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Régime militaire d'Augusto Pinochet

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le régime militaire d'Augusto Pinochet gouverna le Chili après le coup d'État du 11 septembre 1973, mené par le général Augusto Pinochet contre le régime démocratiquement élu de Salvador Allende.

Le Chili bascula pendant deux décennies sous une dictature qui fit environ 3 000 victimes et 29 000 personnes torturées. L'opposition de gauche fut décimée et les exilés politiques poursuivis dans le cadre de l'opération Condor.

Sur le plan économique, la répression du régime empêchait toute organisation du mouvement social, tandis que Santiago faisait appel aux "Chicago boys", qui appliquèrent une politique néolibérale de privatisations et transformèrent le Chili en terrain d'expérimentation des thérapies de choc généralisées dans les années 1990.

Sommaire

[modifier] Le coup d'État du 11 septembre 1973 et ses suites

Voir l’article Coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili.

Le coup d'État, mené par Augusto Pinochet (rallié in extremis aux putschistes, mais sans lequel le coup d'Etat était voué à l'échec), a lieu dans un contexte international marqué par la guerre froide et dans un contexte national marqué par une polarisation politique extrême et de crise économique et sociale [1].

Le coup d'Etat a commencé dans la nuit du 10 au 11 septembre 1973.

En septembre 1973, comme chaque année, l'US Navy et la marine chilienne organisaient des manoeuvres communes. Les troupes d'infanteries de marine passèrent ainsi la journée du 10 septembre 1973 avec 4 navires de la Navy au large de Valparaiso. De retour dans la soirée du 10 septembre dans la cité portuaire, les troupes d'infanteries chiliennes commencèrent à couper les communications, s'emparant de la ville dès 3 heures du matin, sans coup férir.

A 6h du matin, le 11 septembre 1973, l'opération militaire s'étendait à tout le pays et se réalisait sans résistance à l'exception de Santiago. A 9 h du matin, le palais de la Moneda où était arivé dès 7h le président Allende, était assiégé par l'armée de terre. Le vice-amiral Patricio Carjaval lui proposa alors par téléphone un sauf-conduit pour quitter le Chili sain et sauf avec sa famille. Mais il refusa, convaincu que c'était un piège. Il fit néanmoins évacuer sa famille et le personnel et se retrancha dans le palais présidentiel, avec 42 de ses gardes du corps, déclarant être prêt à mourir les armes à la main.

Peu avant midi, deux chasseurs de l’armée bombardaient la Moneda à coups de roquettes puis les chars investissaient le palais. Peu après 14h, Salvador Allende était retrouvé mort. Il se serait suicidé à l'aide d'une arme automatique que Fidel Castro lui avait offert.

Plus de deux cents personnes sont tuées dans les trois jours suivant le coup d'État, tandis qu'au moins 75 autres sont massacrés lors de l'épisode dit de la Caravane de la mort qui parcourt le pays du 30 septembre au 22 octobre 1973. Les opposants sont regroupés au stade de Santiago, certains sont torturés, d'autres disparaissent.

Alors que les démocrates chrétiens et les conservateurs s'attendent à ce que le pouvoir leur soit remis, la junte militaire décide de conserver les commandes du pays et établit une dictature militaire.

[modifier] Les 17 années de régime militaire

Durant les 17 années du régime militaire [2], plusieurs milliers de Chiliens sont arrêtés, torturés, déportés ou exécutés (les « Caravanes de la Mort » sont ainsi responsables d'au moins 75 morts).

A partir de 1975-1976, la junte fait appel aux Chicago Boys pour relancer l'économie chilienne. Durant les premières années, l'inflation est maitrisée, la production relancée et les industries reprivatisées (à l'exception des mines de cuivre).

En 1978, la junte organise un plébiscite par lequel le gouvernement affirme avoir reçu 75 % des voix en sa faveur. Une loi d'amnistie pour tous les auteurs de crimes et délits commis depuis le 11 septembre 1973 est promulguée le 19 avril [3].

