Traite des Noirs
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La Traite des noirs a été "le commerce d'esclaves noirs" [1]. Plus précisément, "la traite des noirs est le trafic consistant à échanger des marchandises contre des noirs africains ou à les acheter pour les employer ou les revendre en qualité d'esclaves"[2]. Cette activité doit être distinguée de l'esclavage qui "consiste à exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété"[3]. Elle doit aussi être distinguée de la notion contemporaine de Trafic d'êtres humains.
La traite des noirs est un phénomène historique particulier et significatif de très grande ampleur et concernant l'ensemble des Sciences humaines en raison :
- des implications morales de ce trafic [4] qui, de par sa nature même, n'a pu s'exercer que dans le cadre d'une violence extrême,
- de sa durée (du VIIIè siècle à la fin du XIXème siècle),
- de la variété des acteurs concernés ainsi que de la variété de leurs motivations,
- de ses implications passées et de ses conséquences présentes,
- du sens systématique du flux des échanges : des êtres humains font l'objet d'un négoce (trafic)
- qui commence par des captures violentes (guerres, razzias, pillages, etc.) en Afrique noire
- suivies par une opération d'échange contre des marchandises ou du numéraire (or, argent)
- ainsi que d'opérations de transports sur de très longues distances (traversée du Sahara, de l'Atlantique, de la mer Rouge, etc.) à destination, très essentiellement :
- du monde musulman d'abord (dès le VIIè siècle et jusqu'au XXème siècle),
- puis vers le continent américain ensuite (du XVIè siècle au XIXè siècle),
- pour terminer par la réduction de ces êtres humains en esclaves et en main d'oeuvre servile (travail dans les plantations dans les Amériques, emplois domestiques et militaires, exploitation sexuelle, etc. pour les autres destinations)
- de l'intégration totale de cette activité dans le cadre des 1ers flux économiques mondiaux.
Ni l'esclavage, ni les trafics et commerces qui lui sont liés directement ou indirectement ne commencent avec la traite des noirs. Ils remontent très certainement à la nuit des temps historiques. Leurs formes actuelles sont connues sous le terme de Trafic d'êtres humains. Cependant, pour bien appréhender le phénomène de la traite des noirs, celui-ci doit être analysé dans ses dimensions propres et particulières (voir les motifs énumérés ci-dessus).
Sommaire |
[modifier] Histoire
Actuellement, la traite des noirs est comprise, analysée et discutée (cf) comme comportant deux moments :
- la traite dite orientale, à destination du monde musulman et ayant pour acheteurs des Arabes,
- la traite dite atlantique, à destination des Amériques et ayant pour acheteurs des Européens.
[modifier] La traite orientale
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La traite orientale est celle qui a duré le plus longtemps mais c'est celle qui structurellement demandait moins d'esclaves puisqu'ils étaient destinés à des tâches d'entretien des palais etc. et non à servir à valoriser une économie de plantations. Il est généralement admis qu'elle a été la plus importante en terme de nombre de noirs mis en esclavage. Le chiffre de 17 millions de noirs réduits à l'esclavage est avancé par l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau. Et cela sur une période allant du IXe siècle au XIXe siècle.
La traite orientale touchait principalement les femmes. Ces dernières servaient aux tâches domestiques et comme esclaves sexuelles. L'esclavagisme oriental ne se limitait pas uniquement aux noirs. D'autres "groupes raciaux" étaient aussi réduits en esclavage et vendus.
Les musulmans ont ainsi réduit en esclavage des millions de blancs, de noirs et d'arabes aussi. Cependant il faut noter qu'à partir du VIIIe siècle, les campagnes à l'encontre des populations noires sont de plus en plus fréquentes et intenses. On se souviendra de l'invasion de l'Égypte au VIIIe siècle, et du siège de la Nubie, cette dernière ayant résisté plusieurs siècles avant d'être conquise et islamisée.
[modifier] La traite intra-africaine
La traite africaine aurait touché, tout comme la traite orientale, les femmes principalement. Certains hommes noirs importants les auraient achetées pour en faire leur femme et avoir des enfants avec elles. Selon Olivier Pétré-Grenouilleau, principal tenant de cette thèse en France, cette traite aurait fait environ 14 millions de victimes.
[modifier] La traite atlantique
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La traite atlantique, la plus connue et la plus intense, est celle qui a été pratiquée par les Européens (Espagnols, Anglais puis Britanniques, Français, Néerlandais, Portugais, Danois etc.) et ensuite par les Américains. Cette traite est la plus connue car la plus récente et la mieux documentée. La traite atlantique commença en 1441, lorsque des Portugais ramènent dans leur pays les premiers esclaves noirs.
Comme du temps d’Athènes ou de Rome, l’économie méditerranéenne du Moyen Age, dominée par les puissances musulmanes, était esclavagiste. Elle reposait sur l’achat-vente d’êtres humains, aussi bien à des fins domestiques (concubines, eunuques), militaires (soldats, mercenaires), qu’à des fins de production (artisans, paysans). Mais les hommes-marchandises ainsi échangés et employés étaient indifféremment blancs ou noirs :
« les esclaves noirs d’Afrique commençaient à se multiplier, sur le littoral méditerranéen de l’Espagne et ailleurs. Dans les années 1250, les négociants mauresques proposaient déjà des esclaves noirs de Guinée dans les foires de Guimarães au nord du Portugal ; des Noirs acquis en Afrique du nord étaient revendus à Cadix à la fin de même siècle. En 1306, deux habitants de Cerbère, à la frontière franco-espagnole, vendirent à « Bernard Gispert, de Santa Colona de Queralt, en Catalogne, un « Sarrasin noir » nommé Alibez pour 335 sous. [5] »
A partir de 1453, avec la chute de Constantinople, on assiste à une éviction progressive des négociants européens par les Ottomans dans le commerce transméditerranéen. Une partie de ce personnel européen de l’économie méditerranéenne va se reconvertir dans l’économie atlantique balbutiante, initiée quelques décennies plus tôt par l’infant Dom Henrique, dont la première vente importante de captifs nègres razziés des côtes atlantiques avait eu lieu seulement dix ans auparavant, en 1444, dans la ville portugaise de Lagos [6].
Le Vénitien Alvise Ca Da Mosto est emblématique de ces reconversions : sa famille ayant connu un revers de fortune suite à la nouvelle donne économique méditerranéenne, il conçut le projet personnel d’aller se refaire dans le commerce transatlantique, à l’invitation de Dom Henrique avec qui il s’associa pour organiser deux expéditions en Afrique Noire, en 1455 et en 1456[7]. Donc, dès ses origines, la traite négrière entretient des corrélations systémiques avec l’économie esclavagiste méditerranéenne, doublement millénaire au XVe siècle.
D’une part, c’est en vue de contourner la mainmise musulmane sur les routes du commerce lointain avec l’Orient que Dom Henrique initie et finance l’exploration maritime des côtes atlantiques, à partir de 1422. D’autre part, il s’agit de nouer des alliances avec d’éventuelles nations chrétiennes, notamment celle du légendaire prêtre Jean, voire de soumettre des nations à Jésus, afin de contenir l’expansion mondiale de l’islam au détriment de la chrétienté[8].
