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Benjamin Péret

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Benjamin Péret (4 juillet 1899, Rezé - 18 septembre 1959, Paris) fut un écrivain surréaliste avec une « fourchette coupante à cliché ».

Sa mère fait engager cet adolescent rebelle comme infirmier au cours de la Der des Ders. Il se révèle être un potache doué d'un humour carabin.

En 1920, dadaïste adepte du mauvais goût, il participe au procès « bricolé » de Barrès, propagandiste de la terre, des morts, de la patrie. Il joue le rôle du «soldat inconnu», revêtu d'une capote de soldat français mais parlant allemand. Après la Première guerre mondiale, il fréquente un temps le "Mausolée" de la rue Cardinet, Hôtel particulier bati par Ferdinand de Sastres et qui fut durant cette période le temple du surréalisme.

En 1922, il rencontre Robert Desnos et les surréalistes avec lesquels il se lance dans l'écriture automatique, dont la syntaxe saugrenue de la phrase bouscule les conventions du langage, et notamment les proverbes.

Il la leur restitue par le calembour, la contrepèterie, le renversement de l'ordre usuel des mots dans la phrase. Par exemple: « Je me demande un peu : qui trompe-t-on ici ? Ah ! je me trompe un peu : qui DEMANDE-t-on ici ? ».

Péret est un des poètes surréalistes les plus singuliers : virtuosité de l'écriture automatique, luxuriance baroque des images (relancées infiniment par un emploi unique de la proposition relative), humour burlesque désacralisateur, audace transgressive. La poésie de Benjamin Péret s'inscrit dans le surréalisme du plus haut vol, sous le signe ascendant de l'abondance, de la liberté.


Sommaire

[modifier] Brésil

En 1928, il épouse la cantatrice brésilienne Elsie Houston, et fait la connaissance de Mario Pedrosa, son beau-frère, qui vient de souscrire aux thèses de Trotski. Au Brésil, où il séjourne de 1929 à 1931, il s’invente une sorte de nouvelle vie qui fait de lui simultanément : un oppositionnel de gauche, un poète reporter curieux des rituels de la makumba et du candomblé, un correcteur, un père de famille (son fils, Geyser, naît le 31 août 1931) et un prisonnier politique. Péret est finalement expulsé comme « agitateur communiste » par le gouvernement de Getulio Vargas. Revenu en France, il est membre de L’Union Communiste après avoir adhéré en 1927 au PCF. Il s'en éloigne ensuite pour se rapprocher peu de temps après de Grandizo Munis.

[modifier] Espagne

Il se rend en Espagne auprès des républicains en tant que délégué du POI (Parti Ouvrier International), seul parti reconnu par Trotski.

Revenu en France il est emprisonné en mai 1940 à Rennes pendant trois semaines au motif de reconstitution de ligue dissoute (trotskiste) puis libéré sous caution par les nazis qui viennent d'occuper la Bretagne. Rentré à Paris, il glisse de très belles coquilles dans un journal collaborateur tout en dirigeant les premières réunions du groupe La Main à Plume avec Robert Rius. Le froid et la faim le poussent à quitter la capitale pour Marseille où il se réfugie en mars 1941, il travaille un temps à la coopérative Le Croquefruit.

[modifier] Mexique

Il reste de 1942 à 1948 au Mexique dans des conditions financières difficiles, mais est fasciné par l’art maya et les mythes et légendes des sociétés précolombiennes. Il entreprend une vaste anthologie qu’il termine peu de temps avant sa mort. Il rédige Le Déshonneur des poètes (1945), un pamphlet contre les versificateurs qui à la « Libération » se firent les hérauts du délire nationaliste.

[modifier] France

Revenu en France, il écrit pour les revues surréalistes tout en participant politiquement à la décolonisation et à la critique du stalinisme.

