Edgar Morin
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Edgar Morin, de son vrai nom Edgar Nahoum, né à Paris le 8 juillet 1921, est un sociologue et philosophe français d'origine juive séfarade.
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[modifier] Biographie
Descendant d'un père commerçant juif et laïc de Salonique (il se décrit lui-même comme d'identité néo-Marrane), et fils unique, sa mère décède alors qu'il a 10 ans. Il étudie à la Sorbonne où il se lie avec le Parti communiste dans les Francs-tireurs et partisans, en tant que résistant antihitlérien. Il joue un rôle actif dans la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale où il rencontre notamment François Mitterrand. Il adopte alors le pseudonyme de Morin, qu’il garde par la suite. À la Libération, il participe à l’occupation de l’Allemagne et il écrit L’an zéro de l’Allemagne où il décrit la situation du peuple allemand de cette époque. Ce livre a été apprécié en particulier par Maurice Thorez qui l'invite à écrire dans la revue Lettres Françaises. À partir de 1949, il s’éloigne du parti communiste dont il est exclu peu après, en tant que résistant anti-stalinien. En 1955, il anime un comité contre la guerre d'Algérie. Il défend, en particulier, Messali Hadj.
Sur les conseils de Georges Friedmann qu'il a rencontré pendant l'Occupation et avec l'appui de Maurice Merleau-Ponty, de Vladimir Jankélévitch et de Pierre Georges, il entre au CNRS et conduit notamment une étude pluridisciplinaire sur une commune en Bretagne, publiée sous le nom de Plozévet. Il y séjourne près d'un an. Ce fut un des premiers essais d’ethnologie dans la société française contemporaine.
Il s’intéresse très vite aux pratiques culturelles qui sont encore émergentes et mal considérées par les intellectuels, telle la rumeur. Il créée la revue Arguments en 1957. Il fonde et dirige le CECMAS, Centre d’Études des Communications de Masse, qui publie des recherches sur la télévision, la chanson dans la revue Communications qu’il dirige et qui paraît encore aujourd’hui.
Durant les années 60, il part près de deux ans en Amérique latine où il travaille à la Faculté latino-américaine des sciences sociales. En 1969, il est invité à l'Institut Salk de San Diego. Il y rencontre Jacques Monod, l'auteur du Hasard et de la Nécessité et y conçoit les fondements de la pensée complexe et de ce qui deviendra sa Méthode.
Aujourd'hui directeur de recherche émérite au CNRS, Edgar Morin est docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde. Son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen et en Amérique latine, et jusqu'en Chine, Corée, Japon. Il a créé et préside l’Association pour la pensée complexe : APC.
Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI.
Morin a écrit plusieurs ouvrages revenant sur son passé, dont Autocritique en 1959, Vidal et les siens sur son père en 1989 et Itinérance publié en 2006.
Il a apporté son soutient à la candidature de Christian Garino, candidat à la présidentielle de 2007 pour le mouvement Esperanto-Liberté.
[modifier] Distinctions
- Directeur de recherche émérite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS),
- Président de l'Agence européenne pour la culture (Unesco)
- Président de l'Association pour la pensée complexe
- Docteur Honoris Causa de plus de 14 Universités (Université de Pérouse (sciences politiques), Université de Palerme (psychologie), Université de Genève (Sociologie), Université Libre de Bruxelles, Université d'Odense au Danemark, Université de Natal, Université de Porto Alegre et Université de Joa Pessoa au Brésil, Université technologique de La Paz en Bolivie, Université de Milan, Université de Messine.
- Laus honoris causa de l'Institut Piaget au Portugal.
- Colegiado de Honor du Conseil del'Enseignement Supérieur d'Andalousie (Espagne).
