Bruno Latour
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Bruno Latour (né en 1947 à Beaune) est un sociologue, ethnologue et philosophe des sciences français. Après avoir enseigné à l'École des mines de Paris, il est depuis septembre 2006 professeur à l'Institut d'études politiques de Paris.
Il est issu de la région de Beaune.
Il est connu pour ses travaux en sociologie des sciences : à partir d'enquêtes de terrain, il observe les scientifiques au travail et décrit le processus de recherche scientifique comme une construction sociale.
Ses ouvrages les plus connus sont la Vie de laboratoire et la Science en action. Membre du comité d'orientation de Cosmopolitiques.
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[modifier] Étude ethnologique d'un laboratoire
Agrégé de philosophie, Latour a été profondément influencé par Michel Serres. Il s'intéresse à l'anthropologie et entreprend une enquête de terrain en Côte d'Ivoire dont le résultat est une brève monographie sur la décolonisation, la notion de race et les relations industrielles. L'objet d'étude de Latour se concentre ensuite sur les scientifiques dans leur laboratoire. En 1979, il publie avec Steve Woolgar Laboratory Life: the Social Construction of Scientific Facts (traduit en français sous le titre la Vie de laboratoire : la Production des faits scientifiques en 1988 seulement). Dans cet ouvrage, les deux auteurs entreprennent une étude ethnologique d'un laboratoire de recherche spécialisé en neuroendocrinologie au Salk Institute. Ils montrent que la description naïve de la méthode scientifique, selon laquelle la réussite ou l'échec d'une théorie dépendent du résultat d'une seule expérience, ne correspond pas à la pratique réelle des laboratoires. Généralement, une expérience produit seulement des données peu concluantes, attribuées à un défaut du dispositif expérimental ou de la procédure. Ainsi, une grande partie de l'éducation scientifique consiste à apprendre comment trier les données qui doivent être gardées et celle qui doivent être jetées, un processus qui semble, pour un regard extérieur non-éduqué, une manière d'ignorer les données qui contredisent l'orthodoxie scientifique.
Latour et Woolgar proposent une vision hétérodoxe et très controversée des sciences. Ils défendent l'idée que les objets d'étude scientifiques sont « socialement construits » dans les laboratoires, qu'ils n'ont pas d'existence en dehors des instruments de mesure et des esprits qui les interprètent. Ils considèrent l'activité scientifique comme un système de croyances, de traditions orales et de pratiques culturelles spécifiques.
[modifier] Autres études de cas
Après un projet de recherche sur la sociologie des primatologues, Latour poursuit ses recherches entreprises dans la Vie de laboratoire avec les Microbes : Guerre et paix (1984). Il y raconte la vie et la carrière de Louis Pasteur, et sa découverte des micro-organismes, à la manière d'une biographie politique. Il met en lumière les forces sociales au travail dans la carrière de Pasteur et la façon peu régulière dont ses théories sont finalement acceptées. En donnant des raisons d'ordre idéologique pour expliquer l'accueil plus ou moins favorable du travail de Pasteur selon les milieux, Latour cherche à saper l'idée selon laquelle l'acceptation ou le rejet des théories scientifiques est essentiellement, ou même habituellement, de l'ordre de l'expérience, la preuve ou la raison.
Un autre ouvrage, Aramis ou l'Amour des techniques (1992) se concentre sur l'histoire du projet raté de métro Aramis.
[modifier] Travaux théoriques
Latour se tourne ensuite vers des travaux plus théoriques et programmatiques. À la fin des années 1980, il devient un des principaux défenseurs de la théorie des acteurs-réseaux. Ses ouvrages plus théoriques comprennent la Science en action, Pandora's Hope, et Nous n'avons jamais été modernes.
Latour s'inscrit dans une tradition philosophique qu'il qualifie de « non-moderne », par opposition aux modernes et aux post-modernes. Il s'intéresse à l'opposition entre les objets (ultimes, qu'on peut lancer à la tête du conférencier) et les choses (qui s'imposent à nous -- les États par exemple). Il se demande pourquoi nous ne maîtrisons pas ce dont nous sommes les auteurs.
Ses conceptions sur les « non-humains » l'amènent à élaborer un véritable programme d'écologie politique. Notant l'impact des découvertes scientifiques sur l'organisation de la société, il veut que la Constitution du pays prenne en compte non seulement les humains mais aussi les "non humains". Il propose pour cela la création d'un « parlement des choses », dans lequel les choses seraient représentées par des scientifiques ou des personnes reconnues pour leur compétence dans un champ particulier, au même titre que les députés traditionnels représentent aujourd'hui les citoyens[1].
Dans Le « pédofil » de Boa Vista -- montage photo-philosophique (in Petites Leçons de sociologie des sciences), il propose une caractérisation de la démarche scientifique, qui produit et entretient une chaîne réversible d'opérateurs, traversant la distance de la réalité à sa représentation. La justification, le référent, est donc intérieur et transversal, et non pas comme dans les modèles traditionnels, « à deux pôles », extérieur et latéral.
Latour a fait partie des intellectuels mis en cause dans le livre de Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, en compagnie de Lacan, Kristeva, Irigaray, Baudrillard, Deleuze, Guattari et Virilio. Les deux scientifiques critiquent son utilisation de la théorie einsteinienne de la Relativité [2].
[modifier] Notes et références
- ↑ Voir une présentation concrète d'un tel parlement des choses dans un article de Bruno Latour, publié dans Le Monde en 2003.
- ↑ Voir par exemple :
- la référence d'Alain Sokal à cette interprétation de Bruno Latour dans l'article parodique qui est à l'origine de cette affaire : (en) Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity, note 30.
- La vraie signification de l'affaire Sokal, article de Jean Bricmont publié dans Le Monde.
- Y a-t-il une science après la Guerre Froide?, réponse à Jean Bricmont et analyse de l'« affaire Sokal » par Bruno Latour, publiée le 18 janvier 1997 dans Le Monde.
[modifier] Œuvres
- Bruno Latour, les Microbes : Guerre et paix, Paris, Métailié, 1984
- Bruno Latour et Steve Woolgar, la Vie de laboratoire : la Production des faits scientifiques, Paris, La Découverte, 1988
- Bruno Latour, La Science en action, Paris, La Découverte, 1989
- Bruno Latour, Nous n'avons jamais été modernes : Essai d'anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991
- Bruno Latour, Aramis ou l'Amour des techniques, Paris, La Découverte, 1992
- Bruno Latour, La clef de Berlin et autres leçons d'un amateur de sciences, Paris, La découverte, 1993
- Bruno Latour, Pasteur, une science, un style, un siècle, éd. Perrin, 1994 (ISBN 2-262-01059-5)
- Bruno Latour, Petites Leçons de sociologie des sciences, Paris, Le Seuil, 1996
- Bruno Latour, Pandora's Hope: Essays on the Reality of Science Studies, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1999
- Bruno Latour, Politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999, 2004
- Bruno Latour, Jubiler ou les Tourments de la parole religieuse, Paris, Les Empêcheurs-Le Seuil, 2002
- Bruno Latour, la Fabrique du droit : Une ethnographie du Conseil d'État, Paris, La Découverte, 2002
- Bruno Latour, Rassembling the social- An introduction to Actor-Network Theory, Oxford, OUP, 2005
- Bruno Latour, Changer de société ~ Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte, 2006
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