Pierre Herbart
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Pierre Herbart, romancier et essayiste, est né le 23 mai 1903 à Dunkerque et décédé à Grasse en 1974.
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[modifier] Sa vie
Pierre Herbart naît dans une famille aisée mais sur le point d’être déclassée : le père décide, non sans avoir passé des mois à dépenser la fortune familiale en fêtes généreuses, de « se faire clochard », plongeant ainsi la famille dans l’inconfort matériel. Réapparaissant de temps à autre (avant d’être retrouvé mort dans un fossé) ce père improbable (il ne serait pas le père de Pierre), marque profondément et durablement son fils par l'effarante liberté ainsi gagnée. À dix-huit ans, muni de recommandations fournies par son grand-père, Herbart décroche un emploi à Paris. Il y restera deux ans avant d’être incorporé dans les troupes de Lyautey au Maroc en 1923, l’occasion pour lui de voyager en Afrique du Nord, au Sénégal puis au Mali et au Niger.
L'année suivante Jean Cocteau auquel il voue une grande admiration lui est enfin présenté. Il en sera très proche jusqu’à sa rencontre avec André Gide, par hasard, en 1929. En 1931, Herbart épouse Élisabeth van Rysselberghe (dont Gide a eu un enfant) fille de ses amis le peintre Théo et Maria (surnommée la Petite dame) van Rysselberghe. André Gide s'occupe de la publication de son premier roman, le Rôdeur, chez Gallimard, tandis que le couple part s'installer à Cabris. Andrée Viollis, reporter au Petit Parisien, lui propose de l'accompagner en Indochine, sur les traces du ministre des Colonies d’alors, Paul Reynaud. Le constat est accablant.
Beaucoup s'y sont cassé les dents et, malgré les mises en garde d'André Gide, il commence en 1932, sur le trajet qui le ramène en France, l'écriture d’un récit dans la lignée des romans réalistes socialistes mettant explicitement en scène la nécessité et l'évidence du communisme, Contre-ordre. Ses prises de position contre le colonialisme lui ayant attiré la sympathie des communistes français qu’il a depuis rejoint au sein du PCF, ils lui confient, en 1933, un reportage sur l'Espagne. À son retour, il termine l'écriture de Contre-ordre et signe un contrat avec Gallimard. Il part en URSS en décembre 1935 pour prendre à la suite de Paul Nizan la direction de Littérature Internationale. Il y subit, non sans patience, la bêtise d’une censure ubuesque qu'il évoquera des années plus tard dans La Ligne de force.
Rentré à Paris en mai 1936, il repart en URSS, accompagnant André Gide, Eugène Dabit, Louis Guilloux, Jef Last et Schiffrin. Après Moscou où Gide assiste aux funérailles de Maxime Gorki – une célèbre photographie le montre non loin de Staline en train de lire une déclaration - s’ensuit un petit périple à travers le pays jusqu’en septembre. Rentrés à Paris, alors que la guerre d’Espagne vient d’éclater, Herbart part à Barcelone avec les épreuves du pamphlet d’André Gide - Retour de l’URSS - pour rencontrer André Malraux et questionner avec lui la pertinence d’une publication terrible pour l’URSS en ces temps de guerre. Louis Aragon ayant, semble-t-il, prévenu les autorités soviétiques de la sortie imminente du livre, Herbart est arrêté, menacé de mort et ne doit sa libération qu’à l’intervention d’André Malraux. L’année suivante, il accompagne André Gide - nommé membre d’une commission coloniale - en Afrique. Il publie en 1939 un témoignage sur « la malveillance d’un homme et d’un système », le Chancre du Niger, dont André Gide rédige la préface.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Herbart, bien que réformé, offre son aide à l’armée. La guerre perdue, il s’engage dans la résistance. Ainsi, il participe en 1943, sous le nom de Le Vigan, à la mise en place d’un réseau qui aide les jeunes hommes à fuir le STO, collabore à différentes revues résistantes et participe à la création de Défense de la France, qui deviendra France Soir. Enfin, on le charge, en 1944, d’organiser la libération de Rennes, en arrêtant le préfet pour y installer son successeur.
