Partis politiques tunisiens
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Tunisie
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La Tunisie possède un système politique caractérisé par un parti politique dominant, héritier du mouvement indépendantiste mené par Habib Bourguiba. Certains partis d'opposition sont autorisés mais ils ne sont pas actuellement en mesure de prendre le pouvoir.
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[modifier] Histoire
[modifier] Tunisie sous protectorat
C'est après la Première Guerre mondiale que des partis politiques apparaissent. Plusieurs d'entre eux sont issus du Parti Tunisien (fondé en 1919). Ce parti, issu du mouvement des Jeunes Tunisiens, se caractérise par son caractère de parti d'élites. Ce qui est à l'origine de leur apparition, c'est la lutte contre le protectorat français et pour l'amélioration du statut des Tunisiens[1]. Mais ces objectifs ne semblent pas pouvoir être atteint sans un parti à même de mobiliser une grande masse de Tunisiens. Cette nécessité d'ordre stratégique pousse bientôt les leaders du parti à opter pour la création d'un mouvement regroupant tous les nationalistes tunisiens. Dès le mois de mars 1919 émerge le Parti libéral constitutionnaliste tunisien (Destour) sous la direction d'Abdelaziz Thâalbi. Sa revendication essentielle est la promulgation d'une constitution destinée à garantir les droits fondamentaux des Tunisiens. Cette revendication va être à l'origine de plusieurs scissions au sein du parti :
- À la fin de l'année 1921 apparaît le Parti réformiste de Mohamed Naamane et Hassen Guellati. Ces derniers estiment que les revendications du Destour sont trop radicales pour être réalistes.
- En 1922, une deuxième scission aboutit à la création du Parti destourien indépendant, fondé par Farhat Ben Ayed, Chedli Mourali et Taïeb Ben Aïssa, qui se veut loyal envers la France.
- Enfin, les dissensions portant sur les méthodes d'action du Destour entre les anciens de la commission exécutive du parti, tenants d'une politique prudente pour éviter la répression, et les nouveaux du bureau politique, tel Habib Bourguiba, tenants d'une action plus radicale malgré les risques encourus, mènent au divorce entre les deux tendances lors du congrès de Ksar Hellal (2 mars 1934) et à la création du Néo-Destour.
En 1937, le Parti communiste tunisien (PCT) vient rallonger la liste des partis autochtones. Avant même l'indépendance, le Parti réformiste disparaît tout comme le Parti destourien indépendant dont l'influence au sein du mouvement national est quasi inexistante. Quant au Destour, ayant perdu son pari stratégique dans sa lutte pour l'indépendance, il disparaît au début des années 1960.
En fait de partis, il s'agit plutôt d'associations politiques qui n'ont d'autre choix que la lutte sous cette forme partisane afin de renégocier le statut de leurs territoires. Ces mêmes mouvements visent non pas la conquête du pouvoir mais la reconquête territoriale de leurs patries. En Tunisie, écrit l'universitaire tunisien Moustapha Kraiem, « les partis destouriens n'hésitèrent point à user de la violence pour supprimer, par tous les moyens, les concurrents et les rivaux éventuels[2]. »
[modifier] Tunisie sous Bourguiba
À l'indépendance, la constitution tunisienne ne mentionne pas expressément le multipartisme mais n'institue pas de parti unique. Cependant, elle a implicitement prévu le pluripartisme : l'article 8 dispose que « les libertés d'opinion, d'expression, de presse, de publication, de réunion et d'association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi. » Quelques semaines après l'indépendance, Bourguiba, rappelle : « Nous acceptons volontiers l'opposition et nous reconnaissons ses droits car elle est une condition essentielle de la liberté et de la démocratie[3]. »
Face au Néo-Destour, c'est le Parti communiste qui résistera le plus aux prétentions monopolistiques du parti de Bourguiba. Mais cette résistance s'achève le 8 janvier 1963 date à laquelle est suspendu le PCT sur la base de la loi du 7 novembre 1959 relative aux associations[4]. Après la suspension du Parti communiste, le Néo-Destour (devenu Parti socialiste destourien ou PSD) sera durant 19 ans le seul acteur légal sur la scène politique tunisienne. Ainsi, quelques années seulement suffiront au Néo-Destour pour asseoir un monopole total sur la vie politique. Même la puissante centrale syndicale, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui tentera, pour un temps, de tenir tête au pouvoir, sera récupérée par le parti unique pour devenir une de ses organisations satellites à l'issue de la crise syndicale de 1978[5].
