Surréalisme
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« SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie [...] » (André Breton "Manifeste du surréalisme", 1924)
C'est dans une lettre de Guillaume Apollinaire à Paul Dermée, en mars 1917, qu'apparaît le terme de "surréalisme" dans son acception définitive : "Tout bien examiné, je crois en effet qu'il vaut mieux adopter surréalisme que surnaturalisme que j'avais d'abord employé. Surréalisme n'existe pas encore dans les dictionnaires, et il sera plus commode à manier que surnaturalisme déjà employé par MM. les Philosophes."
Le surréalisme trouve son origine dans de multiples démarches artistiques de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle, il rejoignait ainsi le « supernaturalisme » de Gérard de Nerval et des romantiques allemands, et d'une certaine façon, également, le « surnaturalisme » d'Emmanuel Swedenborg et de Charles Baudelaire ; ses « applications plastiques » s'inspirent du cubisme. Cette aventure (« une attitude inexorable de sédition et de défi ») passe par l'appropriation de la pensée du poète Arthur Rimbaud (« changer la vie »), de celle du philosophe Karl Marx (« transformer le monde ») et des recherches de Sigmund Freud. Breton fut particulièrement influencé par son essai Le rêve et son interprétation, paru en 1900. Il en a retiré la conviction du lien profond unissant le monde réel et le monde sensible des rêves. L'analogie entre le rêveur et le poète, déjà présente chez Baudelaire, est dépassée : Breton considère le surréalisme comme une recherche de l'union de ces deux concepts si souvent opposés que sont le réel et l'imaginaire, comme le montre cette phrase tirée du Premier Manifeste du Surréalisme (1924) « Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue. Les surréalistes (en particulier Salvador Dali) ont aussi été influencé par Jacques Lacan (Maurice Nadeau, Histoire du Surréalisme, Documents surréalistes, Ed. du Seuil 1958). Les travaux de Lacan auquels les surréalistes font référence sont la thèse de Jacques Lacan: "De la Psychose paranoïaque dans ses rapports avec la Personnalité, Le Français, Paris 1932", et "Le problème du style et la conception psychiatrique des formes paranoïaques de l’expérience", dans Minotaure no 1, 1933.
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[modifier] Évolution
En outre, l'expérimentation surréaliste fait appel à des techniques de création (écriture automatique, sommeil hypnotique, « cadavre exquis », écriture collective, interrogation du « hasard objectif », prise de drogues hallucinogènes) qui rendent inopérants les critères esthétiques traditionnels : la « poésie » est ici avant tout moyen de connaissance de la réalité et du psychisme, et si la « beauté » en résulte, c'est comme produit d'une activité inconsciente occultée par des siècles de rationalisme.
Le mouvement souhaite que soit accordé à ses productions, d'abord littéraire puis plastiques, le statut d'expérimentation scientifique : tentative pour explorer en profondeur à la fois le monde (notamment sa réalité cachée) et la pensée (notamment l'inconscient), et pour donner de l'un et de l'autre une connaissance totale.
Les œuvres des surréalistes, qui se situent aux confins du rationnel et de l'irrationnel, de la réalité et du rêve, exaltent aussi l'amour et l'érotisme comme fusion du moi avec la vie universelle : Philippe Soupault, Rose des vents (1920) ; André Breton, Clair de terre (1923), Nadja (1928) ; Benjamin Péret, Le Grand jeu (1928) ; Louis Aragon, le Libertinage (1924), le Paysan de Paris (1926), le Mouvement perpétuel (1926); Paul Eluard, Mourir de ne pas mourir (1924), Capitale de la douleur (1926), l'Amour la poésie (1929).
À la mouvance surréaliste appartient également Robert Desnos, célèbre pour sa pratique du sommeil hypnotique. En marge du surréalisme, Jean Cocteau est étroitement mêlé à la bohème parisienne, tandis qu' Antonin Artaud, exclu (ou qui s'est peut être exclu lui même ) du groupe en 1926, compose une prose poétique « hallucinée ».
D'autre part, les surréalistes ont réhabilité ou fait découvrir des auteurs comme le marquis de Sade, Gérard de Nerval, Lautréamont, ainsi que des secteurs ignorés de la production littéraire comme le roman noir.
[modifier] Une aventure internationale
Le surréalisme connaît une fortune particulière dans la littérature francophone belge. Paul Nougé, dont la poésie présente un aspect ludique très marqué, fonde en 1924 un centre surréaliste à Bruxelles avec les poètes Camille Goemans, Marcel Lecomte… Un autre groupe important, « Rupture », se crée en 1932, à La Louvière, autour de la personnalité d'Achille Chavée.