- Chevalier de la Grande Croix de l'ordre de Santiago de l'Espada, (Portugal)
- Grande Croix de l’ordre du mérite, (Espagne)
- Grand Officier du Mérite Civil, (Espagne)
- Commandeur de la Légion d'honneur, (France)
- Commandeur des Arts et des Lettres, (France)
- Prix européen de l'essai Charles Veillon (1987)
- Prix Viareggio international (1989)
- Prix Media (culture) de l'Association des journalistes européens (1992)
- Prix Internacional Catalunya (1994)
- Médaille de la Chambre des Députés de la République Italienne, (Comité scientifique international de la Fondation Piu Manzu)
- Médaille d'or (Aristote d'or) de l'Unesco
[modifier] Œuvre
"La Méthode" (six volumes au total) est son œuvre majeure, celle où il affronte la difficulté de penser la complexité du réel. Le terme de complexité est pris au sens de son étymologie "complexus" qui signifie « ce qui est tissé ensemble » dans un enchevêtrement d'entrelacements (plexus).
Dans le court article « Pour une réforme de la pensée » Edgar Morin explique ce qu'il entend par la "pensée de la complexité" :
« La pensée de la complexité se présente (…) comme un édifice à plusieurs étages. La base est formée à partir de la théorie de l'information, de la cybernétique et de la théorie des systèmes et comporte les outils nécessaires pour une théorie de l'organisation. Vient ensuite un deuxième étage avec les idées de John von Neumann, Heinz von Foerster, Henri Atlan et Ilya Prigogine sur l'auto-organisation. À cet édifice, j'ai voulu apporter des éléments supplémentaires, notamment, trois principes que sont le principe dialogique, le principe de récursion et le principe hologrammatique.
La théorie de l'information permet d'entrer dans un univers où il y a à la fois de l'ordre (la redondance) et du désordre (le bruit) - et d'en extraire du nouveau, c'est-à-dire l'information elle-même, qui devient alors organisatrice (programmatrice) d'une machine cybernétique. L'information qui indique, par exemple, le vainqueur d'une bataille, résout une incertitude ; celle qui annonce la mort subite d'un tyran apporte l'inattendu, en même temps que la nouveauté.
La cybernétique est une théorie des machines autonomes. L'idée de rétroaction, qu'introduit Norbert Wiener, rompt avec le principe de causalité linéaire en introduisant celui de boucle causale. La cause agit sur l'effet, et l'effet sur la cause, comme dans un système de chauffage où le thermostat règle la marche de la chaudière. Ce mécanisme dit de «régulation» est ce qui permet l'autonomie d'un système, ici l'autonomie thermique d'un appartement par rapport au froid extérieur. La boucle de rétroaction (appelée feed-back) joue le rôle d'un mécanisme amplificateur, par exemple, dans la situation de la montée aux extrêmes d'un conflit armé. La violence d'un protagoniste entraîne une réaction violente qui, à son tour, entraîne une réaction encore plus violente. De telles rétroactions, inflationnistes ou stabilisatrices, sont légion dans les phénomènes économiques, sociaux, politiques ou psychologiques.
La théorie des systèmes jette les bases d'une pensée de l'organisation. La première leçon systémique est que «le tout est plus que la somme des parties». Cela signifie qu'il existe des qualités émergentes, c'est-à-dire qui naissent de l'organisation d'un tout, et qui peuvent rétroagir sur les parties. Ainsi l'eau a des qualités émergentes par rapport à l'hydrogène et l'oxygène qui la constituent. Par ailleurs, le tout est également moins que la somme des parties car les parties peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l'organisation de l'ensemble.
A ces trois théories, il faut ajouter les développements conceptuels apportés par l'idée d'auto-organisation. Ici, quatre noms doivent être mentionnés : ceux de John von Neumann, Heinz von Foerster, Henri Atlan et Ilya Prigogine. (…)
L'être vivant (…) est assez autonome pour puiser de l'énergie dans son environnement, et même d'en extraire des informations et d'en intégrer de l'organisation. C'est ce que j'ai appelé l'auto-éco-organisation.
Le principe dialogique unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité. Le physicien Niels Bohr a reconnu la nécessité de penser les particules physiques à la fois comme corpuscules et comme ondes. Blaise Pascal avait dit : «Le contraire d'une vérité n'est pas l'erreur, mais une vérité contraire» ; Bohr le traduit à la façon : «Le contraire d'une vérité triviale est une erreur stupide, mais le contraire d'une vérité profonde est toujours une autre vérité profonde.» Le problème est d'unir des notions antagonistes pour penser les processus organisateurs et créateurs dans le monde complexe de la vie et de l'histoire humaine.
