spécialistes s'interrogent en premier lieu sur le nombre d'Africains déportés. La question est difficile à résoudre à cause du manque de statistiques fiables : il n'existe aucun recensement systématique en Afrique au Moyen Âge, alors que les archives sont beaucoup plus fournies en ce qui concerne la traite atlantique (XVIe–XVIIIe siècles), bien que les livres de compte aient été souvent falsifiés. L'historien doit utiliser des documents narratifs et imprécis et faire des estimations soumises à caution : Luiz Felipe de Alencastro[3] annonce 8 millions d'esclaves africains déportés entre le VIIIe et le XIXe siècle par la traite orientale et transsaharienne. Olivier Pétré-Grenouilleau a avancé le chiffre de 17 millions de Noirs réduits à l'esclavage (pour la même période et la même aire) sur la base des travaux de Ralph Austen[4] - ce dernier évaluant la marge d'erreur de ses estimations à 25 %. D'autres sources[5] évoquent un total de plus de 4,5 millions d'esclaves noirs déportés hors d'Afrique par la traite orientale rien qu'au XIXe siècle.
Pour certains, évoquer le passé négrier des musulmans revient à essayer de minimiser la traite transatlantique. Pourtant, « la traite vers l'Océan Indien et la Méditerranée est bien antérieure à l'irruption des Européens sur le continent » [6]. Paul Bairoch avance le chiffre de 25 millions de Noirs ayant subi la traite orientale contre 11 millions ayant subi celle des occidentaux[7].
Le deuxième obstacle à l'histoire de la traite orientale est celui des sources. Des documents étrangers aux cultures africaines sont à notre disposition : ils sont écrits par des lettrés qui s'expriment en arabe et nous proposent un regard partial et souvent condescendant sur le phénomène étudié. Il est vrai que depuis quelques années, la recherche historique sur l'Afrique connaît un formidable essor, grâce à l'utilisation de nouvelles méthodes et à de nouveaux questionnements. L'historien croise les apports de l'archéologie, de la numismatique, de l'anthropologie, de la linguistique et de la démographie pour pallier les carences de la documentation écrite.
[modifier] Sources médiévales musulmanes
Elles sont classées dans l'ordre chronologique ; les premiers lettrés du monde arabe ne se sont jamais rendus en Afrique noire avant le XIVe siècle. Ils reprennent donc souvent les légendes et les préjugés sur les Africains et perpétuent les géographes de l'Antiquité (Hérodote, Pline l'Ancien ou encore Ptolémée).
- Al Masudi (mort en 957), Muruj adh-dhahab ou Les prairies d'or, qui est le manuel de référence des géographes et des historiens du monde musulman. Il a beaucoup voyagé à travers le monde arabe ainsi qu'en Extrême-Orient.
- Ya'qubi (IXe siècle), Livre des pays
- Al-Bekri, auteur du Routier de l'Afrique blanche et noire du nord-ouest, rédigé à Cordoue vers 1068, nous renseigne sur les Berbères et leurs activités ; il a recueilli des témoignages sur les routes caravanières du Sahara.
- Al Idrisi (mort vers 1165), Description de l'Afrique et de l'Espagne
- Ibn Battûta (mort en 1377), le premier géographe de culture musulmane à se rendre en Afrique subsaharienne, à Gao et à Tombouctou ; son ouvrage principal s'intitule Présent à ceux qui aiment à réfléchir sur les curiosités des villes et les merveilles des voyages.
- Ibn Khaldoun (mort en 1406), historien et philosophe d' Afrique du Nord. Certains le considèrent comme l'historien des sociétés arabe, berbère et perse. Il est l'auteur des Prolégomènes historiques et d'une Histoire des Berbères.
- Ahmad al-Maqrîzî (mort en 1442), historien égyptien, on lui doit notamment une description des marchés du Caire.
- Léon l'Africain (mort en 1548), auteur d'une précieuse description de l'Afrique
- Rifa'a al-Tahtawi (mort en 1873), qui traduisit des ouvrages médiévaux de géographie et d'histoire. Son œuvre porte surtout sur l'Égypte musulmane.
