Qui est Juif ?
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- Cet article traite des critères utilisés pour définir les Juifs. Identité juive traite de la façon dont les Juifs se définissent
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"Mihou Yehoudi ?" (héb. ? מיהו יהודי), Qui est Juif ?, est le nom donné à un ensemble de débats qui eurent lieu dans le parlement israélien les 9 et 10 février 1970, sous le gouvernement de Golda Meïr, et qui aboutirent au vote d’un amendement de la loi du retour de 1950 (loi garantissant à tout Juif, ainsi qu'à son éventuelle famille non juive, le droit d'immigrer en Israël), dans lequel est défini comme Juif tout individu « étant né de mère juive, ou converti au judaïsme et ne pratiquant pas une autre religion »
La question réapparut depuis lors à plusieurs reprises, provoquant des remous religieux, sociaux et politiques, passant dans le langage courant lorsque plusieurs cas légaux de haute portée se produisirent en Israël après la fondation de l'état Juif en 1948.
Cette volonté de définir la judaïté en termes objectivables fut critiquée, non seulement du fait de l'évolution historique permanente de l'identité juive[1], mais également parce qu'elle rappelait les tentatives semblables de caractériser les Juifs, selon différentes approches, entreprises lors d'heures sombres de l'histoire du peuple juif (Inquisition, Nazisme...) .
Les questions les plus plus débattues actuellement sont :
- le statut des enfants issus de mariages mixtes.
- la validité du processus de conversion suivi.
- le statut de personnes nées ou converties à d'autres religions.
Sommaire |
[modifier] Qui est Juif selon la Halakha ?
Qui est d'Israël ? Les fils de non-Juives[2] ont-ils les mêmes droits sur l'héritage de leur père que leurs frères, ou les enfants des frères de leur père, nés de mères Juives ? Un Judéen qui refuse le signe de l'Alliance ou le cache[3], qui sacrifie à d'autres dieux, qui renie Dieu, ou un minéen, sont-ils encore des enfants d'Israël, bénéficiant de leurs droits et soumis à leurs devoirs ?
La première législation visant à répondre à ces questions fut le fruit des débats des Tannaïm, Sages scrutant la Bible Hébraïque en s'appuyant sur une tradition orale afin de fixer la conduite à tenir (halakha.) Y est reconnu comme Juif :
- une personne née de mère Juive (ou s'étant convertie au judaïsme)
- une personne ayant adhéré au judaïsme par le biais d'une conversion religieuse selon les règles de la Halakha.
- s'il appartient à l'une de ces deux catégories, sa judéité est inaltérable, quand bien même il serait idolâtre, incroyant, hérétique ou apostat[4].
La transmission matrilinéaire de la judéité a été codifiée probablement pour la première fois dans le Talmud (T.B. Kiddoushin 68b, élaborant sur la mishna 3:12 du même traité)[5] La détermination de la nationalité[6] selon celle de la mère est à l'opposé de ce qui se fait au sein des autres nations.
La nécessité d'un processus de conversion est reconnu par tous les courants du judaïsme (karaïsme inclus), mais ses caractéristiques varient selon le courant. Ces différences peuvent être sources de tensions internes au judaïsme, parfois liées avec des issues plus politiques, lorsqu'elles concernent l'acquisition du droit de retour et la reconnaissance comme Juif au sein de l'état d'Israël (cf. infra).
[modifier] Juif de naissance
Selon la Halakha rabbinique, la judéité se transmet par la mère, sans tenir compte de la "nationalité" du père (mais en tenant compte de son statut, s'il est Juif[7]).
