Nicolas Bourbaki
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Nicolas Bourbaki est le nom d'un mathématicien imaginaire sous lequel un groupe de mathématiciens francophones formé en 1935 sous l'impulsion d'André Weil a commencé à écrire et éditer des textes mathématiques dans les années 1930. L'objectif premier était la rédaction d'un traité d'analyse. Le groupe s'est fondé en association, l'association des amis de Nicolas Bourbaki, le 30 août 1952. Sa composition a évolué avec un renouvellement constant de générations.
Sous le nom Nicolas Bourbaki fut publiée une présentation cohérente des mathématiques dans une série d'ouvrages sous le titre Éléments de mathématique. Cette œuvre est à ce jour inachevée. Elle a eu une influence sur l'enseignement des mathématiques et sur l'évolution des mathématiques du XXe siècle. Toutefois, elle connaît de nombreuses critiques : incompatibilité entre le formalisme retenu et la théorie des catégories, style trop rigoureux, manque d'exemples, incompréhension des étudiants, etc.
L'activité du groupe cependant a dépassé la rédaction d'ouvrages, par exemple avec l'organisation des séminaires Bourbaki.
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[modifier] Explications sur la biographie imaginaire
[modifier] Bourbaki
Le nom de famille Bourbaki était le nom emprunté par Raoul Husson en 1923 lors d'un canular, alors qu'il était élève en troisième année de l'École normale supérieure. Il s'était donné l'apparence d'un mathématicien barbu du nom du professeur Holmgren pour donner une fausse conférence, volontairement incompréhensible et avec des raisonnements subtilement faux[1]. L'objectif aurait été la démonstration d'un prétendu « théorème de Bourbaki ». Cette histoire amusa tellement le groupe, que le nom « Bourbaki » fut choisi.
Le choix de ce nom par Husson connait deux explications possibles :
- Bourbaki vient du général Charles Bourbaki sous lequel avaient servi des élèves normaliens durant la guerre de 1870. Ce nom lui aurait été emprunté, par souvenir.
- Bourbaki est le nom d'un furet curieux et intelligent dans un roman d'Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre (1900). Cette seconde affirmation a été donnée par le mathématicien Sterling K. Berberian en 1980, mais n'a été confirmée par les propos d'aucun membre du groupe.
Le nom Bourbaki a été arrêté en juillet 1935 lors du congrès fondateur de Besse-en-Chandesse.
[modifier] Prénom
Le prénom Nicolas provient de Nicole, prénom de la femme d'André Weil. Il a été choisi en automne 1935, afin que puisse être communiqué une fausse note biographique à l'académie des sciences.
Toutefois, la mention N. Bourbaki dans les premiers écrits publiés sous ce nom ne renvoie pas à l'initiale de Nicolas. N était écrit tant que le nom du professeur était inconnu[2].
[modifier] Poldavie
En 1935, dans une lettre à Élie Cartan, Weil introduit N. Bourbaki comme un professeur de Poldavie, pays imaginaire d'Europe centrale. D'après Maurice Mashaal, ce risque pris fut une nécessité pour pouvoir publier des travaux sous ce pseudonyme. Le nom de Poldavie a été choisi en mémoire d'une farce jouée par un journaliste aux élus.
Le nom Poldavie est resté. Il est notamment mentionné comme le lieu de travail de Nicolas Bourbaki dans la Notice sur la vie et l'œuvre de Nicolas Bourbaki.
[modifier] Histoire de Bourbaki
[modifier] Origines
Le groupe Bourbaki s'est constitué dans un contexte où une génération de mathématiciens potentiels avait été décimée par la Première guerre mondiale. Les jeunes normaliens qui constituèrent le groupe se trouvaient donc sans prédécesseurs immédiats au sein de l'Université, et avaient pour interlocuteurs des chercheurs du XIXe siècle (Picard, Goursat). La critique de Bourbaki portait sur :
- l'émiettement des mathématiques en spécialités étanches,
- la pré-éminence d'une analyse foisonnante mais manquant de rigueur,
- l'ignorance (explicable en partie par le contexte politique) de branches actives à l'étranger, particulièrement l'algébrisme allemand.
À l'origine, au début de leurs prises de fonction à l'université, Henri Cartan et André Weil se retrouvent à devoir enseigner l'intégration et le calcul différentiel. Ils sont alors peu satisfaits des traités disponibles, en particulier du Traité d'analyse d'Édouard Goursat qu'ils utilisent pour leur cours.
Vient alors l'idée de réunir des amis, également anciens camarades de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (sauf Szolem Mandelbrojt), avec la volonté de rédiger un tel traité les satisfaisant. Le groupe d'amis, les membres fondateurs de ce qui deviendra Bourbaki, est à cette époque composé d'Henri Cartan, Claude Chevalley, Jean Coulomb, Jean Delsarte, Jean Dieudonné, Charles Ehresmann, René de Possel, Szolem Mandelbrojt, André Weil (frère de la philosophe Simone Weil).
Parmi les règles qui organisent ce groupe secret de mathématicien, il est décidé qu'à l'âge de 50 ans, tout membre de Bourbaki devra céder sa place aux jeunes générations. Pour l'anecdote, André Weil, à l'occasion de la fête d'anniversaire des 50 ans de Dieudonné, fit lire au groupe Bourbaki une lettre où il annonçait son retrait du groupe, car il avait lui-même dépassé l'âge limite. Cet éclat (chose dont on peut s'attendre de la part de Weil) eut son effet mais les cinquantenaires traînèrent un peu les pieds pour partir.