- Joseph Cuoq, Recueil des sources arabes concernant l'Afrique occidentale du VIIIe au XVIe siècle, Paris, 1975.
[modifier] Textes européens (XVIe-XIXe siècles)
- Joao de Castro, Roteiro de Lisboa a Goa, 1538
- Moreau de Charbonneau, administrateur et explorateur français du Sénégal au XVIIe siècle : De l'origine des Nègres d'Afrique
- James Bruce, (1730-1794), Travels to Discover the Source of the Nile , 1790
- René Caillié, (1799-1838), Journal d'un voyage à Tombouctou
- Henry Morton Stanley, (1841-1904), A travers le continent mystérieux, 1878
[modifier] Autres sources
- Tradition orale africaine
- Chronique de Kilwa (Afrique orientale), XVIe siècle
- Numismatique : analyse des trésors et de la diffusion des monnaies.
- Archéologie : architecture des comptoirs et des villes de la traite
- Iconographie : miniatures arabes et persanes des grandes bibliothèques
- Gravures des ouvrages européens de l'époque moderne et contemporaine
- Photographies, à partir du XIXe siècle
[modifier] Le contexte historique et géographique de la traite orientale
Il convient de rappeler brièvement dans quel espace et quelle époque se manifeste la traite orientale et transsaharienne. Il n'est pas question de détailler l'histoire du monde arabo-musulman, ni celle de l'Afrique noire, mais de poser quelques repères qui facilitent la compréhension de la traite dans cette partie du monde.
[modifier] Le monde arabo-musulman
La religion musulmane apparaît au VIIe siècle de l'ère chrétienne. En une centaine d'années, elle se diffuse rapidement à l'ensemble du bassin méditerranéen portée par les Arabes qui conquièrent l'Afrique du nord occupée de longue date par les Berbères. Rapidement convertis, ces derniers étendent la domination musulmane à la péninsule ibérique où ils prennent la place du royaume wisigoth. Les Arabes intègrent l'Asie occidentale et défont les Byzantins et les Perses sassanides. Ces régions sont donc diverses par leur peuplement et connaissaient déjà l'esclavage et la traite des Africains depuis l'Antiquité. Elles sont en partie unifiées par la culture arabo-musulmane, dont les fondements sont religieux et urbains ; elles utilisent l'arabe et le dinar dans les transactions commerciales. La Mecque en Arabie est la ville sainte vers laquelle tous les musulmans, quelle que soit leur origine, partent en pèlerinage. Les docteurs et les sages musulmans ont souvent encouragé les affranchissements[réf. nécessaire].
Après la chute de la dynastie des Omeyyades (750), le monde musulman se morcelle en plusieurs entités politiques (califats, émirats, sultanats) souvent rivales. Au XIe siècle, l'irruption des Turcs venus d'Asie centrale bouleverse la géographie du Proche-Orient et de l'Afrique du nord, avec l'instauration de l'empire ottoman (1299-1922).
La civilisation arabo-musulmane repose sur un réseau de villes et d'oasis aux fonctions de négoce développées dont le cœur est le marché (souk, bazar). Ces cités sont reliées entre elles par un système de routes qui traversent des régions semi-arides ou désertiques. Ces pistes sont parcourues par des convois et les esclaves noirs constituent une partie du trafic caravanier.
[modifier] L'Afrique (VIIIe–XIXe siècles)
À partir du VIIIe siècle, l'Afrique est dominée par les Arabo-berbères dans sa partie nord : l'Islam progresse vers le sud du continent par le Nil et par les pistes du désert.
Les densités du Sahara sont faibles. Cependant, il existe depuis l'Antiquité des cités qui vivent du commerce (sel, or, esclaves, tissus) et de l'agriculture irriguée : Tahert, Oualata, Sijilmassa, Zaouila, etc. Elles sont dirigées par des chefs berbères (Touaregs) ou arabes. Leur indépendance est relative et dépend de la puissance des états du Maghreb et de l'Égypte.
