Histoire du cerveau
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Il est intéressant d'avoir une approche historique des représentations du cerveau. Nous sommes habitué à considérer comme normal qu'un dégât au niveau du cerveau puisse entraîner des troubles au niveau d'autres parties du corps. Mais cette idée n'est pourtant pas si évidente.
Pendant de nombreux millénaires, les fonctions du cerveau étaient inconnues, et l'on croyait que l'activité mentale avait place, par exemple, dans le cœur. Cette vision, que nous savons aujourd'hui infondée, se retrouve dans certaines expressions courantes : « Tu me brises le cœur. », « Avoir un cœur de pierre. », « Apprendre par cœur.»...
Toutefois, les travaux médicaux du XXe siècle laissent penser que l'activité mentale a bien lieu en son sein. Par divers moyens, il a même été possible de situer des centres relatifs à diverses activités, même si la généralisation de cette approche rencontre encore de nombreuses résistances.
Sommaire |
[modifier] Le cerveau dans l'antiquité
Aristote ne voyait dans le cerveau qu'une espèce de radiateur. Justifions cependant son erreur par quelques considérations anatomiques :
- le cerveau est effectivement un des organes les mieux vascularisés du corps humain
- de plus, mis à nu, le cerveau semble beaucoup moins sensible que le cœur aux stimulations mécaniques
Il a fallu une véritable révolution philosophique et scientifique pour mener à l'idée du cerveau comme centre des pensées. Révolution philosophique avec Platon qui sépare l'âme en trois parties dont l'une, immortelle, se situe dans la tête. Mais aussi révolution scientifique dans la connaissance de l'anatomie humaine avec Hippocrate, Hérophile et Érasistrate. Les médecins acceptent ainsi peu à peu l'idée qu'un dégât au niveau du cerveau puisse avoir des conséquences au niveau d'autres organes. Cette connaissance scientifique reste cependant très limitée. Hippocrate écrit par exemple : « le cerveau est semblable à une glande... blanc, friable comme celle-ci ». Et Hérophile, bien qu'il participe grandement à l'accroissement de la connaissance de l'anatomie du cerveau, resta persuadé que toutes les affections du corps humain provenaient exclusivement de problèmes dus à des déséquilibres d' « humeurs ».
La vraie nature du cerveau et de ses relations avec les autres organes n'est donc pas encore comprise. Gardons cependant en tête que la connaissance anatomique du cerveau a grandement progressé au cours de l'Antiquité. Il faudra attendre le XVIIe siècle en Europe pour dépasser ce niveau de connaissance !
Plus tard, d'autres personnes, comme Augustin d'Hippone, sans remettre en cause le caractère central du cerveau au détriment du cœur, place bien l'esprit au sein du cerveau mais au sein des espaces vides dont l'anatomie a révélé l'existence au sein du cerveau : les ventricules.
Au début du XXème siècle, il apparut bien vite qu'il y avait encore beaucoup à apprendre sur la manière dont le cerveau supervise le langage, faculté spécifique à l'être humain. dès 1906, Sherrington (prix Nobel en 1932) décrivait le mécanisme corps-cerveau comme un mécanisme complexe, contrôlé par des boucles rétro-actives. La rétroaction, écrivait Sherrington, permet au cerveau d'évaluer la nature de toute une gamme de stimuli et de produire la réponse appropriée. dans le même temps, Santiago Ramon y cajal étudiait la structure cellulaire du cerveau. Il découvrit que les neurones transmettent l'influx nerveux sans jamais se toucher. L'influx nerveux passe d'un neurone à l'autre en traversant la synapse à l'aide de neurotransmetteurs. De 1930 à 1950, le canadien William Penfield fit considérablement évoluer les connaissances sur les localisations cérébrales. Il réalisa des stimulations électriques directes du cortex (au cours d'interventions chirurgicales) et répertoria méticuleusement les réponses aux stimulis. Il résuma ses expériences sous forme d'Homonculus moteur et sensoriel.
[modifier] Évolution des représentations du cerveau dans la seconde moitié du XXe siècle
Ce qui suit rend compte des thèses du Prof. Dr. Michael Hagner présentées à Goettingue, le 14 octobre 2005 lors d'une conférence intitulée "Ikonophilie und Ikonophobie in der Hirnforschung"
En faisant une étude des illustrations des livres scientifiques sur le cerveau, on constate une forte évolution au cours de la seconde moitié du XXe siècle. On pourrait dire que les scientifiques travaillant sur le cerveau sont passés d'une "icônophobie" à une "icônophilie".
