Mein Kampf
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Mein Kampf (Mon Combat en français) est un ouvrage rédigé par Adolf Hitler entre 1923 et 1924 pendant sa détention à la prison de Landsberg am Lech, détention consécutive au putsch de la brasserie, coup d'État manqué. Il prétend contenir des éléments autobiographiques ainsi qu'une présentation de l'idéologie politique du nazisme.
Auteur | Adolf Hitler |
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Genre | Politique |
Version originale | |
Titre original | Mein Kampf |
Éditeur original | Eher-Verlag |
Langue originale | Allemand |
Pays d’origine | Allemagne |
Date de parution originale | 18 juillet 1925 |
Version française | |
Traducteur | J.Gaundefroy-Demombynes ; A.Calmettes |
Éditeur | Nouvelles Editions Latines |
Date de parution | 1934 |
Type de média | Livre |
Nombre de pages | 688 pages |
Suivi par | Zweites Buch |
Sommaire |
[modifier] Un best-seller tardif
Le premier volume fut publié le 18 juillet 1925, le second le 11 décembre 1926. À sa parution, le livre (qui coûtait le prix élevé, à l'époque, de douze reichsmarks) ne connut qu'un succès modeste : jusqu'en 1929, seuls 23 000 exemplaires du premier volume et 13 000 du second furent vendus. Après 1930, le tirage augmenta fortement : jusqu'en 1935, il s'en vendra 1,5 million exemplaires. À partir de 1936, il devint le cadeau de mariage de l'État aux couples allemands. Ian Kershaw estime le tirage à environ 10 millions d'exemplaires en allemand jusqu'en 1945, auxquels s'ajoutent les traductions en seize langues étrangères.
Les revenus littéraires d'Hitler lui permirent ainsi de renoncer à son traitement de chancelier en 1933, ce qu'il ne manqua pas de faire valoir dans le cadre de la propagande nazie.
En février 1936 , Bertrand de Jouvenel à l'occasion d'une interviews d'Hitler, demanda pourquoi il n'avait pas modifié les chapitres consacrés à la France avant chaque nouvelles éditions:
« J'étais en prison quand j'ai écrit ce livre, les troupes françaises occupaient la Ruhr. C'était le moment de la plus grande tension entre les deux pays. Oui, nous étions ennemis! Et j'étais avec mon pays, comme il sied, contre le vôtre. Comme j'ai été avec mon pays contre le vôtre durant quatre ans et demi dans les tranchées! Je me m'épriserais si je n'étais pas avant tout Allemand quand vient le conflit...Mais aujourd'hui il n'y a plus de conflit. Vous voulez que je fasse des corrections dans mon livre, comme un écivain qui prépare une nouvelle édition de ses oeuvres? Mais je ne suis pas un écrivain, je suis un homme politique.Ma rectification? je l'apporte tous les jours dans ma politique extérieure toute tendue vers l'amitié avec la France...Ma rectification, je l'écrirai dans le grand livre de l'Histoire! »[1]
[modifier] Rédaction
Le texte originel a été remanié à plusieurs reprises par l'entourage d'Hitler pour lui donner une forme plus cohérente et (un peu) plus lisible.
C'est tout à la fois un document autobiographique, (pour ce qui concerne la vie personnelle, une alternance entre la réalité et la fantasmagorie), le récit de la naissance et du premier développement du parti nazi, et un essai et manifeste politique qui énonce les bases du programme que son auteur appliquera quelques années plus tard quand il sera parvenu à la tête de l'État allemand. Mein Kampf veut expliquer le désir d'extermination de son auteur vis-à-vis des Juifs et les Tziganes par ses théories raciales.
Il annonce sans ambiguïté le programme du parti nazi, fondé notamment sur la volonté de réunification des territoires à population germanique (le pangermanisme) ainsi que la nécessité de s'assurer, en Europe de l'Est, un « espace vital » allemand. Il comporte des menaces précises, qui firent écrire au maréchal Lyautey : « Tout Français doit lire ce livre. »
Selon Adolf Hitler :
- La cartographie de l'Europe issue du Traité de Versailles (« Diktat de Versailles ») est inacceptable, car elle a pour conséquence immédiate l'éclatement des peuples de culture allemande.
