Henri Désiré Landru
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Henri Désiré Landru, né le 12 avril 1869 à Paris (XIXe arrondissement), guillotiné le 25 février 1922 à Versailles, est un célèbre criminel français. Il fut surnommé « le Barbe-Bleue de Gambais ».
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[modifier] Origines
Landru est le fils d'un chauffeur et d'une couturière. Il fréquente l'école des Frères, à Paris et officie comme sous-diacre à l'église Saint-Louis en l'Ile.
Il y rencontre Marie-Catherine Rémy dont il tombe amoureux et qui lui donne une fille, Marie, le 4 juin 1891. Il reconnait l'enfant deux ans plus tard, son service militaire achevé. Trois autres enfants naissent ensuite : Maurice, Suzanne et Charles.
[modifier] Escroqueries
De 1893 à 1900, il pratique une dizaine de métiers : comptable, entrepreneur de travaux, cartographe ... et fonde une fabrique de bicyclettes à pétrole avec laquelle il commet sa première escroquerie : il organise une campagne de publicité nationale, spécifiant que toute commande doit être accompagnée d'un mandat représentant un tiers du prix, les commandes affluent mais il disparaît avec l'argent sans jamais livrer les bicyclettes.
Allant d'escroqueries en escroqueries, dissimulé sous de faux noms, il collectionne les condamnations à des peines d'amende et de prison (deux ans en 1904, treize mois en 1906) mais parvient à sortir de prison grâce aux expertises de médecins psychiatriques qui le déclarent dans « un état mental maladif qui, sans être de la folie, n'est plus du moins l'état normal ».
En 1909, il est condamné à trois ans de prison ferme pour escroquerie : suite à une annonce matrimoniale, il a fêté ses fiançailles avec une certaine Jeanne Isoré. Il s'est fait remettre les titres de la dame, puis a disparu.
Dès sa sortie de prison, il monte une nouvelle escroquerie : il achète un garage, qu'il revend immédiatement sans avoir payé le premier propriétaire. La justice l'identifie assez vite comme l'auteur de ce délit, et il prend la fuite. En 1914, il est condamné par défaut pour cette affaire à quatre nouvelles années de prison. S'agissant de sa quatrième condamnation à une peine de plus de trois mois, le verdict est agrémenté de la peine accessoire de relégation, c'est-à-dire qu'il est condamné à être déporté à vie au bagne de Guyane. Landru qui a déjà connu la prison sait que la détention en Guyane se passe dans des conditions extrêmement difficiles avec un taux de mortalité très élevé parmi les détenus. Il est dès lors possible que cette condamnation ait joué un rôle dans sa transformation en assassin : il ne pouvait tout simplement plus se permettre d'être reconnu par l'une de ses victimes.
[modifier] L'affaire Landru
Pour subvenir aux besoins de sa famille, Landru, à partir de 1915, se faisant passer pour un homme veuf, esseulé et disposant d'une certaine aisance, entreprend de séduire des femmes seules et riches. Simulant une prospérité qui n'était que de façade, il leur fait miroiter le mariage et, à cette fin, les invite à séjourner brièvement dans une villa isolée qu'il loue à Vernouillet puis à Gambais (Seine-et-Oise, actuel département des Yvelines).
À force d'éloquence, il fait signer à ses victimes une procuration, lui permettant ensuite de faire main-basse sur leurs comptes bancaires. Il ne lui reste plus qu'à assassiner ces dames imprudentes, puis à faire disparaître les corps en les brûlant dans le fourneau de la villa. Bien qu'étant assez isolée, la maison est suffisamment proche des autres habitations pour attirer à plusieurs reprises l'attention du voisinage intrigué par certaines odeurs pestilentielles s'échappant de la cheminée à des périodes où le chauffage intensif n'était pas indispensable. Toutefois, comme Henri Landru se montre assez discret dans l'accomplissement de ses crimes, ces faits resteront dans l'ombre tant que n'éclatera pas l'affaire. Il bénéficie de plus du contexte de la première Guerre mondiale ; ainsi, alors qu'il est fiché comme criminel en fuite pour sa précédente condamnation, il peut se permettre de rentrer de temps en temps auprès de sa femme et de ses enfants qu'il fait profiter du produit de ses crimes, sans vraiment risquer d'être arrêté. Lorsque l'une de ses victimes lui demande des papiers d'identité afin d'organiser le mariage promis, il prétend être originaire des régions occupées par les Allemands, ce qui rend impossible de vérifier son identité. Plus simplement, la guerre augmente le nombre de femmes seules susceptibles d'être ses victimes.
