Détachement administratif de la Loire-Atlantique
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Le détachement administratif de la Loire-Atlantique est le fait que lors de la création des régions administratives en France, ce département ait été détaché de la région Bretagne dont il fait historiquement partie pour être rattaché à la région des Pays de la Loire. Ce détachement reste un sujet polémique dans ce département et en Bretagne. Des élus de Loire-Atlantique et des départements bretons, des mouvements politiques et des associations régionales prônent le rattachement administratif de la Loire-Atlantique à la région Bretagne.
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[modifier] Histoire
[modifier] Royaume, Duché et province de Bretagne jusqu'à la Révolution française
Nantes est devenue bretonne en même temps que Rennes, en 851, sous le règne de Nominoë, et ce jusqu'en 1941. La capitale de la Bretagne était Nantes, sous l'Ancien Régime, les deux grandes villes bretonnes se partageant les rôles : Rennes capitale politique avec le Parlement de Bretagne, et Nantes capitale économique avec les activités portuaires et le débouché de la Loire. Jusqu'à la révolution française, le Duché de Bretagne, s'il connait des régimes politiques différents (vassal de la Normandie, indépendance, union avec le Royaume de France, puis duché), reste dans les mêmes frontières. Son territoire bouge peu, correspondant à peu près à ceux de l'actuelle région Bretagne et du département de la Loire-Atlantique. La province était alors divisée en comtés (Cornouaille, Léon, Broërec, Tréguier, Penthièvre, Porhoët, Nantais, Rennais...) puis en huit baillies qui évolueront en quatre présidiaux mais aussi en neuf évêchés.
À la Révolution française, les provinces sont supprimées et la Bretagne cesse d'exister en tant qu'entité administrative. Elle perd également tous ses privilèges et son autonomie. En 1790, elle est divisée, comme le reste de la France, en départements. L'ancienne province se retrouve éclatée en 5 entités :
- Côtes-du-Nord (devenues Côtes-d'Armor en 1990),
- Finistère,
- Ille-et-Vilaine,
- Loire-Inférieure (devenue Loire-Atlantique en 1957),
- Morbihan.
[modifier] Les premiers projets de regroupement des années 1910-1920
En 1848, cinq départements bretons sont réunis sous l'autorité du Nantais Michel Rocher, commissaire général de la Bretagne, qui chapeaute les autres commissaires (préfets) bretons.
En 1917 naît un projet de création de régions économiques dites « groupement économique régionaux » ou « régions Clémentel». Les régions seront créees en avril 1919, mais ces regroupements échoueront dans les années 20 pour ne subsister que sous forme d'union plus ou moins lâche de Chambres de commerce.
Pour la Bretagne, le premier projet prévoyait la création d'une région dénommée IIIe région (ou région de Rennes), regroupant quatre départements du nord et de l'ouest de la Bretagne, tandis que la Loire-Inférieure aurait rejoint la IVe région (ou région d'Angers) avec la Mayenne, la Sarthe, le Maine-et-Loire, la Vendée et l'Indre-et-Loire. La réalisation des régions Clémentel intervint à partir d'avril 1919. La région de Rennes dénommée finalement VIe région comprit l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord et le Finistère. La grande Ve région ou région de Nantes se vit attribuer la Mayenne, la Sarthe, l'Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire, la Vendée, la Loire-Inférieure et le Morbihan. Le principe avait été de grouper autour d'une grande ville les départements de son bassin économique. À ce titre, il avait été fortement discuté de l'appartenance à Nantes ou à Rennes du Finistère, qu'il aurait fallu diviser en 2 entités sud et nord.
En septembre 1919, les fédérations de syndicats d'initiative commencent elles à organiser des « régions touristiques » sur un modèle un peu différent. La nature du découpage étant cette fois-ci touristique, géographique et ethnographique, ces régions touristiques ne coïncideront pas avec les régions économiques : une région appelée "Bretagne" s'étendit sur le Morbihan, le Finistère, les Côtes-du-Nord et l'Ille-et-Vilaine ; la Loire Inférieure est rattachée à une région appelée "Vallée de la Loire".
Pour plus de précisions voir l'article Bretagne
[modifier] Sous le régime de Vichy
Au printemps 1941, le maréchal Pétain charge le Conseil national de créer une commission des provinces avec pour objectif de dessiner les limites des futures régions qui serait instaurées une fois la guerre terminée.
