Maurice Allais
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Maurice Allais (Paris, 31 mai 1911 - ) est un économiste français. Il est surtout connu pour ses travaux en économie pour lesquels il reçu de nombreuses distinctions dont le Prix Nobel d'économie « en 1988 pour ses contributions à la théorie des marchés et à l'utilisation efficace des ressources. » Il est le deuxième économiste français, après Gérard Debreu en 1983 [1], à avoir reçu cette distinction.
Sommaire |
[modifier] Biographie
Maurice Allais est né en 1911 à Paris. Ses parents tenaient une fromagerie. Son père est mort en captivité en Allemagne en 1915. Il intègre l’École polytechnique en 1931 — dont il sort major de promotion en 1933 — puis l'École des mines de Paris en 1934. Il commence sa carrière d'ingénieur des mines en 1936. Il reprend son service militaire actif en 1939, jusqu'à la défaite française en 1940. Il retourne à sa carrière administrative jusqu'en 1948 et publie ses premiers travaux. Il devient ensuite chercheur et enseignant à plein temps (université Paris X , école des mines...), accumulant quatorze prix scientifiques au cours de sa carrière, dont la médaille d'or du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel. Il prend sa retraite officielle en 1980, mais poursuit ses activités de recherche et d'enseignement.
Maurice Allais a publié plus de 90 articles et plusieurs ouvrages dont « La crise mondiale aujourd'hui » (Clément Juglar, 1999) où il fait des propositions de réformes du système financier mondial.
[modifier] L'économiste
Les principaux thèmes de recherches d'Allais sont l'équilibre des marchés, la théorie du capital, les processus intertemporels (il est à l'origine, avec Paul Samuelson, des modèles à générations imbriquées qui ont trouvé de nombreuses applications en macroéconomie et en théorie monétaire), la théorie de la décision avec le paradoxe d'Allais la théorie de la monnaie en reformulant la théorie quantitative de la monnaie. Maurice Allais développera également le concept de règle d'or de la croissance (Économie et intérêt, 1947) qui sera popularisé par les travaux d'Edmund Phelps. Il démontre que lorsque le taux d'intérêt est égal au taux de croissance la consommation est maximisée.
[modifier] Le voyageur de Calais
Maurice Allais pose la question de savoir « combien coûte un passager monté à Calais dans le train pour Paris ? ».
- Un contrôleur estimera que la consommation de ressources supplémentaires n'est pas vraiment chiffrable, et sera tenté de répondre presque rien (coût marginal nul).
- Le chef de train sera plus mesuré : si soixante passagers font comme lui, il faut ajouter une voiture au train. Il sera donc tenté d'imputer 1/60ème du coût de la voiture pendant le temps du transport.
- Le chef de ligne ne l'entend pas de cette oreille : on ne peut pas ajouter indéfiniment des voitures à un train, et au bout de 20 voitures il faut doubler celui-ci. Il souhaite donc imputer pour sa part, en plus du 1/60ème de voiture précédent, 1/1200ème du prix de la motrice et du salaire de son conducteur.
- Le chef de réseau n'est pas du tout d'accord : on ne peut pas multiplier ainsi les trains sans risque sur une même voie, et à partir de 50 trains par jour il est obligé de doubler la voie. Il ajoute donc pour sa part 1/120 000ème du coût de la voie (toujours rapporté au temps du transport).
Maurice Allais montre ainsi que par approximations successives on arrive à ce que doit être le coût minimal du billet pour que la compagnie ferroviaire ne se retrouve jamais dans une impasse. Cet exemple lui est associé sous le nom de métaphore du voyageur de Calais, qui illustre qu'on ne peut jamais proprement parler du coût d'un bien ou d'un service, mais qu'il est plus exact de parler de coût d'une décision en indiquant à quel niveau on la considère.
[modifier] Le paradoxe d'Allais
La plus célèbre intervention d'Allais est son paradoxe, mis en évidence à une conférence de l'american economic society qui s'est tenue à New York en 1953 et divers papiers publiés dans les années 50. Il mit en cause la notion « d'utilité espérée » forgée par John von Neumann.
