Nullité du licenciement en droit français
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Le droit français accepte certaines causes de nullités du licenciement. En droit du travail, la nullité entraîne toutefois des conséquences différentes de la nullité telle qu'on l'entend au sens du droit civil.
Sommaire |
[modifier] Notion de licenciement nul
Le licenciement nul doit être distingué du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En effet, un licenciement sans cause réelle et sérieuse est un licenciement abusif ou injustifié. Il se verra sanctionné différemment selon l'ancienneté du salarié ou l'effectif de l'entreprise (articles L122-14-4 et L122-14-5
du Code du travail) On distinguera ainsi :
- si le salarié a au moins 2 ans d'ancienneté ou si l'entreprise compte plus de 11 salariés : dans ce cas, on applique L122-14-4
du Code du travail
- si le salarié a moins de 2 ans d'ancienneté ou si l'entreprise compte moins de 11 salariés, on appliquera l'article L122-14-5
du Code du travail.
A la différence du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la nullité viendra sanctionner le licenciement de tout salarié.
Il peut s'agir d'une nullité textuelle ou virtuelle. C'est pourquoi un puriste préfèrera parler des nullités du licenciement plutôt que de la nullité du licenciement. Bien entendu, il existe des nullités textuelles dans d'autres matières que le droit du travail.
[modifier] Les nullités textuelles et virtuelles : notions
Auparavant, une nullité ne pouvait exister sans texte. Cette position a clairement été adoptée par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision Loi de modernisation sociale du 12 janvier 2002 :
[Considérant] qu'en l'absence de disposition expresse en ce sens, et la nullité ne se présumant point, la méconnaissance de cette obligation ne pourra pas être sanctionnée par la nullité de la procédure de licenciement et l'obligation de réintégration qui en résulterait. | ![]() |
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— C. const, Loi de modernisation sociale, 12 janvier 2002, c. 12 |
Cependant, progressivement, le jurisprudence a dégagé ce que l'on nomme les nullités "virtuelles", c'est-à-dire les nullités prononcées pour violation d'une liberté fondamentale. On citera notamment ici l'arrêt Madame Hugues contre France Télécom rendu par la Chambre sociale le 30 octobre 2002 :
[modifier] Les nullités textuelles en droit du travail
Pour l'essentiel, on remarquera qu'en droit du travail, les nullités textuelles concernent essentiellement les catégories de salariés dits « protégés ». Une liste (non exhaustive) peut en être dressée.
On citera tout d'abord l'article L122-45 du Code du travail qui dispose :
Pour résumer, toute personne dont le licenciement est fondé sur un motif discriminatoire voit son licenciement automatiquement annulé.
La loi de modernisation sociale [1] du 17 janvier 2002 est venue ajouter deux articles relatifs au harcèlement sexuel (article L. 122-46
du Code du travail) et au harcèlement moral (article L. 122-49
du même code), sanctionnés également par la nullité.
Un autre cas de nullité concerne les femmes enceintes. Au terme de l'article L. 122-25-2 du Code du travail, on lit en effet que :
Ainsi, le licenciement d'une femme enceinte se verra systématiquement annulé par les juges à deux exceptions près :
- soit la salariée a commis une faute grave justifiant son licenciement ;
- soit l'employeur se trouve dans l'impossibilité,pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir ledit contrat
Sont également concernés les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Il faut ici se référer à l'article L. 122-32-2 du Code du travail :
[modifier] Les nullités virtuelles
Les juges, rapidement confrontés à des cas non envisagés par les textes comme susceptibles d'être frappés de nullité, ont du en étendre le champ. C'est ainsi que sont nées les nullités virtuelles, prononcées en violation d'une liberté fondamentale.
Il faut cependant garder à l'esprit que toutes les libertés ne sont pas reconnues comme fondamentales par la Cour de cassation. Ainsi, la liberté vestimentaire ne constitue pas une liberté dite fondamentale [2]
Parmi ces nullités figure celle liée à l'atteinte au droit de grève. Celui-ci, constitutionnellement reconnu (notamment par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) et réaffirmé par une jurisprudence abondante, est en effet érigé au rang de liberté fondamentale[3].
