Histoire de la République tchèque
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Dresser une histoire de la République tchèque, l'une des plus jeunes démocraties d'Europe puisqu'elle est née en 1993, est un peu une aberration. Cet article vise a couvrir l'histoire du pays aujourd'hui appelé République tchèque, autrefois Bohême ou Bohême-Moravie, États de la couronne tchèque, etc.
Une remarque préliminaire : cette histoire est réellement celle des Tchèques et non celle des Slovaques : issus d'une même souche slave, ils sont séparés très tôt dans l'histoire. Les Slovaques passant sous le joug hongrois dès la fin du IXe siecle, les Tchèques, sous influence allemande après une période autonome relativement longue, n'ont que peu d'histoire commune et ne se retrouvent au sein de la Tchécoslovaquie que par la volonté de leurs élites et un de ces tours de passe-passe dont l'histoire est pleine.
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[modifier] Antiquité
Le territoire de l'actuelle République tchèque est habité par des humains depuis la Préhistoire : des objets datant de l'âge de pierre ont été trouvés lors de fouilles.
Depuis environ 3000 ans avant J.-C., les Celtes sont implantés en Bohême, la tribu celte des Boii a donné son nom à la région (Boiohaemum en latin). Les Romains sont, depuis la Pannonie (actuelle Hongrie), remontés jusqu'en Moravie et des traces de leur passage ont été découvertes en particulier à Olomouc.
Les tribus germaniques s'installent sur le territoire à partir du premier millénaire.
[modifier] Les grandes migrations
Ce que les Français en particulier et les Européens de l'Ouest en général appellent les grandes invasions, s'appelle dans les manuels d'histoire tchèque le « déménagement des nations ».
Les Slaves arrivent dans la région actuelle de la République tchèque au Ve siècle et des sources mentionnent une union des tribus slaves entre 623 et 659 sous la direction du Franc Samo.
A la fin du VIIIe siècle se constitue la principauté de Grande-Moravie qui marque le départ de l'histoire slave avec l'arrivée des moines missionnaires byzantins Cyrille et Méthode qui évangélisent la région et donnent aux peuples slaves l'alphabet glagolitique.
[modifier] Les origines de l'État tchèque
La Grande-Moravie est envahie en 907 par les Hongrois, les Tchèques restant autonomes, cela marquera pour le millénaire à venir le destin séparé des nations tchèque et slovaque, celle-ci restant sous le joug hongrois, celle-la passant progressivement sous la domination allemande après une période d'autonomie.
Au Xe siècle, l'État tchèque se constitue sous la dynastie des Przemysl. En 924, le prince Venceslas de Bohême prend le pouvoir avant d'être assassiné en 935 par son frère Boleslav et d'être béatifié. Saint Venceslav est le patron de la Bohême. La ville de Prague devient le centre du pouvoir et un évêché y est instauré en 973.
En 1085, le prince Vratislav II Przemysl est élevé au rang de roi de Bohême, la couronne tchèque ne devient héréditaire qu'avec Vladislav II Przemysl en 1158. L'urbanisation du royaume commence avec la fondation de villes comme Brno, Znojmo ou Poděbrady. Avec l'assassinat du roi Venceslas III Przemysl en 1306, la dynastie prend fin.
Le royaume de Bohême fait alors partie du Saint Empire romain germanique et le roi de Bohême est l'un des sept Princes-Électeurs.
[modifier] Charles IV
En 1310, Elisabeth de Bohême, fille du roi Venceslas II, et héritière du trône de Bohême, épouse Jean de Luxembourg. Leur fils Charles devient roi de Bohême en 1346 et empereur du Saint Empire romain germanique en 1355, date qui marque le début d’un âge d'or en Bohême.