D'ailleurs, Dom Henrique, duc de Viseu, seigneur de Covilhà, est également « administrateur et gouverneur de l'Ordre de chevalerie de Jésus-Christ », une remanence du temps des Croisés. Dès lors, on comprend qu'il reçoive la bénédiction papale, dès 1442 par une Bulle signée d’Eugène IV, en vue de la réalisation de ce projet :
« […] Et comme notre fils bien-aimé et noble seigneur Henrique, duc de Viseu et administrateur au spirituel et au temporel de la chevalerie de l’Ordre de Jésus-Christ, nous a fait savoir que, mettant une ferme confiance en l’aide de Dieu pour la destruction et la confusion des Maures et des ennemis du Christ dans les terres qu’ils occupent afin d’y assurer l’exaltation de la foi catholique, il entend se rendre en personne en ces régions et conduire ses hommes d’armes et ses troupes contre ces gens, et que, si la nécessité des temps ne lui permet pas d’y être en personne, du moins y seront les chevaliers et frères dudit Ordre et tous les autres fidèles chrétiens qui, avec la grâce de Dieu, voudront batailler et guerroyer contre lesdits Maures et autres ennemis de la foi sous la bannière dudit Ordre, Nous, afin que ces fidèles chrétiens se décident et s’encouragent avec plus de ferveur à ladite guerre, à tous ceux qui prendront part à ladite guerre et audit combat, en vertu de notre autorité apostolique et par la teneur des présentes lettres, concédons et accordons une longue indulgence de tous leurs péchés à condition qu’ils en soient contrits en leur cœur et qu’ils s’en soient confessés.[9] »
L’on voit ainsi que les considérations religieuses étaient d’emblée prégnantes, aux côtés de considérations politiques et commerciales dans l’ouverture de routes maritimes atlantiques. En outre, Dom Henrique n’envisageait pas expressément d’envoyer des expéditions capturer des Nègres, en vue de les revendre. Mais dans la mesure où, dans le monde qui l'a vu naître, le modèle/système économique en vigueur à l’époque était consubstantiellement esclavagiste, les nouvelles relations économiques qui allaient s’établir en Atlantique avaient « culturellement » vocation à l’être : d’ailleurs la première vente de captifs africains à Lagos suscita de la curiosité, mais point de réprobation. Au titre de son « droit du quint », Dom Henrique reçut, avec grande joie, le cinquième des captifs razziés par Lançarote et ses acolytes, et amenés à cette première historique de la traite négrière.
Avec la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb, en 1492, les considérations économiques prendront le pas sur toutes autres, dans l’expansion atlantique de l’Europe. Aussi, à partir du XVIe siècle, l’influence de l’Eglise déclinera inexorablement dans les cultures et sociétés européennes, au profit du Marché, de la sécularisation de la politique et des sciences. Un nouveau monde, dit "moderne", "laïc", en découlera. Les conditions économiques fondamentales de cette Modernité sont conaturelles à la traite atlantique, ainsi que l'analysent Adam Smith[10], Karl Marx[11], Eric Williams[12], etc.
En 1442, puis en 1452, les papes Eugène IV et Nicolas V entérinèrent donc les conquêtes du roi Alphonse V de Portugal, et lui permirent d'étendre son autorité sur les pays conquis. Malgré les interdictions de l'esclavage par les papes Pie II dès 1462, Paul III en 1537, Pie V en 1568, Urbain VIII en 1639 et Benoît XIV en 1741, elle connut un important développement, notamment après la controverse de Valladolid, qui interdisait l'esclavage des Indiens.
Les Indiens, qui servaient jusqu'alors de main-d'œuvre coloniale, avaient été décimés par les abus des Européens, les conditions de travail et de vie, et n'étaient plus assez nombreux pour satisfaire le besoin européen en main-d’œuvre.
Cette traite a ainsi permis au Nouveau Monde et aux économies européennes de se développer rapidement, grâce à une main-d’œuvre corvéable et bon marché, importée d'Afrique noire sur la période entre le XVIe siècle au XIXe siècle. Les estimations du nombre de déportés varient selon les auteurs de 11 millions (pour Olivier Pétré-Grenouilleau) à 50 millions (pour Victor Bissengué) en 1789.
Quoi qu'il en soit, l'on peut noter que dès le XVIIe siècle, la traite négrière conditionne de nouveaux rapports sociaux et le durcissement des castes, comme au Sénégal par exemple ou encore dans les royaumes côtiers auxquels elle a donnée naissance et où ces rapports seront instrumentalisés et exacerbés sous la colonisation (Futa Jaalo, Libéria, etc.).
[modifier] Le commerce
Dans les premiers temps, les Européens commencèrent par des razzias. On peut se remémorer les lanciados, qui étaient des mercenaires ou encore des esclaves formés pour capturer et emporter des esclaves. Les razzias ne permettaient pas immédiatement de satisfaire la demande européenne en main-d’œuvre servile. Il fallu alors changer de système.
C'est ainsi que les Européens entreprirent des relations "diplomatiques" avec les royaumes africains pour les infiltrer et chercher le moyen de les affaiblir. On se souviendra de l'hostilité de ces derniers face à la traite à travers l'exemple de Nzinga Nkuwu, roi du Kongo lorsqu'y arriva Diogo Cão [13].
Plus tard, lorsqu'une certaine confiance fut établie, les Européens s'ingérèrent dans la vie africaine et armèrent ou formèrent parfois ceux qui pouvaient leur servir de complices. En effet, toujours dans le cas du Kongo, Mvemba a Nzinga succéda à son père grâce à un Coup d'État orchestré par les portugais et les anglais, au cours duquel ces derniers tuèrent son frère, successeur légitime au trône. Mvemba a Nzinga, qui avait été influencé dès l'enfance par des prêtres portugais, s'avérait le successeur le plus malléable et le seul allié pour la cause portugaise.[14]. À partir de son règne, le royaume subit de nombreux troubles, des sécessions [15] et fut acquis comme protectorat portugais. Ce sont en effet les Portugais, puis les Espagnols, Hollandais, Britanniques puis Belges, qui désignaient et intronisaient les rois au mépris de la tradition Kongo qui se voulait une monarchie parlementaire.
À côté de cela, il faut noter que des forts furent bâtis sur toute la côte africaine dès le XVe siècle pour protéger les négriers des tentatives africaines de combattre leur système. Les Européens placèrent alors des roitelets et des chefs de districts issus eux-mêmes de l'esclavage, pour servir de prolongement à leur intérêt.
Les navires négriers partaient de l'Europe avec dans leurs cales des objets pour rémunérer ces roitelets pour la capture de esclaves noirs. Parmi ces objets on pouvait trouver des tissus, de l'alcool et des armes.