La théorie de l’utilité espérée s’appuie sur une série d’axiomes concernant l’attitude d’un individu rationnel ayant à faire des choix en situation risquée. Allais a montré, par l’expérimentation, qu’un de ces axiomes était fréquemment violé par les individus : l’axiome d'indépendance. Cet axiome s’énonce de la façon suivante : « si la loterie A est préférée à la loterie B, alors, quelle que soit la loterie C et quelle que soit la probabilité p, la loterie [A (p) ; C (1-p)] est préférée à la loterie [B (p) ; C (1-p)] ». [A (p) ; C (1-p)] désigne une méta-loterie dans laquelle on joue la loterie A avec la probabilité p, et la loterie C avec la probabilité (1-p).
Cet axiome semble parfaitement naturel : quoi que pense l’individu de la loterie C, si on lui demande de la « mélanger » soit avec A soit avec B, avec une probabilité identique p dans les deux cas, on doit s’attendre à ce qu’il choisisse celle qu’il préfère, soit, par hypothèse, A. Pourtant, l’expérience montre que la présence d’un gain certain dans les alternatives proposées conduit un grand nombre de personnes à ne pas se conformer à cet axiome. Ce phénomène peut être illustré par l’exemple suivant. Il est demandé aux personnes interrogées, dans un premier temps, de choisir entre les deux loteries A et B suivantes :
- A : [10000 € (100%)]
- B : [15000 € (90%) ; 0 € (10%)]
En règle générale, une majorité de personnes préfèrent la loterie A, qui procure un gain certain.
Dans un second temps, il leur est demandé de choisir entre les loteries C et D suivantes :
- C : [10000 € (10%) ; 0 € (90%)]
- D : [15000 € (9%) ; 0 € (91%)]
En règle générale, une majorité de personnes préfèrent la loterie D, où la probabilité de perdre est légèrement plus forte, mais qui procure, en cas de gain, un gain bien plus important. Pourtant, la simultanéité de ces deux choix viole l’axiome d’indépendance. En effet, définissons la loterie E par E : [0 € (100%)], c’est à dire un gain nul certain. Un calcul simple permet de montrer que :
- C : [A (10%) ; E (90%)]
- D : [B (10%) ; E (90%)]
En vertu de l’axiome d’indépendance, si A est préféré à B, alors C devrait être préféré à D, ce qui n’est pas le cas en pratique.
La découverte d'Allais donna lieu à de multiples développements en théorie de la décision et en économie comportementale.
[modifier] L'homme engagé
Au cours de sa carrière académique, Allais a pris position. En 1947, il participe aux côtés notamment des économistes néoclassiques Milton Friedman, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek à la réunion de création de la Société du Mont Pèlerin[2], près de Vevey, en Suisse. Les membres de la Société du Mont Pélerin souhaitent contrer la montée du keynésianisme et mettre en place une économie de marché au niveau planétaire.
Dans son pamphlet La Crise mondiale aujourd'hui (1999), il fait des propositions de réformes du système financier mondial
Voir aussi sa critique du traité constitutionnel européen (Maurice Allais, Aveuglements, Le Monde, 14 mai 2005).
[modifier] Intérêt pour la physique
Durant sa carrière, Maurice Allais s'est également intéressé à des problèmes de physique, notamment dans le domaine de la gravitation et de la relativité restreinte.
Dans le courant des années 1950, il s'intéresse à d'éventuelles anomalies gravimétriques apparaissant dans la région de la Terre balayée par l'ombre de la Lune lors d'une éclipse de soleil. Les résultats qu'il obtient sont parfois mentionnés sous le nom d'effet Allais et sont publiés dans les comptes rendus de l'académie des sciences (CRAS)[3]. La réalité même de ces effets est discutée, mais de possibles causes d'origine atmosphérique représentent une explication plus vraisemblable qu'une modification des lois de la gravitation[4]. (voir l'article Effet Allais pour plus de détails).