Le principe de récursion organisationnelle va au-delà du principe de la rétroaction (feed-back) ; il dépasse la notion de régulation pour celle d'autoproduction et auto-organisation. C'est une boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit. Ainsi, nous individus, sommes les produits d'un système de reproduction issu du fond des âges, mais ce système ne peut se reproduire que si nous-mêmes en devenons les producteurs en nous accouplant. Les individus humains produisent la société dans et par leurs interactions, mais la société, en tant que tout émergeant, produit l'humanité de ces individus en leur apportant le langage et la culture.
Le troisième principe «hologrammatique» enfin, met en évidence cet apparent paradoxe de certains systèmes où non seulement la partie est dans le tout, mais le tout est dans la partie : la totalité du patrimoine génétique est présent dans chaque cellule individuelle. De la même façon, l'individu est une partie de la société, mais la société est présente dans chaque individu en tant que tout, à travers son langage, sa culture, ses normes. »
Le quatrième tome de la Méthode "Les idées", d'après les mots d'Edgar Morin, "pourrait aussi en être le premier". En effet, "il constitue l'introduction la plus aisée à "la connaissance de la connaissance" et de façon inséparable au problème et à la nécessité d'une pensée complexe".
Jean-Louis Le Moigne, dans sa note de lecture que l'on peut trouver sur le site du Mouvement pour la Pensée Complexe (www.mcxapc.org, voir ci-dessous), souhaite souligner l'importance du dernier chapitre qu'E. Morin consacre à "La Paradigmatologie" : "encore un néologisme nouveau dira -t-on ? Sans doute, mais il me semble si fécond pour nous permettre d'entendre la richesse de l'univers pensable sans commencer par l'appauvrir en la simplifiant". Jean-Louis Le Moigne cite pour conclure Edgar Morin : "Nous en sommes au préliminaire dans la constitution d'un paradigme de complexité lui méme nécessaire à la constitution d'une paradigmatologie. Il s'agit non de la tache individuelle d'un penseur mais de l'œuvre historique d'une convergence de pensées".
Le critique d'art
Edgar Morin s'est intéressé aussi à la peinture de l'École de Paris, et, à ce titre, il a commenté l'œuvre de Gaëtan de Rosnay[1].
[modifier] Citations
- "Connaître c'est computer", La Méthode, La Connaissance de la connaissance (t. 3) (1986)
[modifier] Ouvrages
- 1951, L’Homme et la mort, Le Seuil
- 1956, Le cinéma ou l'homme imaginaire, Editions de minuit
- 1957, Les Stars
- 1967, Commune en France. La métamorphose de Plozevet, Fayard, Paris, 1967, 287 p.
- 1969, La Rumeur d’Orléans
- 1970, Journal de Californie
- 1973, Le paradigme perdu: la nature humaine
- La Méthode (6 volumes)
- 1977, La Nature de la nature (t. 1), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1981
- 1980, La Vie de la vie (t. 2), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1985
- 1986, La Connaissance de la connaissance (t. 3), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points
- 1991, Les Idées (t. 4), Le Seuil, Nouvelle édition, coll. Points, 1996
- 2001, L’Humanité de l’humanité (t. 5), 1. L’identité humaine, Paris, Le Seuil
- 2004, L'Éthique complexe (t. 6), Le Seuil
- Autocritique Le Seuil - (sa prise de distances avec le Parti Communiste)
- 1981, Pour sortir du XXe siècle, Nathan. Nouvelle édition, Seuil, coll.
- 1982, Science avec conscience, Fayard, Nouvelle édition remaniée, coll. Points, 1990
- 1983, De la nature de l’URSS, Fayard
- 1990, Introduction à la pensée complexe, Le Seuil
- 1993, Terre-patrie (avec la collaboration d’A.B. Kern), Le Seuil, Nouvelle édition coll. Points, 1996
- 1994, Mes démons, Stock, coll. Au vif
- 1994, La Complexité humaine, Textes choisis, Champs Flammarion, coll. l’Essentiel
- 1997, Comprendre la complexité dans les organisations de soins, (avec Jean-Louis Le Moigne), ASPEPS Éd.
