Bichelamar
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Parlé en | Vanuatu | |||
Région | ||||
Nombre de locuteurs | 200.000 | |||
Classement | ||||
Typologie | — | |||
Classification par famille | ||||
- Pidgins et créoles (Dérivée de la classification SIL)
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Statut officiel et codes de langue | ||||
Langue officielle de | Vanuatu | |||
Régi par | ||||
ISO 639-1 | bi | |||
ISO 639-2 | bis | |||
ISO/DIS 639-3 |
bis (en) |
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SIL | BCY | |||
Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur |
Le bichelamar ou bislama est un pidgin à base lexicale anglaise, parlé au Vanuatu (ex-Nouvelles-Hébrides). C'est la langue véhiculaire de cet archipel qui compte, par ailleurs, environ 105 langues vernaculaires; depuis son indépendance en 1980, c'est aussi l'une des trois langues officielles de la République du Vanuatu, à égalité avec le français et l'anglais.
Sommaire |
[modifier] Origine du nom
Le mot bichelamar viendrait du portugais bicho do mar « bête de mer » qui désignait un animal marin, l'holothurie. En anglais, cet animal est appelé sea-slug ou sea cucumber; en français, bêche de mer, biche de mer ou concombre de mer. Les holothuries étaient un produit consommé par les Chinois. Son commerce se fit d'abord avec les Malais, puis il s'étendit au Pacifique-Sud. Au milieu du XIXe siècle, des trafiquants, les beach-combers, allèrent la ramasser sur les récifs des îles mélanésiennes pour la revendre en Chine. La langue parlée entre ces navigateurs et les populations locales, sorte de sabir à base d'anglais, constitue la toute première forme du futur pidgin qui allait se répandre dans toute la Mélanésie. C'est ainsi que le terme bichelamar a fini par désigner l'une des variantes de ce pidgin. La forme bislama est la prononciation de ce même mot dans le pidgin lui-même.
[modifier] Histoire
Dans la première moitié du XIXe siècle, la Polynésie a été le lieu d'une importante pêche à la baleine. De nombreux autochtones ont été engagés dans les équipages des baleiniers. C'est l'origine d'un premier pidgin utilisé entre membres de ces équipages. Le nombre de baleines a décru progressivement, et donc leur pêche, mais le pidgin est resté comme langue de communication.
Dans le même temps, en 1827, la présence de bois de santal a été révélée dans l'île d'Erromango. Ce bois précieux, très prisé en Chine, a été l'objet d'un intense commerce effectué par les marchands australiens.
Ces deux activités se sont ajoutèes à l'exploitation de l'holothurie, et à son exportation vers la Chine.
Mais aux environs de 1860, toutes ces activités déclinèrent. C'est à cette époque que se sont développées de nouvelles plantations en Australie, spécialement au Queensland : canne à sucre surtout, mais aussi coton et coprah. Ces cultures réclamant beaucoup de main d'œuvre, c'est près de 50 000 habitants du futur Vanuatu qui furent engagés dans les plantations, au cours d'une période connue sous le nom de Blackbirding. Les travailleurs étaient engagés pour une durée standard de 3 ans, mais certains on renouvelé 2, voire 3 fois cette période. Les travailleurs venant d'îles différentes, et donc parlant des langues différentes, utilisèrent naturellement entre eux le pidgin qui émergeait alors. En effet, pour communiquer entre eux, ces travailleurs déracinés utilisaient un parler véhiculaire, comportant un vocabulaire anglais mais conservant la syntaxe des langues mélanésiennes. Ce pidgin est à l'origine du tok pisin aujourd'hui parlé en Papouasie Nouvelle-Guinée; du pijin parlé aux îles Salomon; et du bislama parlé au Vanuatu.