[modifier] Début de l'affaire
À la fin de 1918, le maire de Gambais reçoit une lettre d'une certaine Mme Pellet, lui demandant des nouvelles d'une Mme Anne Collomb qui, fiancée à un M. Dupont, s'était établie avec lui à Gambais ; le maire répond qu'il ne connaît pas cette personne. Quelques temps plus tard cependant, l'édile reçoit une lettre d'une certaine Mme Lacoste, qui lui demande des nouvelles de sa sœur Célestine Buisson, laquelle se serait également installée à Gambais avec un M. Frémyet.
Frappé de la similitude des demandes, le maire met en contact les deux familles qui se rendent compte que Dupont et Frémyet semblent être la même personne et s'unissent pour porter plainte contre X auprès du parquet de la Seine.
Une enquête de police permet d'établir que la maison en question appartient à un certain Monsieur Tric, qui la loue à un Monsieur Fremyet, résidant à Rouen. Les recherches sur cette personne demeurent vaines jusqu'à ce que, le 11 avril 1919, la parente de l'une des disparues reconnaisse le mystérieux homme sortant d'un magasin de faïences. Alertée, la police parvient à localiser l'individu, nommé Lucien Guillet ; celui-ci est arrêté par les policiers Braunberger et Belin, le 12 avril 1919, à son domicile rue Rochechouart et accusé d'escroquerie et d'abus de confiance.
[modifier] Instruction
L'examen des papiers personnels de Landru - et en particulier son carnet de comptes, méticuleusement tenu - révèle une vaste opération d'escroquerie au mariage : pas moins de 283 femmes sont entrées en contact avec Landru suite à des annonces matrimoniales passées par celui-ci dans des journaux. La découverte, dans le carnet, des noms de dix femmes déclarées officiellement disparues conduit le juge d'instruction Dautel à inculper Landru de meurtres.
Des perquisitions ont lieu chez Landru mais aussi dans les deux villas qu'il louait successivement, à Vernouillet puis à Gambais, conduisant à la découverte de débris humains dans un tas de cendres retrouvé dans un hangar, dans la cheminée, dans la cuisinière ; on trouve également des agrafes, des épingles, des boutons en partie brûlés. En tout, la police retrouve 4,176 kg de débris d'os calcinés, dont 1,5 kg provenant de corps humains, ainsi que 47 dents ou fragments de dents.
Le 28 juin 1919, les enquêteurs Kling et Beyle font brûler dans la cuisinière une tête de mouton et un gigot de 7 livres : ils constatent que le tirage est excellent et que la graisse de la viande assure une parfaite combustion.
De même, les enquêteurs retrouvent dans un garde-meuble loué par Landru des meubles ayant appartenu à l'une des victimes.
Les papiers personnels de Landru sont examinés, en partie sa comptabilité, qui révèle l'achat de plusieurs scies à métaux et scies à bûches ; les noms des fiancées y sont même associés à des heures qui paraissent, pour les enquêteurs, constituer les heures des crimes (12 avril 1917 Mlle Babelay 4h soir ; 1er septembre 1917 Mme Buisson 10h15 ; 26 novembre 1917 Mme Jaume 5h ; 5 avril 1918 Mme Pascal 17h15).
L'une des preuves les plus accablantes est fournie par des reçus de billets de train : Landru achetait, lors de ses déplacements en train à Vernouillet ou Gambais, un aller-retour (pour lui) et un aller simple (pour la fiancée).
Il semble aujourd'hui acquis, tant par les analystes que par les historiens, que les victimes étaient découpées et que les corps (tronc, jambes, bras) étaient soit enterrés dans des bois, soit jetés dans des étangs tandis que les têtes, mains et pieds étaient incinérés (vraisemblablement dans la cuisinière de la villa).
Le 19 décembre 1919, Mme Landru et son fils Maurice sont inculpés de recel qualifié ainsi que de faux et usage de faux. Internée à la prison Saint-Lazare pour avoir aidé son époux à réaliser des titres ayant appartenu à une des victimes, Mme Landru obtient finalement un non-lieu.
Le 18 août 1920, le juge Bonin récapitule toutes les charges : le dossier est si volumineux que le substitut Gazier, chargé d'établir le réquisitoire définitif, profite des vacances du juge Bonin pour l'étudier dans le cabinet du magistrat. Le dossier contient en tout plus de 5 000 pièces sans preuve ni aveu.