  • Le Passager du transatlantique (1921)
  • 152 Proverbes mis au goût du jour, en collaboration avec Paul Eluard (1925)
  • Dormir, dormir dans les pierres (1927)
  • Le Grand Jeu (1928)
  • De derrière les fagots (1934)
  • Je sublime (1936)
  • Je ne mange pas de ce pain-là (1936)
  • Le Déshonneur des poètes (1945)
  • Dernier malheur dernière chance (1945)
  • Un point c'est tout (1946)
  • Air mexicain (1952)
  • Le Livre de Chilam Balam de Chumayel (1955)
  • Anthologie de l’amour sublime (1956)
  • Gigot, sa vie, son œuvre (1957)
  • Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique (1960)
  • Œuvres complètes, tomes I à III, Eric Losfeld / Association des amis de Benjamin Péret..
  • Œuvres complètes, Tome IV à VII, José Corti. / Association des amis de Benjamin Péret

[modifier] Références

  • Benjamin Péret, Jean Louis Bédouin, Seghers., 1960.
  • Introduction à la lecture de Benjamin Péret, Claude Courtot, Le Terrain vague (1965)
  • Au-delà du langage, Jean-Christophe Bailly, Losfeld, 1971.
  • Benjamin Péret, ouvrage collectif, H. Veyrier, 1982.

[modifier] Documents

[modifier] Extrait du « Déshonneur des poètes » (d'après Socialisme ou Barbarie)

« Les ennemis de la poésie ont eu de tout temps l’obsession de la soumettre à leurs fins immédiates, de l’écraser sous leur dieu ou, maintenant de l’enchaîner au ban de la nouvelle divinité brune ou « rouge » - roouge-brun de sans séché - plus sanglante encore que l’ancienne. Pour eux, la vie et la culture se résument en utile et inutile, étant sous-entendu que l’utile prend la forme d’une pioche maniée à leur bénéfice. Pour eux, la poésie n’est que le luxe du riche, aristocrate ou banquier, et si elle veut se rendre « utile » à la masse, elle doit se résigner au sort des arts « appliqués », « décoratifs », « ménagers »,…

Mais le poète n’a pas à entretenir chez autrui une illusoire espérance humaine ou céleste, ni à désarmer les esprits en leur insufflant une confiance sans limite en un père ou un chef contre qui toute critique devient sacrilège. Tout au contraire, c’est à lui de prononcer les paroles toujours sacrilèges et les blasphèmes permanents. Le poète doit d’abord prendre conscience de sa nature et de sa place dans le monde. Inventeur pour qui la découverte n’est que le moyen d’atteindre une nouvelle découverte, il doit combattre sans relâche les dieux paralysants acharnés à maintenir l’homme dans sa servitude à l’égard des puissances sociales et de la divinité qui se complètent mutuellement. Il sera donc révolutionnaire, mais non de ceux qui s’opposent au tyran d’aujourd’hui, néfaste à leurs yeux parce qu’il dessert leurs intérêts, pour vanter l’excellence de l’oppresseur de demain dont ils se sont déjà constitués les serviteurs. Non, le poète lutte contre toute oppression : celle de l’homme par l’homme d’abord et l’oppression de sa pensée par les dogmes religieux, philosophiques ou sociaux. Il combat pour que l’homme atteigne une connaissance à jamais perfectible de lui-même et de l’univers. Il ne s’ensuit pas qu’il désire mettre la poésie au service d’une action politique, même révolutionnaire. Mais sa qualité de poète en fait un révolutionnaire qui doit combattre sur tous les terrains : celui de la poésie par les moyens propres à celle-ci et sur le terrain de l’action sociale sans jamais confondre les deux champs d’action sous peine de rétablir la confusion qu’il s’agit de dissiper et, par suite, de cesser d’être poète, c’est-à-dire révolutionnaire.

Les guerres comme celles que nous subissons ne sont possibles qu’à la faveur d’une conjonction de toutes les forces de régression et signifient, entre autres choses, une arrêt de l’essor culturel mis en échec par ces forces de régression que la culture menaçait. Ceci est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister. De cette défait momentanée de la culture, découle fatalement un triomphe de l’esprit de réaction, et, d’abord, de l’obscurantisme religieux, couronnement nécessaire de toutes les réactions. Il faudrait remonter très loin dans l’histoire pour trouver une époque ou Dieu, le Tout-Puissant, la Providence, etc., ont été si fréquemment invoqués par les chefs d’État ou à leur bénéfice. Churchill ne prononce presque aucun discours sans s’assurer de sa protection, Roosevelt en fait autant, de Gaulle se place sous l’égide de la croix de Lorraine, Hitler invoque chaque jour la Providence et les métropolites de toute espèce remercient, du matin au soir, le Seigneur du bienfait stalinien. Loin d’être de leur part une manifestation insolite, leur attitude consacre un mouvement général de régression en même temps qu’elle montre leur panique. Pendant la guerre précédente, les curés de France déclaraient solennellement que Dieu n’était pas allemand cependant que, de l’autre côté du Rhin, leurs congénères réclamaient pour lui la nationalité germanique et jamais les églises de France, par exemple, n’ont connu autant de fidèles que depuis le début des présentes hostilités.

