Simone Weil
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Simone Weil (Paris, le 3 février 1909 - Ashford, le 24 août 1943) est une philosophe française, sœur du mathématicien André Weil.
[modifier] Biographie
Simone Weil est née en 1909 dans une famille d'origine juive. Élève d’Alain (Émile Chartier), elle entre à l’École normale supérieure[1], passe l’agrégation de philosophie en 1931 et commence une carrière d’enseignante dans divers lycées.
Elle passe quelques semaines en Allemagne au tout début des années trente ; à son retour, avec beaucoup de lucidité, elle exprime dans plusieurs articles ce qui risquait d'y arriver. Abandonnant provisoirement sa carrière d'enseignante, en 1934 et 1935, elle est ouvrière chez Renault et en 1941 ouvrière agricole afin de se mettre au même niveau que le prolétariat pour être solidaire. Sa mauvaise santé l'empêche néanmoins de poursuivre le travail en usine. Elle recommence donc à enseigner, et donne une grande partie de ses revenus à des personnes dans le besoin. Solidaire des syndicats ouvriers, elle se joint en 1935 au mouvement de grève générale contre le chômage et les baisses de salaire. En 1937, elle collabore au Nouveaux cahiers, revue économique et politique défendant une collaboration économique franco-allemande.
D'abord pacifiste radicale, puis syndicaliste révolutionnaire, elle plaide finalement pour un « réformisme révolutionnaire » : les faibles sont trop opprimés pour avoir même la volonté de se révolter, et pourtant il faut que ce soit eux-mêmes qui prennent en main leur révolution. Il faut donc déjà créer des conditions moins oppressives par des avancées réformistes, pour ensuite permettre une révolution responsable, moins précipitée et moins violente.
Syndicaliste de l’enseignement, elle est favorable à l’unification syndicale et écrit dans la revue L’Ecole émancipée. Communiste anti-stalinienne, elle participe à partir de 1932 au Cercle communiste démocratique de Boris Souvarine, qu’elle a connu par l’intermédiaire de Nicolas Lazarévitch. Elle travaille quelques mois en usine pour étudier dans sa chair la condition ouvrière, et s’implique dans la grève générale de 1936. Elle milite avec passion pour un pacifisme intransigeant, mais s’engage dans la colonne Durruti en Espagne pour combattre le coup d’état fasciste de Franco. Gravement brûlée, elle doit repartir assez rapidement pour la France, sans avoir tiré un coup de feu.
Juive, lucide sur ce qui se passe en Europe, elle est sans illusion sur ce qui la menace, elle et sa famille, dès le début de la guerre.
Quand en 1940 elle est obligée de fuir Paris et de se réfugier à Marseille, elle écrit sans discontinuer pour exposer dans des pages brûlantes une philosophie qui se veut projet de réconciliation (douloureuse) entre modernité et tradition chrétienne, souvent lue à travers le prisme de l’humanisme grec qu’elle garde pour boussole. En 1942, elle emmène ses parents en sécurité aux États-Unis, mais, refusant un statut qu’elle sent trop confortable en ces temps de tempêtes, elle se rend en Grande-Bretagne, plus près du théâtre des opérations et travaille comme rédactrice dans les services de la France libre. Son intransigeance dérange. Elle démissionne de l'organisation du général de Gaulle en juillet 1943.
Cette période terminale de sa courte vie est celle où elle rencontre le Christ, où, comme elle le dit elle-même, le Christ s’empare d’elle. C’est un éblouissement comme saint Paul sur le chemin de Damas ou Pascal la nuit du Mémorial. Mais cette foi n'acceptera pas les compromissions de l'Église avec la violence et l'obligera à rester à sa porte. Chrétienne, posant des questions embarrassantes aux chrétiens, elle sera réfutée par des historiens de l'Église qui l'accuseront de ne pas avoir bien compris l'histoire de l'Église.
Cette dimension du refus de la force, qu'elle assimile à la violence, est une constante de la pensée de Simone Weil. Bien qu'elle eût d'abord une perception mitigée de la non-violence de Gandhi, qu'elle jugea plus réformiste que révolutionnaire, elle rencontrera notamment plusieurs fois Lanza del Vasto à la fin de sa vie.
Atteinte de tuberculose, elle décède d'un arrêt cardiaque au sanatorium d'Ashford, en 1943. Soucieuse de partager les conditions de vie de la France occupée, il est possible qu'elle se soit volontairement sous-alimentée, ce qui aurait aggravé son état de santé. Ces rumeurs de désespoir final et de sous-alimentation volontaire ne sont pas confirmées par ses courriers ou d'autres indices.
Tous ses ouvrages sont parus après sa mort.
[modifier] Citations
- " Si nous gardons sans cesse présente à l'esprit la pensée d'un ordre humain véritable, si nous y pensons comme à un objet auquel on doit le sacrifice total quand l'occasion se présente, nous serons dans la situation d'un homme qui marche dans la nuit sans guide, mais en pensant sans cesse à la direction qu'il veut suivre. Pour un tel voyageur, il y a une grande espérance"
- "Nous avons tous les jours sous les yeux l'exemple de l'univers, où une infinité d'actions mécaniques indépendantes concourent pour constituer un ordre qui, à travers les variations, reste fixe. Aussi aimons-nous la beauté du monde, parce que nous sentons derrière elle la présence de quelque chose d'analogue à la sagesse que nous voulons posséder pour assouvir notre désir du bien."