Les armes, en particulier, avaient une valeur très importante pour eux, car grâce à elles, ils pouvaient tenir en respect leurs voisins et éventuellement conquérir de nouveaux territoires. En ce qui concerne les rois légitimes africains, pour certains il devint impératif de se procurer de quoi se défendre de la traite qui était bien entendu une menace pour leur pouvoir, comme en témoignent les lettres de protestation de Nzinga a Mvemba au roi du Portugal.
Ces armes, en fait, ont servi aux négriers et aux gouvernements occidentaux qui les avaient créés à faire pression sur les royaumes africains. Car ceux qui refusaient le commerce avec les "blancs", n'avaient pas d'armes, alors que les roitelets voisins, moins scrupuleux pouvaient en avoir et les envahir et les réduire eux-mêmes en esclavage. C'est ainsi que plusieurs royaumes ont été contraints de réaliser ce commerce, par la force des choses. C'est ainsi que l'on doit comprendre la naissance même des royaumes du "Bénin" actuel.
Une fois leurs cales pleines d'esclaves, les navires négriers quittaient les côtes africaines pour rejoindre l’Amérique du Sud, les Caraïbes ou l'Amérique du Nord. Lors de ces voyages, les conditions de détention des esclaves étaient extrêmement dures. Ils étaient attachés, par groupes, entassés dans les cales du navire, et seulement sortis de temps à autre pour prendre l'air. Ainsi, le taux de mortalité moyen était de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Au fur et à mesure de l’augmentation de la demande et de l’épuisement des sources de razzias, la valeur des esclaves augmentait, et les négriers commencèrent à faire un peu plus attention, en sélectionnant mieux les esclaves, afin de s’assurer une meilleure résistance aux conditions de la traversée.
Il faut cependant noter que le taux de mortalité avant embarquement était extrêmement plus élevé puisque 9 personnes sur 10 préféraient le suicide à l'esclavage et pour capturer une personne il fallait en tuer 8 ou plus. Il faut aussi ajouter que si la logique purement mercantile aurait à première vue exigé d'eux un traitement relativement décent des noirs afin qu'ils travaillent mieux, il fut calculé dès le XVIIe siècle la ration maximum nécessaire et la durée maximale d'utilisation d'un homme noir dans les plantations.
Peu avant d'arriver à destination, les esclaves étaient lavés à grandes eaux pour être plus présentables et ainsi être vendus à meilleur prix. Ils étaient vendus, mais pouvaient aussi être échangés contre des matières premières comme du coton, du sucre ou du café. Ainsi, les cales pleines de marchandises, les navires négriers repartaient vers l’Europe, pour y décharger leurs cargaisons… et préparer un nouveau cycle du commerce triangulaire.
D'immenses fortunes se sont bâties sur ce commerce d'êtres humains. De nombreuses villes d’Europe se sont rapidement développées grâce à ce commerce. Cela vaut pour des villes françaises comme Bordeaux, La Rochelle, Le Havre et surtout Nantes, aussi bien que pour des villes britanniques, hollandaises, portugaises et espagnoles. Cette traite des noirs créait en France par exemple plus de 60 millions de francs de bénéfices par an, et l'exploitation des plantations permit l'émergence de plusieurs secteurs d'activités.
[modifier] La justification raciale
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Cette traite semble avoir été réalisée d'abord dans un but économique. Cependant en analysant certains textes, le fait que les Européens aient choisi spécifiquement les noirs pour les déporter après avoir exterminé un groupe (les Amérindiens), ou encore les qualificatifs dégradants employés par les Portugais pour parler des habitants de l'Afrique (mosenji, qui signifie singes), on peut supposer que le racisme était déjà au moins latent au départ même de la traite.
Le Code Noir, écrit en 1685 promulgué par le roi Louis XIV, a été un des textes de lois qui définit juridiquement et légalise la traite des noirs et l'esclavage. Dans ce texte, le noir est considéré comme un bien meuble. Ce n'est donc pas une personne, mais une chose dont le propriétaire peut librement disposer dans les limites de la loi. Il faut aussi remarquer qu'à l'époque, le code noir est supposé être une amélioration du statut du noir.
Donc, à bien y regarder, les motifs économiques apparaissent aussi présents que le racisme. Il ne faut pas oublier non plus que ce racisme a d'abord pu être conditionné par la culture-même de ses acteurs, bien avant la rencontre avec les Africains, puisqu'en Europe[16], le noir est attaché au mal, à la misère et à tout ce qui est négatif. Les Européens médiévaux ont donc très bien pu dès leur rencontre matérialiser toute cette charge négative en la personne de l'Africain noir.
Il existe une autre théorie qui suggère que le racisme serait né de l'esclavagisme. Ainsi l'esclavagisme aurait eu des motifs uniquement économiques et aurait eu besoin du paradigme raciste : haine des noirs pour pouvoir justifier l'instrumentalisation de ceux-ci.
Face à la pratique de l'esclavage, l'Église a constamment rappelé que les noirs étaient des hommes comme les autres, qu'ils étaient doués d'une âme immortelle, et que cela créait des obligations à leur égard : obligation de les traiter de façon digne, de leur laisser leur liberté, de leur apporter les bienfaits de la civilisation, et de leur annoncer l'Évangile. Cela s'est vérifié dès le XVIe siècle : alors que les nations nordiques, par pur appât mercantile, organisaient la "traite des Noirs" à grande échelle, l'Église ordonnait un noir congolais, nommé Henri, comme évêque du Congo (1522).
Cet enseignement constant de l'Église se heurta au mercantilisme des compagnies négrières. Mais il fut aussi le premier pas vers la fin de cette pratique.
[modifier] L’abolitionnisme
Les premiers abolitionnistes de la traite des noirs furent les noirs eux-mêmes, à travers les protestations, révoltes et soulèvements. Certains groupes formèrent de véritables principautés, à l’image de l’île de Saint-Domingue-Haïti.
En Europe, c’est le Royaume-Uni qui le premier abolit dans les faits la traite des noirs, en 1807, sans abolir pour autant l’esclavage, qui lui n’est aboli qu’en 1833.
En France, Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage dans les colonies, qui avait été aboli par la Révolution française, mais ce qui fut peu respecté sur place. Il l’abolira de nouveau en 1815 sans que ce soit suivi d’effet.
Malgré l’abolition de la traite par plusieurs pays, celle-ci continua de perdurer dans les faits, car ce commerce était très bénéfique, et le prix d’un esclave devint très élevé. Cette traite, plus ou moins clandestine, perdura d’autant que la demande des propriétaires terriens était importante, car le système économique des grandes exploitations était basé sur l’esclavage.
Aux États-Unis et ailleurs, de véritables établissements à produire des esclaves furent ainsi créés dans lequel des femmes noires esclaves étaient mises enceintes par des géniteurs sélectionnés et obligées d’enfanter afin de produire les futurs esclaves destinés à être vendus.