Lucien Romier, d'origine paysanne, est nommé à la tête de cette commission forte de 21 membres. Le 6 mai 1941, la toute première réunion se déroule à Vichy. Huit autres séances de travail suivront. Le 15 mai, une carte est tracée : elle divise arbitrairement la France en 16 provinces (et non plus en 20 comme le souhaitait Pétain). Rennes y est la capitale d'un ensemble regroupant la Bretagne, l'Anjou et le Maine. Le 20 mai 1941, la commission suspend ses travaux. Elle doit se réunir à nouveau en août. Entre temps, les provinces concernées ont eu vent des intentions de Vichy : certains élus s'élèvent contre un découpage qu'ils considèrent comme totalement arbitraire.
Alors même que les travaux de la commission ne sont pas terminés, le décret du 30 juin 1941 est promulgué, semble-t-il dans l'urgence : il institue entre autres une région de Rennes, composée de quatre départements, et une région d'Angers à laquelle est rattachée la Loire-Inférieure (ancien nom de la Loire-Atlantique).
Les raisons du rattachement de la Loire-Inférieure à la région Loire sont à la fois économiques et politiques. Le gouvernement de Vichy décide en 1941 de créer des régions économiques afin de faciliter le ravitaillement de chacune d'entre elles. Nantes étant située à moins de 100 km d'Angers et les voies de communication entre les deux villes étant bien structurées, la Loire-Inférieure est rattachée à la région Loire. Le gouvernement de Vichy est contre une renaissance des provinces d'Ancien Régime, et souhaite maintenir un pouvoir centralisé fort.
Dans son livre La Bretagne sous le gouvernement de Vichy, Hervé Le Boterf cite les propos de Louis-Dominique Girard, chef du cabinet civil de Pétain : « Le maréchal n'avait nul désir de détacher la Loire-Inférieure du reste de la Bretagne. Il y fut contraint pour des raisons économiques ». Les difficultés du ravitaillement auraient donc conduit Vichy à créer des régions économiques - à l'image de celles de la IIIe République - en s'appuyant sur la réalité des moyens de transport de l'époque.
Hervé Le Boterf développe cette idée : « En vertu de ce principe, la Loire-Inférieure fut rattachée à la métropole angevine. Non pas seulement pour compenser par sa suprématie industrielle l'infériorité numérique des quatre autres départements de la région, mais surtout parce que la ville de Nantes se trouvait à moins de 100 km d'Angers ».
Les régions du régime de Vichy ne survécurent pas longtemps à sa chute : elles furent supprimées dès 1945.
[modifier] Sous les IVe et Ve Républiques
L'aménagement du territoire sous la IVe République conduisit cependant à repenser à des groupements supra-départementaux. Le 28 novembre 1956 fut promulgué un arrêté délimitant des régions de programmes. Jean Vergeot, commissaire général adjoint au Plan, avait été chargé d'en définir les contours. Parmi les 22 régions qu'il créa en métropole, il inclut la Loire-Inférieure dans celle des Pays de la Loire. Cette inclusion lui fut semble-t-il difficile à trancher [1], mais il se basa sur des considérations économiques (échanges téléphoniques, transports, etc.) pour réaliser un projet qui était à l'époque purement à usage interne de l'administration. Il s'agissait en effet alors de découpages administratifs et n'ayant pas d'autre vocation : partant de là, les considérations techniques primèrent sur l'histoire et la Loire-Inférieure fut rattachée aux Pays de la Loire.
Au fil du temps, ces régions furent investies de compétences de plus en plus grandes : création des préfets de région en 1964, des établissements publics régionaux avec la loi de régionalisation de 1972 et des régions avec la loi de décentralisation en 1982 entérinèrent ce découpage et lui donnèrent légitimité et pouvoir de décision dans beaucoup de domaines. Pendant cette même période, l'identité bretonne s'affirma et la position de la Loire-Atlantique dans les Pays de la Loire fut de plus en plus contestée (le conseil général du département vota en 1972 son vœu d'être rattaché à la Bretagne, par exemple).
C'est donc au départ un découpage administratif pour raisons techniques puis une régionalisation progressive reprenant les limites de ce découpage qui a conduit la Loire-Atlantique à ne fait pas faire partie de la région dont elle était pourtant historiquement l'un des centres.
Ce détachement administratif ne concerne cependant que certains échelons (administratifs et autres) :
- Couvrant cinq départements existent des entités bretonnes maritimes, économiques, culturelles, judiciaires (Cour d'appel et ordres professionnels), touristiques, environnementales, associatives, des coopérations inter-collectivités, des signes officiels de qualité AOC-IGP-label rouge de produits agricoles, des structures de coopération entre région Bretagne et Loire-Atlantique, etc.
- La région administrative à quatre départements est prise comme circonscription par les administrations préfectorales déconcentrées et les institutions décentralisées, les organismes consulaires, une partie des organisations syndicales, patronales ou associatives.