- L'Autriche et les minorités allemandes de Tchécoslovaquie et de Pologne doivent être réunies à l'Allemagne dans un seul espace, le « Grand Reich ».
- Pour assurer l'épanouissement du peuple allemand réunifié, il préconise la voie des chevaliers teutoniques : « conquérir par l'épée allemande le sol où la charrue allemande devrait faire pousser le blé pour le pain quotidien de la nation ».
- Pour cela, il faut réarmer le pays et atteindre l'autosuffisance économique par une série de conquêtes territoriales.
- Le nouvel essor de la nation allemande doit se faire notamment au détriment des territoires russes, des pays de l'Europe centrale et danubienne, mais aussi à l'ouest, au détriment de la France qu'il considère comme « inexorable et mortelle ennemie du peuple allemand ».
[modifier] Plan et résumé de l'ouvrage
[modifier] Tome premier : bilan
Préface de l'auteur
- La Maison familiale : « les années d'enfance d'Hitler où il raconte ses premiers émois pan-germanistes et son refus obstiné (contre l'avis de son père) de devenir fonctionnaire, il rêve plutôt à une carrière de peintre. Le chapitre se termine avec la mort de son père et de sa mère et son départ pour Vienne ».
- Années d'études et de souffrance à Vienne : « cinq années difficiles à Vienne où il vit de petits boulots et de son métier de peintre. Premières rencontres avec le syndicalisme et le national socialisme ».
- Considérations politiques générales touchant son séjour à Vienne
- Munich
- La guerre mondiale
- Propagande de guerre
- La Révolution
- Le commencement de mon activité politique
- Le parti ouvrier allemand
- Les causes de la débâcle
- Le peuple et la race
- La première phase du développement du parti ouvrier allemand national-socialiste
[modifier] Tome deux : le mouvement national-socialiste
- Opinion philosophique et parti
- L'État
- Sujets de l'État et citoyens
- La personnalité et la conception raciste de l'État
- Conception philosophique et organisation
- Lutte des premiers temps - L'importance de la parole
- La lutte contre le front rouge
- Le fort est plus fort quand il reste seul
- Considérations sur le sens et l'organisation des sections d'assaut (SA)
- Le fédéralisme n'est qu'un masque
- Propagande et organisation
- La question corporative
- La politique allemande des alliances après la guerre
- Orientation vers l'Est ou politique de l'Est
- Le droit de légitime défense
Conclusion
Le livre est dédié à la mémoire de Dietrich Eckart, le curieux gourou de l'Ordre de Thulé.
[modifier] L'édition française
En 1934, les Nouvelles Éditions Latines — toutes nouvelles de fait, puisqu'elles ont été fondées en 1928 par Fernand Sorlot — publient Mein Kampf en français[2]. L'ouvrage est ramené à un seul volume de 688 pages ; il est sous-titré Mon Combat. En exergue cette phrase du Maréchal Lyautey :
« Tout Français doit lire ce livre. »
Dans l'avertissement des éditeurs, Sorlot souligne que « [ce] livre a eu sur l'orientation soudaine de tout un peuple une influence telle, qu'il faut, pour en trouver l'analogue, remonter au Coran. »
Hitler ayant « obstinément refusé de laisser publier en français [… nous] avons pensé qu'il était de l'intérêt national de passer outre à ce refus, quelles que puissent être pour nous-mêmes et pour la jeune maison que nous avons fondée les conséquences de notre initiative. »
Il objecte encore :
« Les paroles et les écrits publics d'un homme public appartiennent au public. »
et argumente enfin :
« […] M. Frick […] disait ceci : "Pour les nationaux-socialistes, le droit c'est ce qui sert le peuple allemand. L'injustice, c'est ce qui lui porte dommage." Nous avons simplement pris à notre compte cette vigoureuse définition. »
Indiquant qu'Hitler considère la France comme le principal obstacle à ses visées, il le cite :
« Ces résultats ne seront atteints ni par des prières au Seigneur, ni par des discours, ni par des négociations à Genève. Ils doivent l'être par une guerre sanglante. »
L'éditeur, par ailleurs, ne relève pas les menaces très lourdes du livre envers les Juifs et autres populations qui feront l'objet de la solution finale.
La traduction elle-même est intégrale et plutôt neutre, sans notes ni commentaires.
