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Science

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La science (du latin scientia, connaissance) relève Historiquement de l'activité philosophique, et fut pendant longtemps un exercice spéculatif visant à élucider les mystères du monde par l'exercice de la raison. Au cours du Moyen Âge, la science s'est progressivement détachée de l'emprise de la théologie et de la philosophie.

Aujourd'hui, la science désigne à la fois une démarche intellectuelle reposant idéalement sur un refus des dogmes et un examen raisonné et méthodique du monde[1] et de ses régularités visant à produire des connaissances résistant aux critiques rationnelles, et l'ensemble organisé de ces connaissances.

Au cours de son histoire, elle s'est structurée en disciplines scientifiques : mathématiques, chimie, biologie, physique, mécanique, optique, astronomie, économie, sociologie

Sommaire

[modifier] Une science insaisissable

S'il n'est en général pas trop malaisé de reconnaître une science, il l'est bien plus de la saisir en quelques mots. Aucune définition n'est en effet satisfaisante[2] à commencer par celle proposée ci-dessus, pourtant formulée de la manière la plus neutre possible.

Les essais de clarification de la notion de science reposant sur la mise en lumière d'une "méthode scientifique" qui lui serait spécifique furent sans succès. Alan Chalmer écrit ainsi qu'il « n'existe pas la moindre méthode permettant de prouver que les théories scientifiques sont vraies ou même probablement vraies. »[3]

Derrière ce brusque rappel se cache le constat de l'échec du projet fondationnaliste, qui visait à établir des critères clairs permettant de s'assurer de la vérité d'une proposition, et en particulier d'une loi causale ou statistique : « on peut dire qu'en ce qui concerne les sciences empiriques tout au moins, le projet fondationnaliste a échoué : il n'a pas réussi à montrer comment pouvait être fondée la relation, d'abord entre expérience immédiate et énoncé d'observation, ensuite entre terme observationnel et terme théorique, enfin entre énoncé singulier et énoncé universel ou probabiliste. »[4] Cet échec, qui est en particulier celui des tentatives visant à résoudre le problème de l'induction, ruine l'espoir de faire tenir la notion de "science" dans la définition de sa méthode.

Alan Chalmer, toujours lui, après avoir examiné les principales théories de la science de la fin du XXe siècle, considère « qu'il n'existe pas de conception éternelle et universelle de la science [...]. Rien ne nous autorise à intégrer ou à rejeter des connaissances en raison d'une conformité avec un quelconque critère donné de scientificité. »[5] Il expose en particulier les limites de la solution apportée par Popper au problème de la démarcation entre science et non science, qui est bien loin d'avoir l'universalité qui lui est généralement accordée[6]. Chalmers prend soin de préciser qu'il n'est pas vrai que « tout point de vue soit aussi bon qu'un autre », dénonçant ainsi le relativisme. Mais il n'en fait pas moins ce constat : il n'existe pas de critères de scientificité universellement valables.


[modifier] Notion polythétique?

Pour autant, cela ne signifie pas nécessairement, comme l'écrit Paul Feyerabend, que « la science est beaucoup plus proche du mythe qu'une philosophie scientifique n'est prête à l'admettre »[7], mais plus prosaïquement qu'il faut abandonner l'espoir de pourvoir saisir la notion de science au moyen de quelques "critères" précis, ou en la faisant reposer sur une "méthode" bien définie. Ce qui n'empêche certes pas la science d'avancer.

Cela n'empêche pas non plus d'en dresser un portrait sommaire. Car si la science - ou plutôt l'ensemble des sciences - est irréductible à une définition précise, il n'en est pas moins vrai que ses différentes composantes ont des airs de famille[8] qui nous permettent de les reconnaître et de les distinguer, plus ou moins facilement, plus ou moins clairement, des autres formes de connaissance. C'est une réponse de cette ordre que fait Raymond Boudon aux relativistes qui prennent prétexte du caractère insaisissable de la science pour en nier la spécificité : « [Les] conclusions [relativistes] ne tiennent que grâce à l'a priori selon lequel à tout sentiment de distinction doit correspondre une distinction soit objective, soit sociale. En revanche, elles disparaissent lorsque l'on admet que les notions de "progrès", d'"objectivité", de "vérité", de "science" [échappent sans difficultés à cette règle]. »[9] Il s'explique en développant cet exemple : « même un concept comme celui d'"or" qui paraît pourtant désigner une matière bien définie (comme on dit), ne correspond pas du tout, jusque dans ses usages scientifiques, à une définition arrêtée une fois pour toutes […]. Si la définition de l'"or" est variable, comment imaginer que des concepts indispensables comme "anomie", "attitude", "paradigme" et mille autres concepts que l'on pourrait mentionner puissent faire l'objet d'une définition arrêtée une fois pour toute? […] Les notions de "roman", de "tragédie", de "drame", d'"opéra wagnérien", de "sociologie", d'"économie", de "romantisme", de "fonction", de "structure" sont des mots [de cette nature]. » Ce qui n'empêche pas, ajoute-t-il, que « nous [puissions] dans bien des cas les utiliser avec une sûreté complète. »[10]

