Kuzari
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Le Kuzari est l'œuvre philosophique majeure du légendaire rabbin, poète et philosophe Juda Halevi (1085-1138).
Initialement écrit en Arabe, sous le titre de Kitab alhuyya wa-l-dalil fi nusr al-din al-dalil, (Le livre de l'argumentation pour la défense de la religion méprisée. En effet, le livre s'ouvre sur les propos de son auteur : "Interrogé sur les arguments dont je disposais face aux philosophes, musulmans, chrétiens et hétérodoxes,..."), il fut pour beaucoup dans la renommée de son auteur. Survenant à une époque où le Judaïsme espagnol menaçait de se fondre dans les prestigieuses écoles de pensée qui l'environnaient, Juda Halevi voulut rétablir le particularisme du Judaïsme, et le triomphe de la Révélation sur la Raison. L'ouvrage sera traduit plus tard en français de son texte original arabe par le Grand Rabbin Charles Touati. Après de longues années de recherche, cette traduction voit le jour en 1994 aux éditions Verdier
Le livre est divisé en cinq essais ("ma'amarim"), et prend la forme d'un dialogue entre le roi (païen) des Khazars, et un Juif auquel le roi a demandé d'apprendre les fondements de sa religion. On retrouve là l'influence du grand penseur persan Abu Hamid Al-Ghazali, qui dans son Tahafut Al-Falasifa (L'incohérence des Philosophes) poursuit d'ailleurs un but assez similaire.
Bien que ce livre ne soit évidemment pas considéré comme une relation historiquement fiable de la conversion des Khazars, certains érudits, comme D.M. Dunlop pensent que Juda Halevi eut peut-être accès à des documents Khazars dont il s'inspira librement. Il est en tout cas certain qu'il avait connaissance de la correspondance khazare entre Joseph, roi des Khazars, et Hasdaï ibn Shaprut, exilarque espagnol.
Par ailleurs, Abraham ibn Dawd Halevi, contemporain de Juda Halevi, rapporte avoir vu des Khazars faire des études rabbiniques dans les académies tolédanes du XIIe siècle.
Son œuvre fut abondamment étudiée et traduite par de nombreux érudits en de nombreuses langues. Samuel ibn Tibbon la traduisit en Hébreu sous son titre actuel (Kuzari, le "Khazar").
Sommaire |
[modifier] Contexte
Juda Halevi s'inspire de la correspondance qui s'est tenue entre les années 950 et 960, entre Hasdaï ibn Shaprut, secrétaire du Calife de Cordoue, et Joseph, Roi des Khazars. Celui-ci raconte à son correspondant comment son ancêtre, Bulan le Bek, choisit le Judaïsme. De celle-ci, il y a, à l'instar de la vie de D'Artagnan, trois récits : celui de la réalité; celui de la correspondance, déjà légendaire; et celui de Juda Halevi, qu'on a retenu (comme on retint des trois d'Artagnan celui deDumas)
[modifier] la réalité
Des communautés Juives avaient toujours existé dans les colonies grecques circonscrivant la Mer Noire, et ce depuis la Haute Antiquité. Certaines villes de Crimée étaient déjà majoritairement peuplées de Juifs en 670 EC. Ces communautés furent rejointes par des vagues d'immigration se réfugiant des persécutions sassanides, et plus tard des armées islamiques. Les Juifs jouaient un rôle particulièrement central dans l'économie locale, et des marchands Juifs, comme les Radhanites, sillonaient les terres khazares, et eurent probablement sur eux une grande influence en matière de politique. De plus, des Juifs étaient établis dans les montagenes à proximité des territoires de la Khazarie, alliés ou peut-être sujets de ceux-ci. Tant les Radhanites que ces Juifs des montagnes durent jouer un rôle décisif dans la conversion des Khazars.
Celle-ci eut lieu à la fin du VIIIe siècle ou au début du 9ème, et ne concerna initialement que l'élite. Cependant, des fouilles archéologiques ont montré des variations dans les mœurs d'inhumation, ressemblant de plus en plus aux coutumes juives, s'étendant à tout le territoire. En 830, la monnaie était frappée de symboles juifs.
Selon certains, le rabbin qui effectua la conversion serait Isaac Sangari, mais l'historicité du personnage n'a pas été définitivement établie.
En réalité, il y eut des Khazars chrétiens, musulmans, et même de ceux qui ne renièrent pas leur paganisme. Par ailleurs, certains disent que l'élite dirigeante elle-même était polygame, entretenant plusieurs concubines sous la garde d'eunuques. Cette civilisation semblait vouée à la décadence et à la disparition, et le fut.