Si l’abolitionnisme chez les noirs correspond à une révolte contre une condition inhumaine, l’abolitionnisme européen, lui répond plus à des réalités économiques[17]. En effet, les principaux tenants de l’abolitionnisme sont souvent les mêmes qui ont prôné la colonisation et n’avaient aucun intérêt dans l’économie de plantation -tels Léopold II[18], Jules Ferry. En revanche, l’économie coloniale satisfaisait pleinement les besoins en matières premières et en main-d’œuvre servile de ceux qui tout en se cachant derrière l’humanisme -ou le paternalisme- et sous couvert du "bien-être" des Africains, leur imposèrent à domicile des conditions comparables à celles de la traite négrière dans les plantations[19] : la condition d’être inférieur ou d’animal de foire (cf. zoos humains).
[modifier] La traite illégale (XIXe siècle)
Durant tout ce siècle, la traite continua de plus belle avec le regain de l'économie mondiale et la modernisation du travail à la chaîne. En effet les noirs sont emmenés par bateau pour être déportés dans les usines textiles.
[modifier] Eléments statistiques de la Traite des Noirs
Un désaccord existe entre les chercheurs sur le nombre des victimes de la traite des Noirs. En général, les chiffres proposés concernent le nombre de déportés partis d'Afrique, ou alors ceux arrivés à destination. Ce qui n'est pas toujours clairement distingué ; outre que ces chiffres ne tiennent pas toujours compte du nombre de personnes tuées/décédées en Afrique pour la déportation d'un captif. Un taux de déperdition qui est dû aux diverses résistances opposées par les victimes des razzias, aux incendies de récoltes et agglomérations perpétrés en vue de ces razzias, aux décès lors des convoyages de captifs, depuis leurs lieux de capture jusqu'aux entrepôts des forts, aux esclaveries ou baracons des comptoirs négriers ; et enfin aux conditions physiques et sanitaires des traversées maritimes ou sahariennes. Selon les auteurs, ce taux de déperdition varie entre 1 captif pour 5 décès, et 10 décès en Afrique pour 1 captif parvenu à destination.
L'historien de la traite négrière Victor Bissengué estime à 50 millions le nombre des déportés. Le nombre total de victimes (incluant les déportés) est estimé à plus de 100 millions par l'UNESCO.
Pour sa part Olivier Pétré-Grenouilleau, dans son livre Les Traites négrières. Essai d'histoire globale estime à 42 millions le total de victimes pour trois traites négrières :
- la traite orientale, faite par les musulmans : 17 millions de personnes.
- la traite intra-africaine, faite par les royaumes africains : 14 millions de personnes.
- la traite atlantique, faite par les Européens et les Américains : 11 millions de personnes.
- En 1997, dans un "Que sais-je" intitulé La traite des Noirs, Olivier Pétré-Grenouilleau estimait pour "les traites musulmanes", du VIIè à la fin XIXè, 14 000 000 de déportés. Et pour "les traites européennes", entre 1450 et 1900, il proposait l'estimation de 11 698 000 déportés.
Cette même année 1997, Hugh Thomas donnait un total de 13 000 000 d'esclaves "ayant quitté l'Afrique" lors de la traite atlantique, dont 11 328 000 arrivés à destination au moyen de 54200 traversées. Il affecte au Portugal (y compris le Brésil) 30 000 de ces traversées[20]. Toutefois, dans ses estimations le Danemark, par exemple, est sensé avoir déporté 50 000 esclaves avec 250 traversées. Or, selon l'historien danois Per Hernaes[21], « on peut estimer aujourd'hui à environ 85 000 le nombre total d'esclaves transportés sur des navires danois entre 1660 et 1806. »
En 2001, David Eltis arrivait à un total de 11 062 000 déportés pour 9 599 000 esclaves débarqués aux Amériques, entre 1519 et 1867. Ce sont ses estimations que Petré-Grenouilleau a reprises dans son "essai d'histoire globale".
En 1998, Eric Saugera propose les suivantes estimations[22] :
- les traites arabes : entre huit et douze millions d'individus?
- traite atlantique : 9,5 millions importés
- traite transsaharienne : 7,2 millions
- traite orientale : 2,3 millions
Quant à Serge Daget, en 1990 voici ses estimations :
- traite atlantique : 11 700 000
- traite transsaharienne : 7 400 000
- traite orientale : 4 280 000
On observe que cet auteur n'évoque pas de "traite intra-africaine", et que le total qu'il affecte à la traite orientale est de 11 698 000.
En 1982, Joseph Inikori[23] estime à 15 400 000 le nombre de déportés par la traite atlantique, tandis que Paul Lovejoy proposait 11 698 000[24] déportés (pour 9 778 500 débarqués) ; chiffre qu'il portera à 11 863 000 en 1989[25].
En 1979, Ralph Austen présentait des estimations[26], notamment sur la traite orientale :
Traite saharienne :
- en pourcentage
- 650-1450 : 54,4
- 1451-1600 : 10,3
- 1601-1700 : 9,5
- 1700-1800 : 9,6
- 1800-1900 : 16,2
- en individus
- Total arrivée : 7.450.000
- Pertes : 1.937.000
- Total départ : 9.387.000 Y compris les captifs n’ayant pas atteint la zone
méditerranéenne (372 mille), car restés en bordure désertique.
traite orientale :
- en pourcentage
- 800-1450 : 40,0
- 1450-1890 : 60,0
- en individus
- Total arrivée : 4.900.000
- Pertes : 100.000
- Total départ : 5.000.000
Soit au total 14.387.000 d'individus au départ, et 12.350.000 à l'arrivée et pour l'ensemble des traites musulmanes.
-
- Toutefois, en 1987[27], Austen porte à 8 millions le nombre de déportés de "la traite orientale" entre 650 à 1920 (au lieu des 5 millions reportés ci-dessus pour la période 800-1890) ; ce qui donnait globalement 17.387.000 déportés pour les traites musulmanes. C'est cette dernière estimation que Petré-Grenouilleau a reprise en 2004, mais qu'il n'avait pas retenue en 1997. Depuis, Ralph Austen estime à "environ 12 millions" le nombre de déportés par les "traites musulmanes".
En 1969, Philip Curtin proposait 9 566 100 déportés par la Traite atlantique[28]. Nombre d'estimations ultérieures se sont appuyées sur les travaux de Curtin, en affinant certains aspects (notamment la traite illégale) pour parvenir à des chiffres, ou bien supérieurs (Inikori), ou bien inférieurs (Lovejoy).
[modifier] Destinations des esclaves[29]
- Brésil : 4 millions d'Africains déportés mais Eduardo Galeano avance le chiffre de 10 millions de déportés à destination du seul Brésil[30].
