Malgré-nous
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Le terme Malgré-nous définit les Alsaciens et Mosellans qui ont été enrôlés de force dans l'armée régulière allemande (la Wehrmacht) ou dans la branche militaire de la SS (la Waffen SS), durant la Seconde Guerre mondiale.
Même si le terme n'est pas utilisé pour les désigner, la situation des conscrits des cantons de l'Est belges et du Grand-Duché de Luxembourg, également annexés par l'Allemagne nazie en 1940, relève de la même problématique.
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[modifier] Histoire
Quand fut signé l'armistice de 1940 le cas de l'Alsace-Lorraine n'était pas évoqué. Ce territoire restait donc juridiquement français, bien qu'il fît partie de la zone militairement occupée par l'Allemagne. Le régime nazi l'annexa en fait sans en faire la proclamation officielle et, comme le gouvernement de Vichy se borna à des protestations secrètes chaque fois qu'était commise une nouvelle violation du droit, le bruit se répandit qu'une clause secrète avait livré l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne.
Jusqu'en 1942 cependant, si on multiplia les organisations paramilitaires où la population, les jeunes surtout, étaient plus ou moins obligée de s'inscrire, on s'abstint de l'ultime transgression juridique, la mobilisation obligatoire dans l'armée allemande. Mieux encore, on proclamait qu'on n'avait pas besoin des Alsaciens-Lorrains pour gagner la guerre qu'on espérait bientôt finie et victorieuse. On n'en fit pas moins une propagande active pour les inciter à s'engager, mais sans le moindre résultat. Alfred Wahl, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Metz, écrit : « Seuls les fils des fonctionnaires allemands présents semblent avoir répondu à l’appel : ils furent moins d’un millier pour les deux départements[1]. »
Le gauleiter Wagner, qui était en charge de l'Alsace, était persuadé que les frères de race nouvellement reconquis entendraient vite l'appel de leur sang et se sentiraient rapidement allemands; constatant le nombre infime d'engagés volontaires, il conclut que les jeunes hésitaient à entrer dans l'armée allemande par peur de leur famille et qu'ils seraient heureux de s'y voir forcés. Au printemps 1942, à Winnitza, il persuada Hitler, au début fort réticent, d'introduire le service militaire obligatoire en Alsace-Lorraine, ce qui fut fait officiellement le 25 août 1942.
Il sentait bien l'illégalité d'une telle décision puisque le 23 septembre il disait cyniquement: «Nous vivons dans un temps de grande révolution : avec lui s'effondrent également les concepts juridiques qui étaient valables dans le passé». Et le 21 juin de l'année suivante: «Ce n'est pas mon intention de justifier juridiquement cette mesure si incisive dans la vie de l'Alsace. Il n'y a aucune raison de faire cela. Chaque décision que le "Troisième Reich" Grand-Reich-Allemand prend à ce sujet est appuyée par le droit formel et réel et est inattaquable».
Le service militaire en temps de guerre équivaut à être enrôlé et à participer aux combats. Au final, 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans se retrouveront principalement sur le front de l'Est, à combattre l'armée de Joseph Staline. La plupart seront affectés dans la Wehrmacht. Mais de nombreuses classes seront versées d'autorité dans la Waffen SS (cf. les incorporés de force dans la division SS Das Reich).
La décision d'incorporer de force des Alsaciens-Mosellans, mais aussi des Luxembourgeois, Belges etc. s'explique par le fait que les divisions SS, troupes d'élites, étaient particulièrement touchées lors des combats.
[modifier] Emprisonnement
Nombre d'entre eux seront fait prisonniers par l'armée soviétique durant la débâcle allemande. Et ils connaîtront, comme les militaires de l'Axe, les camps de détention soviétiques. Le plus connu est le camp de Tambov qui regroupa une grande partie des prisonniers français.
D'autres décidèrent de déserter la Wehrmacht pour se rendre à l'Armée Rouge et ainsi, en tant que Français, rejoindre le Général De Gaulle et la France Libre. Les soviétiques n'avaient, dans leur grande majorité, pas connaissance du drame de ces Alsaciens et Mosellans. Beaucoup furent donc considérés comme des déserteurs, et donc fusillés, victimes d'une double méprise. Les autres ont été déportés au camp de Tambov après un passage dans les mines de charbon de Karaganda.
Certains affirment [réf. nécessaire] que le gouvernement français, avec l'aide du parti communiste français, a pu les faire libérer plus rapidement et leur éviter pour la plupart les conditions de détentions très dures qui firent des ravages parmi les soldats allemands et italiens capturés.