[modifier] la version du roi des Khazars
Quatre siècles auparavant, c'est-à-dire au VIIe siècle, "ainsi que l'attestent des livres d'histoire", Bulan, roi des Khazars, un peuple d'origine asiatique, s'interroge sur le bien-fondé de sa religion, axée sur un culte phallique mâtiné de chamanisme, prétexte à de nombreuses débauches afin d'honorer leurs divinités. Décidant de revenir au monothéisme, peut-être pour des raisons géopolitiques, il aurait reçu la visite d'un ange, signe qu'il était prêt pour la conversion. Il convoque les docteurs des trois religions monothéistes, l'islam, le christianisme, et le judaïsme, connu alors sous le nom de talmudisme.
Comme aucun ne le convainc, il demande à chacun séparément laquelle des religions il devrait choisir, hors la sienne. Le chrétien préfère le judaïsme à l'islam. Le musulman préfère le judaïsme au christianisme. Quant au Juif, il refuse la conversion. Il fait répéter aux trois savants leurs choix en public, et devant leur réitération, choisit de se convertir au judaïsme avec son peuple à la suite, ce qui nécessite le transport de nombreux rabbins depuis Babylone.
[modifier] La version de Juda Halevi
Présentant son livre comme une illustration des arguments dont il dispose contre chrétiens, musulmans, philosophes et hétérodoxes, Juda Halevi précise d'emblée qu'il s'agit d'une fiction insipirée de faits historiques :
Le Kuzari, roi des Khazars, reçoit depuis peu la visite d'un ange lui répétant invariablement que ses intentions sont agréables à Dieu, mais que ses œuvres ne le sont pas. Ce message revient encore plus quand le Kuzari assure lui-même le service religieux
Afin de connaître ce qui est agréable à Dieu, il convoque trois docteurs des grands courants de pensée, la philosophie, le christianisme et l'islam, dans cet ordre.
Quant au judaïsme, il le repousse (initialement), estimant que la déchéance dans laquelle vivent ces gueux ne peut être qu'une preuve que leur religion n'agrée pas à Dieu.
[modifier] Premier chapitre
Il raconte la conversion proprement dite du roi des Khazars, après une réserve initiale à l'égard de cette "masse avilie et déchue" qu'est le Judaïsme. C'est pourquoi il décide de faire appel aux représentants des trois grands courants (philosophie, christianisme, islam).
Au premier, il reproche de ne pas comprendre l'émotion, et tout ce qui n'est pas du domaine du rationnel en général.
Au second, il reproche de se baser inconditionnellement sur des choses "irrationnelles" (la création du monde, Moïse, la Mer Rouge, etc.).
Au troisième de se baser sur un livre que lui, le Kuzari,ne comprend pas, n'étant pas arabophone.
Finalement, notant que le Chrétien, comme le Musulman (qui se font la guerre sans répit), utilisent Israël dans leur argumentation persuasive, il se voit contraint de faire appel à un Sage de la minorité villipendée (le Judaïsme).
[modifier] Le discours du philosophe
Peut-on être agréable à Dieu, la Cause première, alors que Dieu ne Se soucie pas des hommes, mais des archétypes ? Si l'on souhaite progresser et atteindre au divin, il faut perfectionner son âme et son esprit jusqu'à atteindre le niveau de l'Intellect Agent (le plus bas niveau des esprits séparés, où toute décision prise est bonne, et où, selon l'expression, "les grands esprits se rencontrent")
Cependant, ce Dieu, qui ne Se préoccupe pas des particuliers, est en contradiction flagrante avec les rêves du Kuzari. De plus, ceux qui tentent de l'agréer, chrétiens et musulmans, s'entredéchirent pour ce faire. Qu'ils puissent penser avoir tous deux raison est absurde, c'est donc que les choses sont plus compliquées.
[modifier] La profession de foi du docteur chrétien
Il parle d'un Dieu créateur du monde, qui a réalisé des miracles pour Israël, d'un homme "extérieurement prophète envoyé mais intérieurement dieu envoyeur", rejeté par la majorité du peuple d'Israël. C'est parce qu'eux, les chrétiens, l'ont accepté, qu'ils sont devenus le verus Israël.
Cependant, le Kuzari s'étonne qu'on puisse croire à autant de propositions défiant la raison sans preuve. Il entend donc le docteur musulman.
