Limbes
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
Dans la religion catholique, les limbes (du latin limbus, « marge, frange ») sont deux lieux de l'au-delà situés aux marges de l'enfer. Par extension, ils désignent un état intermédiaire et flou.
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[modifier] Naissance des limbes
Le mot n'apparaît ni dans la Bible, ni chez les Pères de l'Église[1]. Il émerge au XIIIe siècle dans la pensée scolastique, qui distingue deux limbes.
[modifier] Limbe des patriarches
Le limbus patrum (limbe des patriarches) reçoit les âmes des justes morts avant la résurrection de Jésus Christ. Il correspond au « sein d'Abraham » mentionné dans l'Évangile selon Luc (16:22)[2]. Ces âmes, qui ne pouvaient entrer au paradis, scellé depuis la faute d'Adam, sont libérées par Jésus lors de sa descente aux enfers entre le Vendredi saint et le jour de Pâques. La tradition scolastique se fonde ici sur la première épître de Pierre, laquelle indique que Jésus « est allé prêcher aux esprits en prison » (3:19).
[modifier] Le limbe des enfants
Le limbus puerorum (limbe des enfants) reçoit les âmes des enfants morts avant d'avoir reçu le baptême. Il constitue une réponse théologique à la question du devenir de ces âmes qui, sans avoir mérité l'enfer, sont néanmoins exclues du paradis à cause du péché originel. Cette question, qui remonte aux premiers temps du christianisme, reçoit une réponse relativement floue de la part des premiers Pères de l'Église. Grégoire de Nysse (Sur les enfants morts prématurement) comme Grégoire de Nazianze (Discours, XL, 23) affirment que ces âmes ne sont pas destinées à souffrir dans l'au-delà, mais sans autre précision.
Pour Augustin d'Hippone, il n'existe aucune possibilité de destin intermédiaire entre le paradis et l'enfer : les âmes des enfants non baptisées sont vouées à l'enfer, ce qui explique l'insistance d'Augustin en faveur d'un baptême immédiat des enfants. En réaction au pélagianisme, il fait condamner au concile de Carthage (418) l'idée d'un lieu intermédiaire accueillant les enfants morts sans baptême.
Si Augustin précise que ces âmes ne souffrent en enfer que de la « peine la plus douce » (Enchiridion, 103), sa rigueur explique le revirement des théologiens du bas Moyen Âge. Dans le limbe des enfants, les âmes se trouvent dans un état intermédiaire : elles n'encourent pas les souffrances de l'enfer mais sont privées de la béatitude du paradis. La nature précise de cet état fait l'objet d'une controverse scolastique ; la question est de savoir si ces âmes souffrent du dam, c'est-à-dire de la privation de cette béatitude. Thomas d'Aquin estime d'abord dans le Scriptum super sententias qu'elles sont résignées puis, dans le De malo (q.5, art. 1-3), argumente en faveur de leur ignorance radicale de cette privation[3]. En comparaison, explique-t-il, l'homme ne souffre pas de ne pouvoir voler dans les airs. Pour Thomas, les âmes de ces enfants jouissent donc d'un bonheur naturel : « toute douleur est exclue de leur peine ».
[modifier] Les limbes dans le dogme catholique
Les limbes n'ont jamais été définis comme un dogme de l'Église catholique, qui s'est peu exprimée sur le sujet. Le Catéchisme de Pie X mentionne le limbe des Pères en son chapitre 6 consacré au cinquième article du Symbole de Nicée-Constantinople :
« Les limbes [sont le] lieu où étaient les âmes des justes en attendant la Rédemption de Jésus-Christ. (…) Les âmes des justes ne furent pas introduites dans le paradis avant la mort de Jésus-Christ, parce que le paradis avait été fermé par le péché d’Adam et qu’il convenait que Jésus-Christ, dont la mort le rouvrait, fût le premier à y entrer. »
Il ne mentionne pas le limbe des enfants. Le Catéchisme de l'Église catholique n'évoque pas du tout les limbes. En 2004, la Commission théologique internationale a entamé une réflexion sur ce sujet. Lors de son assemblée plénière du 2 au 6 octobre 2006, elle a déclaré que « l'idée des limbes, comme lieu auquel sont destinées les âmes des enfants morts sans baptême, peut être abandonnée sans problème de foi. »
[modifier] Notes
- ↑ Didier Lett, article « Limbes » du Dictionnaire du Moyen Âge (dir. Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink), Presses Universitaires de France, 2002, p. 834.
- ↑ « Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. » Extrait de la traduction de Louis Segond (1910), de même que les autres citations de la Bible dans l'article.
- ↑ Serge-Thomas Bonino, « La théorie des limbes et le mystère du surnaturel chez saint Thomas d'Aquin », Revue thomiste, vol. 101 (2001), p. 131-166.
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