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Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle est un essai de l’historien français François Furet publié en 1995. L’ouvrage étudie l’emprise de l’idée du communisme sur de nombreux esprits en dépit des expériences tragiques en Union soviétique. Furet, qui a été militant du PCF entre 1949 et 1959 (au plus fort de la période stalinienne), considère que lui aussi a fait partie des « illusionnistes-illusionnés qui ont bâti le mirage du communisme ».
François Furet part du postulat qu’à la différence du nazisme, le communisme instauré en URSS à partir de 1917 jouirait d’une impressionnante aura auprès des intellectuels, notamment français, qui perdura même après que les exactions et crimes du régime furent connus et rendus publics. Le prestige intellectuel de Karl Marx n’explique pas seul cette attractivité. François Furet estime que la Révolution française fournit en France une grille de lecture et d’interprétation du communisme, qui permettrait d’en évincer les éléments négatifs. « La Révolution est un bloc », affirma Clemenceau. Ainsi, les purges opérées par Staline dans les années 1930 seraient-elles interprétées en France comme un recommencement de la liquidation des partisans de Hébert et Danton par Robespierre. Les plans quinquennaux et la collectivisation, en dépit des désastres économiques qu’ils génèrent, seraient perçus comme le triomphe de la raison et de la volonté sur le cours de l’histoire, principes à l’œuvre tout au long de la Révolution. La propagande soviétique faisant le reste, on s’illusionne sur le miracle économique de l’URSS qui contraste avec la misère engendrée par la grande dépression des années 1930 en Europe et aux États-Unis. Enfin, si, en dépit de nombreux témoignages de dissidents ou de victimes, certains intellectuels français, y compris dans des institutions comme la Ligue des droits de l’homme auraient persisté à voir dans le totalitarisme bolchevique un raccourci et achèvement de la Révolution française, c'est aussi qu’ils estimeraient que « la fin vaut les moyens » et que l’idéal communiste ne serait pas réalisable sans dégâts.
Les changements de stratégie opérés par le Parti communiste français (PCF), suivant à la lettre les ordres de Moscou, s’avèrent payants : après avoir bataillé furieusement contre les « sociaux-traîtres » ou « sociaux-fascistes », le PCF opère un retournement spectaculaire en affirmant la nécessité de fronts populaires pour lutter contre le fascisme. Cette alliance de circonstance conforte les sympathisants du communisme dans leur approche ; la lutte contre le fascisme relègue au second plan les crimes commis en URSS ou les conflits antérieurs entre socialistes et communistes français.
Après 1945, le pacte germano-soviétique n’a guère écorné le prestige que l’URSS retirera de sa participation à la Seconde Guerre mondiale, à laquelle sa population et ses soldats ont payé un lourd tribut. Cela permet à Staline de coloniser les pays d’Europe orientale et centrale dans une indifférence bienveillante puis de mener la Guerre froide avec les États-Unis, tout en incitant ses partisans, dont le PCF, à se faire les apôtres du pacifisme… pourvu qu’il soit dirigé contre les États-Unis.
- « En règle générale, le précédent de la Révolution française, et plus spécifiquement de sa période jacobine, a servi depuis 1917 d’absolution générale à l’arbitraire et à la Terreur qui ont caractérisé toute l’histoire soviétique, avec des intensités variables selon les périodes. Cet usage intéressé du passé s’est d'ailleurs accompagné d’un gauchissement constant, au long du siècle, de l’histoire de la Révolution française elle-même, de plus en plus accaparée par des spécialistes communistes ou communisants : puisque le plus important de l’événement français était, caché en son cours, ce qui annonçait son dépassement ultérieur, dès lors son vrai centre n’était plus 1789, mais 1793 ; non plus les droits de l’homme et l’élaboration d’une Constitution, mais la situation sociale et politique des classes populaires et la dictature de salut public. »
- « La force de cette mythologie est d’être adossée, dès sa naissance, à un précédent, et de concilier ainsi les privilèges de l’absolument neuf avec les habitudes mentales d’une tradition. »
- « Il suffit de séparer Lénine de Staline pour réinventer un Octobre purifié. »