- "Aider la France à trouver au fond de son malheur une inspiration conforme à son génie et aux besoins actuels des hommes en détresse. Répandre cette inspiration, une fois retrouvée ou du moins entrevue, à travers le monde"
- "L'unique source de salut et de grandeur pour la France, c'est de reprendre contact avec son génie au fond de son malheur" L'enracinement
- "L'extrême grandeur du christianisme vient de ce qu'il ne cherche pas un remède surnaturel contre la souffrance, mais un usage surnaturel de la souffrance"
- "Jamais en aucun cas je ne consentirai à juger convenable pour un de mes semblables, quel qu'il soit, ce que je juge moralement intolérable pour moi-même." in La Condition ouvrière
- "Des obligations identiques lient tous les êtres humains, bien qu'elles correspondent à des actes différents selon les situations. Aucun être humain, quel qu'il soit, en aucune circonstance, ne peut s'y soustraire sans crime ; excepté dans les cas où, deux obligations réelles étant en fait incompatibles, un homme est contraint d'abandonner l'une d'elles. L'imperfection d'un ordre social se mesure à la quantité de situations de ce genre qu'il enferme. Mais même en ce cas il y a crime si l'obligation abandonnée n'est pas seulement abandonnée en fait, mais est de plus niée." L'enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain
- "Le régime capitaliste consiste en ce que le rapport entre le travailleur et les moyens du travail se renversent : le travailleur, au lieu de les dominer, est dominé par eux." Le Capital et l'ouvrier, 1932
[modifier] Œuvres
- 1934 - " Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale" Coll. Idées, Paris, Gallimard 1955
- 1947 - La Pesanteur et la Grâce, préface de Gustave Thibon, Paris, Plon.
- 1949 - L'Enracinement. « Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain », Paris, Gallimard ; Coll. Idées, Paris, Gallimard 1968.
- 1949 - Attente de Dieu, introduction de Joseph-Marie Perrin, O. P. Paris, La Colombe, Éd. du Vieux Colombier ; Paris, Fayard, 1966.
- 1950 - La Connaissance surnaturelle, Coll. Espoir, Paris, Gallimard.
- 1951 - Intuitions pré-chrétiennes, Paris, La Colombe, Éd. du Vieux-Colombier, 1951.
- 1951 - Cahiers, I, Coll. L'Épi, Paris, Plon, 1951 ; nouvelle éd. revue et augmentée, 1970.
- 1951 - Lettre à un religieux, Coll. Espoir, Paris, Gallimard 1951 ; Coll. « Livre de Vie », Paris, Éd. du Seuil, 1974.
- 1951 - La Condition ouvrière, avant-propos d'Albertine Thévenon, Coll. Espoir, Paris, Gallimard, 1951 ; Coll. Idées, Paris, Gallimard, 1972.
- 1953 - La Source grecque, Paris, Gallimard.
- 1953 - Cahiers, II, Coll. L'Épi, Paris, Plon, 1953 ; nouvelle éd. revue et augmentée, 1972.
- 1955 - Oppression et liberté, Coll. Espoir, Paris, Gallimard, 1955.
- 1955 - Venise sauvée, Gallimard.
- 1956 - Cahiers, III, Coll. L'Épi, Paris, Plon, 1956 ; nouvelle éd. revue et augmentée, 1974.
- 1957 - Écrits de Londres et dernières lettres, Coll. Espoir, Paris, Gallimard.
- 1959 - Leçons de philosophie (Roanne 1933-1934), transcrites et présentées par Anne Reynaud-Guérithault, Paris, Plon 1959 ; Coll. 10/18, Paris, UGD, 1970.
- 1960 - Écrits historiques et politiques, Coll. Espoir, Paris, Gallimard, 1960.
- 1962 - Pensées sans ordre concernant l'amour de Dieu, Paris, Gallimard.
- 1966 - Sur la science, Paris, Gallimard.
- 1988 - Œuvres complètes, Paris, Gallimard. Tome 1 : Premiers écrits philosophiques, Tome 2 : Écrits historiques et politiques.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
[modifier] Bibliographie
- Jean-Marie Muller, Simone Weil : l'exigence de non-violence. – Desclée de Brouwer, 1995.
- Julien Molard, Simone Weil : en quête de vérité : texte intégral de son "Autobiographie spirituelle", présenté et analysé par Julien Molard. – Les Plans-sur-Bex ; Paris : Parole et silence, coll. « Cahiers de l'École cathédrale » n° 66, 2005. – 148 p., 21 cm. – ISBN 2-84573-226-0.
- Simone Pétrement, La Vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1973.
- Miklos Vetö, La Métaphysique religieuse de Simone Weil, L'Harmattan, Paris, 1997.
- Philippe de Saint-Robert, La Vision tragique de Simone Weil, éd. François-Xavier de Guibert, Paris, 1999.
- Mary-Magdaleine Davy, Simone Weil, éd. Universitaires, Paris, 1956.
- Mary-Magdaleine Davy, Introduction au message de Simone Weil, éd. Universitaires, Paris, 1954.
- Simone Weil, l’expérience de la vie et le travail de la pensée, ouvrage collectif, éd. Sulliver, 1998.
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