Au Moyen Âge, l'Afrique sub-saharienne est appelée Soudân par les Arabes, ce qui signifie « pays des Noirs ». Elle constitue un réservoir de main d'œuvre servile pour l'Afrique du Nord et l'Afrique saharienne. Cette région est marquée par la domination de plusieurs États : empire du Ghana, empire du Mali, royaume du Bornou-Kanem. Ces États comptent des villes prestigieuses qui prospèrent grâce à leur situation de carrefour : Tombouctou (Mali), Koumbi, Djenné, Gao, etc.
En Afrique orientale, le littoral de la mer Rouge et de l'Océan Indien est sous le contrôle des musulmans, et les marchands arabes sont nombreux sur le littoral. La Nubie est déjà dans l'Antiquité une zone d'approvisionnement en esclaves. La côte éthiopienne, surtout la porte de Massaoua et l'archipel de Dahlac, a longtemps été un centre pour l'exportation des esclaves de l'intérieur, même sous l'ère d'Aksoum[8]
La dynastie salomonique d'Éthiopie exporte souvent des esclaves nilotiques de ses provinces frontières occidentales et aussi des provinces musulmanes récemment conquises[9]. Des sultanats musulmans, comme celui d'Adal envoient aussi des esclaves[10]. Sur la côte de l'Océan indien apparaissent également des postes de traite fondés par les Arabes et les Persans. L'archipel de Zanzibar, au large de la Tanzanie actuelle, est sans doute l'exemple le plus notoire de ces comptoirs. L'Afrique de l'Est et l'Océan Indien restent jusqu'au XIXe siècle une aire importante de la traite orientale. David Livingstone et Stanley sont alors les premiers Européens à pénétrer à l'intérieur du bassin du Congo et à découvrir l'ampleur de l'esclavage. L'Arabe Tippo Tip étend sa domination et fait de nombreux esclaves. Depuis l'implantation des Européens dans le golfe de Guinée, la traite transsaharienne devient moins importante. À Zanzibar, l'esclavage est aboli tardivement en 1897 sous le sultan Hamoud bin Mohammed.
Le reste de l'Afrique n'a pas de contact direct avec les négriers musulmans.
[modifier] Les acteurs de la traite orientale
Les esclaves noirs étaient capturés, transportés et achetés par des personnages très différents. La traite passait par une série d'intermédiaires et enrichissait une certaine partie de l'aristocratie musulmane.
L'esclavage se nourrissait des guerres entre peuples et États africains, ce qui donnait lieu à une traite interne. Les vaincus devaient un tribut constitué d'hommes et de femmes réduits en captivité. Sonni Ali Ber (1464–1492), empereur du Songhaï, a mené de nombreuses guerres pour étendre son territoire. Bien qu'il fût musulman, il n'a pas hésité à réduire en esclavage d'autres musulmans vaincus. La dynastie des Askia (Mali) a eu la même politique.
Aux VIIIe et IXe siècles, les califes avaient tenté d'organiser la colonisation des rivages africains de l'Océan indien à des fins commerciales. Mais ces établissements ont été éphémères, souvent fondés par des exilés ou des aventuriers. Le sultan du Caire envoyait des trafiquants d'esclaves pour opérer des raids sur les villages du Darfour. Face à ses attaques, les populations formaient des milices, érigaient des tours et des enceintes afin de protéger leurs villages.
[modifier] Buts de la traite et de l'esclavage
Les motifs économiques étaient les plus évidents. La traite occasionnait de grands profits pour ceux qui la maîtrisaient. Plusieurs cités se sont enrichies et ont prospéré grâce au trafic des esclaves, aussi bien dans le Soudân qu'en Afrique orientale. Dans le désert du Sahara, les chefs lancaient des expéditions contre les pillards de convois. Les souverains du Maroc médiéval avaient fait construire des forteresses dans les régions désertiques qu'ils dominaient, afin d'offrir des haltes protégées aux caravanes. Le sultan d'Oman a transféré sa capitale à Zanzibar, car il avait bien saisi l'intérêt économique de la traite orientale.
Il existait en outre des raisons sociales et culturelles à la traite : en Afrique subsaharienne, la possession d'esclaves était le signe d'appartenance à un haut rang social. Dans l'aire arabo-musulmane, les harems nécessitaient un « approvisionnement » en femmes.