[modifier] Icônophobie de la cybernétique
Après la Seconde Guerre mondiale, la cybernétique a été le paradigme dominant pour l'étude du cerveau. On a considéré que le cerveau était équivalent à une machine à calculer. On était au début de l'émergence de l'informatique, et beaucoup de travaux théoriques s'accumulaient pour montrer comment, avec des opérations logiques basiques, on pouvait résoudre des problèmes complexes. Par analogie on a considéré que, n'importe comment, le cerveau réalisait des opérations logiques du même type que celle que l'on était entrain de mettre au point pour les ordinateurs. La recherche sur le cerveau va alors se contenter de représenter les circuits logiques supposés être sous-jacents au fonctionnement du cerveau. Les représentations anatomiques sont absentes, ou bien simplifiées. Par exemple le célèbre livre de John von Neumann, "The computer and the brain", a pour illustration en page de garde un ordinateur occupant la majeur partie de la photo et John von Neumann posant sur le coté. Ou bien des schémas de neurones connectés ressemblent plus à des schémas de logique ou d'électronique qu'à des planches histologiques. De manière générale en biologie, deux types de représentation s'opposent, d'une part des représentation physionomique, et d'autre part des représentations fonctionnelles. La cybernétique des années 1940 a choisit délibérément le deuxième. À l'instar du comportementalisme, il s'agit plus de savoir ce que fait le système plutôt que de savoir ce qu'est le système.
On peut tracer un parrallèle entre cette abstraction systèmatique dans la représentation du cerveau de la part de l'école cybernétique des années 1940-50 avec le rejet général d'une approche particulariste dans la plupart des sciences de cette époque. En ethnologie par exemple domine le structuralisme avec notamment Claude Lévi-Strauss. En effet la représentation physionomique a été (trop) utilisé par les sciences sous influence nationaliste afin de mettre en exergue la supériorité de tel ou tel. Par l'abstraction systèmatique on veut on contraire refuser toute hierarchisation, non seulement entre cultures humaines, mais aussi entre êtres vivants, voire entre toutes structures capables de traitement logique de l'information.
[modifier] Icônophilie de l'imagerie cérébrale
Depuis les années 1990 on assiste plutôt à un retour de l'autorité de l'image comme élément de preuve scientifique dans le cadre de la recherche sur le cerveau. Bien que les nouvelles méthodes d'imagerie cérébrale nécessitent une haute technicité et un traitement informatique complexe, et que donc les images obtenues ne correspondent pas à une observation directe des phénomènes, elles exercent néanmoins par leur apparente simplicité, et par leur attractivité (de jolie couleur, parfois même des animations...), une fascination, une force de conviction intrinsèque. Consécutivement la comparaison ordinateur/cerveau perd de sa force dans la communauté des chercheurs en neuroscience. Elle est remplacée par les concepts d'auto-organisation, de plasticité, d'apprentissage... Ironiquement, la recherche en informatique tente même de faire des ordinateurs qui miment le cerveau. On parle de réseaux neuronaux, d'intelligence artificielle, d'ordinateur capable d'apprendre, ou tout simplement de "convivialité" des logiciels et des systèmes d'exploitation...
Néanmoins les spécialistes en neuroscience restent vigilant face à cette icônophilie. De plus en plus de critiques s'élèvent contre une "imagerie fonctionnelle" qui montre ce qui se passe pendant tel ou tel comportement/pensée, mais ne dit rien du comment est corrélé un comportement avec l'activation de telle ou telle aire cérébrale.
[modifier] Une rumeur amusante concernant le cerveau
On découvrit dans l'entre-deux guerres que le cerveau était composé de plus de cellules gliales que de neurones, dans un rapport qui fut estimé alors de 4 à 1. Il n'en fallut pas plus pour que des journaux titrent « Nous n'utilisons que 20% de notre cerveau pour penser », qui devint rapidement par déformations successives : « Nous n'utilisons notre cerveau qu'à 20% de sa capacité ». Cette erreur perdure encore dans plusieurs milieux aujourd'hui.
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