À la fin de la période du Blackbirding, alors que les travailleurs rentraient chez eux autour de 1910, le bislama s'est stabilisé linguistiquement, puis a commencé à se répandre comme lingua franca, dans tout l'archipel du Vanuatu (alors nommé les Nouvelles-Hébrides). Lors de l'indépendance en 1980, il devient langue officielle, aux côtés du français et de l'anglais. De plus, en 1981, les Églises de Vanuatu ont accepté d'utiliser le bislama comme langue de communication avec leurs fidèles. Tout ceci a considérablement renforcé la position de cette langue, peu considérée jusque-là. Au cours des dernières décennies, les courants migratoires, l'urbanisation, les mariages entre groupes linguistiques différents, le livre et la radio ont contribué au processus de créolisation du pidgin-english: le bislama, dans les deux zones urbaines du pays (Port-Vila et Santo), est ainsi devenu la première langue de nombreux locuteurs qui ont cessé de parler leur langue d'origine. Il garde néanmoins son statut de pidgin (langue véhiculaire) dans les zones rurales du Vanuatu, qui continuent encore aujourd'hui à parler les langues vernaculaires d'origine.
Le bislama est actuellement la langue la plus utilisée dans l'archipel du Vanuatu, aussi bien dans la vie quotidienne que dans les médias, ou au parlement. Elle représente une certaine neutralité dans un pays partagé entre les influences française et anglaise.
[modifier] Alphabet et prononciation
[modifier] Voyelles
- A, I, O = comme en français
- E = "é" ou "è"
- U = "ou"
[modifier] Consonnes
- B, D, F, K, L, M, N, P, R, S, T, V, Y = comme en français
- G = g dur, souvent confondu avec K
- P et F sont également parfois confondus (ex. : prom / from)
- H = comme en anglais, muet chez certains locuteurs
- J = entre "dj" et "tch"
- W = comme dans "watt"
[modifier] Diphtongues
- AE = proche de "aille"
- AO = proche de l'anglais "ow"
[modifier] Grammaire
[modifier] Pronoms personnels
[modifier] Singulier
- mi : je
- yu : tu
- hem : il, elle
[modifier] Duel
- yumitu : nous deux inclusif (toi et moi)
- mitufala : nous deux exclusif (moi et lui)
- yutufala : vous deux
- tufala/tugeta : eux deux, elles deux
[modifier] Triel
- yumitrifala : nous trois inclusif (vous deux et moi)
- mitrifala : nous trois exclusif (nous trois)
- trifala/trigeta : eux trois, elles trois
[modifier] Pluriel
- yumi : nous inclusif (nous tous)
- mifala : nous exclusif (eux et moi)
- yufala : vous (>3)
- ol/olgeta : eux, elles (>3)
[modifier] Phrase de base
Il n'y a pas de verbe être utilisé comme copule.
- mi dokta = je suis docteur
- yu smol = tu es petit
Le mot i est utilisé pour indiquer la fin du groupe sujet à la troisième personne du singulier.
- hem i dokta = il est docteur
- haos i waet = la maison est blanche
Il est présent même lorsque le sujet est omis.
- i smel gud = ça sent bon
Le pluriel est introduit par ol, i devenant alors oli.
- ol haos oli waet = les maisons sont blanches
[modifier] Verbes
Les verbes sont soit invariables, soit possèdent 2 formes.