Pour finir, il est impossible d'ignorer la dimension religieuse et raciste de la traite. Punir les mauvais musulmans ou les païens tenait lieu de justification idéologique à l'esclavagisme : les dirigeants musulmans d'Afrique du Nord, du Sahara et du Sahel lançaient des razzias pour persécuter les infidèles : au Moyen Âge, l'islamisation était en effet superficielle dans les régions rurales de l'Afrique. Les lettrés musulmans invoquaient la suprématie raciale des Blancs, qui se fondait sur le récit de la malédiction proférée par Noé dans l'Ancien Testament (Genèse 9:20-27). Selon eux, elle s'appliquait aux Noirs, descendants de Cham, le père de Canaan, qui avait vu Noé nu (une autre interprétation les rattache à Koush, voir l'article). Les Noirs étaient donc considérés comme « inférieurs » et « prédestinés » à être esclaves. Le mot arabe abid qui signifiait esclave est devenu à partir du VIIIe siècle plus ou moins synonyme de « Noir »[11]. Ces jugements racistes étaient récurrents dans les œuvres des historiens et des géographes arabes : ainsi, Ibn Khaldoun a pu écrire au XIVe siècle : « Les seuls peuples à accepter vraiment l'esclavage sans espoir de retour sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade de l'animal »[12]. À la même période, le lettré égyptien Al-Abshibi écrivait "Quand il [le Noir] a faim, il vole et lorsqu'il est rassasié, il fornique." [13].
[modifier] Géographie de la traite orientale
[modifier] Zones d'« approvisionnement »
Les marchands d'esclaves orientaux se fournissaient en Europe (traite des blancs). Les Danois (Varègues) s'implantaient dans la région de la Volga (notamment Volgograd) et négociaient des slaves capturés avec des marchands arabes et/ou musulmans, voire même juifs (voir l'article Radhanites). Les esclaves circassiennes étaient remarquées dans les harems et nombreuses sont les odalisques provenant de cette région sur les peintures orientalistes. Pour la composition des harems, des esclaves de confessions différentes que celle de l'Islam étaient appréciés, et ce pour tous les rôles (gardien, serviteur, odalisque, houri, musicien, danseur, nain de cour). Au IXe siècle à Bagdad, le calife Al-Amin possédaient environ 7 000 eunuques noirs (qui étaient complètement émasculés) et 4 000 eunuques blancs (qui était castrés)[14]. Dans l'empire ottoman, le dernier eunuque noir, l'Éthiopien Hayrettin Effendi, a été affranchi en 1918.
Les esclavons d'origine slave en al-Andalus provenaient des Varègues qui les avaient capturés. Ils étaient placés dans la garde du Calife et prenaient graduellement des positions importantes dans l'armée (ils devenaient les saqālibas), et allaient même remporter des taifas après la guerre civile ayant mené à l'implosion du califat occidental. Des colonnes d'esclaves alimentant les grands harems cordouan, sévillan et grenadin étaient constituées par des mercadères radhanites à partir des terres germaniques et du reste de l'Europe du Nord encore non contrôlé par l'empire carolingien. Ces colonnes traversaient le sillon rhodanien pour gagner les terres au sud des Pyrénées.
Sur les mers, les barbaresques opéraient sur ce trafic dès qu'ils pouvaient capturer des personnes en abordant les navires ou faisant des incursions sur les côtes.
La Nubie, l'Éthiopie et l'Abyssinie étaient aussi des régions « exportatrices » : au XVe siècle, des esclaves abyssins étaient présents en Inde où ils travaillent sur les navires ou comme soldats. Ils ont fini même par se révolter et par prendre le pouvoir (dynastie des rois Habshi dans le Bengale 1487-1493).
Le Soudân et l'Afrique saharienne constituaient une autre aire de « prélèvement », mais il est impossible d'en dire l'ampleur précise, faute de sources chiffrées.
Enfin, le trafic d'esclaves touchait l'Afrique de l'est, mais l'éloignement et l'hostilité des populations locales a ralenti l'essor de cette traite orientale.