- 1999, L’Intelligence de la complexité, (avec Jean-Louis Le Moigne), Éd. l’Harmattan
- 1999, Relier les connaissances, Le Seuil
- 1999, La Tête bien faite, Le Seuil
- 2000, Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Le Seuil
- 2001, Journal de Plozévet, Bretagne, 1965 (Préparé et préfacé par Bernard Paillard), La Tour d’Aigues, L’Aube
- 2002, Pour une politique de civilisation, Paris, Arléa, 79 p.
- 2002, Dialogue sur la connaissance. Entretiens avec des lycéens (entretiens conçus et animés par Alfredo Pena-Vega et Bernard Paillard), La Tour d’Aigues, L’Aube, 70 p.
- 2003, La Violence du monde (avec Jean Baudrillard), Édition du Félin, 92 p.
- 2003, Éduquer pour l’ère planétaire, la pensée complexe comme méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’incertitude humaine (avec Raul Motta, Émilio-Roger Ciurana), Balland, 158 p.
- 2003, Les Enfants du ciel : entre vide, lumière, matière (avec Michel Cassé), Odile Jacob, 142 p.
- 2004, Pour Entrer dans le XXIe siècle, réédition de Pour sortir du XXe siècle publié en 1981, Le Seuil, 400 p.
- 2006, Itinérance, Arléa, transcription d'un entretien avec Marie-Chritine Navarro en 1999 sur France-Culture, retraçant sa carrière.
- 2006, Le monde moderne et la question juive, Le Seuil. ISBN 2020907453
- 2007, L'an I de l'ère écologique (avec la collaboration de Nicolas Hulot), Tallandier, 127 p. ISBN 2847344411
[modifier] Filmographie
- 1961 : Chronique d'un été, co-réalisé avec Jean Rouch
- 1966 : Un certain regard. Le cinéma vérité, d'Edgar Morin, réalisation Alexis Klémentieff et Jacques Prayer (ORTF)
- (2004) Regard sur Edgar, entretiens thématiques accordés à Samuel Thomas, en DVD aux Editions Montparnasse (267 mn)
[modifier] Voir aussi
- Affaire Morin (France) : Il s'agit du débat qui suivit un article de Morin intitulé « Israël-Palestine : Le cancer », publié le 4 juin 2002 dans le quotidien Le Monde'. Le 12 juillet 2006, la condamnation d'Edgar Morin pour diffamation raciale est cassée
[modifier] Notes et références
- ↑ Gaëtan de Rosnay, Roger Bouillot, éditions de la Revue Moderne -Paris, juillet 1985
[modifier] Liens externes
[modifier] Vidéos
- Vidéos d'Edgar Morin réalisées par Denis Failly autour d'"Intelligence de la complexité" issu du Colloque de Cerisy
- Vidéo La Complexité, 1994
[modifier] Textes et articles
- Page consacrée à Edgar Morin avec plusieurs fiches de lecture
- Nombreuses citations
- Universidad Mundo Real Edgar Morin (REAL) – Hermosillo, Sonora, México : Université Monde Réel Edgar Morin (REAL) à Hermosillo, Mexique. Exergue : « Edgar Morin El pensador planetario de las luciernagas más luminosas ». Avec service de traduction automatique des pages en espagnol sur le site.
- Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, en plusieurs langues, sur le site de l’UNESCO
- Compte rendu de lecture : Edgar Morin, Journal de Plozévet. Bretagne, 1965 par Laurent Le Gall in Ruralia « Revue de l’Association des ruralistes français » — Mention normalisée de lien sur la page : <<Pour citer cet article : Laurent Le Gall, « Edgar MORIN, Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2001, 390 p. », Ruralia [En ligne], 2002-10/11 - Varia, Mis en ligne le : 22 janvier 2005 Disponible sur : http://ruralia.revues.org/document320.html. Référence du : 18 août 2005>>
- Charte de la Transdisciplinarité
- Fiche de lecture : La méthode 6 / Ethique
[modifier] Entretiens
- Entretien avec Edgar Morin : Science, Poésie, Société
- Entretien d'Edgar Morin avec Daniel Mermet sur France-Inter
- Entretien du 9 novembre 2004 pour SaphirNews.com (Ex-Saphirnet.info) Edgar Morin y parle longuement de sa relation à la judéité
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