Le surréalisme belge prend ses distances à l'égard de l'écriture automatique et de l'engagement politique du groupe parisien. L'écrivain et collagiste E. L. T. Mesens fut l'ami de René Magritte, les poètes Paul Colinet, Louis Scutenaire et André Souris et plus tard Marcel Mariën appartiennent également au courant.
Le surréalisme exercera une action stimulante sur le développement de la poésie espagnole, mais à la fin des années 1920 seulement et en dépit de la méfiance suscitée par l'irrationalisme inhérent à la notion d'écriture automatique. Ramón Gómez de la Serna définit ses rapprochements insolites, « greguerias », comme « humour + métaphore ». Le courant « ultraïste » déterminera un changement de ton chez les poètes de la « Génération de 27 », Lorca, Alberti, Aleixandre et Cernuda.
Les principes surréalistes se retrouvent en Scandinavie et en URSS. Le « poétisme » tchèque peut être considéré comme une première phase du surréalisme. Il s'affirme dès 1924 avec un manifeste publié par Karel Teige, qui conçoit la poésie comme une création intégrale, donnant libre cours à l'imagination et au sens ludique. Ses représentants les plus éminents furent Jaroslav Seifert et surtout Vítězslav Nezval, dont Soupault souligna l'audace des images et symboles. Le mouvement surréaliste yougoslave entretient d'étroits contacts avec le courant français grâce à Marko Ristić.
En dépit d'une perte de prestige à partir de 1940, le surréalisme a existé comme groupe jusqu'aux années 1960, en se renouvelant au fur et à mesure des départs et des exclusions.
Le surréalisme est entré finalement en politique grâce à l'Alternative Orange, un groupe artistique d'opposition polonais, formé aux principes des années 1980, dont le fondateur Major (Commandant) Waldemar Fydrych avait proclamé Le Manifesto du Surréalisme Socialiste. Ce groupe, qui organisait des happenings, peignait des graffiti absurdes en forme de lutins sur les murs des villes et était un des éléments les plus pittoresques de l’opposition polonaise contre le communisme, utilisait largement l’esthétique surréaliste dans sa terminologie et dans la place donnée à l’acte spontané.
[modifier] L'écriture automatique
Par l'écriture automatique, les surréalistes ont voulu donner une voix aux désirs profonds, refoulés par celle de la société, cette « violente et traîtresse maîtresse d'école », selon le mot de Michel de Montaigne. L'objet surréaliste ainsi obtenu a d'abord pour effet de déconcerter l'esprit, donc de « le mettre en son tort ». Peut se produire alors la résurgence des forces profondes, l'esprit « revit avec exaltation la meilleure part de son enfance ». On saisit de tout son être la liaison qui unit les objets les plus opposés, l'image surréaliste authentiquement est un symbole. Approfondissant la pensée de Baudelaire, André Breton compare, dans Arcane 17, la démarche du surréalisme et celle de l'ésotérisme : elle offre « l'immense intérêt de maintenir à l'état dynamique le système de comparaison, ce champ illimité, dont dispose l'homme, qui lui livre les rapports susceptibles de relier les objets en apparence les plus éloignés et lui découvre partiellement le symbolisme universel. »
Le peintre Max Ernst, de son côté, découvre pour son art une méthode analogue à l'écriture automatique, méthode que déjà Léonard de Vinci avait esquissée. Frappé par un plancher d'auberge dont les lavages avaient accentué les rainures, il pose sur elles au hasard une feuille et frotte à la mine de plomb. « En regardant attentivement les dessins ainsi obtenus, les parties sombres et les autres plus claires, je fus surpris de l'intensification subite de mes facultés visionnaires et de la succession hallucinante d'images contradictoires. »
[modifier] Changer l'homme
Le mouvement Dada était antibourgeois, antinationaliste et provocateur. Mais, aux yeux des surréalistes, l'artiste a une responsabilité politique et morale, son œuvre est susceptible de transformer l'Homme. « Nous n'acceptons pas les lois de l'Économie ou de l'Échange, nous n'acceptons pas l'esclavage du Travail, et dans un domaine encore plus large nous nous déclarons en insurrection contre l'Histoire. » (tract La Révolution d'abord et toujours). Ces principes débouchent sur l'engagement politique : certains écrivains surréalistes adhèrent, temporairement, au Parti communiste français.