[modifier] Les victimes
Landru est accusé du meurtre de 11 personnes :
- (février 1915) Jeanne-Marie Cuchet née Jamast, lingère, veuve d'un commerçant, 39 ans, tuée à Vernouillet ;
- (février 1915) André Cuchet, fils de Jeanne Cuchet, 17 ans, vendeur dans une lingerie, tué à Vernouillet ;
- (juin 1915) Thérèse Laborde-Line, née le 12 août 1868 à Chacornus (Argentine), séparée d'un mari aubergiste, tuée à Vernouillet ;
- (3 août 1915) Marie-Angélique Guillin, ancienne gouvernante, tuée à Vernouillet ;
- (décembre 1915) Berthe-Anna Héon, 55 ans, née au Havre, veuve, femme de ménage ;
- (27 décembre 1916) Anne Collomb, 44 ans, veuve, secrétaire dans une compagnie d'assurances, tuée à Gambais ;
- (12 avril 1917) Andrée-Anne Babelay, 19 ans, domestique chez une cartomancienne, tuée à Gambais ;
- (19 août 1917) Célestine Buisson, veuve, femme de ménage, tuée à Gambais ;
- (26 novembre 1917) Louise-Joséphine Jaume, 38 ans, séparée de son époux et en instance de divorce, tuée à Gambais ;
- (5 avril 1918) Anne-Marie Pascal, 33 ans, divorcée, couturière, tuée à Gambais ;
- (13 janvier 1919) Marie-Thérèse Marchadier, née le 7 octobre 1881 à Bordeaux, ancienne prostituée tenancière d'une maison de passes rue Saint-Jacques, à Paris, connue sous le nom de la belle Mytèse, tuée à Gambais (la police retrouvera les cadavres de ses deux chiens, étranglés).
[modifier] Le procès
Le procès, qui passionna les contemporains, s'ouvre le 7 novembre 1921 devant la cour d'assises de Seine-et-Oise siégeant à Versailles. La cour est présidée par le président Gilbert assisté de MM. Schuler et Gloria, assesseurs ; M. Godefroy officie comme avocat général ; Landru choisit comme avocat Maître de Moro-Giafferi, assisté de Maître Auguste Navières du Treuil tandis que les parties civiles sont représentées par Maîtres Lagasse et Surcouf.
Le procès attire le Tout-Paris : Mistinguett, Raimu, Berthe Bovy, Colette.
Landru nie jusqu'au bout être l'auteur de ces crimes, concédant toutefois avoir volé et escroqué ses supposées victimes. Il fait preuve à diverses reprises d'une éloquence souvent provocante devant la cour, allant, par exemple, jusqu'à s'exclamer : « Montrez-moi les cadavres ! ». La cuisinière dans laquelle il avait fait brûler ses victimes est même transportée dans la salle d'audience.
Son avocat le défend avec acharnement mais, face à une série de témoignages accablants et un faisceau de présomptions convaincantes, ne peut lui éviter d'être condamné à mort le 30 novembre 1921.
Le 24 février 1922, Alexandre Millerand, président de la République, rejette le recours en grâce déposé.
Landru est guillotiné à l'entrée de la prison de Versailles à l'aube du 25 février 1922 par le bourreau Anatole Deibler.
[modifier] Anecdotes
Une scène mémorable eut lieu pendant le procès : pendant sa plaidoirie l'avocat de Landru affirma que des victimes avaient été retrouvées et allaient venir se présenter devant la Cour d'Assises. Le public et les jurés tournèrent la tête vers la porte, et l'avocat, après avoir laissé planer le suspense, souligna que le fait que tous ceux qui avaient tourné la tête vers la sortie avaient ainsi démontré leur manque de conviction concernant la réalité des assassinats imputés à son client, mettant en évidence le peu de preuves contre Landru faute de cadavre retrouvé. L'avocat général rétorqua du tac au tac que Landru, lui, n'avait pas tourné la tête vers la porte, ce qui influença sans doute le jugement.
Landru reste également célèbre pour certaines de ses réparties :
- à l'huissier chargé de lui remettre la liste des jurés : « il n'est pas vraiment utile de se déranger surtout un dimanche, pour si peu de choses ».