L’Universita Pragensis, la première université d’Europe centrale est fondée en 1347. Prague devient la capitale du Saint-Empire et Charles IV entreprend de l'embellir : le pont Charles, en pierre, remplace un pont de bois entre Malá Strana et la Vieille-Ville de Prague, la Nouvelle-Ville double la superficie de la ville, le Château de Prague se couvre de nouveaux édifices avec, entre autres, la cathédrale Saint-Guy en faisant appel à l'architecte Mathieu d’Arras. Au sud de Prague, Charles fait édifier le château-fort de Karlštejn, bijou de l'architecture fortifiée gothique.
Avec ses 4 000 habitants, Prague est alors l'une des villes européennes les plus importantes.
[modifier] Les Hussites
A la mort de Charles IV en 1378, son fils Venceslas IV devient roi de Bohême et empereur du Saint Empire romain germanique.
A Prague, Conrad Waldhauser prêche en faveur d'une réforme de l'Église et contre ses excès. Jan Hus, le recteur de l'Université Charles suit son exemple. Ses prêches qui préfigurent les thèses protestantes de Martin Luther et Jean Calvin provoquent l'ire de la hiérarchie catholique mais rencontrent un large écho dans le public. Jan Hus est convoqué en 1414 au Concile de Constance, il s'y rend avec l'intention de défendre ses thèses mais sera condamné comme hérétique à être brûlé vif.
La révolution hussite est en route, qui va provoquer une guerre fratricide et quinze années de malheurs dans une Bohême fanatisée entre les Hussites, partisans des theses de Jan Hus, et les catholiques. Elle donne lieu à la première défenestration de Prague. Le Concile de Bâle met un terme aux guerres hussites, et garantit une certaine tolérance doctrinale à l'aile modérée du mouvement husite (opposée dans une guerre fratricide aux Taborites) qui se convertiront au protestantisme au moment de la Réforme.
En 1458, le gouverneur Georges de Podiebrady est élu par la diete, roi de Bohême à la suite du décès de Ladislas Ier du Saint-Empire. À sa mort, la couronne passe à la dynastie lithuano-polonaise des Jagellon puis en 1526 à celle des Habsbourg.
[modifier] La Guerre de Trente Ans
Sous le règne de Rodolphe II, Prague redevient un centre culturel de premier plan mais à sa mort, les tensions entre les communautés catholique et protestante escaladent et explosent au moment où la diète des États tchèques s'oppose au roi Matthias Ier qui a succédé à son frère.
La défenestration par des nobles tchèques, le 23 mai 1618, des gouverneurs impériaux Wilhelm Slavata, Jaroslav Martinic et de leur servant, Fabricius (ils s'en tireront tous indemnes, un tas de fumier amortissant leur chutes) marque le début de la guerre de Trente Ans. Le 26 août 1619, la diète des États tchèques élit comme roi le Prince-électeur Frédéric V du Palatinat (Frédéric II de Bohême) au lieu de Ferdinand II désigné par Matthias comme son héritier.
Les armées de la Ligue catholique, levées par Ferdinand II s'opposent le 8 novembre 1620 a celles de Frédéric II au lieu-dit la Montagne Blanche. La défaite des armées tchèques et protestantes marque la mise sous tutelle définitive du royaume de Bohême aux Habsbourg. La noblesse tchèque (largement protestante) est décimée, ses propriétés réparties entre les généraux vainqueurs (Bucquoy, Tilly, Wallenstein). Certains préferent l'exil, comme Jan Amos Komenský, l'une des grandes figures de l'Église protestante tchèque (dite fraternelle).
La Bohême, à 90% protestante, est alors massivement convertie (souvent de force) au catholicisme dans le mouvement de la Contre-Réforme, lequel aura pour conséquence de parsemer Prague d'églises baroques et la campagne tchèque de monastères.
Les Tchèques doivent attendre les réformes de Joseph II pour bénéficier de l'édit de Tolérance religieuse. Une chaire en tchèque est alors créé à l'Université Charles.
[modifier] L'Empire d'Autriche-Hongrie
En parallèle à la Contre-Réforme catholique, une germanisation de la société a lieu. En réaction, à partir de la révolution française et surtout à partir du Printemps des Révolutions de 1848, une renaissance nationale tchèque prend forme.
