Indulgence
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Dans l'Église catholique romaine, l’indulgence (du latin indulgere, « accorder ») est la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d'un péché.
Le Code de droit canonique consacre aux indulgences le chapitre IV du titre IV portant sur le sacrement de pénitence. Le canon 992 définit l'indulgence comme : « la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l'action de l'Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints. »
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[modifier] Effets de l'indulgence
Dans la doctrine catholique, le péché est effacé par le sacrement de la réconciliation. Mais ce sacrement n'enlève pas la peine temporelle due au péché, qui se traduit généralement par un temps de purgatoire. Cette peine temporelle peut être atténuée voire effacée par l'indulgence. L’indulgence est dite partielle ou plénière, selon qu’elle libère partiellement ou totalement de la peine temporelle due pour le péché.
En ce qui concerne les indulgences partielles, elles se comptaient traditionnellement en jours. C'était le nombre de jours de pénitence à laquelle l'action indulgenciée correspondait. En 1967 Paul VI a supprimé la référence à un nombre de jours ou d’années déterminé.
[modifier] Historique
[modifier] Origine de la pratique
Sa pratique, héritée du droit romain, remonte au IIIe siècle. Il s'agit alors de réintégrer dans le giron de l'Église les chrétiens ayant apostasié pendant les persécutions. Au XIIe siècle, elle reçoit une définition juridique dans les décrétales pontificales : une distinction est clairement établie entre l'absolution, réservée à Dieu, et l'indulgence, qui permet la réconciliation avec l'Église. L'indulgence est obtenue en contrepartie d'un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification) effectué à cette fin dans un esprit de repentir — elle s'adresse à ceux qui sont vere penitentibus et confessis, selon la formule en usage à partir du XIIe siècle.
Théoriquement, il n'existe pas de proportion entre la faute et cet acte de piété : l'indulgence est réputée être l'effet de la communion des saints. En pratique, il en va bien autrement, en partie sous l'influence des civilisations barbares, dont la législation est en fait un barème de réparations, et qui tariffent chaque faute. Les indulgences se calquent alors sur les pénitenciels, ces manuels venus d'Irlande qui fixent pour chaque type de faute tant de jours de mortification. Moins longue, l'indulgence tend à se substituer à la pénitence physique en particulier pour les mourants.
Dès cette époque, on enregistre les premiers abus, principalement la simonie : les fidèles marchandent auprès du prêtre un acte de charité, souvent sonnant et trébuchant. Les conciles du Xe et du XIe siècle s'efforcent donc de limiter la part d'appréciation du prêtre en fixant des barèmes généraux. L'indulgence devient à cette période une arme pontificale : l'indulgence plénière apparaît au milieu du XIe siècle ; elle est alors employée pour encourager la croisade en Espagne, c'est-à-dire la Reconquista. Au cours du Moyen Âge, le « cours » de l'indulgence ne cesse de baisser : il faut de moins en moins d'efforts pour obtenir une indulgence de plus en plus large. Ainsi, on en vient à accorder une indulgence plénière pour l'observation d'une paix jurée, ce qui revient à récompenser l'absence de péché. On monnaie également des dispenses à diverses obligations, les sommes ainsi récoltées finançant des édifices religieux ou permettant à certains prélats de mener grand train. Ainsi la Tour de beurre de la cathédrale Notre-Dame de Rouen doit son surnom à la vente des dérogations accordées pour consommer des matières grasses pendant le carême.
[modifier] Critiques de la Réforme et des Lumières
Les indulgences sont dénoncées d'abord par John Wyclif (1320-1384) et Jan Hus (1369-1415), qui remettent en cause les abus. Parmi ceux-ci, on peut citer l'indulgence accordée en 1506 pour quiconque aiderait à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre. C'est également l'époque du scandale lié au dominicain Johann Tetzel, chargé en 1516-1517 de vendre les indulgences au nom d'Albrecht de Brandebourg, archevêque de Mayence, intéressé à la vente par une commission de 50% promise par la Curie. On lui attribue alors le slogan : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire »)…
Martin Luther attaque, quant à lui, le principe même de la pratique dans ses 95 Thèses de Wittenberg : selon lui, seul Dieu peut justifier les pécheurs. Il dénonce à la fois les indulgences pour les âmes du Purgatoire (thèses 8–29) et celles en faveur des vivants (thèses 30–68). Dans le premier cas, les morts étant morts, ils ne sont plus tenus par les décrets canoniques — à terme, c'est le Purgatoire lui-même qui est remis en cause. À ce sujet, Luther s'élève également contre le marchandage des indulgences et accuse l'Église de profiter de la peur de l'Enfer : « Ils prêchent l'homme, ceux qui disent qu'aussitôt tintera l'argent jeté dans la caisse, aussitôt l'âme s’envolera [du Purgatoire] » (thèse 27). Dans le deuxième cas, Luther souligne que la repentance seule vaut rémission des peines, sans nul besoin de lettres d'indulgence. Au contraire, selon lui, l'indulgence détourne les pécheurs de leur véritable devoir, la charité et la pénitence. La « querelle des Indulgences » est donc l'une des causes du schisme entre catholiques et protestants.
À l'époque des Lumières, Voltaire peut encore consacrer l'article « Expiation » de son Dictionnaire philosophique (1764) à l'histoire et à la critique de la pratique. Il en retrace correctement l'origine aux « Barbares qui détruisirent l'Empire romain » et accuse le pape Jean XII qui, selon lui, « faisait argent de tout », d'avoir appliqué le raisonnement aux péchés : « Après avoir ainsi composé avec les hommes, on composa ensuite avec Dieu ». Cependant, la critique pèse surtout sur les abus qui entachent la pratique, et se teinte de gallicanisme : Voltaire accuse cette tarification de ne pas avoir été approuvée par un concile.
