Luchino Visconti
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Luchino Visconti, duc de Modrone (2 novembre 1906, Milan — 17 mars 1976, Rome), descendant de la famille noble des Visconti, est un réalisateur de cinéma italien. Il fut aussi directeur de théâtre, metteur en scène et écrivain.
[modifier] Biographie
[modifier] Famille
Fils de Giuseppe Visconti (10 novembre 1879, Milan - 16 décembre 1941, Milan; bisexuel comme son fils) et de Carla Erba (propriétaire de la fameuse société pharmaceutique, décédée à Cortina d'Ampezzo, Belluno, le 17 janvier 1939). Le nom de Visconti était déjà célèbre. Visconti appartient à la grande aristocratie milanaise. Luchino est le quatrième de sept enfants:
- Guido, l'aîné (mort à la bataille d'El Alamein en 1941; il eut une liaison amoureuse avec l'actrice Elsa De Giorgi),
- Anna (mariée par la suite à un prince Caracciolo),
- Luigi (qui épousa l'actrice Laura Adani),
- Luchino,
- Edoardo (père du futur réalisateur Eriprando),
- Ida Pace (dite ‘Nane’),
- Uberta (6 avril 1918, Milan - 30 juillet 2003, Rome) mariée le 30 avril 1940 au réalisateur Renzo Avanzo et, en secondes noces, au compositeur et chef d'orchestre Franco Mannino, fréquent collaborateur de Luchino.
[modifier] Jeunesse
Passionné de chevaux, Luchino Visconti prenait soin pendant sa jeunesse d'une écurie de sa propriété;plus tard, il accomplit son service militaire comme sous-officier de cavalerie à Pinerolo. En outre, il fréquentait activement le monde de l'opéra et du mélodrame, qui l'influencera beaucoup. La famille Visconti avait sa tribune attitrée à La Scala (Giuseppe, le père, était l'un des plus importants mécènes du théâtre) et le salon de sa mère était fréquenté, entre autres, par Arturo Toscanini. À la même époque il fait la connaissance Giacomo Puccini et Gabriele d'Annunzio.
[modifier] Début de carrière
Sa carrière cinématographique débute en 1936, en France, où il travaille aux côtés de Jean Renoir (qu'il rencontre grâce à l'intermédiaire de Coco Chanel) comme assistant à la réalisation et au choix des costumes de deux de ses œuvres, Les Bas-fonds et Une partie de campagne. Le souci de réalisme du grand cinéaste français le marquera profondément. Toujours en France, il rencontre des réfugiés italiens militants de gauche, au contact desquels ses convictions politiques changent radicalement. Après un bref séjour à Hollywood, il rentre en Italie en 1939 à cause du décès de sa mère. Il commence à travailler avec Renoir à une adaptation cinématographique de la Tosca, mais, suite à l'éclatement de la guerre, le réalisateur français est contraint à abandonner le tournage; il est remplacé par l'allemand Karl Koch.
La rencontre avec certains jeunes intellectuels et critiques, collaborateurs à la revue "Cinema" (fondée, ironie du sort, par un fils de Benito Mussolini, Vittorio) va faire germer le concept d'un cinéma qui raconterait de façon réaliste la vie et les drames quotidiens du peuple, en rupture avec les mièvreries clinquantes et édulcorées des comédies du cinema dei telefoni bianchi (litttéralement "cinema des téléphones blancs"). Il rencontre à cette époque Roberto Rossellini et probablement Federico Fellini. Visconti projette de réaliser l'adaptation du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier et celle des Malavoglia de Verga mais ces projets avortent.
[modifier] Ossessione
Partant de cette idée, il signe en 1942, avec Giuseppe De Santis, Gianni Puccini, Antonio Pietrangeli, Mario Serandrei et Rosario Assunto, son premier film, une des œuvres majeures du néoréalisme: Ossessione (Les Amants diaboliques), inspiré du célèbre roman The Postman always rings twice (Le facteur sonne toujours deux fois) de James Cain, avec comme acteurs principaux la sulfureuse Clara Calamai (elle remplaça au dernier moment Anna Magnani, initialement destinée à interpréter le rôle trouble de Giovanna) et Massimo Girotti dans le rôle du mécanicien Gino.