D'autres découpages (poste, défense...) ne recouvrent ni l'un ni l'autre de ces découpages.
De plus, la Loire-Atlantique s'associe aux départements bretons sur le plan culturel. Par exemple, les cinq départements ainsi que le conseil régional font partie du syndicat mixte de la Maison de la Bretagne à Paris.
[modifier] Positions actuelles
[modifier] État de l'opinion
Des sondages récurrents depuis plusieurs années indiquent que l'opinion publique de la Loire-Atlantique et celle des quatre départements bretons seraient très largement et de plus en plus favorables à un rattachement du département à la région Bretagne (sondages Crea pour FR3 Nantes de 1986, Sofres pour le Pèlerin Magazine de 1998, pour Ouest-France Dimanche de 1999, CSA pour Presse-Océan du 4/5 septembre 2000, Ifop pour Ouest-France de 2001, second sondage Ifop pour Ouest-France du 1er juillet 2002). Mais un sondage commandé par le conseil général de Loire-Atlantique (TNS Sofres 2002) et un récent sondage de TSO Régions, en 2006, différent dans les questions posées, a nuancé cette opinion, semblant plus montré une grande indifférence de l'opinion à la question de la région et des disparités géographiques dans le département, résultats que contestent les partisans du rattachement (voir ci-dessous, en liens externes, les résultats du sondage TSO et sa contestation). Le dernier sondage en date (novembre 2006), réalisé par le conseil général, donne 67% de personnages favorable à la réunification[2].
[modifier] Partisans du rattachement à la Bretagne
- De nombreux mouvements régionaux militent pour la réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne, comme Bretagne Réunie, anciennement CUAB, Comité pour l’unification administrative de la Bretagne.
- Des mouvements politiques d'horizons différents : Emgann, l'UDB, Les Verts, Les Alternatifs, la LCR, l'UDF (les élus bretons et l'UDF nationale - projet Jeunes UDF 2007 et déclaration de François Bayrou, candidat UDF à la présidentielle se prononcant en janvier 2007 pour la réunification via un référendum [3] - mais pas l'UDF de Loire-Atlantique en tant que telle) et le FN.
- Des élus : près de 4 200 d'entre eux, de tout bords politiques ont signé depuis 2001, la Charte des élus pour la réunification, proposé par Bretagne Unie/CUAB.
- Le conseil général de Loire-Atlantique et le conseil régional de Bretagne. Il faut noter qu'en 1972, avant le vote de la loi de régionalisation, le conseil général de Loire-Atlantique demanda officiellement à ce que le département soit rattaché à la région Bretagne, mais cette demande ne fut pas prise en compte. En juin 2001, le conseil général de Loire-Atlantique et le conseil régional de Bretagne ont voté un vœu favorable à la réunification (le conseil régional de Bretagne l'a renouvelé par une résolution en octobre 2004) et ont créé ensemble une commission mixte de coopération.
Pour ses partisans, le rattachement de la Loire-Atlantique à la région administrative Bretagne se justifie pleinement, tant pour des raisons historiques, que géographiques ou pour faire le poids dans l'Europe des régions (la région administrative Bretagne avec la Loire-Atlantique aurait alors plus de 4 200 000 habitants).
[modifier] Opposition au rattachement à la Bretagne
Cette opposition est moins structurée et moins frontale que les partisans du rattachement. Néanmoins certaines voix se sont faites entendre contre ou peu favorable au rattachement :
- Certains gaullistes ou républicains souverainistes s'y sont aussi opposés par peur du montée du régionalisme ou de l'irrédentisme et d'un "effet domino" sur d'autres régions ou départements : remise en cause de la légitimité de la région Rhône-Alpes et éclatement de cette dernière, détachement des Hautes-Alpes (historiquement dauphinoises) de la région Paca, souhait d'autonomie du Roussillon, éclatement du département des Pyrénées-Atlantiques en un département basque et un autre béarnais, détachement de l'Allier de la région Auvergne, etc.
- La fédération du PCF de Loire-Atlantique a aussi plusieurs fois exprimé son refus d'un tel rattachement Gilles Bomtemps au conseil régional en 1999, Jean-Louis Le Corre au conseil général en 2001) préférant un accroissement des coopérations régionales et craignant une concurrence économique entre régions.