La première réunion de travail a lieu dans un café du quartier latin en décembre 1934. En juillet de l'année suivante, le groupe se retrouve pour la première fois à Besse-en-Chandesse. Ils pensent alors que trois ans seront suffisants pour mener l'entreprise à son terme. En fait, le premier chapitre nécessitera quatre ans de travail et, très rapidement, c'est un traité sur la mathématique qui devient le projet du groupe : les Éléments de mathématique, œuvre collective publiée sous le pseudonyme de Nicolas Bourbaki. L'ampleur de la tâche fait qu'elle se poursuit encore...
[modifier] L'âge d'or de Bourbaki
Même si Nicolas Bourbaki n'est pas mort aujourd'hui, on considère que l'influence de Bourbaki a été la plus importante dans les années 60-70. À cette époque, son importance était telle que les choix réalisés par Bourbaki ont influencé toutes les mathématiques françaises. Bourbaki et la recherche française, si ce n'est celle de l'enseignement à travers la réforme Lichnerowicz !
[modifier] La mort de Bourbaki
Dans la lignée dadaïste de sa naissance, le faire-part de décès suivant fut publié pour annoncer la « mort » de Nicolas Bourbaki :
- Les familles Cantor, Hilbert, Noether ; les familles Cartan, Chevaley, Dieudonné, Weil ; les familles Bruhat, Dixmier, Samuel, Schwartz ; les familles Cartier, Grothendieck, Malgrange, Serre ; les familles Demazure, Douady, Giraud, Verdier ; les familles filtrantes à droite et les épimorphismes strictes, mesdemoiselles Adèle et Idèle ;
- ont la douleur de vous faire part du décès de M. Nicolas Bourbaki, leur père, frère, fils, petit-fils arrière-petit-fils et petit-cousin respectivement pieusement décédé le 11 novembre 1968, jour anniversaire de la victoire, en son domicile de Nancago. La crémation aura lieu le samedi 23 novembre 1968 à 15 heures au cimetière des fonctions aléatoires, métro Markov et Gödel.
On se réunira devant le bar « aux produits directs », carrefour des résolutions projectives, anciennement place Koszul. - Selon les vœux du défunt, une messe sera célébrée en l'église Notre-Dame des problèmes universels, par son éminence le Cardinal Aleph 1 en présence des représentants de toutes les classes d'équivalence et des corps algébriquement clos constitués. Une minute de silence sera observée par les élèves des Écoles Normales supérieures et des classes de Chern.
- Car Dieu est le compactifié d'Alexandroff de l'univers, Grothendieck IV, 22.
[modifier] Héritage
Ce que les mathématiques doivent à Bourbaki est essentiellement :
- un style (pas toujours facile à lire), une façon d'écrire les mathématiques ;
- la vulgarisation en France des symboles ∀ et ∃ (l'un venant de Gentzen et l'autre de Peano) ;
- le terme « partition » ;
- la notion de « filtre » et d'« ultrafiltre ».
On est redevable à Bourbaki d'un travail de clarification des concepts, de précision dans la formulation, d'une recherche - parfois aride - de structure, de classification systématique et exhaustive des mathématiques.
En littérature, l'Oulipo copie indéniablement la "méthode" Bourbaki de travail collectif et de mise en évidence systémique des structures profondes de la création littéraire. À noter qu'un membre important de l'Oulipo, Jacques Roubaud est un mathématicien qui a été très marqué par Bourbaki. C'est par exemple lui qui a écrit l'avis de décès de Bourbaki, sous forme de canular.
Le structuralisme lacanien ou celui de Lévi-Strauss en ethnologie, à la même époque, dénote d'une quête de structures fondamentales dont on peut débattre s'il s'agit de l'influence de Bourbaki ou d'un certain « air du temps »[réf. nécessaire].
[modifier] Mathématiciens ayant appartenu à Bourbaki
[modifier] Membres fondateurs
- André Weil
- Henri Cartan
- Claude Chevalley
- Jean Coulomb
- Jean Delsarte
- Jean Dieudonné
- Charles Ehresmann
- René de Possel
- Szolem Mandelbrojt
[modifier] Membres non-fondateurs
- Laurent Schwartz
- Armand Borel
- Pierre Cartier
- Jean-Pierre Serre
- Alexandre Grothendieck, qui ne resta pas très longtemps
- Serge Lang
- Pierre Samuel
- Alain Connes
- Jean-Christophe Yoccoz
- Adrien Douady
- Malgrange
[modifier] Membres actuels
- tenu secret.
[modifier] Références
[modifier] Notes
[modifier] Bibliographie
- Frédéric Patras, La Pensée mathématique contemporaine, Coll. Science, histoire et société, P.U.F., 2001 (2ème éd.: 2002)
- Michèle Chouchan, Nicolas Bourbaki Faits et légendes, Edition du choix, 1995. ISBN 2909028186
- Maurice Mashaal, Bourbaki, une société secrète de mathématiciens, Pour la science, 2002, ISBN 2842450469
[modifier] Liens
[modifier] Lien interne
[modifier] Liens externes
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