Jean-François Lyotard
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Jean-François Lyotard (10 aout 1924 à 21 avril 1998) est un philosophe français associé au post-structuralisme et généralement reconnu pour sa théorie de la postmodernité.
Dans la lignée de Roland Barthes, Jacques Derrida et de la critique de l'auteur, Lyotard écrit une fable postmoderne, véritable critique du sujet.
Communiste anti-autoritaire, Jean-François Lyotard a participé dans les années 50 au groupe Socialisme ou barbarie, qui était alors sur des positions conseilliste et dénonçait l'URSS comme une forme de capitalisme d'état. En 1959, Jean-François Lyotard quitte Socialisme ou barbarie pour fonder une nouvelle organisation d'ultra-gauche qui prendra le nom de Pouvoir ouvrier.
Il participe à la revue Critique sous la direction de Jean Piel
Sous le nom de Jef, il est l'un des personnages du roman Pierrot-la-lune, de Pierre Gripari, qui fut son camarade d'études.
Mort en 1998, Jean-François Lyotard a été enterré à Paris, au Cimetiére du Père-Lachaise.
Un colloque international lui a été consacré à Paris du 25 au 27 janvier 2007 au Collège international de philosophie.
Le différend (1983) La pensée de Lyotard est difficile à classer; on la place souvent au carrefour de la philosophie, de la linguistique et de la critique littéraire. Lyotard a d'ailleurs participé à toutes ces sphères du savoir contemporain, et on l'associe souvent à la discipline de la littérature comparée. De tous ses livres, un ouvrage semble occuper un lieu particulier dans l'oeuvre: en quatrième de couverture du Différend publié aux éditions de Minuit, Lyotard en parle comme son "livre de philosophie". Cet essai se place ostensiblement dans la catégorie de la philosophie du langage. Lyotard, qui y met en cause la "présence" du sujet moderne de la connaissance (dont il avait montré le "métarécit de l'émancipation" dans La condition postmoderne; rapport sur le savoir) dit qu'au départ "il y a une phrase": on ne sait ni qui la prononce, ni ce qu'elle dit, ni à qui elle est adressée. La phrase est la figure par laquelle se fonde sa vision du langage et des rapports qu'il entretient avec la pensée. En général, la pensée occidentale moderne présuppose la possibilité d'un consensus sur certains référents "extra-textuels" (le temps, l'espace, la loi, la justice, l'être, etc.), des référents qui existent en dehors de leur présentation dans une conversation, un texte écrit ou un document audio-visuel. Lyotard soutient que le statut "extra-textuel" de ces référents est problématique et qu'il n'existe pas de plate-forme universelle sur laquelle penser l'émergence et l'historicité de ces référents, qui doivent toujours être présentés dans une phrase qui en invente le concept, en quelque sorte. Pour que la phrase "la séance est levée" ait un sens, il faut qu'une autre phrase ait contextualisé les concepts de "séance" et de "lever une séance"; ces deux concepts ne vont pas de soi, ne sont pas des objets susceptibles d'être saisis par une conscience universelle; ils sont toujours propres à un certain discours. Lyotard insiste beaucoup dans le Différend sur le concept de "jeux de langage", qu'il emprunte au philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, un penseur qui, bien qu'associé à la philosophie analytique anglo-saxonne, s'en démarque par son refus (dans les Investigations philosophiques, notamment) de certains "éléments simples" donnés a priori. Le langage n'est pas un objet statique qu'on pourrait définir à priori. Il est plutôt composé de certains jeux, dont les règles changent à mesure que leurs participants y portent des coups. "Raconter", "juger", "interroger", "analyser" sont tous des jeux différents qui ont leur règles propres. Lyotard soutient qu'il n'existe pas de plate-forme universelle où on pourrait juger de tous ces jeux de langage. Dans toute phrase, il y a inévitablement un "différend". Un discours savant, inscrit dans le jeu du savoir positif, ne pourra pas "s'entendre" avec un discours de l'expérience phénoménologique, ou d'une expérience ésotérique, qui ont tous deux droit de cité dans la pensée contemporaine. De même, pour reprendre son exemple tiré du discours marxiste, le travailleur qui fait face au patron subira un "tort" si sa force de travail est traitée comme une marchandise, puisque, pour le travailleur, ce travail fait partie de son être, de son expérience de vie, et qu'on fait violence à cette expérience en l'assimilant à un objet pouvant être marchandé, exploité pour du profit. Le jeu de langage du patron fait subir un tort au discours du travailleur si ce dernier n'a pas les moyens de faire valoir son