Ce monopole n'empêchera pas l'apparition de divers mouvements d'opposition clandestins tels :
- le Mouvement de l'unité populaire (MUP I)
- le Mouvement de l'unité populaire (MUP II)
- le Mouvement de la tendance islamique (MTI)
- le Mouvement des démocrates socialistes (MDS)
- le Rassemblement nationaliste arabe de Tunisie (RNAT)
Dès son arrivée au pouvoir, le premier ministre Mohamed Mzali manifeste une certaine prédisposition en faveur du retour au pluralisme politique. Cette prédisposition du chef du gouvernement est confirmée par un discours de Bourguiba lors du congrès extraordinaire du PSD (10 avril 1981)[6]. Dès lors, de nouvelles formations de l'opposition clandestine s'empressent de déposer leurs demandes de visa légal. Vers la fin du premier semestre 1981, au moins 6 demandes de visa s'empilent sur le bureau du ministre de l'intérieur :
- le Mouvement des démocrates socialistes (adressée le 13 juin 1978)
- le Parti de l'unité populaire (PUP I) (adressée le 21 janvier 1981)
- le Rassemblement national arabe indépendant (RNAI) (adressée en février 1981)
- le Mouvement de la tendance islamique (adressée le 31 mai 1981)
- le Parti de l'unité populaire (PUP II) (adressée le 4 juin 1981)
- le Parti communiste tunisien (demande la levée de la sanction qu'il subit depuis 1963)
De tous ces mouvements, seul le PCT retrouve une existence légale à l'issue de la « grâce » accordée par le président de la République le 18 juillet 1981.
Pour les autres formations, bien que n'étant pas reconnues, elles pourront quand même participer aux législatives sous leurs propres listes. C'est à la suite du scrutin qu'elles obtiendront leur visa légal si elles recueillent au moins 5% des suffrages exprimés. Dès le départ, le Mouvement de la tendance islamique et le Parti de l'unité populaire (I) boude les élections du 1er novembre en les « considérant comme un faux semblant de démocratisation[7]. » À l'issue de fraudes électorales, les résultats suivants sont proclamés[8] :
- Front national (PSD et UGTT) : 94,60%
- Mouvement des démocrates socialistes : 3,28%
- Mouvement de l'unité populaire : 0,81 %
- Parti communiste tunisien : 0,35 %
Aucune formation de l'opposition n'a obtenu plus de 5% des voix et ne sera par conséquent reconnue. Mais, 2 ans plus tard, pour remédier à l'aggravation rapide du climat social, le gouvernement Mzali légalise le MDS et le PUP II. Cette légalisation, intervenue le 19 novembre 1983, ne sera en fait qu'une opération assez limitée dans le temps destinée à calmer les tensions présentes.
[modifier] Tunisie sous Ben Ali
Avec la destitution de Bourguiba, un vent de liberté souffle sur le pays et, pour bien marquer ce « renouveau », le PSD se mue en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). S'agissant des réformes envisagées, le président Zine el-Abidine Ben Ali, dans sa déclaration du 7 novembre 1987, annonce la proposition prochaine d'un « projet de loi sur les partis et un projet de loi sur la presse, susceptibles d'assurer une plus large participation à la construction de la Tunisie. » Le 3 mai 1988, une loi relative aux partis politiques est promulguée[9]. Dans ce climat de détente, la nouvelle administration accorde le visa légal à 3 nouveaux partis :
- le Rassemblement socialiste progressiste (RSP) (12 septembre 1988)
- le Parti social pour le progrès (PSP) (12 septembre 1988)
- l'Union démocratique unioniste (UDU) (26 novembre 1988)