Verbes invariables :
- kakae = manger (également "nourriture")
- swim = nager
- drink = boire
Verbes variables :
- giv / givim = donner
- bon / bonem = brûler
- kuk / kukum = cuire, cuisiner
La forme en -m indique que le verbe possède un complément d'objet direct. Par exemple :
- haos i bon = la maison brûle
- mi bonem haos = je brûle la maison
[modifier] Marqueurs aspectuels
no : ne... pas
- hem i no kakae yam = il ne mange pas d'igname
nomo : ne... plus (placé avant le prédicat)
- hem i nomo kakae yam = il ne mange plus d'igname
nomo : ne... que (placé après le prédicat)
- hem i kakae yam nomo = il ne mange que de l'igname
neva : ne... jamais
- hem i neva kakae yam = il ne mange jamais d'igname
tes : l'action vient tout juste de se produire
- mifala i tes wekap = nous venons de nous réveiller
stat : commencer, début d'un processus
- hem i stat kukum kumala = elle vient juste de commencer à faire cuire les patates douces
stap : action en train de se dérouler, avoir l'habitude
- hem i stap kukum kumala = elle est en train de faire cuire des patates douces / elle a l'habitude de faire cuire les patates douces
bin : lorsque l'action se déroule à un moment précis du passé
- hem i bin go long Kanal = il est allé à Lugainville (principale ville de Santo)
finis : exprime l'accompli
- hem i finis kakae = il a fini de manger
mas : devoir, obligation
- hem i mas kakae = il doit manger
traem : essayer, tenter
- hem i traem singsing = il essaie de chanter
wantem : vouloir, désirer
- hem i wantem go long Kanal = il veut aller à Lugainville
save : pouvoir, savoir
- mi save toktok langwis bislama = je sais parler le bichelamar
bambae (ou seulement bae) : futur
- hu ia bambae i karem yu i kasem long haos ? = qui donc t'a emmené jusqu'à la maison ?
- niu nem ia we bambae i tekom = le nouveau nom qu'il adoptera
supos : si, exprime la supposition
- supos yumitufala i faenem pig ia, yumitufala i kilim = si nous trouvons ce cochon sauvage, nous le tuons
[modifier] Prépositions
[modifier] Blong
Peut se traduire par "de" ou "pour". Dans un discours rapide, peut être racourci en blo.
- Indique une relation d'appartenance.
- haos blong mi = ma maison
- naef blong yu = ton couteau
- Indique une relation plus générale entre déterminant et déterminé.
- wil blong trak = pneu de voiture
- mit blong pig = viande de cochon
- Indique une fonction ou un but.
- buk blong rid = livre de lecture
- wota blong drink = eau potable
- mi go long taon blong pem bred = je suis allé en ville pour acheter du pain
- Indique un trait de caractère ou une origine.
- hem i man blong drink = c'est un ivrogne
- hem i blong Tanna = il est de Tanna
[modifier] Long
Peut se traduire par "à", "dans", "sur" ou "avec". Dans un discours rapide, peut être racourci en lo.
- Indique une localisation.
- bred i stap long tebol = le pain est sur la table
- mi stap slip long haos = je dors dans la maison
- Indique le moyen, l'instrument.
- mi kam long trak = je suis venu en voiture
- mi katem frut long naef = je coupe un fruit avec un couteau
- Indique une comparaison.
[modifier] Wetem
Peut se traduire par "avec", "en compagnie de".
- Indique l'accompagnement.
- mi kam wetem yu = je viens avec toi
[modifier] Olsem
- marque l'identité, la ressemblance
- wan fis olsem sak = un poisson comme un requin
- wud ia i stong olsem ayan = ce bois est dur comme du fer
[modifier] From
Peut se traduire par "à cause de".
- Indique la cause.
- mi bin kam from hariken = je suis venu à cause de l'ouragan
[modifier] Interrogatifs
- Hamas : combien?
Hamas mani ? : combien ça coûte ?
I hamas ? : C'est combien ?
- Hu : qui ?
Woman ia hu ? : Qui est cette femme
Hu ia nem blong yu ? Quel est ton nom ?
Nem blong man ia hu ? : Quel est le nom de cet homme
- Wanem : quoi ?
Yu wantem wanem ? : Que veux-tu ?
- Wiswan : lequel ?
Yu takem wiswan ? : Lequel prends-tu ?
- Wea : où ?
Yu go wea ? : où vas-tu ?
- Wanem taem : quand ?
Sto i klos long wanem taem ? : A quelle heure ferme le magasin
- Weswe : par quel moyen ? Comment ?