En résumé :

Si la "science" n'est pas plus définissable que le "roman" ou la "tragédie", nous pouvons nous reposer sur certains "airs de famille" pour la distinguer des autres formes de connaissance.

Quels sont ces "airs de familles"? Nous en distinguerons ici de quatre sortes, en suivant la définition (forcément insatisfaisante) de l'introduction :

  • Un certain "refus des dogmes"
  • Un certain "rapport au monde"
  • Un certain usage de la "raison"
  • Une certaine "résistance aux critiques rationnelles"

La discussion de ces "airs de famille" permettra précisément de saisir les limites de cette définition.

[modifier] Refus des dogmes

La science s'est constituée historiquement contre les dogmes religieux. Les relations entre science et religion ont continué à être très conflictuelles en Europe jusqu'au XIXe siècle.


[modifier] Exploration du monde

[modifier] Recours méthodique à la raison

[modifier] Exposition aux critiques rationnelles

[modifier] Science ou sciences ?

Devant la diversité des domaines de connaissances revendiquant le statut de science, il apparaît difficile, voire naïf, d'user de ce mot au singulier. Le débat sur l'unité de la science n'est pas clos, et le simple fait d'user de ce mot au singulier, ou d'éviter au contraire un tel emploi, est porteur de sens.

Fondamentalement, la question de l'unité profonde de la science recoupe les débats opposant depuis des millénaires nominalistes et essentialistes.

[modifier] Différentes catégories de science

On classe également les sciences selon :

  • leur but : sciences appliquées, sciences fondamentales ;
  • leur méthode : sciences nomothétiques et sciences idiographiques, sciences expérimentales et sciences d'observation ;
  • leur objet : sciences empiriques (sciences naturelles, sciences sociales, sciences humaines), sciences logico-formelles.

Il ne faut pas se laisser abuser par ces grandes catégorisations, qui peinent à rendre compte de réalités plus complexes. Une même science peut ainsi être pour partie expérimentale, pour partie observationnelle. Il faut également prendre garde de ne pas tomber dans l'excès inverse qui consisterait, face à la complexité du réel, à nier qu'il puisse y avoir de profondes différences entre les différentes formes de recherche scientifique.

[modifier] Selon leurs buts

Les sciences appliquées (qu'il ne faut pas confondre avec la technique en tant qu'application de connaissances empiriques) visent la réalisation d'un objectif pratique, tandis que les sciences fondamentales visent prioritairement l'acquisition de connaissances nouvelles. On ne peut cependant classer a priori une discipline particulière dans un domaine ou dans un autre. Les mathématiques, la physique ou la biologie peuvent ainsi aussi bien être fondamentales qu'appliquées, selon le contexte. Certaines disciplines restent cependant plus ancrées dans un domaine que dans un autre. La cosmologie est par exemple une science exclusivement fondamentale. L'astronomie est également une discipline qui relève dans une grande mesure de la science fondamentale. La médecine, la pédagogie ou l'ingénierie sont au contraire des sciences essentiellement appliquées (mais pas exclusivement).

Sciences appliquées et sciences fondamentales ne sont pas cloisonnées. Les découvertes issues de la science fondamentale trouvent des fins utiles (ex : le laser et son application au son numérique sur CD). De même, certains problèmes techniques mènent parfois à de nouvelles découvertes en science fondamentale. Ainsi, les laboratoires de recherche et les chercheurs peuvent faire parallèlement de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale. Par ailleurs, la recherche en sciences fondamentales utilise les technologies issues de la science appliquée, par exemple la microscopie, les possibilités de calcul des ordinateurs...

[modifier] Selon leurs méthodes

Une première distinction de cet ordre peut être faite entre les sciences nomothétiques et les sciences idiographiques. Les premières cherchent à établir des lois générales pour des phénomènes susceptibles de se reproduire. On y retrouve bien évidemment la physique ou la biologie, mais également des sciences humaines ou sociales comme l'économie, la psychologie ou même la sociologie. Les secondes s'occupent au contraire du singulier, de l'unique, du non récurrent. Cette classe de sciences pose évidemment problème. Cependant, l'exemple de l'histoire montre qu'il n'est pas absurde de considérer que le singulier peut être justiciable d'une approche scientifique.