Un second projet, une adaptation de L'Amante di Gramigna de Giovanni Verga, ne put être mené à bien, la guerre s'intensifiant. Capturé et emprisonné, Visconti échappe au peloton d'exécution grâce à l'intervention de l'actrice Maria Denis (qui raconte cette expérience dans son autobiographie Il gioco della verità (Le jeu de la vérité)). À la fin du conflit, Visconti participe aux côtés de Mario Serandrei à la réalisation du documentaire Giorni di gloria (Jours de gloire), consacré à la Résistance et à la Libération.
Parallèlement, il monte des créations théâtrales (la compagnie formée avec Paolo Stoppa et Rina Morelli est restée légendaire; Vittorio Gassman les rejoindra) et des mises en scène lyriques, son rêve d'une vie. Il dirige Maria Callas, en 1955 dans La Sonnambula (La Somnanbule) de Vincenzo Bellini, et La Traviata de Giuseppe Verdi.
[modifier] La Terra trema
En 1948, il retourne derrière la caméra pour réaliser La Terra trema (La Terre tremble); un film polémique qui dénonce ouvertement les conditions sociales des classes les plus défavorisées. C'est une adaptation du roman I Malavoglia de Giovanni Verga, de facture quasi documentaire et aux images splendides, mais de compréhension rendue difficile du fait de l'utilisation du plus strict dialecte sicilien (précisément celui des pêcheurs de Aci Trezza, près de Catane). Le film ne reçut les faveurs du public ni à sa sortie, ni deux ans plus tard, en 1950, quand sortit une seconde version doublée en italien. Notons que, dans toute l'histoire du cinéma péninsulaire, seulement quatre films furent entièrement tourné en dialecte et sous-titrés en italien: La Terra trema fut le premier; les autres sont L'Albero degli zoccoli (1978) d'Ermanno Olmi, en dialecte bergamasque, Giro di lune tra terra e mare (1997) de Giuseppe Gaudino, en dialecte campanien avec des citations latines, et enfin, LaCapaGira (2001) d'Alessandro Piva, en dialecte apulien.
[modifier] Bellissima
Plus captivant pour le public fut sa troisième œuvre Bellissima (1951), écrit par Cesare Zavattini; c'est une analyse sans concession des coulisses du monde clinquant du cinéma, avec l'une des actrices symboles du néoréalisme italien, Anna Magnani, aux côtés de Walter Chiari; y participent également le réalisateur Alessandro Blasetti, responsable des castings, et le présentateur Corrado, dans son propre rôle.
Visconti réalise l'année suivante l'épisode Anna Magnani du film Siamo donne, tiré d'une autre idée du bouillonnant Zavattini, celle de montrer un épisode de la vie privée de quatre actrices célèbres (outre Magnani, on trouve Alida Valli, Ingrid Bergman et Isa Miranda) suivis de castings d'un concours de recherche de nouveau visages féminins à lancer au cinema.
[modifier] Senso
En 1954, il réalise son premier film en couleur, Senso (librement tiré d'un récit de Camillo Boito), qui signe un tournant dans sa carrière, et que nombres de critiques interprétèrent comme une trahison du néoréalisme. Grande fresque historique relue de manière critique dans le contexte de l'analyse d'un drame privé, extrêmement recherché dans le soin maniaque du détail dans le décor et dans la mise en scène (soin pour lequel il est reconnu unanimement comme l'un des maîtres; seul Franco Zeffirelli, son amant et élève déclaré, le suivra dans cette voie) Senso inaugura une série de films complexes et fascinants, imprégnés de violence et de tensions, toujours controversés par le public et par la critique; la décadence humaine, morale et physique, y devient un leitmotiv qu'il déclinera jusqu'à la fin de sa carrière. Dans Senso, une noble vénitienne (Alida Valli) tombe éperdument amoureuse d'un officier de l'armée autrichienne (Farley Granger) à l'époque de la défaite de Custoza; délatrice malgré elle, elle le fait condamner au peloton d'exécution avant de devenir complètement folle. Il fut l'objet d'importantes polémiques à la Mostra de Venise; au cours d'une tumultueuse soirée d'attribution des prix, le film de Visconti fut complètement ignoré par la critique, qui préféra assigner le Lion d'Or à Renato Castellani avec Giulietta e Romeo.