[modifier] Nombres (numba)
- Cardinaux
1 : wan ; 2 : tu ; 3 : tri ; 4 : fo ; 5: faef ; 6 : sikis : 7 : seven ; 8 : eit ; 9 : naen ; 10 : ten ; 11 : leven ; 12 : twelef ; 13 : tatin ; 14 : fotin ; 15 : feftin ; 16 : sikistin ; 17 : seventin ; 18 : eitin ; 19 : naetin ; 20 : twante ; 30 : tate ; 40 : fote ; 50 : fefete ; 60 : sikiste ; 70 : sevente ; 100 : handred
- Ordinaux
Numba wan, tu, tri... : premier, deuxième, troisième...
[modifier] Déterminants
Wan : un(e)
Sam : des, quelques
plante : beaucoup de
ol : les
wanwan : un par un
evri : tous, chaque
sam we long : environ
ia : ce, cette
[modifier] Superlatif
Se contruit avec le terme « mo »
ol mo naes buluk : les plus beaux bœufs
Wan mo gud rod : une meilleure route
[modifier] Quelques exemples
- helo : bonjour
- olsem wanem : Comment vas-tu ?
- i gud (nomo) : (très) bien
- Tangyu tumas : Merci beaucoup
- Plis : s'il te plait
- Gudmonig : Bonjour
- Gudnaet : Bonne nuit
- Tata : au revoir
- Babai : salut
- lukim you : A tout à l'heure
- Wanem i rong long yu ? : Quel est ton problème ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Wet smol : attend un peu
- Em i man blong dring Tusker : C'est un buveur de bière (de Tusker, la bière locale, fonctionne également avec numba wan, un autre bière locale)
- baramin/kruba/pubel/kontena : un soulard
- Graon i sek : Tremblement de terre
- basket blong sisit : boyau, intestin
- basket blong titi : soutien-gorge
- hem i gat gras tumas man ia : Cet homme est poilu
- Bebet : insecte
- Nakamal : case des hommes
- pat blong traot blong ol man we i stap mufmuf taem oli toktok : la pomme d'adam
- sista blong bigfala bokis team yu skrasem bel blong hem i krae : violon
- wan bigfala bokis i gat blak tut mo waet tut taem yu kilim hem i krae : piano
- gras no gud : poils pubiens
[modifier] Enseignement
[modifier] En France
- Le bislama est enseigné à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Paris), dans le premier cycle de langues océaniennes
[modifier] Bibliographie
- Dictionary : Bislama to English. Port-Vila : Maropa Bookshop, 1977, 138 p.
- BALZER T., LEE E., MÜLHì,USLER P., MONAGHAN P., Pidgin Phrasebook. Pidgin languages of Oceania, Lonely Planet Publications
- CHARPENTIER (Jean-Michel). Le pidgin bislama(n) et le multilinguisme aux Nouvelles-Hébrides. Paris : SELAF, 1979, 416p. (Langues et civilisations à traditionns orales 35)
- CROWLEY (Terry). An illustrated Bislama-English and Englih-Bislama Dictionary. Port-Vila,University of the South Pacific, 1990, 478p.
- CROWLEY (Terry). A new Bislama Dictionary. Suva : University of the South Pacific, 1995, 492 p.
- CROWLEY (Terry), Beach-La-Mar to Bislama: The Emergence of a National Language in Vanuatu, Oxford University Press, ISBN 0198248938
- GUY (J.B.M.). Handbook of Bichelamar /Manuel de Bichelamar. Canberra : The Australian National University, 1975, 356 p. (Pacific Linguistics, series C, N°34)
- TRYON (Darell T.) Bislama : An Introduction to the National Language of Vanuatu. Canberra : The Australian University, 1987, 261 p. (Pacific Linguistics, series C, N°50)
- Une bande dessinée publiée par Guy Michel Deroin à Port-Vila simultanément en français et en bichelamar : Mino, une nouvelle légende du fils des chefs Tabu : Sauve moi la vie ou Mino, Niufala stori blong Pikinini blong Jif Tab : Sevem laef blong mi.
[modifier] Liens externes
- Section langues océaniennes de l'INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales [1]
- Actualité du Vanuatu en Bichelamar http://www.news.vu/tam/
- Wikipédia en bislama