D’où vient cette renaissance du fidéisme ? D’abord du désespoir engendré par la guerre et de la misère générale : l’homme ne voit plus aucune issue sur la terre à son horrible situation ou ne la voit pas encore et cherche dans un ciel fabuleux une consolation de ses maux matériels que la guerre a aggravés dans des proportions inouïes. Cependant, à l’époque instable appelée paix, les conditions matérielles de l’humanité, qui avaient suscité la consolante illusion religieuse, subsistaient bien qu’atténuées et réclamaient impérieusement une satisfaction. La société présidait à la lente dissolution du mythe religieux sans rien pouvoir lui substituer hormis des saccharines civiques : patrie ou chef.

Les uns, devant ces ersatz, à la faveur de la guerre et des conditions de son développement, restent désemparés, sans autre ressource qu’un retour à la foi religieuse pure et simple. Les autres, les estimant insuffisants et désuets, ont cherché soit à leur substituer de nouveaux produits mythiques, soit à régénérer les anciens mythes. D’où l’apothéose générale dans le monde, d’une part du christianisme, de la patrie et du chef d’autre part. Mais la patrie et le chef comme la religion dont ils sont à la fois frères et rivaux, n’ont plus de nos jours de moyens de régner sur les esprits que par la contrainte. Leur triomphe présent, fruit d’un réflexe d’autruche, loin de signifier leur éclatante renaissance, présage leur fin imminente.

Cette résurrection de Dieu, de la patrie et du chef a été aussi le résultat de l’extrême confusion des esprits, engendrée par la guerre et entretenue par ses bénéficiaires. Par suite, la fermentation intellectuelle engendrée par cette situation, dans la mesure où l’on s’abandonne au courant, reste entièrement régressive, affectée d’un coefficient négatif. Ses produits demeurent réactionnaires, qu’ils soient « poésie » de propagande fasciste ou antifasciste ou exaltation religieuse. Aphrodisiaques de vieillard ils ne rendent une vigueur fugitive à la société que pour mieux la foudroyer…

Je ne veux pour exemple de ce qui précède qu’une petite brochure parue récemment à Rio-de-Janeiro : L’Honneur des poètes, qui comporte un choix de poèmes publiés clandestinement à Paris pendant l’occupation nazie. Pas un de ces « poèmes » ne dépasse le niveau lyrique de la publicité pharmaceutique et ce n’est pas un hasard si leurs auteurs ont cru devoir, en leur immense majorité, revenir à la rime et à l’alexandrin classiques. La forme et le contenu gardent nécessairement entre eux un rapport des plus étroits et, dans ces « vers », réagissent l’un sur l’autre dans une course éperdue à la pire réaction. Il est en effet significatif que la plupart de ces textes associent étroitement le christianisme et le nationalisme comme s’ils voulaient démontrer que dogme religieux et dogme nationaliste ont une origine commune et une fonction sociale identique. Le titre même de la brochure, L’Honneur des poètes, considéré en regard de son contenu, prend un sens étranger à toute poésie. En définitive, l’honneur de ces « poètes » consiste à cesser d’être des poètes pour devenir des agents de publicité.

Chez Loys Masson l’alliage religion-nationalisme comporte une proportion plus grande de fidéisme que de patriotisme. En fait, il se limite à border sur le catéchisme :

Christ, donne à ma prière de puiser force aux racines profondes

Donne-moi de mériter cette lumière de ma femme à mes côtés

Que j’aille sans faiblir vers ce peuple des geôles

Q’elle baigne comme Marie de ses cheveux,

Je sais que derrière les collines ton pas large avance,

J’entends Joseph d’Arimathie froisser les blés pâmés sur le Tombeau

Et la vigne chanter entre les bras rompus du larron en croix,

Je te vois : Comme il a touché le saule et la pervenche

le printemps se pose sur les épines de la couronne.