Aucun parti, cependant, ne répondait exactement aux aspirations des surréalistes, ce qui fut à l'origine des tensions avec le Parti communiste français. André Breton n'a pas de mots assez forts pour flétrir « l'ignoble mot d'engagement qui sue une servilité dont la poésie et l'art ont horreur. » Dès 1930, pourtant, Louis Aragon acceptait de soumettre son activité littéraire « à la discipline et au contrôle du parti communiste ». La guerre fit que Robert Desnos et Paul Eluard le suivirent dans cette voie pendant quelques années. Condamnation de l'exploitation de l'Homme par l'Homme, du militarisme, de l'oppression coloniale, des prêtres pour leur œuvre qu'ils jugent obscurantiste, et bientôt du nazisme, volonté d'une révolution sociale ; et plus tard, enfin, dénonciation du pragmatisme de l'Union Soviétique, tels sont les thèmes d'une lutte que, de la guerre du Maroc à la guerre d'Algérie, les surréalistes ont menée inlassablement. Ils ont tenté la synthèse du matérialisme historique et du mysticisme, en se situant au carrefour de l'anarchisme, et du marxisme, fermement opposés à tous les fascismes et aux religions.
[modifier] Personnages de la constellation surréaliste (liste) :
[modifier] Les surréalistes :
- Maxime Alexandre (exclu en 1932)
- Louis Aragon (exclu en 1932)
- Jean Arp
- Antonin Artaud (exclu en 1926)
- Jacques Baron
- Georges Bataille (exclu en 1929)
- Hans Bellmer
- Victor Brauner
- André Breton
- Luis Buñuel
- Claude Cahun
- Leonora Carrington
- Aimé Césaire
- René Char
- Achille Chavée
- Giorgio de Chirico
- René Crevel
- Salvador Dali (exclu en 1939)
- Robert Desnos
- Oscar Dominguez
- Marcel Duchamp
- Marcel Duhamel
- Paul Eluard (exclu en 1933)
- Max Ernst (exclu en 1954)
- Camille Goemans
- Irène Hamoir
- Alain Jouffroy (auto-exclu en 1948)
- Frida Kahlo
- Wilfredo Lam
- Jacqueline Lamba
- Michel Leiris
- Georges Limbour
- René Magritte
- Marcel Mariën
- Joyce Mansour
- André Masson
- Roberto Matta (exclu en 1948)
- E. L. T. Mesens
- Joan Miró
- Max Morise (exclu en 1929)
- Paul Nash
- Pierre Naville
- Vítězslav Nezval
- Paul Nougé
- Wolfgang Paalen
- Roland et Valentine Penrose
- Benjamin Péret
- Francis Picabia
- Pablo Picasso
- Gisèle Prassinos
- Jacques Prévert (exclu en 1930)
- Raymond Queneau (exclu en 1930)
- Alice Rahon
- Man Ray
- Georges Ribemont-Dessaignes
- Hans Richter
- Jacques Rigaut
- Robert Rius
- Stanislas Rodanski (auto-exclu en 1948)
- Louis Scutenaire
- Philippe Soupault (exclu en 1926)
- André Souris
- Kurt Schwitters
- Shuzo Takiguchi
- Yves Tanguy
- Toyen
- Tristan Tzara
- Pierre Unik (exclu en 1932)
- Jacques Vaché Breton "Vaché est surréaliste en moi"
- Roger Vitrac (exclu en 1926)
[modifier] Artistes influencés par le Surréalisme :
- Pierre Alechinsky
- François Boucheix
- Jan Bucquoy
- Alexander Calder
- Joseph Cornell
- René Daumal
- Joseph Delteil
- Paul Delvaux
- Cicero Dias
- Leonor Fini
- Federico Garcia Lorca
- Roger Gilbert-Lecomte
- Julien Gracq
- Maurice Heine
- Georges Henein
- Alejandro Jodorowsky
- Wolfgang Lettl
- Melito
- Henri Michaux
- Lee Miller
- Robert Motherwell
- Francis Ponge
- Reon
- Clovis Trouille
- Roger Vailland
- Boris Vian
- Unica Zürn
[modifier] Artistes amis des surréalistes :
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
- Surréalisme en Belgique
- cinéma expérimental
- Menil Collection, l'une des plus grandes collections surréalistes du monde
- Le mouvement du liquide en bas d'une surface verticale
- Chronologie du surréalisme
- Willy Vallez, un "Surréaliste Surréel"
[modifier] Bibliographie
- Jean-Luc Rispail, Les surréalistes. Une génération entre le rêve et l'action, Découvertes Gallimard.
[modifier] Liens externes
[modifier] Notes et références
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