En 1980, le pays se dote d'une nouvelle constitution approuvée par référendum le 11 septembre. Le chef de la junte militaire, Augusto Pinochet, devient président de la république.

Protestation pacifique en 1985
Protestation pacifique en 1985

De mai 1983 à 1987, le pays est en récession économique et de violentes manifestations ont lieu contre le régime. En novembre 1984, l'état de siège est proclamée dans tout le pays. En 1986, un attentat commis par le front patriotique Manuel Rodriguez tue cinq membres de son escorte présidentiel. Le pays est de nouveau en état de siège le 8 septembre. A partir de 1987, les manifestations cessent peu à peu alors que le pays repart pour 12 années de croissance économique ininterrompue.

En 1988, les principales libertés publiques (droit de réunion des partis politiques et des syndicats, semi-abrogation de la censure) sont rétablies. En octobre, fort d'un bilan économique positif [4] le général Pinochet organise le référendum (prévu par la constitution) pour prolonger son mandat qui vient à expiration en 1990. Près de 7,5 millions de chiliens sont alors appelés aux urnes (le vote est obligatoire sous peine d'amende) [5]. Les exilés sont aussi autorisés à rentrer au pays ce que fait notamment la famille de Salvador Allende [6].

L'opposition comprenant 16 partis politiques (dont le parti communiste, le MIR, la démocratie chrétienne, le parti pour la démocratie de Ricardo Lagos) se rassemble dans un "cartel du no", derrière le démocrate-chrétien Patricio Aylwin[7] pour faire campagne contre la prolongation du mandat alors que 7 partis pro-Pinochet (dont l'Union démocrate indépendante de Jaime Guzmán) s'unissent en sa faveur.

Le 6 octobre 1988, au bout du campagne passionné, 55 % des Chiliens rejettent la prolongation du mandat du général Pinochet alors que 45% le soutiennent[8].

[modifier] La transition démocratique

Le général Pinochet organise alors bon gré mal gré la transition politique, nomme un nouveau gouvernement, place des civils comme le journaliste économiste Joaquín Lavín (à la fonction de secrétaire général du gouvernement) à des postes anciennement tenus par des militaires alors que les partis d'opposition se déchirent dans un premier temps sur la conduite à tenir face au général Pinochet, à la constitution mais surtout pour désigner un candidat commun à l'élection présidentielle.

En un an, alors que le pays est en pleine transition démocratique, le boom économique connait une accélération inattendue. Le taux de chômage s'effondre à 6% de la population active alors que le Chili devient le premier pays exportateur d'Amérique du Sud, le premier client de la CEE et que le taux de son PNB passe en un an, de 5,8% à 10% [9].

En novembre, le gouvernement nomme un nouveau conseil pour la banque centrale où il fait entrer deux hommes de gauche au côté de deux hommes de droite et d'un candidat consensuel, Andres Bianchi, pour la présider. L'armée de terre est remaniée mais les postes les plus importants sont attribués à des proches du général Pinochet.

Le 14 décembre 1989, les électeurs chiliens élisent un nouveau président de la république et un parlement composé de 120 députés et de 83 sénateurs. Contrairement à l'ancienne constitution de 1925, c'est une élection à deux tours afin de permettre au nouveau président d'avoir une réelle assise populaire majoritaire dans le pays pour éviter la répététion de ce qui s'était passé en 1970. Trois candidats s'affrontent : un démocrate-chrétien, Patricio Alwyn soutenu sur un programme de gouvernement par tous les partis de la coalition du cartel du no à l'exception de l'extrême-gauche et du parti communiste, un candidat pinochetiste, Hernán Büchi et un candidat de centre-droite, Francisco Javier Errazuriz Talavera. Sur fonds d'attentat à l'explosif commis par le front patriotique Manuel Rodriguez qui provoque un mort, Patrico Alwyn est élu dès le premier tour avec 57% des voix contre 29% à Büchi et 15% à Talavera [10] alors qu'au parlement, si la coalition démocratique l'emporte (36% pour la démocratie-chrétienne et le centre-gauche, 24% pour la gauche), c'est l'UDI pinochetiste qui devient la première formation politique du pays (la droite a obtenu 40% des suffrages) [11].