- François Fillon alors président de la région des Pays de la Loire après la publication du sondage de 2000 des habitants de Loire-Atlantique sur le rattachement à la Bretagne : "Nous devrons donc repenser notre structure administrative en coordonnant, voir en fusionnant, les départements et les régions "... " Cette coopération (entre B4 et PdL) est plus prometteuse que tous les projets de redécoupage ou séparatiste. " (Source Presse-Océan Dimanche, septembre 2000)
- Pour de nombreux acteurs politique de la région des Pays de la Loire comme André Lardeux (sénateur de Maine-et-Loire), Philippe de Villiers (président du conseil général de la Vendée), Jean Arthuis (sénateur de la Mayenne), Jean-Marc Ayrault (maire de Nantes) ou encore Roland du Luart (sénateur de la Sarthe et vice-président du Sénat), le détachement administratif de la Loire-Atlantique du reste des Pays de la Loire reviendrait à rompre les liens interdépartementaux de la région et serait une source de déséquilibre. Pour eux la question est ailleurs : ils prônent la création une grande région Ouest formée de la Bretagne, des Pays de la Loire et du Poitou-Charentes.
[modifier] Différents scénarios
Un éventuel rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, outre la question d'une répartition des rôles entre les deux grandes agglomérations bretonnes de Nantes et Rennes, pose la question du devenir de la région Pays de la Loire et plus globalement de l'organisation du Grand-Ouest français.
Plusieurs scénarios sont envisageables :
- Réunification de la Bretagne et statu quo pour les autres départements de la région Pays de la Loire. Cela présente l'avantage d'être une solution immédiatement fonctionnelle mais manquerait à terme de cohérence géographique et économique avec un département de Vendée un peu isolé du reste de la région et sans réelle synergie avec elle.
- Réunification de la Bretagne, création d'une région "Grand Poitou" avec le rattachement de la Vendée à la région Poitou-Charentes et la création d'une nouvelle région Maine-Anjou regroupant les 3 départements restants de l'ancien Pays de Loire, la Mayenne, le Maine-et-Loire et la Sarthe. Ce scénario a pour lui une certaine cohérence historique avec le retour de provinces ou d'ensemble historiques. Il renforce également la région Poitou-Charentes, mais présente les défauts d'une faible cohérence économique avec la Vendée plus tournée vers Nantes (économie/transport) et la création d'une "petite région" Maine-Anjou.
- Réunification de la Bretagne, création d'une région "Grand Poitou" avec le rattachement de la Vendée à la région Poitou-Charentes et la création d'une nouvelle région "Val de Loire", regroupement de la région Centre et des 3 départements de la Mayenne, de Maine-et-Loire et de la Sarthe. Ce scénario, dans lequel pourrait s'inscrire la fusion des 2 Normandies, privilégie le parti de régions plus grandes et plus fortes, à l'image des länders allemands ou des Communautés autonomes espagnoles mais pose un problème de cohérence géographique et historique et d'absence de sentiment d'appartenance régionale des populations de la nouvelle région, sorte de région Centre élargie, absence de sentiment d'appartenance que cette dernière rencontre déjà. Cela ferait de plus de cette nouvelle "super-région", la plus grande région française en nombre de départements (9) soit un de plus que les régions Île-de-France, Midi-Pyrénées ou Rhône-Alpes et en créant un déséquilibre poserait la question générale de la taille des autres régions en France.
- Regroupement de la Bretagne, des Pays de la Loire et du Poitou-Charentes pour former une région "Grand Ouest" calquée sur le modèle des circonscriptions européennes ; possible que dans le cadre d'une réforme globale des régions françaises. Avantage d'une synergie économique mais perte de l'identité régionale.
- Regroupement de la Bretagne et des Pays de la Loire dans une nouvelle région. Comme deux scénarios plus haut, cela en ferait la plus grande région française en nombre de départements avec neuf départements et poserait les mêmes questions régionales pour toute la France.
- Statu quo avec seulement un renforcement de la coopération entre Bretagne et Pays de la Loire et d'une coopération directe entre la Loire Atlantique et les autres départements bretons principalement sur le plan culturel.
[modifier] Notes
- ↑ Georges Pierret, Régions d'Europe, la face cachée de l'Union, Apogée (1997) - ISBN 2909275892
- ↑ Sondage IFOP opéré en juin 2006 auprès de 1176 personnes en Loire-Atlantique. «Question : Êtes-vous favorable à la réunification du département de la Loire-Atlantique à la Région Bretagne ?»
- ↑ L'Ouest-France du 8 février 2007
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- TMO. Le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, vers une mesure plus exacte. En ligne (consulté le 07/07/2006
- Critique du sondage TMP du 7/7/2006
[modifier] Bibliographie
- Collectif, Toute l'Histoire de la Bretagne (Des origines à la fin du XXe), éditions Skol Vreizh
- Hervé Le Boterf, La Bretagne sous le Gouvernement de Vichy, éditions France-Empire
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