Plus tard, il reprend les résultats d'expériences historiques de type expérience de Michelson-Morley, notamment celles effectuées par Dayton Miller dans le courant des années 1920. Il prétend trouver des élément réfutant l'interprétation de ces expériences dans le cadre de la relativité restreinte. Il indique avoir mis en évidence une anisotropie de l'espace, et indique avoir mis en évidence un support utilisé par les ondes électromagnétiques pour se propager, l'éther, qu'il dit être partiellement entraîné par la Terre dans sa course autour du Soleil. Ces travaux n'ont pas fait l'objet de publications ou de citations dans des revues scientiques internationales à comité de lecture, mais une partie a été publié dans les CRAS [5]. Trois ans auparavant, il avait publié un ouvrage grand public sur le sujet, L'anisotropie de l'espace[6]. Aucun de ces travaux n'a trouvé d'écho au sein de la communauté scientifique, comme en témoigne l'absence de citations et même de simple référencement sur les bases de données dédiées Astrophysics Data System (ADS) [2] et SPIRES [3]. Plus récemment, alors qu'il était âgé de plus de 90 ans, Allais a émis un avis négatif à l'encontre d'Albert Einstein à propos de la controverse sur la paternité de la théorie de la relativité, mais sans passer par des circuits académiques[7].
[modifier] Citations
« Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. »[8]
« L'économie de marchés institutionnelle est ainsi totalement différente de la chienlit laissez-fairiste du libre-échangisme mondialiste, et elle n'a rien de commun avec elle. »[9]
[modifier] Notes et références
- ↑ Gérard Debreu a obtenu le prix Nobel en 1983, date à laquelle il est déjà naturalisé américain. Mais certains classent tout de même ce nobélisé parmi les Nobel français car le jury du Nobel a récompensé Debreu pour ses travaux réalisés en France.
- ↑ Libéral utilitariste, il a cependant refusé de signer le texte constitutif de la Société à cause, selon lui, de l'importance excessive donnée aux droits de propriété. George Stigler écrit dans ses Mémoires que "Maurice Allais pensait que la possession privée de la terre était injustifiée"
- ↑ Maurice Allais, Anomalies des Mouvements du Pendule Paraconique, Comptes rendus de l'académie des sciences, 245, p. 1697-1700, 1875-1878, 2001-2003, 2170-2173, 247, p. 1428-1431, 2284-2287, 248, p. 359-362, 764-767 (1957 à 1959).
- ↑ Voir par exemple (en) T. Van Flandern & X. S. Yang, Allais gravity and pendulum effects during solar eclipses explained, Physical Review D, 67, 022002 (2003), Voir en ligne (accès restreint).
- ↑ Maurice Allais, L’origine des régularités constatées dans les observations interférométriques de Dayton C. Miller 1925-1926 : variations de température ou anisotropie de l’espace, Comptes rendus de l'académie des sciences - Série IV, Physique, Astrophysique, 1 no 9, 1205-1210 (2000) [1].
- ↑ Maurice Allais, L'Anisotropie de l'espace: La nécessaire révision de certains postulats des théories contemporaines (1997), 757 pages, Clément Juglar ISBN 2908735091.
- ↑ Maurice Allais, Albert Einstein : un extraordinaire paradoxe (2005), 89 pages, Clément Juglar, ISBN 2908735202.
- ↑ "La crise mondiale aujourd'hui", Ed. Clément Juglar 1999
- ↑ Dans une série d'articles parus dans Le Figaro à partir du 20/09/2002. Cf. http://allais.maurice.free.fr/Consti8.htm
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie non exhaustive
Articles académiques
- À la Recherche d'une discipline économique, 1943
- Économique et intérêt, 1947
- Le comportement de l’homme rationnel devant le risque: critique des postulats et axiomes de l’école Américaine, Econometrica 21, 503-546. 1953,
- (en) Bibliographie de Maurice Allais sur RePEc/IDEAS
Pamphlet
- La crise mondiale aujourd'hui (Clément Juglar, 1999).
[modifier] Article connexe
[modifier] Liens externes
- Fiche biographique sur le site de la fondation Nobel
- Fiche biographique sur le site de l'académie des sciences morales et politiques
- Site internet sur Maurice Allais
Portail de l'économie – Accédez aux articles de Wikipédia concernant l'économie. |
Catégories : Économiste du XXe siècle • Naissance en 1911 • Polytechnicien • Économiste français • Lauréat de la Médaille d'or du CNRS • Lauréat du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel • Académie des sciences morales et politiques • Membre de la Société du Mont Pèlerin