point de vue. La discussion de ces deux jeux ne peut pas se faire dans un espace neutre, un espace du "litige" où une règle universelle permettrait de trancher le débat. Pour Lyotard, le litige est une fiction moderne; elle procède de l'illusion d'un espace en dehors de l'histoire, en dehors de l'idéologie, l'espace que semble présupposer un grand pan de la philosophie analytique du XXe siècle. Le langage procède plutôt du "différend": la phrase qui présente la "cause" (qu'on doit comprendre ici dans le contexte d'un procès) est toujours intéressée et historique; elle répond toujours aux impératifs d'une certaine "perspective" qui fera tort aux perspectives qui lui sont opposées. Lyotard insiste, en terminant, sur l'importance de donner droit de cité à des discours, des nouveaux "jeux de langage", qui permettent aux nouveaux torts de se dire et de s'écrire. L'essai porte avec lui une vision politique manifeste qui n'est jamais portée à l'avant-plan, et qui pourtant en constitue le prétexte (une caractéristique propre à d'autres textes lyotardiens comme Discours, figure, La condition postmoderne ou L'enthousiasme où il positionne le savoir comme une arme idéologique). Lyotard ouvre son propos sur la question de la négation de l'Holocauste. Il cite l'historien révisionniste Faurisson, qui met en cause l'existence des chambres à gaz dans les camps de la mort. La question est simple: comment prouver que les chambres à gaz ont existé ? Qui peut en témoigner, sinon ceux qui en sont morts ? La science et le savoir modernes ont très peu d'armes pour se défendre face à de telles attaques. De cette prémisse découle tout le reste de son propos, qui met en cause les grandes présuppositions de la pensée moderne et annonce le besoin de nouveaux paradigmes.
La condition postmoderne: rapport sur le savoir (1977) Sans doute l'essai le plus connu et le plus cité de Lyotard, La condition postmoderne a cette rare qualité d'avoir ouvert un champ complet d'investigation théorique. Pourtant, cet essai, commandé par le gouvernement du Québec, n'est pas le premier texte à mettre de l'avant une théorie de la postmodernité. Il serait d'ailleurs problématique de voir en Lyotard le père de ce que les Américains appellent les postmodern studies. Ce concept étant traité de manière extrêmement variée chez une panoplie d'auteurs, il est fortement recommandé de ne chercher dans ce texte ni une définition définitive, ni une genèse de la notion. Lyotard cherche d'abord à commenter l'état du savoir à la fin du XXe siècle. Il aborde le savoir d'un point de vue épistémologique, en tâchant de ne pas y porter de jugement de valeur subjective et en insistant sur les caractéristiques propres aux discours contemporains sur la connaissance. Comme dans tous ses livres, Lyotard élabore son propos à l'aide du vocabulaire de la phénoménologie. Le savoir a connu des bouleversements importants au XXe siècle. Pour Lyotard, ces bouleversements marquent la fin du pouvoir hégémonique de ce qu'il appelle les métarécits de la modernité. Lyotard annonce la fin des deux grands métarécits modernes: le métarécit de l'émancipation du sujet rationnel et le métarécit de l'histoire de l'esprit universel. La pensée moderne a longtemps été l'histoire d'un Sujet de la connaissance qui progressait dans sa quête de justice et d'avancement social; il y avait autrefois une autorité qui faisait de cette quête le récit d'une marche vers l'émancipation rationnelle. Cette autorité s'appuyait sur la pensée des Lumières, de Kant et de Rousseau, notamment. La notion de sujet de la connaissance est difficile à circonscrire: nombreux sont les philosophes analytiques qui dénonceront cette manière qu'à Lyotard d'en faire le personnage, le protagoniste, d'une histoire presque fictive, d'une théorie de l'histoire proprement narrative. La modernité est un concept extrêmement vaste, et l'essai s'inscrit dans un débat important touchant le statut de la connaissance conceptuelle, reposant sur l'établissement des lois de la pensée humaine. À cet égard,la pensée de Lyotard est souvent opposée à celle du philosophe Jûrgen Habermas, décrit comme le défenseur de l'esprit de l'Aufklarung. Cette question de l'esprit est d'ailleurs importante au débat, puisque Lyotard proclame dans son essai la fin de ce qu'il appelle le métarécit de l'histoire universelle de l'Esprit attribuée au philosophe Hegel. L'idée que la production intellectuelle d'une époque doit être vue comme la matérialisation locale et historique d'un esprit universel, cette idée ne tient plus dans la pensée contemporaine, qui semble ne plus répondre à l'appel des grandes histoires idéalisées de la modernité. ----