Le Tribunal de commerce de Paris la fera interdire à la vente la même année à la demande de l'éditeur allemand de Mein Kampf. Cette interdiction a peut-être un effet fâcheux sur la préparation des Français à ce qui allait suivre. Après la guerre, Sorlot fut condamné à vingt ans d’indignité nationale pour avoir publié sous l’Occupation les Appels aux Français du maréchal Pétain et d'autres ouvrages collaborationnistes. Il eut encore à son actif la publication d'ouvrages antisémites ou négationnistes.
En 1938, une traduction est autorisée aux Éditions Fayard[3]. Elle est allégée, expurgée, voire carrément falsifiée. Une phrase comme : « […] la France nation impérialiste est l’ennemie mortelle de l’Allemagne […] » y devient « La frontière entre l’Allemagne et la France est définitivement fixée. Les peuples français et allemands égaux en droit ne doivent plus se considérer comme ennemis héréditaires mais se respecter réciproquement. »
[modifier] Quelques points significatifs du livre
Les points suivants sont tous traités dans le livre, mais pas nécessairement dans le même ordre.
- Né près de la frontière entre Autriche et Allemagne, Hitler y voit un signe du destin qu'il doit réunifier tous les peuples de langue germanique, comme Bismarck avait créé en son temps l'Allemagne « par le fer et par le sang ».
- Après sa démobilisation en 1918, il découvre que « presque tous les fonctionnaires étaient juifs, et tout juif fonctionnaire ». Pensant à tous ses camarades soldats morts, il se dit dès ce moment que la défaite est due au seul « arrière » de Berlin, qui s'est peu soucié des sacrifices héroïques des soldats du front et a offert sa capitulation par souci de simple confort.
- Sur le plan organisationnel, il ne cache pas son intérêt pour l'Église catholique d'une part, et sa haine pour la religion juive d'autre part, institutions qui ont largement dépassé les mille ans d'existence.
- Hitler marque une admiration particulière pour la façon dont la hiérarchie catholique maintient sa domination sur les fidèles : « en niant systématiquement les données de la science qui la contredisent », et en imposant somme toute, dirait-on aujourd'hui, « sa propre réalité ». Le docteur Joseph Goebbels retiendra cette leçon.
- En revanche, il dénonce la vision chrétienne du monde comme pernicieuse et propre à affaiblir les qualités germaniques.
- Il développe sa théorie de la chute des civilisations antérieures : la domination se traduit par l'extension territoriale, qui aboutit au métissage, qui à terme se traduit par une « dégénérescence de la race initiale », puis la décadence.
- Il y développe aussi sa vision du racisme : d'après lui, les peuples « inférieurs » ne peuvent espérer survivre qu'en se métissant avec les peuples « supérieurs », en ont l'obsession, et parviennent à leurs fins quand ces derniers sont totalement métissés, et ne constituent plus un danger pour eux. C'est selon lui ce qui commence à se produire en Europe, y compris en Allemagne. C'est là une idée qui a pu être trouvée par exemple chez Gobineau.
- Il raconte la nuit où « la vérité se fit jour dans [son] esprit » et où il « comprit en pleurant jusqu'au matin que le peuple juif travaillait délibérément à la ruine de l'Europe, et de l'Allemagne en particulier » .
- Il annonce sa position sur les rapports relatifs du parti et de la propagande : plus la propagande est efficace et moins il y aura besoin d'avoir de membres dans le parti, ceux-ci étant du même coup à la fois plus sûrs et plus faciles aussi à surveiller.
- Selon son livre,
- les individus handicapés doivent être éliminés (eugénisme actif et non passif) ;
- les peuples « inférieurs » doivent être asservis aux peuples « supérieurs » (dont le peuple allemand) ;
- tout peuple « supérieur » autre que le peuple allemand, s'il en existe, doit lui aussi être éliminé sans délai, car il constitue un danger. Le métissage serait une autre façon de neutraliser leur danger à terme, mais ce serait au prix d'une perte d'identité de la « race ». Il faut interdire le métissage et il faut que le peuple menacé élimine l'autre (note : la Shoah prend à cette lumière une signification toute différente).
- La France est désignée comme un ennemi à abattre pour ses manœuvres anti-allemandes. Dans le même paragraphe, Hitler précise : « Si j'étais Français, j'agirais d'ailleurs exactement de la même façon qu'eux ; mais je suis Allemand ».