La chimie : science expérimentale.
La chimie : science expérimentale.

Une seconde distinction peut porter sur le recours, ou non, à la démarche expérimentale. Les sciences expérimentales, comme la physique ou la biologie, reposent sur une démarche active du scientifique, qui construit et contrôle un dispositif expérimental reproduisant certains aspects des phénomènes naturels étudiés. Ces sciences emploient la méthode expérimentale. Les résultats des expériences ne sont pas toujours quantifiables (exemple : l'expérience de Konrad Lorenz avec les oies grises, en éthologie). Lorsqu'il n'est pas possible de contrôler un environnement expérimental, les scientifiques peuvent avoir recours à l'observation. Lorsqu'une discipline se forme autour de cette démarche, on parle alors de sciences d'observation. L'astronomie ou l'économie en sont des exemples classiques. Mais la frontière n'est jamais nette : il existe une économie expérimentale, et la physique des hautes énergies permet d'une certaine façon de tester expérimentalement certaines théories astronomiques. À ce diptyque expérimentation / observation, s'ajoute aujourd'hui la simulation informatique.

[modifier] Selon leur objet

On peut enfin distinguer les sciences empiriques et les sciences logico-formelles.

Les premières portent sur le monde empiriquement accessible, et partent de notre expérience sensible de ce monde. Elles regroupent :

  • les sciences de la nature, qui ont pour objet d'étude les phénomènes naturels ;
  • les sciences humaines, qui ont pour objet d'étude l'Homme et ses comportements individuels et collectifs, passés et présents.

De leur côté, les sciences logico-formelles (ou sciences formelles) explorent déductivement, selon des règles de formation et de démonstration, des systèmes axiomatiques. Il s'agit par exemple des mathématiques ou de la logique[11].

Cette typologie n'est pas unique, voir l'article Typologie épistémologique.


[modifier] Différentes disciplines

[modifier] Thèse de l'unité de la science

[modifier] Les deux faces de la science

[modifier] Une institution

La science comme institution : la recherche scientifique.

Cette institution a une histoire

L'ensemble des actions entreprises en vue d'améliorer et d'augmenter l'état des connaissances dans un domaine scientifique constitue la recherche scientifique. L'organisation et la prise en charge des activités de recherche constituent un enjeu important de compétitivité et de prestige pour toutes les nations.

La recherche scientifique est devenue depuis quelques décennies un enjeu majeur pour le développement économique. C'est dans cette perspective que furent développés des outils statistiques visant à mesurer la production scientifique d'une nation, d'une région, d'une institution ou d'un individu.

[modifier] Un corpus de savoirs

[modifier] Méta-sciences : les études sur la science

[modifier] Sociologie des sciences

La science comme phénomène social.

Longtemps abandonnée aux épistémologues et aux philosophes, la science a commencé à être l'objet de l'attention des sociologues au milieu du XXème siècle, avec les travaux fondateurs de Robert K. Merton.

La science est également en interaction avec la société. Ces relations entre science et société sont également l'objet de l'attention des sociologues.

[modifier] Philosophie des sciences

Henri Poincaré, Grand philosophe et grand scientifique.
Henri Poincaré, Grand philosophe et grand scientifique.

Sous cet angle, l'étude de la science relève de l'épistémologie.

La science est ici considérée comme un objet philosophique.

Les premières spéculations philosophiques visant à élucider le problème de la connaissance remontent à l'Antiquité grecque, et furent en particulier développées par Aristote. Les grands schéma de pensée qui y furent développés n'ont en rien perdu leur actualité, et nous retrouvons aujourd'hui des oppositions pensées il y a plus de deux millénaires.

[modifier] Science et rationalité

La science se revendique comme l'application de la raison à l'exploration du monde qui nous entoure.

[modifier] Problème de l'induction

La science ne fonctionne pas par méthode déductive pure. Une série d'expériences ne validerait en effet des résultats qu'effectués à une date et en un endroit particuliers, sans possibilité logique de les généraliser. Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage Science et religion (chapitre La science est-elle superstitieuse ?) ce qu'il nomme le scandale de l'induction, et qu'il voit comme un mal nécessaire.

[modifier] Sciences et pseudo-sciences

Le mot « science » est parfois utilisé pour soutenir qu'il existe des preuves scientifiques là où il n'y a que croyance. Selon ses détracteurs, c'est le cas du mouvement de scientologie. Pour ces cas, il vaudrait mieux parler de sciences occultes ou pseudo-sciences.