La langue tchèque est purifiée des germanismes qu'elle avait naturellement adopté tout au long de la coexistence avec la minorité allemande, sous l'influence, entre autres, de František Palacký.
L'industrie se développe et la Bohême devient le bassin industriel de l'Empire austro-hongrois. Le développement industriel et commercial se reflète dans celui de l'éducation, de la culture et du sentiment (voir ressentiment) national tchèque. Les premiers journaux tchèques sont publiés à partir de 1869, des théâtres jouant en tchèque voient le jour ; en 1882, l'Université Charles est scindée en deux entités : une tchèque et une allemande. En 1883, le Théatre national tchèque est édifié sur la rive droite de la Vltava. On y joue la symphonie Má Vlast (Ma Patrie) de Bedřich Smetana et on ne peut comprendre les accords du poème symphonique Vltava (la rivière qui traverse la Bohême) sans imaginer qu'il est aussi un chant patriotique.
C'est une période d'intense compétition tant industrielle que culturelle entre les citoyens tchèques légerement revanchards et les ressortissants allemands. Ces derniers construisent le Neuer Deutscher Theater (aujourd'hui Opéra d'État) pour damer le pion aux efforts tchèques au Théatre national (tchèque) ; quand le Musée national (tchèque) est érigé sur le haut de la place Venceslas, les Allemands réagissent de même.
Dès lors que l'Empire est affaibli politiquement et défait militairement au sortir de la Première Guerre mondiale, les Tchèques sont prêts à prendre et leur revanche et leur indépendance : le 30 octobre 1918, le Conseil national tchèque annonce la création d’un État tchécoslovaque indépendant.
[modifier] La première République
En 1919, le traité de Saint-Germain-en-Laye établit le dépecage de l'Autriche-Hongrie et valide la création, en octobre 1918 de la Première République tchécoslovaque sur une base nationale promue par le Tchèque Tomáš Masaryk et le Slovaque Milan Rastislav Štefánik, les Tchèques et les Slovaques pris ensemble représentent 50% de la population totale aux côtés des Allemands (Sudètes), des Ukrainiens, des Polonais et des Hongrois (sans compter les minorités juives souvent germanophones et les Rroms). En fait, aucune nation n'est réellement majoritaire sur « son » propre territoire et les premières années de la Tchécoslovaquie indépendante sont marquées par de fortes tensions nationalistes qui minent la vie politique.
La minorité allemande n'est pas invitée à participer à l'élaboration de la constitution de la nouvelle république. Adoptée en 1920, celle-ci prône l'irrédentisme avec l'Allemagne.
Les premières élections se déroulent le 18 avril 1920 et, jusqu'à l'annexion allemande de 1938-1939, les populations de la République Tchécoslovaque seront invitées à participer aux différents scrutins en respectant le calendrier prévu par la Constitution.
L'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933 et l'Anschluss avec l'Autriche en 1938 fait craindre que la Tchécoslovaquie, avec ses trois millions d'Allemands des Sudètes concentrés sur les marges du pays bordant le Reich et menés par le SdP, le parti autonomiste de Konrad Henlein, ne soit la prochaine sur la liste. Hitler demande la rétrocession des Sudètes et obtient gain de cause lors des Accords de Munich : le 1er octobre 1938, les Sudètes sont occupés. Le 15 mars 1939, c'est toute la partie tchèque qui est occupée et devient le protectorat de Bohême-Moravie alors que la Slovaquie déclare son autonomie sous la houlette de Mgr Tiso et que l'extrémité orientale de la République est occupée par la Hongrie de l'amiral Horthy. La France n'est pas intervenue pour défendre le pays, malgré des accords de défense mutuels.
C'est la fin d'une période qui, en dépit des incessants problèmes politiques (tensions nationalistes à l'intérieur, menace bolchévique aux marches orientales) et économiques (crise de 1929), est perçue comme un âge d'or par les Tchèques.