On entendra une autre version dans un compte rendu du colloque de Hambourg sur le retour des prisonniers de guerre après 1945 [2] :
- Les Alsaciens en uniforme allemand furent concentrés dans le camp de Tambov et subirent le sort de tous les prisonniers de la Wehrmacht, avec des conditions de vie très dures, un taux de mortalité élevé et des campagnes de rééducation antifasciste. Libérés en grande majorité durant l'automne 1945, une partie des «malgré-nous» passe pourtant plusieurs années supplémentaires en captivité. Accusés de crimes de guerre par les Soviétiques, ils se sentent trahis par la France Libre, et utilisés comme monnaie d'échange dans les négociations diplomatiques. Certains iront jusqu'à évoquer l'intervention de dirigeants communistes français afin de retarder leur retour, tant le témoignage de leur expérience ternirait l'image de l'Union soviétique.
Sur une page éditée par l'Académie de Strasbourg[3], on peut lire:
- « À Tambov, les conditions de détention sont effroyables. Les prisonniers y survivent dans une effarante promiscuité et dans une hygiène déplorable, à l'abri de baraques creusées à même le sol pour mieux résister au terrible hiver russe où la température descend en dessous de -30°C. Un peu de soupe claire et environ 600 grammes de pain noir, presque immangeable, constituent la ration journalière estimée à 1340 calories (en comparaison, en 1944, les détenus d'Auschwitz recevaient 2 000 calories par jour). On estime qu'environ un homme sur deux mourait à Tambov après une durée moyenne d'internement inférieure à quatre mois. 10 000 Français terminèrent ainsi leurs jours au camp de Tambov. »
Les derniers Malgré-nous à être officiellement libérés le furent en 1955.
[modifier] Retour en France
Une fois la guerre terminée, les Malgré-nous ont été considérés comme des traîtres. Beaucoup d'entre eux ont connu la persécution que la population française réservait aux collaborateurs et aux femmes ayant eu des relations avec l'occupant allemand.
Ils ont été fortement attaqués par les militants du parti communiste français pour leurs dénonciations de la situation dans les camps d'internement soviétiques.
[modifier] Comportement
Certains Malgré-nous ont déserté pour rejoindre la Résistance ou la Suisse. Mais leurs familles furent déportées dans des camps de travail ou de concentration. Cette menace qui planait au-dessus de leur famille les a obligés, pour la plupart, à rester dans l'armée allemande.
La division de Waffen SS « Das Reich », responsable de la destruction du village et du massacre des habitants d'Oradour-sur-Glane, était minoritairement composée d'une douzaine de Malgré-nous (incorporés de force), tous obligés, à l'exception d'un volontaire, de servir sous les ordres allemands, sous peine de représailles.
[modifier] Controverse
Les Alsaciens mobilisés dans l'armée allemande se revendiquent souvent comme "malgré-nous". De nombreux témoignages et des faits tristement célèbres sur le front de l'Est comme en France occupée montrent que certains d'entre eux faisaient preuve cependant d'un certain dévouement auprès des autorités du troisième Reich.
[modifier] Revendications
Des actions en justice sont aujourd'hui en cours pour faire reconnaître le statut d'anciens combattants à ces véterans de l'armée allemande et obtenir les pensions associées.[réf. nécessaire]
[modifier] Référence
- ↑ La Vie quotidienne en Alsace entre France et Allemagne (1850-1950) Hachette, 1993
- ↑ (fr) Compte rendu du colloque par Pieter Lagrou
- ↑ http://www.ac-strasbourg.fr/microsites/hist_geo01/professionnel/malgrenous/hypert3.htm
[modifier] Bibliographie
- Les Malgré-Nous : histoire de l'incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans l'armée allemande, d'Eugène Riedweg aux Éditions du Rhin, 1995
- La Grande honte, de Georges Gilbert Nonnenmacher, 1965 (concernant l'aspect juridique)
- Le Pont, d'Eugène Philipps, 1991 (le récit d'un ancien Malgré-nous et ses problèmes dans ses rapports avec ses camarades allemands dû à son incorporation de force)
- La tragédie des Malgré-nous. Tambov, le camp des Français, de Pierre Rigoulot aux Éditions Denoël, 1990
- "Au temps de Staline, à la recherche des prisonniers libérés en U.R.S.S" du Général P. Keller.Éditions du Scorpion, 1960
- "Comprendre l'incorporation de force : les jeunes d'Alsace et de Moselle dans l'Armée allemande", Ami hebdo, Strasbourg, 2005
[modifier] Liens externes
- (fr) Theo le malgré-nous
- (fr) Entretiens d'une classe de seconde française avec plusieurs malgré-nous
- (fr) Récits, témoignages, documents historiques et bibliographie sur cette incorporation de force
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