[modifier] Les routes
Les pistes caravanières, aménagées à partir du IXe siècle, passaient par les oasis du Sahara : les déplacements étaient dangereux et pénibles à cause des contraintes climatiques et des distances. Les grands convois transportaient des esclaves depuis l'époque romaine mais aussi toutes sortes de produits qui servaient au troc. Contre les attaques des nomades du désert, des esclaves étaient employés à former une bonne escorte. Les esclaves qui ralentissaient la progression de la caravane étaient tués. D'après l'historien Ralph Austen[15], le taux de mortalité entre le moment de la capture et la vente était compris entre 6 et 20 % selon les parcours (le trajet vers le Maroc étant relativement peu meurtrier, alors que la traversée du Sahara en direction de la Libyee pouvait se solder par une hécatombe).
Les routes maritimes sont moins bien connues des historiens. Grâce aux documents iconographiques et aux récits de voyage, on imagine que le trajet se faisait sur des boutres et des jalbas, navires arabes qui servaient de moyens de transport en mer Rouge. La traversée de l'Océan Indien devait nécessiter plus de moyens et une organisation plus poussée que le transport terrestre. Les navires venant de Zanzibar faisaient escale sur les îles de Socotra ou d'Aden avant de se diriger vers le golfe Persique ou l'Inde. Les esclaves étaient vendus jusqu'en Inde et même en Chine : une colonie de marchands arabes était installée à Canton. Des négriers chinois achetaient des esclaves noirs (Hei-hsiao-ssu) à des intermédiaires arabes ou bien s'approvisionnaient directement sur les côtes de la Somalie actuelle[16]. Serge Bilé cite un texte du XIIe siècle qui nous apprend que "la plupart des familles aisées de Canton possédaient des esclaves noirs [...] qu'elles tenaient néanmoins pour des sauvages et des démons à cause de leur aspect physique"[17]. Les souverains chinois ont lancé au XVe siècle des expéditions maritimes vers l'Afrique orientale, menées par l'amiral Zheng He. Leur but était d'accroître leur influence commerciale.
[modifier] Le troc
Les esclaves étaient souvent troqués contre des objets de natures diverses : au Soudân, on les échangait contre des cotonnades, des objets de pacotille, des toiles, etc. Au Maghreb, ils étaient obtenus contre des chevaux. Dans les cités du désert, pièces de toile, vaisselle, perles de verre vénitiennes, produits tinctoriaux et bijoux servaient de moyen de paiement. La traite des Noirs s'insérait donc dans un réseau d'échanges diversifiés. À côté des pièces d'or, le cauri, un coquillage venant de l'océan indien ou de l'océan atlantique (Canaries, Luanda) servait également de monnaie dans toute l'Afrique noire (on achetait la marchandise en sacs de cauris).
[modifier] Les marchés et les foires aux esclaves
Les esclaves noirs étaient vendus dans les villes du monde musulman. En 1416, al-Maqrizi raconte que des pèlerins venus du Tekrour (près du fleuve Sénégal) avaient emporté avec eux 1700 esclaves à La Mecque. En Afrique du Nord, le Maroc, Alger, Tripoli et Le Caire étaient les principaux marchés d'esclaves. Les ventes avaient lieu sur les places publiques et dans les souks. Les acheteurs potentiels procédaient à un examen attentif de la « marchandise » : ils vérifiaient l'état de santé de la personne, présentée souvent nue et les mains liées. Au Caire, la transaction des eunuques et des concubines se fait dans des maisons privées. Le prix variait selon la qualité de l'esclave. Une femme blanche avait plus de valeur qu'une autre.
[modifier] Villes et ports impliqués dans la traite orientale
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[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
- Traite des noirs
- Traite des Blanches
- Monde arabo-musulman
- Révolte des Zanj
- articles généraux : traite, esclavage
- Malédiction de Cham
- esclavage aux Comores
[modifier] Bibliographie
[modifier] Ouvrages en français
- Serge Daget, De la traite à l'esclavage, du Ve au XVIIIe siècle, actes du Colloque international sur la traite des noirs, Nantes, Société française d'histoire d'Outre-Mer, 1985 ;
- Jacques Heers, Les Négriers en terre d'islam, Perrin, coll. « Pour l'histoire », Paris, 2003 (ISBN 2262018502) ;
- Murray Gordon, L'esclavage dans le monde arabe, du VIIe au XXe siècle, Robert Laffont, Paris, 1987 ;
- Bernard Lewis, Race et esclavage au Proche-Orient, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », Paris, 1993 (ISBN 2070727408) ;
- Olivier Petré-Grenouilleau, Les Traites oubliée des négrières, la Documentation française, Paris, 2003.