Elles flambent :

Brandons de délivrance, brandons voyageurs

Ah ! qu’ils passent à travers nous et qu’ils nous consument

si c’est leur chemin vers les prisons.

Le dosage est plus égal chez Pierre Emmanuel :

O France robe sans couture de la foi

Souillée par les pieds transfuges et les crachats

O robe de suave haleine que déchire

La voix tendre férocement des insulteurs

O robe du plus pur lin de l’espérance

Tu es toujours l’unique vêtement de ceux

qui connaissent le prix d’être nus devant Dieu…

Habitué aux amens et à l’encensoir staliniens, Aragon ne réussit cependant pas aussi bien que les précédents à allier Dieu et la patrie. Il ne retrouve le premier, si j’ose dire, que par la tangente et n’obtient qu’un texte à faire pâlir d’envie l’auteur de la rengaine radiophonique française : « Un meuble signé Lévitan est garanti pour longtemps ».

Il est un temps pour la souffrance

Quand Jeanne visite à Vaucouleurs

Ah ! coupez en morceaux la France

Le jour avait cette pâleur

Je reste roi de mes douleurs.

Mais c’est à Paul Eluard qui, de tous les auteurs de cette brochure, seul fut poète, qu’on doit la litanie civique la plus achevée :

Sur mon chien gourmand et tendre

Sur ses oreilles dressées

Sur sa patte maladroite

J’écris ton nom.

Sur le tremplin de ma porte

Sur les objets familiers

Sur le flot du feu béni

J’écris ton nom…

Il y a lieu de remarquer incidemment ici que la forme litanique affleure dans la majorité de ces « poèmes » sans doute à cause de l’idée de poésie et de lamentation qu’elle implique et du goût pervers du malheur que la litanie chrétienne tend à exalter en vue de mériter des félicités célestes. Même Aragon et Eluard, jadis athées, se croient tenus, l’un, d’évoquer dans ses productions les « saints et les prophètes », le « tombeau de Lazare » et l’autre de recourir à la litanie, sans doute pour obéir au fameux mot d’ordre « les curés avec nous »…

Il y aurait encore beaucoup à dire de la liberté si souvent évoquée dans ces pages. D’abord, de quelle liberté s’agit-il ? De la liberté pour les croyants d’imposer leur dieu et leur morale à la société toute entière ou de la liberté pour la société de rejeter Dieu, sa philosophie et sa morale ? La liberté est comme « un appel d’air », disait André Breton, et, pour remplir son rôle, cet appel d’air doit d’abord emporter tous les miasmes du passé qui infestent cette brochure. Tant que les fantômes malveillants de la religion et de la patrie heurteront l’aire sociale et intellectuelle sous quelque déguisement qu’ils empruntent, aucune liberté ne sera concevable : leur expulsion préalable est une des conditions capitales de l’évènement de la liberté. Toute « poème » qui exalte une « liberté » volontairement indéfinie, quand elle n’est pas décorée d’attributs religieux ou nationalistes, cesse d’abord d’être un poème et par suite constitue un obstacle à la libération totale de l’homme, car il le trompe en lui montrant une « liberté » qui dissimule de nouvelles chaînes. Par contre, de tout poème authentique s’échappe un souffle de liberté entière et agissante, même si cette liberté n’est pas évoquée sous son aspect politique et social, et, par là, contribue à la libération effective de l’homme. »

Mexico, février 1945

[modifier] Les raisons de l’appel de David Rousset, Le Libertaire (9 décembre 1949)

http://www.libertaire.org/catalogue/article.php3?id_article=8351


[modifier] La révolution et les syndicats. Les antécédents (Le Libertaire, 26 juin 1952). Les syndicats et la lutte de classe (Le libertaire, 10 juillet 1952)

http://www.libertaire.org/catalogue/article.php3?id_article=3711

[modifier] Benjamin Peret et le cinema

http://www.eccentrix.com/members/benjaminperet/

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