Patrico Alwyn entre en fonction le 11 mars 1990 au cours d'une cérémonie de passation de pouvoirs avec le général Pinochet au parlement réuni à Valparaiso. Dans un moment rare d'union nationale, les deux hommes sont acclamés par les parlementaires [12]. Le général Pinochet demeure alors commandant en chef de l'armée chilienne jusqu'en 1998 [13].

[modifier] Bilan humain

Voir l’article rapport Valech.
Voir l’article Caravane de la mort.

Selon le rapport de la commission vérité et réconciliation publiée en 1990, le régime militaire est responsable de la mort ou de la disparition de 2279 personnes et d'environ 130 000 arrestations (en comparaison, la dictature argentine au pouvoir entre 1976 et 1983 est responsable de trente mille mort en sept ans). A ce bilan il faut ajouter l'opération Condor, menée conjointement avec les autres dictatures latino-américaines.

En outre, selon le rapport Valech, près de 29 000 personnes ont été torturées (y compris des mineurs de moins de douze ans).

Le rapport Valech de 2004 compte 29 000 personnes torturées. L'opposition de gauche décimée sur le territoire national, certains exilés politiques étaient aussi poursuivis dans le cadre de l'opération Condor comme le général Carlos Prats, assassiné en 1974 à Buenos Aires ou l'ancien ministre Orlando Letelier, assassiné le 21 septembre 1976 à Washington DC)

[modifier] Une politique économique néolibérale

Entre 1972 et 1977, le revenu des salariés est passé de 64% du PIB à 38%, tandis que les 5% de chiliens les plus riches voyaient leurs revenus exploser (passant de 25% du PIB en 1972 à 50% en 1975).

La malnutrition affectait alors la moitié des enfants chiliens et 60% de la population ne pouvait se procurer le minimum de protéines nécessaires par jour. La mortalité infantile augmentera fortement dans les premières années du régime, et une grande partie de la population se verra plongée dans la misère.

En 1977, le général Pinochet confie l'économie nationale aux théoriciens de l'école de Chicago, adeptes néolibéraux de Milton Friedman.

Pendant cinq ans, la croissance atteint 8 % par an alors que le taux d'analphabétisme régresse et que l'espérance de vie passe de 63,6 ans en 1975 à 74,4 ans en 1990 [14]

Cette thérapie de choc n'est pas sans conséquences sociales. Le début des années 1980 coïncide avec une récession qui voit le taux de chômage atteindre jusqu'à 30% de la population active (le taux baissera par la suite).

Les coupes drastiques dans les budgets sociaux et le programme de privatisations massives provoquent une hausse importante des inégalités. De nombreux employés du secteur public perdent leur emploi sans grand espoir de reconversion.

En 1988, le taux de chômage est tombé à 9% de la population active, l'inflation est réduite à 15% et alors que le PNB croît de 3,6% par an depuis 1985. Si les classes moyennes et les classes aisées ont bénéficié de l'expansion économique, c'est moins le cas des classes populaires. Ainsi, entre 1974 et 1989, les revenus des 10% des ménages chiliens les plus riches ont augmenté 28 fois plus vite que les 10% des ménages chiliens les plus pauvres [15].

Le boom économique s'accélère par la suite et caractérise le Chili durant toute la décennie 90 sous les mandats de Patricio Aylwin et de son successeur.

L'armée chilienne détient également le monopole sur l'exploitation du cuivre, sources de revenus importants pour le pays, privilège qu'elle conserve après le retour de la démocratie.