À la libération, Albert Camus l’invite à participer à Combat. Il parachève parallèlement l’écriture d’Alcyon (1945), aide Camus à écrire un premier scénario de la Peste, repart pour quelques mois en Afrique et engage la création d’un hebdomadaire, Terre des Hommes (avec André Gide, Calet, Raymond Aron, Prévert, Nadeau, Mahias) qui s’arrêtera au bout de 23 numéros. Il collabore également à l’écriture de différents scénarii (Isabelle d’André Gide, Thibault de Roger Martin du Gard). En 1949, le frère d’Herbart meurt, suivi en 1951 par André Gide. Il perd ainsi, en deux ans, deux proches mais aussi - et ce n’est pas négligeable - deux soutiens financiers. Pour Gallimard, il écrit un petit portrait vitriolé d’André Gide, À la recherche d’André Gide, publié en 1952, et qui lui vaudra de s’attirer les foudres des admirateurs et de certains proches d’André Gide.
En 1952, il s’installe chez Roger Martin du Gard et écrit l’Âge d’or, livre dans lequel il évoque ses amours homosexuelles. L’année suivante, sa mère meurt d’un cancer. Il fait plusieurs voyages avec son épouse et écrit un livre sur son parcours politique, la Ligne de force, qui sort en 1958. La même année meurt Roger Martin du Gard. Encore soutenu financièrement par Christiane Martin du Gard, il doit néanmoins quitter l’ancien appartement d’André Gide, rue Vaneau, lorsqu’il se sépare de sa femme. Achevant de tirer un scénario d’Alcyon, il entreprend ensuite la rédaction d’un nouveau roman, la Licorne, qui paraît en 1964. Il collabore épisodiquement à différentes revues littéraires et publie, en 1968, Souvenirs imaginaires puis un recueil de nouvelles, Histoires confidentielles, en 1970.
Affaibli, dans une situation financière plus que précaire, il est victime d’une attaque d’hémiplégie et meurt à Grasse en 1974. D’abord jeté à la fosse commune, il est finalement enterré à Cabris.
[modifier] Anecdotes
- Lorsque André Gide le rencontra, tombé sous le charme, il prétendit avec malice avoir trouvé son Lafcadio, personnage clé des Caves du Vatican qu’il avait publié en 1914.
- Jean Cocteau garda toujours rancune à André Gide – qui n’appréciait que très modérément le poète – de lui avoir « ravi » Pierre Herbart.
- Lors de son séjour en URSS, il fut hébergé quelques jours chez l'auteur russe Alexeï Tolstoï, lequel était absent.
[modifier] Bibliographie
- Le Rôdeur, Gallimard, 1931
- Contre-ordre, Gallimard, 1935
- En U.R.S.S., 1936, Gallimard, 1937
- Le Chancre du Niger, Gallimard, 1939
- Alcyon, Gallimard, 1945
- À la recherche d’André Gide, Gallimard, 1952
- L’âge d’or, Gallimard, 1953
- La Ligne de force, Gallimard, 1958
- La Licorne, Gallimard, 1964
- Souvenirs imaginaires, Gallimard, 1968
- Histoires confidentielles, Grasset, 1970
- Textes retrouvés, Le Promeneur, 1999 (publié sous le titre Inédits aux éditions du Tout sur le tout, 1981)
- On demande des déclassés, Le Promeneur, 2000
Journalisme :
- Collaboration à Marianne
- Collaboration à Vendredi
- Collaboration à Terre des Hommes
- Collaboration à Combat entre 1947-1948
[modifier] Bibliographie critique
- Philippe Berthier, Pierre Herbart, Morale et style de la désinvolture, Centre d’études gidiennes, 1998.
- Sylvie Patron, « Pierre Herbart ou la vie ironique », Critique, no 624, mai 1999.
- Bernard Desportes, « L'insouci de soi », Ralentir travaux, no 12, novembre 1998, p. 35-39.
- Maurice Nadeau, « Une certaine attitude », Ralentir travaux, no 12, novembre 1998, p. 51-54.
- —, « Herbart à Combat et beaucoup plus tard », Ralentir travaux, no 12, novembre 1998, p. 55-58.
- Béatrix Beck, « Le charmeur charmé », Ralentir travaux, no 12, novembre 1998, p. 59-60.
- Jean-Luc Moreau, « Le goût, amer, de l'éternel », Ralentir travaux, no 12, novembre 1998, p. 67-80.