- François Renault, La Traite des Noirs au Proche-Orient médiéval, VIIe-XIVe siècle, Paris, Geuthner, 1989
- Giles Milton, Captifs en Barbarie - L'histoire extraordinaire des esclaves européens en terre d'Islam, Editeur Noir sur Blanc, Collection LITTÉRATURE VOYAGEUSE, 2006
- Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans: l'esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800), Editions Jacqueline Chambon, 2006 (ISBN : 2877113027 - EAN : 9782877113021)
[modifier] Revues en français
- Jean-Claude Deveau, « Esclaves noirs en Méditerranée », Cahiers de la Méditerranée, vol. 65, Sophia-Antipolis ;
- Olivier Petré-Grenouilleau, « La traite oubliée des négriers musulmans », dans L'Histoire, numéro spécial 280 S (octobre 2003), pages 48-55.
- Catherine Golliau, « La vérité sur l'esclavage », dans Le Point , mai 2006, n°1755.
[modifier] Ouvrages en anglais
- Edward A. Alpers, The East African Slave Trade, Berkeley, 1967 ;
- Allan G. B. Fisher, Slavery and Muslim Society in Africa, éd. C. Hurst, Londres, 1970 ;
- Ronald Segal, Islam's Black Slaves, Atlantic Books, Londres, 2002 ;
- Robert C. Davis, Christian Slaves, Muslim Masters: White Slavery in the Mediterranean, the Barbary Coast, and Italy, 1500-1800, Palgrave Macmillan, 2003.
[modifier] Liens externes
- (fr) Des extraits d'ouvrages sur la question
- (fr) L'Arabie et l'Afrique noire, une histoire entachée par la traite orientale
- (fr) La traite des Noirs, un problème pas uniquement transatlantique
- (fr) Herodote : l'esclavage en terre d'islam
- (fr) Islam et « esclavage » ou l’impossible « négritude » des Africains musulmans, article contenu dans Afrik.com, portail de la diaspora africaine francophone
[modifier] Notes et références
- ↑ Catherine Golliau, La vérité sur l'esclavage dans Le Point web du 4 mai 2006, n°1755
- ↑ Catherine Golliau, La vérité sur l'esclavage dans Le Point web du 4 mai 2006, n°1755
- ↑ Luiz Felipe de Alencastro, Traite, dans Encyclopædia Universalis, 2002, corpus 22, page 902.
- ↑ Ralph Austen, African Economic History, 1987.
- ↑ Catherine Golliau, La vérité sur l'esclavage dans Le Point web du 4 mai 2006, n°1755
- ↑ Catherine Coquery-Vidrovitch, Les Collections de l'Histoire, avril 2001.
- ↑ Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l'histoire économique, La Découverte, 1994
- ↑ Pankhurst, Richard. The Ethiopian Borderlands: Essays in Regional History from Ancient Times to the End of the 18th Century. Asmara, Eritrea: The Red Sea, Inc., 1997, pp.416
- ↑ Pankhurst. Ethiopian Borderlands, p.432
- ↑ Pankhurst. Ethiopian Borderlands, p.59
- ↑ Catherine Coquery Vidrovitch, « Le postulat de la supériorité blanche » dans Marc Ferro, Le livre noir du colonialisme, p.867
- ↑ Jacques Heers, Les négriers en terre d'islam, page 177.
- ↑ Bernard Lewis, Race et couleur en pays d'islam, Payot, page 40.
- ↑ Bernard Lewis, Race et couleur en pays d'Islam, p.15.
- ↑ African Economic History, Internal Development and External Dependency, Londres, Currey, 1987
- ↑ François Renault, Serge Daget, Les traites négrières en Afrique, Karthala, p.56
- ↑ Serge Bilé, La légende du sexe surdimmensionné des Noirs, éditions du Rocher, 2005, p.80.
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