[modifier] Les rapports avec le Vatican

L'élection de Jean-Paul II comme pape au début des années 1980 marque, en Amérique latine, le reflux de la théologie de la libération. Celle-ci sera condamnée à deux reprises, en 1984 et 1986, par la Congrégation pour la doctrine de la foi dirigée par le cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI).

Jean-Paul II vient au Chili en 1987 où il rencontre le général Pinochet et lui rappelle que "le peuple a le droit de jouir de ses libertés fondamentales, même s’il commet des erreurs dans l’exercice de celles-ci" [16] et [17].

Angelo Sodano, qui deviendra le "bras droit" du Pape en 1990 et le secrétaire d'État de la Curie romaine (équivalent du poste de chef de gouvernement), a été nonce apostolique au Chili de 1977 à 1988 [18].

[modifier] Références

  1. Le rapport Rettig parle de climat propice à la guerre civile dans un contexte international de rapprochement avec Cuba et d'ouverture vers l'URSS (1ère partie, situation du Chili au 11 septembre 1973, la polarisation finale) alors que s'aggrave une crise économique « dévastatrice » à partir de 1972. Le rapport Rettig parle d'"ingouvernabilité du Chili" alors que l'opposition politique parlementaire demandait par un vote du 23 août 1973 le "recours aux forces armées et de police" pour forcer le gouvernement à abandonner le modèle social qu'il tentait d'imposer au pays. Cette "polarisation politique extrême du Chili" en 1973 a encore été cité dans la déclaration de la "table de dialogue" sur les droits de l'homme, signée par les militaires en 2000 par laquelle ils reconnaissaient pour la 1ère fois la violation des droits de l'homme durant le régime militaire. Voir également article de Time Magazine du 23 août 1973
  2. Le terme de régime militaire est le terme officiel utilisé par l'état chilien et la commission Vérité et réconciliation Voir lien sur bajar archivo pour désigner l'époque du régime dictatorial de la junte et celui de la période constitutionnelle régie par la "carta fondamentale" de 1980 et actuelle constitution du Chili
  3. Article du Figaro du 7 octobre 1988 intitulé "15 ans de régime militaire
  4. Il peut se targuer d'un taux de chômage qui est tombé à 9%, d'une inflation réduite à 15% et de la progression du PNB de 3,6% par an depuis 1985 - Article du Figaro intitulé "un bilan économique positif" du 7 octobre 1988
  5. Article du 5 octobre 1988 du journal Le Figaro
  6. Article de Guy Sorman dans Le Figaro-Magazine du 8 octobre 1988
  7. Représentant le centre-droit de la démocratie-chrétienne, Alwyn avait soutenu le coup d'état en 1973 et ne s'est dissocié de la dictature qu'à partir de 1976 - Article du Figaro du 14 décembre 1989
  8. Si les habitants de l'Ile de Paques ou de la 9ème région ont masivement soutenu le général Pinochet, 59% des habitants de la région de Santiago, fief démocrate-chrétien et région la plus peuplée du pays, l'ont rejeté - Articles du Figaro du 6 et 7 octobre 1988
  9. Article de Michel Tauriac dans le Figaro du 14 décembre 1989
  10. Articles du Figaro du 14 décembre et 15 décembre 1989
  11. Article du Figaro du 13 mars 1990
  12. Article du Figaro du 13 mars 1990
  13. En 1995, avec 40% d'opinions favorables, il est la 3ème personnalité préférée des chiliens derrière le président Eduardo Frei et le footballeur Ivan Zamorano - Article de Marcel Niedergang dans le Monde du 22 novembre 1995
  14. Le dossier Pinochet dans "Le spectacle du Monde" numéro 442 de janvier 1999
  15. Article du Figaro du 13 mars 1990
  16. [1]
  17. [2]
  18. Benoit XVI procède à des remaniements au sein de la Curie, Le Monde, 15 septembre 2006

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

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