- au président : « Ma mémoire est surmenée par ces longs débats » - « Chaque fois qu'on voit sur mon carnet un chiffre en haut d'une page, on en déduit que ce fut l'heure où j'accomplissais un crime ! » -(le président) « Voyons Landru, toutes ces femmes ... vos enfants ne disaient rien ? » (Landru) « Quand je donne un ordre à mes enfants, moi, monsieur le Juge, ils obéissent. Ils ne cherchent pas le pourquoi ni le comment. Je me demande comment vous élevez les vôtres ! »
- « Vous parlez toujours de ma tête, Monsieur l'avocat général. Je regrette de n'en avoir pas plusieurs à vous offrir ! »
- « Moi ? J'ai fait disparaître quelqu'un ? Si vous croyez ce que racontent les journaux ! »
- (Le président) « Vous pleurez Landru : vous éprouvez le besoin de libérer votre conscience ? » (Landru) « Oui, je pleure mes fautes, je me repens ... j'ai des remords ... je pleure parce que je pense qu'avec tout le scandale fait autour de mon nom, on a appris à ma pauvre femme que je l'avais trompée. »
- « Si les femmes que j'ai connues ont quelque chose à me reprocher, elles n'ont qu'à déposer plainte ! »
- Alors que Landru vient de déclencher l'hilarité du public par une nouvelle répartie, le président menace : « Si les rires continuent, je vais demander à chacun de rentrer chez soi ! », ce à quoi Landru réplique : « Pour mon compte, monsieur le Président, ce n'est pas de refus. ».
[modifier] Divers
[modifier] Les survivants
Fernande Segret, dernière maîtresse de Landru, avec laquelle il vivait conjugalement lors de son arrestation, artiste lyrique, fit carrière dans un cabaret parisien puis partit travailler comme institutrice au Liban.
En 1968, elle se jeta dans les douves du château de Flers, non loin de la maison de retraite où elle s'était retirée ; dans sa chambre, il y avait deux photos : l'une de sa mère, l'autre de Landru.
La famille Landru dut changer de nom pour mener une vie tranquille. Maurice Landru, victime d'un maître chanteur, dut en changer trois fois.
[modifier] Reliques
La Villa Tric de Gambais fut pillée par la foule puis vendue à un restaurateur qui la rebaptisa Au Grillon du Foyer et aménagea une partie de la bâtisse en musée. Le restaurant ferma ses portes en 1940 et la maison fut ensuite revendue à des particuliers.
La cuisinière de la villa de Gambais fut acquise par un collectionneur américain. Depuis, elle a été rachetée par l'animateur, producteur et humoriste Laurent Ruquier. Passionné par le personnage, il a lui-même, en 2005, mis en scène au théâtre l'affaire Landru.[réf. nécessaire]
Les cendres retrouvées dans le jardin de Gambais furent inhumées au pied d'un saule pleureur du Jardin des Plantes de Paris.
[modifier] Landru dans les œuvres de fiction
- Charlie Chaplin s'inspira de l'affaire Landru pour composer le personnage principal de son film Monsieur Verdoux (1948), ajoutant à l'histoire originale une trame sociale inspirée de la crise économique de 1929, présentant son héros comme une sorte de victime de la crise, en lui donnant par ailleurs des dehors « sympathiques ».
- Quinze ans plus tard, Claude Chabrol réalisa à son tour un film intitulé Landru, sorti le 25 janvier 1963. Le scénario, inspiré des reconstitutions les plus plausibles de l'affaire, était signé de Françoise Sagan. Le rôle du criminel était dévolu à Charles Denner.
- Alphonse Boudard lui consacre un chapitre (Landru ou les rendez-vous de Gambais) dans son livre Les grands criminels paru en 1989.
- Le 19 septembre 2005 , TF1 présente un téléfilm de Pierre Boutron avec Patrick Timsit dans le rôle principal.
- En décembre 2005, une pièce écrite par Laurent Ruquier, Landru, est jouée sur les planches du théâtre Marigny avec dans le rôle titre Régis Laspalès.
- Le dessinateur de bandes dessinées Chabouté publie en aout 2006 un ouvrage intitulé "Henri-Désiré Landru" où il fait apparaitre le personnage comme victime d'une odieuse et complexe machination. Fantaisie de l'auteur ?
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie
- Alphonse Boudard, Les Grands Criminels, le Pré aux Clercs, 1989, (ISBN 2714422993)
- Alain Decaux : Les assassins, Perrin
- Alain Decaux : C'était le XXè siècle : Tome 1 - De la Belle Epoque aux Années folles, Perrin, 1996
- Gérard A. Jaeger, Landru : bourreau des cœurs. – Paris : l'Archipel, 2005. – 377 p.-[16] p. de pl., 23 cm. – ISBN 2-84187-729-9.
- Christine Sagnier : L'affaire Landru, De Vecchi.
- P. Darmon, Landru, Perrin, 1995.