- Colonies espagnoles : 2,5 millions d'Africains déportés
- Antilles britanniques : 2 millions d'Africains déportés
- Antilles françaises et Guyane : 1,6 million d'Africains déportés
- Amérique du nord : 0,5 million d'Africains déportés
- Colonies néerlandaises : 0,5 million d'Africains déportés
- Antilles danoises : 28 000 débarqués[31]
- Europe (dont Portugal, Iles Canaries, Madère, açores, etc.) : 200 000 débarqués[32]
[modifier] Louise Marie Diop-Maes
Les estimations présentées ci-dessus se fondent, au moins implicitement, sur l'hypothèse d'un sous peuplement de l'Afrique ancienne, comparativement aux autres continents ; avec une densité de population estimée entre 4 et 5hb/km². Dennis Cordell[33] est l'un des démographes ayant travaillé sur cette hypothèse, essentiellement au moyen de la retro-projection des données démographiques recueillies à partir de la période coloniale ; c'est-à-dire à partir de la seconde moitié du XIXe siècle[34]. La plupart des spécialistes accréditent la théorie du sous-peuplement de l'Afrique ancienne[35].
Louise Marie Diop-Maes[36] a soutenu, au contraire, que l'Afrique ancienne était probablement parmi les régions les plus peuplées du monde. Qu'en tout état de cause, la densité de la population d'Afrique subsaharienne n'était pas inférieure à celle de l'Europe médiévale (estimée à 10hb/km²) et qu'elle était comparable à celle de l'Asie méridionale (estimée à au moins 16hb/km²), aux conditions écologiques analogues. Plutôt que de partir d'une retro-projection de données récentes, elle a tenté d'évaluer la population respective des diverses sociétés africaines anciennes documentées (Ghana, Mali, Songhay, Sokoto, Kanem, Kongo, etc.). A partir de données archivistiques, archéologiques, climatologiques (entre autres)[37], Louise Marie Diop-Maes propose une estimation de la population africaine aux XVIè/XVIIe siècles comprise entre 400 et 800 millions d'habitants pour environ 20 millions de km² ; soit une densité de 20 à 40 hb/km²[38].
Au regard de telles estimations, l'impact démographique des traites négrières atlantiques et orientales entre le XVIè et la fin du XIXe siècle serait particulièrement considérable ; bien au delà de tout ce qui est communément envisagé en termes d'ordre de grandeur : de l'échelle de dizaines de millions, à celle de centaines de millions de victimes (déportés, décédés en Afrique lors des opérations de prédation, manques à naître, famines, etc.).
[modifier] Beaucoup d'archives encore inexploitées
De très nombreuses archives sur la traite des Noirs restent encore à exploiter :
- En 1999 un Cd-Rom du "Atlantic Slave Trade Database Project"[39] est édité sous la direction de David Eltis. Selon Hugh Thomas[40], cette disquette comporte des données relatives à 27 227 expéditions représentant « quelque 90% des voyages anglais, français et hollandais, soit "plus de deux tiers du total", intervenus entre 1650 et 1867. » L'exploitation exhaustive de cette immense base de données permettra de réduire significativement les incertitudes concernant la dimension statistique de la traite des Noirs ; lesquelles expliquent l'extrême volatilité des estimations actuellement diffusées.
- D'après Eric Goebel, des archives nationales du Danemark, « on estime que les archives des compagnies commerciales danoises possèdent approximativement quelque 4500 pièces. Ces nombreux registres et liasses de documents occupent l'équivalent de 400 mètres linéaires sur des étagères.[41] »
- Selon Dra Rosa Cruz e Silva[42], les fonds documentaires du seul Angola sur la traite négrière comportent 3448 manuscrits occupant six kilomètres d'étagères. Et cela ne représente qu'une petite partie des archives angolaises, car « [...] la plus grande partie de la documentation, la plus ancienne sur notre pays, la documentation sur le XVè, XVIè, XVIIe siècles [...] est encore aujourd'hui au Portugal, la puissance coloniale. » Quand on songe à l'importance de la région d'Angola, démembrement de l'ancien royaume Kongo, comme lieu de départ d'une forte proportion des déportés par la traite atlantique, on voit à quel point les estimations actuelles sont parcellaires ; et susceptibles de corrections substantielles dans les années à venir.
[modifier] Les conséquences
[modifier] En Afrique
La traite a fait subir à la société africaine de profonds bouleversements. En effet, à mesure que les besoins en esclaves des européens augmentaient, l'intensité des méthodes de "prélèvement" allait croissante. Les populations, excédées et en proie à l'insécurité devant les hordes négrières se retrouvaient contraintes à fuir vers des zones difficiles d'accès.
Les royaumes légitimes étaient systématiquement proie de coups d'état et renversements fomentés depuis l'Europe, ce qui provoqua leur dislocation (cf B. Plasse, cf Th. Canot). Ainsi, les grands royaumes implosèrent en plusieurs provinces qui acquirent le statut d'état et des états se formèrent sous impulsion de la traite. Paradoxalement, même les mercenaires comme Ghezzo du Dahomey (B. Plasse), qui devaient pourtant leur trône ainsi que la naissance de leur royaume aux européens et à la traite, tentèrent presque toujours de s'en défaire.
Un négrier Portugais, Francisco Félix de Souza, intervint pour déposer Adandozan -qui s'opposait farouchement à la traite, et Gankpé, frère du roi et chef d'armée, accéda au trône sous le nom de Guézo. Lui-même était opposé à la traite et à la guerre elle-même et mit tout en œuvre pour se défaire de la mainmise négrière, considérant que son pays prospérerait plus si le peuple restait à travailler sur place, plutôt qu'en étant condamné à la fuite ou à l'esclavage outre-mer. De plus, la traite affaiblissait son pouvoir.
Son cas rappelle celui de Nzinga Mvemba et c'est le cas général pour l'Afrique sous l'emprise de la traite, qui l'affaiblit considérablement (cf. Th. Canot).
En effet, la traite eut des conséquences graves qui sur-déterminèrent la nature des nouveaux rapports sociaux dans certaines zones (comme au Nigéria), contribuèrent à la retribalisation des populations issues des royaumes éclatés -ex. Afrique de l'Ouest - et acheva de saper les forces des nations africaines (cf T. D. Niane).
Fatalement, la traite fut donc l'étape historique qui favorisa la colonisation, qui est encore une autre forme d'exploitation, celle des industriels par opposition à la traite, qui fut celle des plantations. De manière générale, la situation d'occupation caractéristique de la traite a produit les conditions matérielles d'un contexte de régression culturelle partout où elle s'était imposée et des crises sociales, identitaires, économiques que la colonisation est venue cristalliser.
[modifier] L'impact social
Lors d'un colloque sur "La tradition orale et la traite négrière" [43], il a été présenté que la traite négrière a été dévastatrice pour l'Afrique sur les plans social et économique.