[modifier] Vaghe stelle dell'Orsa
[modifier] Les damnés - La caduta degli dei
[modifier] Ludwig
[modifier] Gruppo di famiglia in un interno
[modifier] L'innocente
[modifier] Le Notti bianche
En 1957, il remporte le Lion d'argent grâce à Le notti bianche (Les nuits blanches), tendre et délicate histoire d'amour inspirée du roman de Dostoïevski, superbement interprété par Marcello Mastroianni, Maria Schell et Jean Marais (avec participation spéciale de Clara Calamai) savamment photographié en noir et blanc dans une atmosphère de plomb et de brume, situé dans un port inspiré de celui de Livourne, intégralement reconstitué à Cinecittà.
[modifier] Rocco e i suoi fratelli
En 1960 il s'adjuge le Prix spécial du jury de la Mostra pour Rocco e i suoi fratelli (Rocco et ses frères), odyssée d'une famille méridionale émigrée à Milan pour chercher du travail, traitée sur le mode de la tragédie grecque, mais inspirée des Frères Karamazov de Dostoïevski. Le film fit scandale à cause de certaine scènes extrêmement crues et violentes pour l'époque, à tel point que la censure conseilla aux projectionnistes de mettre leur main sur l'objectif pendant les scènes incriminées. Le scénario est de Suso Cecchi D'amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli, Luchino Visconti.
L'année suivante, en 1961, il réalise l'épisode Il lavoro (Le Travail) du film Boccace 70 auquel participent également Vittorio de Sica, Federico Fellini et Mario Monicelli. Il s'attaque directement à la commission de censure qui avait malmenée son film précédent.
[modifier] Il Gattopardo (Le Guépard)
En 1962 il met finalement d'accord critique et public avec son plus grand succès: Il Gattopardo (Le Guépard), tiré du roman homonyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et vainqueur de la Palme d'or au Festival de Cannes. Le scénario est de Suso Cecchi D'amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli, Luchino Visconti. Interprété par un casting éblouissant (Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon…), situé a l'époque du débarquement des partisans de Garibaldi en Sicile, le film relate les vicissitudes du prince Fabrizio Corbera di Salina (Burt Lancaster), grand propriétaire terrien contraint d'accepter l'union entre l'aristocratie décadente et la nouvelle bourgeoisie, union atteignant son paroxysme dans la célèbrissime scène finale du bal qui occupe la dernière demi-heure du film, scène considérée unanimement comme le point d'orgue de l'art viscontien. Alberto Moravia s'exclama après avoir vu le film: «C'est le film de Visconti le plus pur, le plus équilibré et le plus exact». Le film fut distribué aux USA et en Angleterre par la Twentieth Century Fox, qui le défigura en réalisant d'importantes coupures. Associés à un doublage indigent, ces outrages ont vidé le film de son essence. Visconti ne prit aucunement la responsabilité de la version courte.
[modifier] Transition
En 1965 sort le film Vaghe stelle dell'Orsa (Sandra), histoire d'un inceste au titre inspiré par Giacomo Leopardi et interprété toujours par Claudia Cardinale, suivie de La strega bruciata viva, un épisode du collectif Le Streghe (1966), suivi de celui qui probablement sera son film le plus discutable et le moins réussi, Lo straniero (L'Étranger) (1967) inspire par le livre homonyme d'Albert Camus, dans lequel il dirige à nouveau Marcello Mastroianni.
[modifier] La Tétralogie
A la fin des années '60, Visconti élabore le projet d'une tétralogie allemande, s'inspirant des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Sur les quatre titres prévus il n'en réalisera que trois.
- Le premier est La Caduta degli Dei (Les Damnés) (1969), histoire de l'ascension et de la chute des membres d'une famille propriétaire des plus importantes acieries allemandes avec la montée du nazisme. Ce film marque la seconde apparition à l'écran d'Helmut Berger, égérie et dernier amant de Visconti.
- Le second est Morte a Venezia (Mort à Venise) (1971) tiré de la nouvelle homonyme de Thomas Mann, sublime fresque explorant le thème de l'inéluctabilité de la vieillesse et de la mort, associé à la quête de la beauté idéale et inaccessible.