Quant au MTI, son visa de légalisation lui est refusé. Cependant, malgré le refus de sa reconnaissance, il participera aux élections sur des listes indépendantes. Toutefois, ces élections reproduisent le plébiscite pour le parti au pouvoir. Les 7 partis de l'opposition participants aux élections (MDS, PUP, RSP, PSP, PCT et le MTI) ne remportent aucun siège. Aux secondes législatives, tenues le 20 mars 1994, un mode de scrutin mixte permet de dégager 19 sièges pour l'opposition (10 sièges pour le MDS, 4 pour le Mouvement du renouveau[10], 3 pour l'UDU et 2 pour le PUP). Par ailleurs, les difficultés financières induites par les mesures judiciaires sont telles que les journaux comme El Fajr (Ennahda — ex-MTI), El Badil (Parti communiste des ouvriers de Tunisie), El Watan (UDU), El Mawqaf (RSP), El Mostaqbal (MDS), Et-Tarik El Jadid (PCT) et El Wahda (PUP) cessent de paraître dès le mois d'avril 1991[11]. Pourtant, dans le même temps, les autorités consentent des aides aux partis de l'opposition « parmi lesquelles l'octroi pour chacun d'entre eux d'une enveloppe de 80 000 dinars dont 30 000 dinars consacrés à la parution d'un journal[12]. »
[modifier] Partis actuels
Voici une liste des partis politiques actuellement présents sur la scène politique tunisienne. Ils sont classés en fonction du nombre de parlementaires au sein de la Chambre des députés :
Partis | Sigles | Tendances politiques | Sièges | |
---|---|---|---|---|
Rassemblement constitutionnel démocratique | RCD | socialiste | 152 | |
Mouvement des démocrates socialistes | MDS | social-démocrate | 14 | |
Parti de l'unité populaire | PUP | socialiste | 11 | |
Union démocratique unioniste | UDU | nationaliste arabe | 7 | |
Mouvement du renouveau | Ettajdid | communiste | 3 | |
Parti social-libéral | PSL (ex-PSP) | libéral | 1 | |
Parti des verts pour le progrès[13] | PVP | écologiste | 1 |
[modifier] Partis non parlementaires
- Parti démocrate progressiste (PDP) (ex-Rassemblement socialiste progressiste)
- Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL)
[modifier] Partis non reconnus
- Ennahda (ex-Mouvement de la tendance islamique)
- Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT)
- Congrès pour la république (CPR)
- Tunisie verte (TV)
[modifier] Notes et références
- ↑ La création du Parti tunisien aura lieu à l'issue de plusieurs réunions entre les membres des Jeunes Tunisiens dans le but de créer un parti pour revendiquer une application stricte du traité du protectorat. Le respect de ce traité étant de nature à permettre le rétablissement des droits, entre autres, politiques des Tunisiens. Les deux dernières réunions ayant abouti à la création de ce parti ont eu lieu au café de France (Tunis) entre une soixantaine de Tunisiens musulmans et israélites.
- ↑ Moustapha Kraiem, « Déstructuration socio-culturelle et émergence du pluralisme politique en Tunisie pendant la période coloniale », Pluralisme social, pluralisme politique et démocratie, éd. Cérès, Tunis, 1991
- ↑ Habib Bourguiba, Citations choisies par l'agence Tunis Afrique Presse, éd. Dar El Amal, Tunis, 1978, p. 187
- ↑ Loi n°59-154 du 7 novembre 1959, Journal officiel de la République tunisienne, Tunis, 1959, pp. 1534-1536
- ↑ Aux élections législatives du 1er novembre 1981, le PSD présentera des listes communes avec l'UGTT.
- ↑ « Dialogue », n°372, 19 octobre 1981, pp. 35-42
- ↑ Paul Balta, Le Monde, 4 novembre 1981, p. 4
- ↑ Le Monde, 5 novembre 1981, p. 4
- ↑ Loi n°82-32 du 3 mai 1988, Journal officiel de la République tunisienne, n°31, Tunis, 6 mai 1988, pp. 703-705
- ↑ Fondé en avril 1993 et reconnu le 15 septembre de la même année, il succède au Parti communiste tunisien.
- ↑ Larbi Chouikha, Kamel Labidiet et Hassen Jouini, « État de la liberté de la presse en Tunisie de janvier 1990 à mai 1991 », L'information au Maghreb, éd. Cérès, Tunis, 1992, pp. 101-104
- ↑ ibid., p. 104
- ↑ Scission du PSL fondée le 14 novembre 2005 et reconnue le 3 mars 2006, le PVP obtient ainsi 1 des 2 sièges du PSL.
[modifier] Voir aussi
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