Selon le professeur Gueye Mbaye :
« dans certains secteurs, les populations avaient renoncé à vivre dans de gros villages pour se contenter de petits hameaux éparpillés à l’intérieur de la forêt et auxquels on n’accédait que par des sentiers le long desquels on avait établi des ruches d’abeilles guerrières qui en interdisaient l’accès à toute cavalerie. C’est compte tenu de tout ceci que les vieillards interrogés sur les stagnations voire la régression de l’agriculture africaine sont unanimes à incriminer « la période des chevauchées permanentes ». »
Au XIXè et début XXe siècle, les cas de cannibalisme signalés en Afrique par certains "explorateurs" européens (pour autant qu'ils fussent avérés) s'expliquent très probablement par ces dévastations socio-économiques négrières. Lesquelles, pendant tant de décennies, ont réduit de nombreuses populations africaines à des conditions d'existence extrêmes, quasiment bestiales ; en dehors des limites physiques et psychiques de leurs établissements humains antérieurs.
Il s'ensuivit une entropie des cultures matérielles (architecture, artisanat, technique, etc.) et intellectuelles (croyances, lois, écritures, etc.) de l'Afrique :
« Les rapports entre l'Europe et l'Afrique, à partir du XVe siècle, servirent à bloquer, à la fois directement et indirectement, cet esprit d'innovation. La traite européenne constitua un blocage direct du fait de la migration de millions d'adolescents et de jeunes adultes, qui sont à l'origine de l'esprit d'invention au sein de l'humanité. Ceux qui demeurèrent, dans des régions sévèrement touchées par la capture d'esclaves, se préoccupèrent davantage de liberté que d'améliorer la production[44]. »
Là où on trouvait des foyers intellectuels dynamiques (Tombouctou), des villes prospères (Djenné), des systèmes monétaires endogènes bien administrés (Kongo, Ashanti) ; l'on ne rencontre plus que des institutions et pratiques en déliquescence, lorsqu'elles ne se sont pas éteintes [45].
Selon Eduardo Galeano, la situation globale de l'Afrique au temps de la traite négrière est à mettre en parallèle avec celle de l'Amérique et des Amérindiens [46]. Il existe selon lui une indéniable corrélation entre l'extermination de ces derniers et la déportation de millions d'Africains dans les mines et plantations américaines ; entre l'effondrement des cultures (matérielles et spirituelles) amérindiennes au contact des Européens et l'agonie des sociétés traditionnelles africaines au sortir de la conjoncture négrière atlantique. Une agonie ayant favorisé la colonisation, qui a succédé aux déportations transatlantiques, et a perpétué l'esclavage en Afrique sous la forme du travail forcé dans les colonies françaises régit par le Code de l'indigénat [47], abrogé en 1946.
[modifier] Les conditions des noirs dans les plantations
On a vu que la traite négrière serait avant tout de nature commerciale, il serait donc logique que le comportement des européens à l'égard des noirs suive une logique purement commerciale, qui voudrait qu'ils soient ménagés en tant qu'outils de production. Or, cela n'a pas été le cas. Les esclavagistes traitaient en effet les noirs comme moins que du bétail et les exactions mortelles furent rapidement banalisées dans les sociétés esclavagistes. Des supplices à la corde à la torture la plus inhumaine, en passant par le démembrement, la mutilation, tout cela prit des airs de divertissement populaire [48]. Les exterminations sommaires étaient courantes et banales, voire ludiques et le seul argument économique ne suffisait pas à sauver la vie des noirs. Les récits d'assassinats des noirs par toutes les franges de la population blanche des îles ou encore dans les plantations américaines sont très nombreux et montrent que cela était un droit acquis pour ces populations et une habitude désintéressée puisque économiquement aberrant [49].
[modifier] En Europe
Adam Smith[50] et Karl Marx sont parmi les économistes ayant soutenu que la traite des Noirs est l'un des facteurs explicatifs majeurs du développement capitaliste (commercial, puis industriel) de l'Europe. Ainsi, selon Karl Marx[51],
« La découverte des contrées aurifères et argentifères de l'Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l'Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d'accumulation primitive qui signalent l'ère capitaliste à son aurore.[...] Le capital arrive au monde, suant le sang et la boue par tous les pores. Les trésors directement extorqués hors de l’Europe par le travail forcé des indigènes réduits à l’esclavage, par la concussion, le pillage et le meurtre, refluaient à la mère patrie pour y fonctionner comme capital. Ce sont principalement les Africains – hommes, femmes et enfants – qui, dès le début du XVIe siècle et dans des conditions d’une indicible cruauté, ont payé de leur sang et de leur vie l’accumulation première du capital européen. »
Au vingtième siècle, les travaux d'Eric Williams[52] accréditeront cette perspective, à travers l'étude du cas emblématique de la Grande-Bretagne :
« Alors qu'elle [Liverpool] comptait en 1730, 15 navires pour le commerce des esclaves, en 1771 on en dénombrait sept fois plus. La proportion des navires négriers par rapport à la flotte totale du port était d'environ un pour cent en 1709 ; d'un pour onze en 1730 ; un pour quatre en 1763 ; et un pour pour trois en 1771. En 1795, Liverpool possédait 5/8 de la flotte esclavagiste anglaise, et 3/7 de la flotte européenne destinée à ce genre de trafic. [...] Aux alentours de 1730, on estimait à Bristol que le bénéfice d'un cargo d'environ 270 esclaves atteignait, par voyage faste, 7000 à 8000 livres, sans tenir compte du fret retour, l'ivoire. [...] Un profit du simple au double n'avait rien d'exceptionnel à Liverpool, et un voyage pouvait se solder par un bénéfice d'au moins 300%. [...] Un écrivain du XVIIIe siècle a estimé à plus de 15 millions de livres sterling la valeur de 303753 esclaves transportés par 878 bateaux de Liverpool entre 1783 et 1793.[53] »
Depuis Eric Williams, et plus tard Walter Rodney, de nombreux auteurs ont remis en cause cette perspective historiographique, lui préférant une toute autre où la traite des Noirs n'aurait eu en définitive que peu d'incidence sur le développement capitaliste de l'Europe ; bien moins que l'expansion du commerce intra-européen, et les innovations technologiques intervenues au XVIIIe siècle et surtout à partir du XIXe siècle. C'est ce point de vue que soutient Petré-Grenouilleau dans son "essai d'histoire globale", en s'appuyant largement sur les études de David Eltis, mais aussi sur ses propres recherches concernant le cas, notamment, du port négrier de Nantes[54].
[modifier] La traite des noirs aujourd'hui
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La cristallisation par la colonisation des rapports sociaux créés par la traite est à la base de phénomènes d'esclavage modernes, que sont:
- la vente de personnes dans le cadre de réseaux organisés ayant leurs têtes dans les pays arabes ou occidentaux
- l´esclavage sexuel (mariage organisé, prostitution par un membre de la famille...) organisé par des Africains expatriés
- la mainmise sur les économies et les politiques africaines par les anciennes puissances négrières, qui continuent de bafouer pour leurs intérêts propres la souveraineté africaine.
[modifier] Débats, controverses et polémiques
La motivation de la traite des noirs aurait été avant tout économique, les esclaves servant principalement de main-d’œuvre à bas coût. Cependant la logique économique n'est pas dépourvue d'idéologie, puisque le racisme a aussi servi à justifier la mise en esclavage et les conditions de vie inhumaines des noirs une fois capturés. La traite des noirs est aujourd'hui considérée en France comme un crime contre l'humanité [55] et certains gouvernements africains et des associations désirent que la traite des noirs soit également considérée comme un génocide.