[modifier] Les nullités spécifiques au licenciement pour motif économique
Le licenciement pour motif économique (article L. 321-1 du Code du travail) suit des règles différentes de celles du licenciement pour motif personnel.
Concernant la nullité dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, on notera qu'en cas de licenciement d'au moins 10 salariés, si l'employeur n'a pas mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi (ou si celui-ci est insuffisant), le juge pourra prononcer la nullité du licenciement et ordonner la poursuite du contrat.
D'autre part, au terme de l'article L. 122-14-4 du Code du travail :
[...] Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. | ![]() |
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— C. const., Loi de programmation pour la cohésion sociale, 13 janvier 2005 |
Dans ce cas, depuis la Loi de programmation pour la cohésion sociale du 13 janvier 2005, la nullité se verra sanctionnée par la réintégration sauf si l'établissement ou l'entreprise a fermé. Ce cas n'est toutefois apparemment pas limitatif (« notamment »).
Un arrêt rendu par la chambre sociale le 15 février 2006 est venu préciser les limites de l'obligation de réintégration en cas d'annulation d'un licenciement pour nullité du plan social : "Attendu, cependant, qu'après annulation d'un licenciement pour nullité du plan social, aujourd'hui plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation de réintégration résultant de la poursuite alors ordonnée du contrat de travail ne s'étend pas au groupe auquel appartient l'employeur ;". L'obligation de réintégration ne s'étend donc pas au groupe dans ce cas.
[modifier] La sanction de la nullité
Le salarié dont le licenciement a été annulé a droit à réintégration.
Ainsi, selon la chambre sociale de la Cour de Cassation (Cass. Soc., 30 avril 2003, Bull. 2003 V n°152 p. 149 ) en cas de licenciement d’une salariée en état de grossesse, la réintégration de la salariée doit être ordonnée si elle le demande. Par suite, l’employeur ne peut s’y opposer.
La réintégration, proposée par le juge, est un droit pour le salarié, qui reste libre de la refuser. S'il accepte, il doit être réintégré dans son ancien poste, ou, à défaut, dans un poste équivalent.
Lorsque la réintégration n'est pas demandée, ou que la réintégration est impossible (L.122-14-4 C.trav)le salarié a droit à une indemnité (Cass. Soc., 21 septembre 2005, Bull. 2005 V n°262 p. 230 ), en plus des indemnités de rupture. Cette indemnité spécifique à la nullité ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.
[modifier] Références
- ↑ Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002
- ↑ Voir Cass. Soc. 28 mai 2003, Bull. 2003 V n° 178 p. 174
, dit « Arrêt Bermuda », s'agissant de « la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu du travail ».
- ↑ Par exemple, dans Cass. Soc., 13 novembre 1996 :
Attendu cependant que, si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d'appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié agissant isolément, dans les entreprises ne comportant qu'un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu ;" — Cass. Soc., 13 novembre 1996, Bulletin 1996 V n°379 p. 272
[modifier] Articles connexes
- Cause réelle et sérieuse
- Droit de grève en France
- Grève
- Libertés fondamentales
- Licenciement
- Réintégration en droit du travail français
- Salarié protégé
[modifier] Liens externes
- Sur l'atteinte aux libertés individuelles, un document complémentaire : [1]
- Plus de détails sur la discrimination syndicale en particulier : [2]
- Un mémoire sur l'article L. 122-45 du Code du travail : [3]
- La protection de la femme enceinte : [4]
- Sur la liberté de se vêtir au travail : [5]
- Arrêt du 13 novembre 1996 au sujet du droit de grève :[6]
- Sur le droit à réintégration de la femme enceinte : [7]
- Licenciement pour motif économique : [8]
- Examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale par le Conseil Constitutionnel : [9]
- Arrêt du 21 septembre 2005 (nullité du licenciement et indemnité) : [10]
[modifier] Pour aller plus loin
A propos de la liberté vestimentaire : [[11]]
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