Sont désignées sous le nom de pseudo-sciences les pratiques qui se réclament de la science tout en s'écartant de la méthode scientifique mais en mimant certains aspects. On peut citer par exemple l'astrologie, l'homéopathie, la morphopsychologie (voir culte du cargo).

Le philosophe Karl Popper s'est longuement interrogé sur la nature de la démarcation entre sciences et pseudo-sciences. Dans son ouvrage Conjecture et réfutations, après avoir remarqué qu'il est possible de trouver des observations pour confirmer à peu près n'importe quelle théorie, il propose une méthodologie fondée sur la réfutabilité.

Sur ce point, il convient d'affirmer que la critique des pseudo-sciences ne se limite pas à celle de la pensée magique, mais aussi à celle de toutes les disciplines dont le raisonnement est basé sur des convictions purement doctrinales.

Tel est par exemple le cas du darwinisme social (dérivé fallacieux de la théorie de l'évolution, proposant une hiérarchie de races plus ou moins évoluées dans l'espèce humaine), ou du matérialisme dialectique marxiste.

Parmi les thèses pseudo-scientifiques qui agitèrent les médias avant d'être réfutées, on peut citer :

D'autres domaines au contraire sont au cœur d'intenses polémiques. C'est le cas de l’homéopathie.

[modifier] Notes et références

  1. Le monde doit d'entendre ici comme l'ensemble du réel, et non seulement comme le monde empirique. Il s'agit en particulier de ne pas exclure a priori les sciences formelles. Ces sciences ne sont certes pas empiriques, mais il serait déraisonnable d'affirmer sans précaution qu'elles ne portent pas sur le réel, ou sur un certain aspect de ce réel.
  2. C'est ainsi sur une tel constat que s'ouvre, par exemple, l'Introduction à l'épistémologie de Léna Soler
  3. Alan F. Chalmers, Qu'est-ce que la science ? Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, La Découverte, 1987, p. 15
  4. Rober Nadeau, Vocabulaire technique et analytique de l'épistémologie, PUF, 1999, p. 272
  5. Alan F. Chalmers, Qu'est-ce que la science ? Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, La Découverte, 1987, p. 267
  6. Il serait intéressant d'étudier de plus près les raisons du succès de la définition poppérienne de la science auprès des scientifiques
  7. Paul Feyerabend, Contre la méthode, esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, Éditions du Seuil, 1979, p. 332
  8. Cette notion d'"air de famille" est proposée par Wittgenstein pour nommer ce qui peut lier les différentes manifestations de ces notions qui, comme la science, échappe à toute tentative de définition. Ce n'est cependant pas avec l'exemple de la science que le philosophe de Cambridge illustre ce que peut être un air de famille, mais avec la notion de jeu : "considère par exemple les processus que nous appelons "jeux" […]. Qu'ont-ils tous de commun? […] tu ne verras rien de commun à tous, mais tu verras des ressemblances, des parentés, et tu en verras toute une série. […] Je ne saurais mieux caractériser ces ressemblances que par l'expression d'"air de famille" […]" (Wittgenstein, Recherches philosophiques, Paris, Gallimard (NRF), § 66-67, 2004 [1er ed. 1953], p. 64).
  9. Boudon explique ici que ces notions « sont de type polythétique ». Cette notion a été forgée par l'anthropologue Rodney Needham (1975, « Polythetic classification : convergence and consequences », Man, 10(3), pp. 349-369.) : tandis que la représentation monothétique exige la présence d’au moins un caractère commun à toute la classe identifiée, la classification polythétique exige simplement que chaque membre de l’ensemble considéré partage au moins un caractère important avec au moins un autre élément de la classe. Pour rendre plus intuitive cette définition abstraite, Boudon s'appuie sur la notion wittgensteinienne d’air de famille
  10. Raymond Boudon, L'art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses, Paris, Fayard (Points Essais), 1990, p. 338
  11. Certaines approches de l'économie appartiennent également à cette catégorie (voir École autrichienne d'économie)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Dominique Lecourt (dir.), Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences (1999), 4ème réed. «Quadrige»/PUF, 2006.
  • Robert Nadeau, Vocabulaire technique et analytique de l'épistémologie, PUF, 1999
  • John Ziman, Real Science. What it is, and what it means, Cambridge University Press, 2000
  • Alan F. Chalmers, Qu'est-ce que la science ? Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, La Découverte, 1987
  • Bruno Latour, La science en action, La Découverte, 1989
  • Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité, Raisons d'agir, 2001
  • Léna Soler, Introduction à l'épistémologie, Ellipses, 2000
Théorie de la connaissance

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