[modifier] La seconde République et la fédéralisation
En mai 1945, la République tchécoslovaque est rétablie dans ses frontieres initiales (les Sudètes sont réintégrées) à l'exception de la partie ukrainienne (annexée en 1938 par la Hongrie) qui est absorbée par l'URSS.
Le président Edvard Beneš émet les décrets Beneš qui, en application de la conférence de Potsdam, expulsent du territoire tchécoslovaque les minorités allemandes et hongroises et confisquent leurs biens - en échange de quoi, l'État tchèque ne réclame pas de dommages de guerre à l'Allemagne vaincue. Ceci aura une incidence après la chute du régime communiste, le nouvel État démocratique décidant de restituer les biens confisqués en 1948 par les seuls communistes, considérant que (légaux ou non) les décrets Beneš ont été le fait d'un gouvernement démocratiquement élu et qu'il n'est pas nécessaire de les "réviser". Cette décision sera contestée par les Allemands originaires des Sudètes, forts actifs politiquement en Bavière notamment mais ne sera pas réouverte par l'Allemagne.
En février 1948, les communistes prennent le pouvoir. Klement Gottwald institue sur le modèle stalinien un culte de la personnalité, personnalité non-dénuée de paranoïa comme son illustre mentor et régime de la terreur sous la férule de la Sécurité d'État tchécoslovaque comme l'attestent l'élimination des opposants démocrates comme Milada Horáková en 1950 et les procès de Prague en 1952 qui visent l'élimination de communistes de la première heure comme Rudolf Slánský, secrétaire général du parti communiste tchécoslovaque. Cruel clin d’œil de l'histoire, Gottwald prend froid lors des funérailles de Joseph Staline et décède peu après son mentor.
Débarrassée des tensions nationalistes avec les minorités allemande et hongroise, la Tchécoslovaquie se divise bientôt et le fossé qui sépare les Tchèques des Slovaques ne cesse de s'élargir. C'est la fédéralisation croissante de la République (un parlement tchèque, un parlement slovaque et un parlement fédéral tchécoslovaque, un exécutif tchèque, un exécutif slovaque, un exécutif fédéral, et plus important que tout, dans un pays du bloc communiste : un parti communiste tchèque, un parti communiste slovaque, etc.) et la "guerre du trait d'union" qui illustre la division des deux entités nationales : il est désormais séant d'écrire tchéco-slovaque et Tchéco-Slovaquie.
Le Printemps de Prague, à partir de janvier 1968, tente d'établir un Socialisme à visage humain, expérience qui se termine par l'invasion des armées du Pacte de Varsovie en août de la même année. Commence alors ce que les Tchèques appellent la Normalisation : un État policier, une Sécurité intérieure toute puissante, une chasse aux dissidents de tous les instants.
Contrairement à la Pologne où l'Église catholique joue un rôle de premier plan, ce sont les intellectuels qui s'engagent à Prague pour une société plus juste et plus démocratique. Le Manifeste des 2000 mots et la Charte 77 reflètent cet engagement.
Lorsqu'en novembre 1989, les étudiants manifestent pour la démocratie, c'est un parti communiste fossilisé, déjà tombés dans la plupart des « pays frères » (la Pologne, la Hongrie, la RDA) qui lance sa police a l'assaut des étudiants. On ne déplore heureusement aucune victime et la mobilisation citoyenne massive et pacifiste assurera une transition politique en douceur, en une Révolution de Velours.
[modifier] Le Divorce de velours
Préparée, comme on l'a vu, dès la période totalitaire, la séparation des Républiques tchèque et slovaque est une formalité négociée dès l'issue des premières élections démocratiques entre les deux premiers ministres Václav Klaus et Vladimír Mečiar. Les actifs et les dettes de l'État fédéral sont divisés selon des règles simples : soit en fonction de leur localisation géographique (en Tchéquie ou en Slovaquie), soit en fonction du ratio 2/3 (pour la partie tchèque) 1/3 (pour la partie slovaque).
Le divorce est effectif au 1er janvier 1993.
[modifier] Voir aussi
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