Selon les rabbins, il en fut toujours ainsi, depuis le don de la Torah sur le mont Sinaï. En effet,
- Deut. 7:3-4 interdit toute union avec les sept peuples de Canaan (les rabbins élargiront cette interdiction à tout non-Juif, déclarant une telle union nulle et non avenue sur le plan juridique), de crainte qu'"il détourne ton fils de Moi" (כי יסיר את בנך מאחרי ki yassir ett binkha mèakhoraï). Bien qu'il ne ressorte du sens obvie de ce verset qu'une crainte de l'influence culturelle (et surtout cultuelle), Rabbi Yohanan rapporte au nom de Rabbi Shimon bar Yohaï[8], qu'étant donné que le mot yassir, est à la forme masculine, il faut lire que la crainte d'influence délétère culturelle ne concerne que l'influence du Gentil sur la fille israélite; pourquoi le cas réciproque n'est-il pas abordé, et pourquoi appelle-t-on le petit-fils "ton fils" ? Parce que l'identité nationale ne demeure qu'en l'enfant d'une femme israélite, et non en l'enfant d'un homme israélite qui se marie avec une fille du pays. (T.B Kiddoushin 68b)
- Ezra 10:10-11 rapporte la colère d'Ezra le Scribe devant l'union avec des "peuples du pays et des femmes étrangères"; le scribe ordonne le renvoi des femmes étrangères, et de leurs enfants. Pourquoi se limiter aux femmes ? Parce que le fruit de l'union d'une femme israélite et d'un homme égyptien est considéré comme "étant de la communauté d'Israël" (Lev. 24:10).
[modifier] Oppositions à la conception rabbinique
Le principe de transmission exclusivement matrilinéaire fut pourtant débattu dans le Talmud lui-même, bien que les discussions soient vite résolues à l'avantage de la matrilinéarité[9] et, de façon beaucoup plus significative, par des courants mosaïques ignorant ou rejetant le Talmud.
En effet, une lecture littérale de la Bible hébraïque fait ressortir que
- la plupart des personnes nommées dans la Bible hébraïque sont présentées par leur seule ascendance paternelle (Josué fils de Noun, Rachel fille de Lavan, etc. Toutefois, Dinah fille de Léa).
- les lois sur l'héritage et le partage des terres se font en fonction du père (ce qui explique l'épisode des filles de Tzelofehad).
- la charge sacerdotale et lévitique ne sont transmises que par le père.
De fait,
- les Samaritains et les Lemba pratiquent la patrilinéarité.
- certains Karaïtes la pratiquent également[10].
Il est à noter qu'en Israël, les Karaïtes tranchent en faveur du double parentage (patrilnéaire et matrilinéaire)[11], en se basant sur Ezra 10-10:11 et Prov. 1:8.
L'exégèse qu'ils font d'Ezra 10-10:11 présuppose la transmission paternelle de l'appartenance nationale, et il serait donc évident que les enfants de Judéennes ayant épousé des étrangers n'appartiennent pas au peuple; Ezra, en chassant les femmes étrangères et leurs enfants, indiquerait qu'eux non plus ne sont pas du peuple. - les Juifs des montagnes et les Juifs de Kaïfeng la pratiquèrent également. Toutefois, il s'agissait, pour les Juifs de Chine, d'une influence par les Chinois musulmans (Han), et ils ne sont plus considérés comme juifs, à moins de passer par un processus de conversion.
La plus grande entorse au principe de la matrilinéarité vient toutefois des mouvements juifs progressistes, particulièrement dans les pays anglo-saxons, non par déni du Talmud, mais par volonté d'adaptation à l'époque moderne. En effet, bien que recommandant la conversion de la mère non-juive au judaïsme, les instances juives réformées admettent comme Juifs les enfants éduqués comme tels[12]. Le principe de transmission matrilinéaire ou patrilinéaire a été officiellement adopté aux États-Unis en 1983, et est suivie par : le judaïsme libéral (Liberal Judaism) en Angleterre; le judaïsme reconstructionniste aux Etats-Unis, au Canada et là où il s'est implanté; le judaïsme progressiste en Australie; une congrégation en Autriche, et certaines congrégations d'Europe de l'Est [12]. En revanche, le judaïsme réformé du Canada et d'Angleterre n'y souscrivent pas, ni le judaïsme conservative aux Etats-Unis.
Selon la déclaration de la CCAR[13], est reconnu comme Juif toute personne dont au moins l'un des parents est Juif, pour autant
-
- qu'elle ait été élevée avec une identité juive, selon les standards Réformés
- qu'elle s'engage dans une action appropriée de reconnaissance publique du judaïsme. Selon les congrégations, il peut s'agir d'une simple déclaration en public, ou d'actes plus formels, particulièrement si la personne a été élevée comme chrétienne.
[modifier] Critiques académiques de la vision rabbinique
La Mishna est considérée dans la tradition juive, comme le message authentique de la Torah écrite, véhiculé par une tradition d'exégèse orale et transmis sans solution de continuité depuis la Révélation sur le Sinaï (T.B Guittin 60b). Toutefois, elle est considérée, notamment dans le judaïsme conservative comme une innovation pharisienne, tributaire des circonstances historiques de sa rédaction.