- Le troisième et dernier volet est Ludwig (Ludwig, le crépuscule des dieux), l'un des films les plus longs de l'histoire du cinéma (il dure près de cinq heures dans sa version originale ; plus précisément, d'après une version sortie en France en 1987, chez Ciné-Collection en deux cassettes vidéos-VHS Secam, soit 4 h et 42 minutes exactement ; toutes les autres versions sont incomplètes et mentent sciemment lorsqu'elles se prétendent "intégrales") qui raconte l'histoire de ultime monarque de Bavière, Louis II, retrouvé mort dans des circonstances mystérieuses au fond d'un lac.
- La Tétralogie aurait dû se terminer avec une nouvelle adaptation cinématographique d'une œuvre de Thomas Mann, La Montagna incantata (La Montagne magique). Malheureusement, durant le tournage de Ludwig, il est atteint d'un AVC qui le laisse à moitié paralysé.
[modifier] Le testament
Malgré sa pénible condition physique, il parvient à tourner deux derniers films, où les thèmes de la déchéance et de la solitude deviennent de plus en plus prégnants. Il s'agit de Gruppo di famiglia in un interno (Violence et passion), ouvertement autobiographique et de nouveau interprété par Burt Lancaster, suivi du crépusculaire L'Innocente (L'Innocent), tiré du roman homonyme de Gabriele d'Annunzio, interprété par Giancarlo Giannini et Laura Antonelli.
Luchino Visconti meurt au printemps 1976, touché par une forme grave de thrombose, peu après avoir visionné avec ses proches collaborateurs le film dans son premier montage, dont il n'était pas satisfait. Le film fut présenté au public dans cette version, mises à part quelques retouches appportées par sa collaboratrice à la mise en scène Suso Cecchi d'Amico qui se basait sur les indications laissées par le réalisateur au cours d'une discussion de travail. Rina Morelli, actrice qu'il estimait beaucoup et avec laquelle il avait partagé les grandes saisons théâtrales de l'immédiat après-guerre, meurt peu après lui.
Un musée lui est consacré à Ischia
[modifier] Filmographie
[modifier] Réalisateur, scénariste et metteur en scène
[modifier] 14 long métrages
- 1943: Ossessione (Les Amants diaboliques) d'après le roman de James Cain Le facteur sonne toujours deux fois
- 1950: La Terra trema (La terre tremble) d'après le roman de Giovanni Verga Les Malavoglia
- 1951: Bellissima
- 1954: Senso
- 1957: Le notti bianche (Les Nuits blanches) d'après le roman homonyme de Dostoïevski
- 1960: Rocco e i suoi fratelli (Rocco et ses frères)
- 1963: Il Gattopardo (Le Guépard) d'après le roman homonyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa
- 1965: Vaghe stelle dell'Orsa (Sandra)
- 1967: Lo straniero (L'Etranger), d'après le roman homonyme d'Albert Camus
- 1969: La caduta degli Dei (Les Damnés)
- 1971: Morte a Venezia, d'après la nouvelle homonyme de Thomas Mann
- 1972: Ludwig (Ludwig, le crépuscule des dieux)
- 1974: Gruppo di famiglia in un interno (Violence et passion; titre anglais: Conversation Piece)
- 1976: L'Innocente, d'après le roman homonyme de Gabriele d'Annunzio
[modifier] 2 courts métrages
- 1961: Il Lavoro (Le Travail), sketch de Boccaccio '70
- 1966: La strega bruciata viva (La sorcière brûlée vive), épisode du film Le streghe (Les sorcières)
[modifier] Documentaires
- 1945: Giorni di Gloria (Jours de gloire)
[modifier] Voir aussi
[modifier] Filmographie consacrée
- Luchino Visconti, film documentaire de Carlo Lizzani réalisé en 1999.
[modifier] Liens externes
- Luchino Visconti sur l'Internet Movie Database
- (fr) Luchino Visconti sur CinEmotions
- (it) luchinovisconti.net
- (fr) Site dédié
- (fr) 15 juin 1942/Début du tournage d’Ossessione par Luchino Visconti
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