Déicide
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Un déicide est le meurtre de Dieu ou le meurtrier de Dieu selon le contexte.
Ce terme s'apparente à un oxymore (il est possible de tuer Dieu) et est souvent utilisé aujourd'hui dans une optique provocatrice.
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[modifier] Les juifs et l'association au terme " déicide "
L'Église catholique a longtemps considéré les Juifs comme un peuple ayant commis un "déicide", car c'est en Judée que Jésus-Christ a été crucifié. Cette association est également due au fait que Jésus a été livré aux grands prêtres et aux Pharisiens par Judas Iscariote, l'un des douze (Jn 18, 3), qui a reçu pour cela une somme d'argent, et que des personnes présentes lors du procès de Jésus à Jérusalem ont demandé qu'il soit mis à mort (Jn 19, 5-6):
- « Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre ; et Pilate leur dit : « Voici l'homme ! » Lorsqu'ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » »
Il faut prendre garde au contexte historique du procès et de la vie de Jésus pour l'interprétation des textes. Par exemple, dans les Actes des Apôtres (au chapitre 2, après la Pentecôte), Pierre s'adresse à la foule :
- « Que toute la Maison d'Israël le sache donc avec certitude : Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié. D'entendre cela, ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à Pierre et aux apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? » Pierre leur répondit : « Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit. Car c'est pour vous qu'est la promesse, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. » (Ac 2, 36-39) [...] « Eux donc, accueillant sa parole, se firent baptiser. Il s'adjoignit ce jour-là environ trois mille âmes. » (Ac 2, 41)
Daniel Marguerat constate un « intéressant changement de vocabulaire entre le début et la fin du récit » des Actes des Apôtres. Les premiers chapitres soulignent l'écoute et l'harmonie qui régnaient autour de la première communauté groupée autour des apôtres. « Le terme " juif ", quasi-absent des huit premiers chapitres, est utilisé en rafale dès le chapitre 13 (concile de Jérusalem), et doté d'une connotation toujours plus négative ».[1]
On trouve, dans le Nouveau Testament, un autre exemple dans la première épître aux Thessaloniciens (1 Th 14-16), ainsi que dans l'épître aux Romains (chapitres 9-10).
Une théorie dite du " peuple déicide " a pendant lontemps sous-tendu une théologie dite de la substitution, selon laquelle les chrétiens se seraient substitués aux Juifs dans le dessein de Dieu. La Nouvelle Alliance aurait remplacé l'Ancienne Alliance.
Dans cet esprit, une formule a été introduite dans la liturgie du Vendredi saint au VIIe siècle, commençant par Oremus et pro perfidis judaeis (" prions pour les juifs perfides "). On considère souvent que cette formule a, entre autres, créé des conditions favorables au développement de ce que Jules Isaac a appelé l'enseignement du mépris, qui a conduit à l'antijudaïsme et à l'antisémitisme.
Le catéchisme du Concile de Trente (1566) a introduit, en réponse à Luther, une déclaration précise sur les causes de la mort de Jésus-Christ :
- « Il faut ensuite exposer les causes de la Passion, afin de rendre plus frappantes encore la grandeur et la force de l'amour de Dieu pour nous. Or, si l'on veut chercher le motif qui porta le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on trouvera que ce furent, outre la faute héréditaire de nos premiers parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis depuis le commencement du monde jusqu'à ce jour, ceux qu'ils commettront encore jusqu'à la consommation des siècles.(...) Les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu'il endura. »
La mention pro perfidis judaeis a été supprimée en 1959 par le pape Jean XXIII. Il existe une nouvelle version de la prière du Vendredi saint.
Une ancienne version de la déclaration Nostra Ætate prévoyait dans son alinéa 7 de ne plus présenter le peuple juif comme déicide.
- « ... que jamais le peuple juif ne soit présenté comme une nation réprouvée ou maudite ou coupable de déicide... »
Cette mention a été supprimée dans la version finale.
La quatrième partie de Nostra Aetate consacré au judaïsme inclut le passage suivant, qui ne mentionne pas le mot "déicide" :
- « Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ (13), ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Église est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Evangile et à l'esprit du Christ. »
La déclaration mentionne une fois l'expression "peuple juif" :
- « Elle (l'Église) rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l'Évangile du Christ. »
L'Église catholique, après le concile Vatican II, compte tenu de la Shoah, insiste sur le fait qu'il faut tenir compte du contexte spatio-temporel des événements pour interpréter l'histoire. Il ne faut pas généraliser les accusations, en particulier contre tout le peuple juif, ni les déplacer à d'autres périodes que celles des événements, ce qui constituerait un historicisme.
Le catéchisme a été revu dans ce sens. Le catéchisme de l'Église catholique promulgué en 1991 s'inspire de la déclaration Nostra Ætate (voir Position actuelle de l'Église catholique).
Il existe plusieurs études sur l'interprétation des textes à ce sujet. On peut consulter la bibliographie pour cela.
Les textes de la Bible sont tirés de la Bible de Jérusalem, éditions du Cerf 1998.
[modifier] Notes
- ↑ Daniel Marguerat. Le déchirement. Juifs et chrétien au premier siècle. Juifs et chrétiens selon Luc-Actes. Page 167.
[modifier] Autre
C'est aussi le nom d'un groupe de metal, Deicide.
[modifier] Bibliographie
- Le déchirement. Juifs et chrétiens au premier siècle. Daniel Marguerat. Labor et Fides. 1996.
- L'Église catholique et le peuple juif. Un autre regard. Jean Dujardin. Calmann-Lévy, 2003.
[modifier] Voir aussi
- Antijudaïsme
- Oremus et pro perfidis judaeis
- Théologie de la substitution
- Nostra Ætate
- Dialogue interreligieux
- Prière du Vendredi saint