[modifier] Traite orientale et traite atlantique
Joindre ces deux phénoménes sous l'appelation traite des noirs est encore très discuté. Ainsi, en France, la loi dite Taubira qualifie de crime contre l'humanité la seule traite atlantique et ignore totalement la traite orientale. Les commémorations du bi-centenaire de l'abolition de la traite anglaise (1807) ont vus à Londres des actes de repentances organisés et menés par les archevêques de Canterbury et de York. La traite orientale ne connait absolument pas ce type d'évènement dans le monde musulman. L'origine de cette différence de comportement et d'attitude mériterait à elle seule une analyse entière, en particulier sous l'angle du mouvement abolitionniste qui trouve son origine exclusivement en Europe et aux Etats-Unis.
[modifier] La traite des noirs comme génocide
Certains gouvernements africains et organisation non gouvernementales, comme le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDP) et la Société savante des encyclopédistes africains, désirent que la traite des noirs soit considérée comme un génocide.
Ils invoquent le caractère inévitable de l'extermination des noirs à tous les échelons du processus, à partir de la capture des personnes libres, jusqu'à leur utilisation dans les plantations. En effet, le prélèvement de personnes en Afrique, leur réduction en esclavage, leur entreposage dans les forts, leur transport, leur arrivée - où certains tentaient de s'enfuir et en mouraient - et le contexte imposé par leurs nouvelles conditions impliquaient leur mort. C'est dans ce contexte que se manifesterait le caractère génocidaire de la traite négrière selon ceux qui demandent sa qualification comme tel.
Ceux qui en revanche s'opposent à la qualification de la traite en génocide le font au motif qu'elle aurait eu des motivations avant tout économiques. En effet, ils considèrent que le caractère mercantile aurait été plus important que toute autre motivation (raciale, idéologique etc.). Partant, l'extermination volontaire et systématique des Africains aurait été contraire aux besoins en main-d’œuvre sur les plantations et à l'intérêt négrier. C'est donc partant de cela qu'ils concluent que les Européens n'ont pas commis de génocide, puisque n'ayant pas eu comme seule motivation l'extermination des Africains.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Références de cet article
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, 8ème édition, 1932-1935.
- ↑ Le trésor de la langue française informatisé.
- ↑ Définition donnée par l'art. 7, al.2, c), du statut de Rome de la Cour Pénale Internationale[1]
- ↑ L'évolution du sens du mot trafic l'illustre parfaitement. Cf [2] Le trésor de la langue française informatisé.
- ↑ Hugh Thomas, « La traite des Noirs, 1440-1870 », éd. Robert Laffont, Paris, 2006, p25
- ↑ Gomes Eanes de Zurara, « Chronique de Guinée », éd. IFAN-Dakar, 1960, chap XXIV & XXV
- ↑ « Voyages en Afrique Noire d’Alvise Ca Da Mosto », éd. Chadeigne/UNESCO, Paris, 2003.
- ↑ De Zurara, 1960, chap. VII, « Dans lequel sont exposées cinq raisons qui poussèrent le seigneur Infant à faire découvrir les terres de Guinée ».
- ↑ Zurara, chap. XV : bulle papale « Illius qui se pro divini » datée du 19 décembre 1442
- ↑ Recherches sur les causes de la richesse des nations, 1776
- ↑ Le Capital, livre premier, 1867
- ↑ Capitalisme et esclavage, 1944
- ↑ Nzinga Nkuwu, réagissant à l'enlèvement de jeunes citoyens de son royaume, arrêta des missionnaires européens stationnés à Mbanza Nsoyo et Mbanza Kongo jusqu'au retour des jeunes Besi Kongo.
- ↑ . C'est pourquoi les hommes de Luiz Da souza, à qui il avait été ordonné par le roi portugais de soumettre le pays, fomentèrent l'assassinat du successeur au trône, Mpanzu a Nzinga, qui leur était hostile, au même titre que la population
- ↑ par exemple Paul Diaz proclama l'Angola territoire souverain sous son autorité
- ↑ ce n'est pas le cas partout dans le monde. En Afrique par exemple, la couleur néfaste est le "rouge écarlate", tout comme en Égypte antique d'ailleurs. La mort et la maladie sont symbolisées par le blanc, la vie par le noir et le rouge éclatant. Il faut noter cependant que la mort n'y est pas perçue comme un événement angoissant mais comme une étape dans le cycle d'une harmonie universelle. En ce sens elle porte en elle une charge qui n'est pas fondamentalement négative. C'est ce qui explique que chez les Africains, la projection "blanc=mauvais" n'ait pas eu lieu dans les mêmes termes que sa réciproque européenne.
- ↑ Cf. Eric Williams, "Capitalisme et esclavage"
- ↑ Cf. Adam Hoschild, "Les fantômes du roi Léopold, un holocauste oublié", éd. Belfond, Paris, 1998
- ↑ Cf. Nelly Schmidt, "L'abolition de l'esclavage"
- ↑ Cf. Hugh Thomas, "La traite des Noirs, 1440-1870", éd. R. Laffont pour la traduction française, Paris 2006, pp.870-871 : "Statistiques approximatives". Voir aussi la note consacrée à ces statistiques, pp.933-935, où l'auteur retrace la succession d'estimations depuis les années 1950.