[modifier] Après la Réforme
L'Église catholique mettra suite à la Réforme un frein aux abus les plus criants. Ainsi, Léon X, dans sa condamnation de Luther, rappelle la distinction entre rémission de la peine temporelle et rémission du péché à proprement parler. Néanmoins, la pratique perdure jusqu'à nos jours, encadrée d'abord par la Congrégation des indulgences, créée par Clément VIII (1592–1605) et intégrée à la Curie romaine par Clément IX en 1669 — ses compétences sont transférées en 1908 au Saint-Office puis en 1917 à la Pénitencerie apostolique, qui en a toujours la charge.
Jusqu'au concile Vatican II, les paroissiens comportent encore, dans le chapitre consacré aux prières, une section sur les indulgences. Ainsi, le Paroissien des fidèles publie une liste d'invocations indulgenciées : les invocations « Mon Jésus, miséricorde ! » ou « Cœur agonisant de Jésus, soyez mon amour » correspondent à 100 jours de pénitence, tandis que « Saint Joseph, patron de la bonne mort, priez pour nous » équivaut à 300 jours[1].
[modifier] L'indulgence aujourd'hui
La doctrine des indulgences a été rappelée par le concile Vatican II puis la constitution apostolique Indulgentiarum doctrina de Paul VI, reprise dans le Code de droit canonique de 1983. Dans le Catéchisme de l'Église catholique de 1992 (§ 1471–1479), l'Église réaffirme son droit à octroyer les indulgences, « en vertu du pouvoir de lier et de délier qui lui a été accordé par le Christ Jésus » (§ 1478). Elle précise que l'indulgence libère seulement de la « peine temporelle » du péché et non de la « peine éternelle » — c'est-à-dire de la privation de la « vie éternelle », de la communion avec Dieu. De nouveau, elle rappelle que l'indulgence est accordée au pécheur non pas en vertu de ses pénitences seules, mais de la communion des saints.
Si la pratique est moins courante que par le passé, elle subsiste clairement : ainsi, le Catéchisme recommande toujours, avec l'aumône et les œuvres de pénitence, l'usage des indulgences en faveur des défunts (§ 1032). La principale indulgence est accordée à l'occasion du jubilé, dont elle est l'« un des éléments constitutifs » selon Jean-Paul II (bulle d'indiction Incarnationis mysterium, § 9.1). C'est à l'occasion du jubilé de l'an 2000 que la Pénitencerie apostolique a jugé bon de rappeler les conditions d'acquisition de l'indulgence. Dans tous les cas — indulgence plénière ou partielle —, le fidèle doit être en « état de grâce ».
Pour l'indulgence plénière, dont l'obtention est limitée à une fois par jour, il doit :
- avoir le désir de gagner l'indulgence,
- se détacher complètement du péché, même véniel,
- se confesser dans les huit jours (avant ou après l'indulgence),
- communier le jour même,
- prier selon les intentions indiquées par le pape, ou prier aux intentions du pape,
- accomplir l'action à laquelle est attachée l'indulgence dans le temps prescrit (si l'indulgence est attachée à un jour ou une période particuliers).
Si ces actions ne sont que partiellement remplies, ou que le fidèle n'a pas les dispositions du cœur requises, l'indulgence n'est que partielle.
Il est également rappelé que l'indulgence ne peut être appliquée qu'à soi-même ou aux « âmes du Purgatoire » (par mode de suffrage), et non à d'autres personnes vivantes.
[modifier] Quelques actes auxquels sont attachés une indulgence plénière
[modifier] Pour soi-même ou les défunts (par suffrage)
- réciter le chapelet dans une église ou à plusieurs.
- une demi-heure d'adoration.
- une demi-heure de lecture de la Bible.
- recevoir la bénédiction papale urbi et orbi, à Pâques, à Noël, ou lors de l'élection d'un nouveau pape, même par des moyens audiovisuels.
[modifier] Uniquement pour les défunts
- Visiter un cimetière pour y prier pour les défunts. Indulgence gagnable quotidiennement entre le 1er et le 8 novembre.
[modifier] Notes
- ↑ Paroissien des fidèles, Desclée & Co, 1929, p.17.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Bibliographie
- Jean Favier q.v., Dictionnaire historique de la papauté, s. dir. Philippe Levillain, Fayard, Paris, 2003 (ISBN 2-213-618577) ;
- Émile Jombart, « Indulgences », Dictionnaire de droit canonique, Letouzey et Ané, Paris, vol. 5, 1950, pp. 1331–1352 ;
- (de) Niklaus Paulus, Geschichte des Ablasses im Mittelalter, vom Ursprung bis zur Mitte des 14. Jahrhunderts, Paderborn, 2 vol., 1922–1923 ;
- (la) Pénitencerie apostolique, Enchiridion indulgentiarum, Libreria Editrice Vaticana, 1999, 4e édition lire en ligne.
[modifier] Liens externes
- Indulgentiarum doctrina
- Rappel à caractère général sur les indulgences par la Pénitencerie apostolique
- Incarnationis mysterium, bulle d'indiction du jubilé de l'an 2000
- Article « Expiation » du Dictionnaire philosophique de Voltaire
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