- Autre citation : « Notre objectif primordial est d’écraser la France. Il faut rassembler d’abord toute notre énergie contre ce peuple qui nous hait. Dans l’anéantissement de la France, l’Allemagne voit le moyen de donner à notre peuple sur un autre théâtre toute l’extension dont il est capable ».
- L'ancien candidat à l'École des Beaux-Arts se réveille aussi en lui et affirme que de deux choses l'une :
- si les impressionnistes voient vraiment la forêt violette, ils sont malades et il faut les hospitaliser.
- s'ils peignent des choses qu'ils savent être fausses, ce sont des escrocs et il faut les enfermer !
La lecture de ce livre confirme le propos énoncé par Edward Morgan Forster : la Première Guerre mondiale constituait un conflit d'intérêt de peuples qui partageaient tout de même - en tout cas en Europe - les mêmes valeurs. La seconde est d'une toute autre nature et constitue un conflit de valeurs, voire de civilisations.
[modifier] Statut juridique actuel
En Allemagne, l'État de Bavière (qui a hérité de tous les biens d'Hitler) détient les droits d'auteur du texte et les utilise pour empêcher la publication d'éditions complètes et non-commentées (Adolf Hitler étant mort en 1945, son ouvrage ne tombera dans le domaine public qu'en 2015).
Cette situation est à l'origine de débats qui opposent la liberté d'expression à la lutte contre le racisme, ou dans lesquels on présente la diffusion de l'ouvrage comme un moyen de lutter contre le nazisme : diffuser le texte permettrait de mieux faire connaître le contenu de l'idéologie nazie, et donc de mieux lutter contre elle.
En France, la Cour d'appel de Paris a décidé, dans un arrêt du 11 juillet 1979[4], d'autoriser la vente du livre, compte-tenu de son intérêt historique et documentaire, mais assortissant cette autorisation de l'insertion en tête d'ouvrage, juste après la couverture et avant les pages de garde, d'un texte de huit pages mettant en garde le lecteur, notamment en rappelant par quels aspects l'ouvrage « tombe sous le coup » de la loi du 29 juillet 1881 modifiée par la loi du 3 juillet 1972 et notamment de ce qui était à l'époque son article 23, l'alinéa 5 de l'article 24, l'alinéa 2 de l'article 32 et l'alinéa 3 de l'article 33 et en faisant suivre ce rappel des dispositions légales par un survol historique des méfaits du Troisième Reich.
[modifier] Références
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- ↑ Interviews de Bertrand de Jouvenel paru dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février 1936 / Ref. BNF MICR D-uc80
- ↑ Adolf Hitler, Mein Kampf — Mon Combat, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1934, trad. J. Gaudefroy-Demombynes et A. Calmettes, In -8. 688 pp.
- ↑ Adolf Hitler, Ma Doctrine, Arthème Fayard, Paris, 1938. In -8. 344 pp.
- ↑ Instance judiciaire et date de l'arrêt rappelés en première page de l'ouvrage et, sur le Web, dans un article de Pierre Lemieux, titré « Liberté d'expression absolue », publié le 12 juin 1999 dans les colonnes du bimensuel Le Québécois libre, n° 39.
[modifier] Bibliographie
- Othmar Plöckinger, Geschichte eines Buches: Adolf Hitlers "Mein Kampf" 1922-1945 (Histoire d'un livre : le Mein Kampf d'Adolf Hitler 1922-1945), Oldenbourg Wissenschaftsverlag, Munich, 2006. (ISBN 3486579568)
- Adolf Hitler , Mon combat trad. intégrale de Mein Kampf par J. Gaudefroy-Demonbynes et A. Calmettes aux Nouvelles éditions latines en 1934.
- Mein Kampf = mon combat : extraits / Adolf Hitler ; Préf. de Georges Saint-Bonnet aux éditions Vita vers 1936.
- Werner Maser, Mein Kampf d'Adolf Hitler : ouvrage critique traduit par André Vandevoorde aux éditions Plon.
[modifier] Liens externes
- (fr) Mein Kampf, version française, édition de 1934.
Attention : cette version n'est pas précédée des huit pages de contexte exigées en France.
- (de) Mein Kampf, version allemande