[modifier] Le docteur musulman
Le docteur de l'islam lui parle, outre des merveilles réalisées par Dieu, mais de ce livre prodigieux, incréé, preuve de sa rédaction par un Dieu Créateur, et de la véracité de tout ce qui y est consigné.
Le Kuzari fait remarquer que le Coran est peut-être prodigieux, mais inaccessible aux non-arabophones, et que, de surcroît, les miracles réalisés par Mahomet, qui ne sont certes pas utilisés pour convaincre, n'ont pas été vus de tout le monde non plus. Or, quels sont les miracles sur lesquels tout le monde s'accorde? Les miracles réalisés pour Israël, encore et toujours.
[modifier] Le 'Haver (camarade) - le rabbin, dans les éditions françaises
Le Kuzari se voit donc forcé de s'en référer à un docteur du Judaïsme qui commence, de façon surprenante, car il ne parle pas d'un Dieu créateur, dont il ne donne aucune preuve de l'existence, mais du Dieu sauveur de Son peuple en Égypte, dont il explique les miracles réalisés sur la Mer Rouge. Grosso modo, "Te sentirais-tu obligé de croire que le roi de l'Inde est le meilleur roi sur terre si on te l'affirmait ? Cependant, s'il te faisait parvenir des ambassadeurs, des nourritures parmi les plus raffinées, des épices parmi les plus envoûantes, des boissons parmi les plus suaves, des drogues parmi les plus efficaces et des poisons parmi les plus mortels contre les ennemis, croirais-tu à son existence, à sa puissance et ses bienfaits tant vantés ?"
En effet, l'existence de Dieu, la croyance en la création du monde, etc., étant enseignées, elles ne nécessitent pas de démonstration, et ne s'adressent qu'à ceux qui y croient. En revanche, les Juifs rapportent une preuve basée sur l'expérience sensible, car 600.000 personnes, dont les qualité étaient parmi les plus élevées, les ont vus.
Par ailleurs, contrairement à la religion rationnelle (ou "naturelle"), qui tend à créer des hommes animés des meilleures intentions, la religion révélée, elle, tend à leur faire réaliser de bons actes.
Ce but ne peut être atteint par la philosophie, qui n'a même pas statué sur la notion de "bien", mais il peut l'être par la religion, qui enseigne ce qui est bien.
Par ailleurs, de même que la science est une somme de toutes les vérités découvertes par les générations successives, de même la religion est basée sur un ensemble de traditions. Autrement dit, l'histoire est un facteur important dans le développement de la culture humaine, comme de la science. Or Dieu, contrairement à ce que pensent les philosophes, a fait irruption dans l'histoire.
[modifier] "Creatio ex Nihilo"
Par la bouche du rabbin, Juda Halevi dit que, du fait que les Juifs sont les seuls dépositaires d'une histoire écrite du développement de l'humanité depuis le commencement du monde, la supériorité de leurs traditions ne peut être déniée.
- On remarquera au passage qu'elle ne l'est ni par les chrétiens, ni par les musulmans. Les premiers accusent Israël d'avoir "manqué le coche" en ne reconnaissant pas Jésus, les seconds d'avoir "falsifié" l'histoire au profit d'Isaac et au détriment d'Ismaël.
Il ne peut y avoir de comparaison entre culture Juive, basé selon lui sur une vérité religieuse, et culture grecque, basée sur la science uniquement. Cette science est d'ailleurs très imparfaite, puisque les philosophes Grecs n'ont pas reçu lassistance divine, dont bénéficiaient les prophètes. Ainsi, si Aristote avait connu une tradition digne de foi selon laquelle le monde fut créé ex nihilo, il n'est pas douteux qu'il l'aurait étayée d'arguments au moins aussi convaincants que ceux développées par lui afin de prouver l'éternité de la matière. Néanmoins, croire en une matière éternelle n'est pas totalement contraire à la croyance Juive, tant qu'on admet qu'il y eut un commencement, ainsi que le dit le récit biblique de la Création
Néanmoins, les Juifs croient en la creatio ex nihilo, laquelle théorie peut être soutenue par des arguments de force égale à ceux avancés en faveur de l'éternité du monde. L'objection néoplatonicienne que l'Absolument Infini et Parfait n'aurait pu créer des êtres finis et imparfaits n'est pas écartée en attribuant l'existence de toutes les occurrences à l'action de la nature, car celle-ci n'est qu'un maillon dont la chaîne remonte à la Cause première, c'est-à-dire Dieu.