Théodicée
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Une théodicée est une tentative d'explication du mal qui existe dans le monde malgré la bonté de Dieu, de la Nature, de la Société, ou de l'Homme. Tentative paradoxale dans le cas d'une créature finie qui cherche une excuse à son « Dieu », être qui lui est pourtant infiniment supérieur. Tentative de même paradoxale dans le cas de l'homme, simple élément d'un système, atome par rapport au Tout, quelque soit ce Tout : Société, Nature, Histoire etc. Une démarche similaire est entreprise par le vulgaire, lorsqu'il cherche à expliquer ses souffrances, à excuser la vie d'être, par des inventions morales ou métaphysiques, cet arrière monde (Nietzsche). Pour le philosophe, l'entreprise consiste plus subtilement à prouver que, malgré ou grâce au mal, l'Histoire a un sens, une direction et que cette direction aboutira au bien. C'est typiquement la théorie de Karl Marx, mais aussi de Hegel, de Kant, de Rousseau et des Lumières en général.
Diverses explications ont été avancées au cours des siècles pour réconcilier l'hypothèse classique d'un Dieu omnipotent, omniscient et bienveillant avec la constatation brutale de l'existence du mal sur Terre, et avec l'espérance du paradis. On doit la première et la plus célèbre à St-Augustin. Leibnitz au XVIIe siècle s'y est particulièrement illustré. Les philosophes ont tout d'abord analysé les différentes catégories de mal avant de proposer cinq explications différentes.
Sommaire |
[modifier] Les deux sortes de mal
[modifier] Le mal physique
C'est le mal qui résulte de l'œuvre de la nature.
Ce sont les météorites, les volcans en éruption, les tempêtes et les tremblements de terre, les ouragans et les inondations, les microbes, les virus et les parasites, les cancers et les tumeurs au cerveau, les trisomies 21 et les maladies d'Alzheimer, le SIDA, le paludisme, la variole, la lèpre, etc.
[modifier] Le mal moral
C'est le mal qui résulte intentionnellement de l'activité humaine.
Ce sont les meurtres et les viols, les tortures et les exécutions, les génocides et les guerres, les goulags, etc.
A noter que Lebnitz distingue 3 sortes de mal.
[modifier] Les cinq théodicées classiques
[modifier] L'argument de l'harmonie cachée
Selon les philosophes partisans de la théodicée de l'harmonie cachée, le mal que nous constatons n'est qu'une apparence de mal alors qu'il est en réalité un bien.
Aux yeux d'un ignorant, l'Histoire apparaît comme une collection de civilisations ayant sombré. Mais au yeux de Hegel, c'est la manifestation de l'Esprit qui peu à peu prend conscience de lui même en s'incarnant successivement dans ces civilisations. L'Histoire accouche dans le fer et le sang du Savoir Absolu, c'est à dire, de l'Esprit (=de Dieu) qui se contemple lui-même, et prend conscience qu'il est l'Histoire.
Ainsi, l'Esprit connaît la justification cachée des malheurs existants sur Terre alors que les humains ignorants de la science spéculative (sauf Hegel...) ne comprennent pas cette signification cachée. Cela peut être la même chose pour un scientifique pré-Kantien, qui recherche les harmonies cachées de la Nature - avec la langue mathématique. Une bonne explication scientifique justifie l'état des choses.
[modifier] Caractère non démontrable de l'argument de l'harmonie cachée
Cette théodicée n'explique en fait pas du tout l'existence du mal dans l'univers, elle se contente d'affirmer qu'il existe une explication mais que cette explication est connue de Dieu seulement.
A moins, bien sûr, que ce ne soit cette si lapidaire présentation de cette théodicée, qui, en la présentant mal, n'explique en effet pas du tout l'existence du mal (ou des maux ?) dans l'univers (celui défini scientifiquement à partir de la théorie de la relativité ?), et donne l'impression que cette théodicée se contenterait d'affirmer qu'il existe une explication connue de Dieu seul (mais lequel ?) et inconnaissable pour nous autres pauvres mortels.
J'ajoute, cette fois, que Hegel, quant à lui, ne parle tout simplement pas d'harmonie cachée.
[modifier] L'argument de la discipline
Selon les théologiens partisans de la théodicée de la discipline, le mal est envoyé par Dieu pour punir les pécheurs, ou tester la fidélité des croyants.
[modifier] Réfutation de l'argument de la discipline
Cette vision du créateur est en contradiction avec l'hypothèse de départ de l'omnibienveillance de Dieu.
En outre, cette théodicée ne peut expliquer le mal touchant les innocents (par exemple, un bébé assassiné par un criminel) et elle reste muette face au cas flagrant d'un criminel non puni et mourant tranquillement dans son lit. D'où l'argument l'harmonie cachée ou eschatologique.