L'historien et rabbin conservative Shaye Cohen[14] s'emploie à démontrer que le principe de la matrilinéarité aurait été introduit à l'époque de la Mishna, en rupture avec la loi patrilinéaire traditionelle[5][15]. En effet, le principe de la matrilinéarité semble ignoré de la Bible Hébraïque, et des écrits du premier siècle de l'ère commune :
- Dans les Actes des Apôtres (16:1-3), Paul circoncit Timothée, fils d'une Juive et d'un païen (grec). Or à une époque où le christianisme est encore considérée comme une forme de judaïsme, Paul déclare la circoncision moins importante que l'observance fidèle des commandements de Dieu. Le geste de Paul serait donc plus facile à comprendre si Timothée est considéré non comme un Juif incirconcis, mais comme un non-Juif, malgré son ascendance maternelle.
- Dans les Antiquités des Juifs (xx. 7, § 3), Flavius Josèphe relate la conversion et la circoncision du prince grec Polémon, roi de Cilicie, lors de son union à Bérénice. Or, les rites de passage au judaïsme seraient inutiles si la judéité de la mère suffisait à assurer celle des enfants.
Il est toutefois à noter que Philon d'Alexandrie, qui écrivit avant l'époque de la Mishna, appelle à trois reprises l'enfant d'une union mixte nothos (bâtard), que le parent soit le père ou la mère[16], ce qui serait selon Maren Niehoff une preuve que Philon reconnaissait le principe de matrilinéalité[17].
Michaël Corinaldi, professeur de droit à l'université de Haïfa, propose plusieurs raisons pouvant avoir justifié le choix d'une transmission matrilinéaire de la nationalité :
- l'explication biologique : l'identité de la mère est certaine, celle du père peut être remise en question; Ezra recherchait une définition sans ambiguïté
- l'explication sociologique : l'éducation est le fait de la mère. Selon ce point de vue, l'identité juive est fortement tributaire de l'éducation.
- l'explication politique : au cours des guerres judéo-romaines, les enfants de femmes juives violées par les Romains étaient reconnus comme Juifs et non Romains.
- l'explication démographique : de nombreux Juifs mouraient à la guerre, et il fut décidé de considérer comme Juifs les enfants nés de père étranger.
- l'explication judiciaire : dans le droit romain, les enfants nés de Romains et de mères illégitimes recevaient la nationalité de la mère et étaient exclus de l'héritage du père et des avantages conférés à sa nationalité romaine. Le droit talmudique serait l'exact contre-pied de cette loi, en ce que la mère permettrait à l'enfant illégitime de jouir de ses droits de citoyen judéen.
Selon Shaye Cohen[18], aucune de ces explications ne tient, à l'exception des possibles parallèles entre droit talmudique et droit romain, ainsi que le pourrait suggérer le style de la mishna Kiddoushin 3:12. Cependant, il estime lui-même qu'il existe peu de preuves à l'appui de cette assertion[19]. Il avance que les Tannaïm auraient pu établir cette loi en se basant sur celles des kilaïm (hybrides - T.B Yoma 74a-b).
La règle originelle aurait été patrilinéaire, mais ne se serait appliquée qu'à des cas où les parents étaient légalement mariés, ou étaient considérés comme conjoints légaux, auxquels cas l'enfant possède un père légal. Dans le cas d'un mariage entre deux Juifs ou deux non-Juifs, l'enfant hériterait de son statut, Juif ou Gentil, de son père. Aux temps bibliques, la même règle se serait appliquée aux unions mixtes, socialement méprisées mais légalement possibles [20] Cependant, et ce dès l'époque d'Ezra, la loi juive aurait considéré ces unions mixtes comme non seulement interdites mais invalides. En conséquence, l'enfant d'une telle union n'aurait pas eu de père légal, recevant le statut de sa mère par défaut[21], de même qu'en Angleterre, les enfants légitimes recevaient le nom du père, les enfants non légitimes ceux de la mère.
Ce n'est donc qu'en cas de mariage mixte qu'en enfant hériterait de la judéité par la mère; dans les cas normaux, il hériterait du statut du père, mais la judéité de la mère serait la condition sine qua non pour que cela se produise, ce qui reviendrait en définitive à considérer qu'il s'agirait d'une transmission purement matrilinéaire.