- ↑ Cf. "Traditions orales et archives de la traite négrière", sous la direction de Djibril Tamsir Niane, éd. UNESCO, 2001. Précisément, l'article intitulé "Les forts danois de la Côte de l'Or et leurs habitants à l'époque de la traite des esclaves", p.114
- ↑ http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs04.html http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs30.html
- ↑ Cf. "Forced Migration, Londres, 1982
- ↑ "The volume of the atlantic slave trade : a synthesis"
- ↑ "The impact of the slave trade in Africa"
- ↑ Cf. Ralph Austen, "The Trans-Saharan Slave Trade: A Tentative Census" in H.A. GEMERY & J.S. HOGENDORN eds, The Uncommon Market. Essays in the Economic History of the Atlantic Slave Trade, New York, Academic Press, en 1979, pages 66 et 68
- ↑ African Economic History. Internal Development and External Dependency, London, James Currey, 1987, p. 275
- ↑ "The atlantic slave trade, a census", Madison, 1969
- ↑ Les vrais chiffres de la traite des Noirs, ça m'intéresse, n°303, Mai 2006
- ↑ Cf. "Les veines ouvertes de l'Amérique Latine", éd. Plon, 1981, p.76
- ↑ Hugh Thomas, 2006, p.870
- ↑ Hugh Thomas, 2006, p.870
- ↑ Dennis D. Cordell, Gregory J., "Historical demography and demographichistory in Africa. Theorical and methodological considerations", in Canadian Journal of African studies, vol.14, n°3, 1980
- ↑ http://www.erudit.org/revue/cqd/1991/v20/n1/010071ar.pdf
- ↑ Cf. Patrick Manning, "The impact of slave trade exports on the population of the Western Coast of Africa, 1700-1850", in De la Traite à l'escalvage, Actes du Colloque de Nantes, tome 2, 1988. Voir aussi son site : http://www.worldhistorynetwork.org/manning/
- ↑ Docteur d'Etat en géographie humaine (Paris I Panthéon/Sorbonne), spécialiste de la démographie historique de l'Afrique Noire. Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre, "Afrique Noire démographie, sol et histoire", éd. Khepera/Présence Africaine, Paris, 1996
- ↑ http://www.ankhonline.com/population_afrique.htm
- ↑ Louise Marie Diop-Maes, 1996, p.299
- ↑ http://www.h-net.msu.edu/~africa/threads/slavecounting.html : « In 1993 the W.E.B. Du Bois Institute for Afro-American Research at Harvard University received a grant from the National Endowment for the Humanities to create a consolidated database on the Atlantic slave trade. The aim of the project is to computerize voyage data on most of the slave voyages that sailed from Africa to the Americas from the sixteenth century to the 1860's. »
- ↑ cf. " La traite des noirs, 1440-1870", pge 835
- ↑ "Les archives des compagnies danoises d'outre-mer : une source pour la Route de l'esclave", in Traditions orales et archives de la traite négrière, sous la direction de Djibril Tamsir Niane, éd. UNESCO, 2001
- ↑ "Les archives de la traite en Angola", in "Tradition orale et archives de la traite négrière", éd. UNESCO, Paris, 2001
- ↑ (fr) Tradition orale et archives de la traite négrière
- ↑ Walter Rodney, "Et l'Europe sous-développa l'Afrique... Analyse historique et politique du sous-développement", éd. Editions Caribéennes, Paris, 1986, p.108
- ↑ Cf. Louise-Marie Diop-Maes, "Afrique noire, démographie, sol et histoire"
- ↑ Cf. Eduardo Galeano, "Les veines ouvertes de l'Amérique Latine, une contre-histoire", éd. Plon, 1981
- ↑ http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/indigenat_code.htm :
« Le Code de l'indigénat fut adopté le 28 Juin 1881. Puis c'est en 1887 que le gouvernement français l'imposa à l'ensemble de ses colonies. En général, ce code assujettissait les autochtones et les travailleurs immigrés aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts de capitation (taxes) sur les réserves et à un ensemble d’autres mesures tout aussi dégradantes. Il s'agissait d'un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial», celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice. Ce code fut sans cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays». »
- ↑ L'esclavage aux Antilles françaises, A. Gislet, Paris 1981
- ↑ Paroles d'esclaves de James Mellon, Paris 1991, enquête menée auprès des esclaves américains dans les années 1920, c'est désormais un classique du genre.
Mémoires d'un esclave américain de Frederick Douglass, La Découverte 1980, ISBN 2707111864
La Traite des noirs avant 1790 au point de vue du commerce nantais de Eugène Augeard, 1901 - ↑ Cf. "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations", ouvrage cité en ces termes par E. Williams (1968, p.75), où Smith écrit :
« Les profits d'une plantation de sucre de l'une quelconque de nos colonies des Antilles sont généralement plus élevés que ceux réalisés par toute autre espèce de culture connue en Europe ou en Amérique. »
- ↑ http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-31.htm
- ↑ "Capitalism and Slavery", éd. André Deutsch, London, 1964
- ↑ Eric Williams, "Capitalisme et esclave", éd. Présence Africaine, Paris, 1968, pp52-54
- ↑ Olivier Pétré-Grenouilleau, "Les négoces maritimes français, XVIIe-XVIIIe siècle", éd. Belin, Paris, 2000
- ↑ Le 10 mai 2001, la « loi Taubira » votée en France a reconnu l'esclavage comme crime contre l'humanité.
Sur les conséquences et les conditions de la traite :
- "La tradition orale, source de connaissance des relations entre Europe-Afrique à partir de la Côte", UNESCO, sous la direction du Pr. T. D. Niane.
- "20 ans de la vie d'un négrier", Th. Canot
- "Journal de bord d'un négrier", B. Plasse
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- (fr) Sur la trace des premiers esclaves noirs du Nouveau Monde
- (fr) La dimension africaine de la traite des Noirs, article du Monde diplomatique
- (fr) La traite des Noirs en 30 questions par Éric Saugera, concerne exclusivement la traite atlantique
- (fr) Le Code noir de Colbert
[pdf]
- (fr) La traite des noirs : Comment fut-elle organisée et quels étaient les traitements réservés aux esclaves?
- (fr) Rubrique Esclavage sur Africamaat
- (fr) De l'esclavage aux États-Unis, d'Elisée Reclus
- Traites négrières et esclavage : les enjeux d'un livre récent
- Traditions orales et archives de la traite négrière
- http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs04.html
- http://www.droitshumains.org/esclav/30quest/noirs30.html
- http://www.erudit.org/revue/cqd/1991/v20/n1/010071ar.pdf
- (en) http://www.worldhistorynetwork.org/manning/
- http://www.ankhonline.com/population_afrique.htm
- (en) http://www.h-net.msu.edu/~africa/threads/slavecounting.html
- http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/indigenat_code.htm
- http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-31.htm
- http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001237/123750f.pdf
- http://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/HAHN/13423
- http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001337/133738f.pdf
- http://www.arri.fr/cahiers/cahier13/Esclavage%20_Afrique.pdf
- Traite des noirs et religions
- (fr) Esclavage : L'Eglise anglicane s’excuse
- (fr) Les excuses de l'église anglicane pour la traite des noirs
- (fr) Protestantisme et esclavage, sur le rôle des protestants français dans la traite des noirs
- (fr) L’Afrique du Sud tourne une page de son histoire
[modifier] Bibliographie
- Livres
- Hugh Thomas, La traite des Noirs, éd. Robert Laffont, 2006
- Eric Williams, Capitalisme et esclavage, éd. Présence Africaine, 1968
- Walter Rodney, Et l'Europe sous-développa l'Afrique..., éd. Editions Caribéennes, 1972
- Eduardo Galeano, Les veines ouvertes de l'Amérique, éd. Plon, 1981
- Gomes Eanes de Zurara, Chronique de Guinée, éd. IFAN-DAKAR, 1960
- Bwemba-Bong, Quand l'Africain était l'or noir de l'Europe, éd. Menaibuc, 2003
- Nelly Schmidt, L'abolition de l'esclavage, éd. Fayard, 2005
- Articles
- Joseph Inikori, L'Afrique dans l'histoire du monde : la traite des esclaves et l'émergence d'un ordre économique dans l'Atlantique, HGA, tome V, Chap. 4, éd. Présence Africaine/UNESCO, 1998
- Joseph Inikori, The volume of the British slave trade, 1655-1807, Cahiers d'Etudes Africaines N°128, 1992