[modifier] L'argument eschatologique
Selon les philosophes partisans de la théodicée eschatologique, l'existence du mal ne s'explique que par la présence d'une récompense à la fin du procès. Ainsi pour Hegel nous parviendrons au Savoir Absolu, tandis que pour Marx l'exploitation des prolétaires va produire une société sans classes, sans État et sans Histoire.
Certes, la vie est un enfer, et la piqûre du vaccin fait mal, mais la récompense finale est au bout du chemin.
[modifier] Réfutation de l'argument eschatologique
On pourrait dire que l'argument du « tout est bien qui finit bien » se réfute en indiquant que l'existence d'une récompense finale n'excuse pas le mal ayant précédé cette récompense.
Tous les grand criminels de l'histoire, de Robespierre à Hitler en passant par Staline, Polt-Pot, Mao, Kim-il-Jung, etc. se sont appuyés sur cet argument.
[modifier] L'argument ontologique
Selon les philosophes partisans de la théodicée ontologique, la création d'un univers complexe et infiniment diversifié doit nécessairement comprendre des défauts.
Sans ces défauts, l'univers serait Dieu lui-même.
Malgré l'existence obligatoire de ce mal, la majorité des phénomènes de l'univers sont optimaux et nous vivons dans le meilleur des mondes possibles.
[modifier] Caractère injustifiable de l'argument ontologique
Si ce monde est le meilleur des mondes possibles alors que penser de la nature du Paradis ?
Si l'on prend la religion catholique pour exemple : Jésus a annoncé la venue du royaume des cieux. Il parle bien entendu du paradis mais son propos est pincipalement que ce royaume est ici-bas. Il dit que l'on doit désormais construire notre avenir ensemble afin qu'il soit meilleur. Cette annonce il l'a faite aux pauvres (au sens large du terme). Il serait cependant faux de faire une quelquonque comparaison avec la théodicée précédente car Jésus n'a jamais clamé la nécessité de la violence pour le bien du monde. Pourquoi Dieu n'a-il pas créé les êtres humains directement au paradis au lieu de passer par cette épouvantable étape intermédiaire ? Pour les tester
voir ci-dessus.
Si l'existence du bonheur dépend de l'existence du malheur, puisque du monde, et que les deux sont indissociablement liés, alors pouvons-nous conclure qu'il n'existe ni l'un ni l'autre au Paradis... ou bien les deux ?
[modifier] L'argument du libre arbitre
Selon les philosophes partisans du libre arbitre (Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin, Leibnitz), l' être humain à la capacité de choisir en deux actions et de connaître les conséquences des actes
Nous sommes des êtres libres de tout déterminisme et cette liberté implique la capacité de choisir de faire le bien ou le mal.
Le mal est donc la contrepartie obligatoire de la liberté octroyée par Dieu.
[modifier] Réfutation de l'argument du libre arbitre
La pertinence de cet article est remise en doute. Considérez-le avec précaution. Discutez-en ou améliorez-le ! |
Cette théodicée ne s'applique qu'au mal moral et est impuissante à expliquer le mal existentiel (une famille anéantie dans un accident de voiture) et le mal naturel (une famille anéantie par la peste). Mais sans doute les voitures sont conduites, et d'autre part on nous répondrait avec l'argument l'harmonie cachée. D'autre part, l'argument du libre arbitre a incite à penser que la liberté sera perdue au paradis. Mais Adam et Ève ne furent-ils pas chassés du Paradis pour avoir voulu du fruit permettant d'être « comme Dieu » ?
Une autre critique pourrait consister à dire que Dieu aurait pu choisir de laisser le libre arbitre à ses créatures tout en supprimant les conséquences des actions malfaisantes. Ainsi, un meurtrier pourrait assassiner un innocent mais dans ce cas, celui-ci ressuscite immédiatement : le libre arbitre est préservé et le mal moral est éradiqué. Mais alors faire le mal serait sans conséquence et la liberté une pure agitation. Sans compter que cette tentative de meurtre resterait moralement condamnable, et que donc le mal serait toujours présent.
En plus de cette critique, on peut aussi s'interroger sur le cas troublant de Jésus.
En effet, Jésus est à la fois un homme et Dieu ; il est Dieu incarné.
Cela semble démontrer que Dieu aurait pu créer des êtres ayant leur libre arbitre comme Jésus et ayant également suffisamment de divinité en eux pour ne pas commettre de mal. Pourquoi alors avoir choisi de créer des êtres tellement imparfaits qu'ils peuvent choisir de se comporter comme des monstres ? Mais Jésus est Dieu, et Dieu ne peut vouloir se créer lui même pour peupler l'univers.