Joseph Mélèze insiste quant à lui sur l'explication démographique, mettant en exergue un possible rapport chronologique entre l'institution de la matrilinéarité et les décrets romains en défaveur de la circoncision : bien que n'ayant pas déclenché la révolte de Bar Kokhba, elle empêche, à la fin de celle-ci, de repeupler la Judée avec l'élément mâle qui lui manque, les hommes étant tombés à la guerre ou déportés comme esclaves. Si la circoncision est interdite, la conversion de Gentils devient impossible; tout enfant né d'eux serait Gentil en fonction de l'ascendance patrilinéaire. C'est pour résoudre ce problème que la matrilinéarité aurait été instituée[5].
[modifier] Juif par conversion
[modifier] Qui est Juif selon l'Inquisition ?
[modifier] Qui est Juif selon le nazisme ?
[modifier] Qui est Juif selon l'état d'Israël ?
[modifier] Notes et références
- ↑ Scholem, Guershom, Qui est juif
- ↑ c'est-à-dire, à l'époque où ces questions furent débattues, de païennes
- ↑ En se collant un faux prépuce afin de pouvoir entrer dans les bains grecs, cf. J. Mélèze
- ↑ Talmud de Babylone Sanhédrin 44a.
- ↑ 5,0 5,1 5,2 Joseph Mélèze, Père ou mère, aux origines de la matrilinéarité juive
- ↑ Le judaïsme n'est à l'époque pas considéré comme une religion, mais comme les coutumes des personnes dont la Judée est ou fut la nation. Voir Juvénal Satires IV:133-160 et XIV:96-106; Dion Cassius Histoire de Rome 37:17
- ↑ Kiddoushin 3:12 et TB Baba Batra 109b (La famille du père est considérée comme étant celle de l'enfant, la famille de la mère ne l'est pas)
- ↑ Il est à noter que ce commentaire exégétique du Texte est assez tardif, Rabbi Shimon bar Yohaï étant contemporain de la révolte de Bar Kokhba
- ↑ Rav Ya'akov de Kfar Niboraya enseignait à Tyr que l'enfant d'un père Juif était Juif à part entière même si sa mère ne l'était pas, ainsi qu'il est écrit (Nombres 1:18) « on les enregistra selon leurs familles, selon les maisons de leurs pères ». Il semble toutefois que ce soit là l'opinion d'un jeune rabbin, vite corrigé par un collègue plus âgé, Rav Hagaï (Talmud de Jérusalem, Kiddoushin 3:14, vis. 64d et Yevamot 2:6, vis. 4a).
- ↑ http://www.everyculture.com/Africa-Middle-East/Karaites-Kinship-Marriage-and-Family.html
- ↑ http://www.biu.ac.il/JH/Parasha/eng/emor/gel.html
- ↑ 12,0 12,1 "Reform conversion to Judaism", SomethingJewish, accessible le 16 mars 2006.
- ↑ http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Judaism/patrilineal1.html
- ↑ The Beginnings of Jewishness; théorie passée en revue par le Rav Louis Jacobs, There is no Problem of Descent.
- ↑ Sorek, Susan: Mothers of Israel
- ↑ A propos de la vie de Moïse 1.27.147 & 2.36.193; des Vertus 40.224.
- ↑ Maren. R. Niehoff, "Jewish Identity and Jewish Mothers: Who was a Jew according to Philo?" Studia Philonica Annual 11 (1999): 31-54.
- ↑ The Beginnings of Jewishness; théorie passée en revue par le Rav Louis Jacobs, There is no Problem of Descent.
- ↑ Boaz Cohen (Jewish and Roman Law, New York, 1966, pp. 133-145), ayant passé en revue cette hypothèse, n'y réfère qu'à titre d'"intéressants parallèles". Joseph Mélèze rejette également un tel parallèle.
- ↑ L'Arba'ah Tourim enseigne que l'interdiction de contracter des unions avec des étrangers ne s'appliquait qu'aux sept nations de Canaan, et que l'extension à tous les Gentils, ainsi que la sanction d'invalidité sont des règles rabbiniques plutôt que bibliques (Tour Even Ha'ezer ch. 16).
- ↑ Toutefois, il n'aurait pas le statut de mamzer (Mishna Kiddoushin 3:12).