Molière
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Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est un auteur et un acteur français de théâtre du XVIIe siècle, baptisé le 15 janvier 1622 (date de naissance indéterminée) et mort le 17 février 1673.
Considéré comme le « patron » de la Comédie-Française, il en est toujours l'auteur le plus joué. Impitoyable pour le pédantisme des faux savants, le mensonge des médecins ignorants, la prétention des bourgeois enrichis, Molière aime la jeunesse qu'il veut libérer des contraintes absurdes. Très loin des rigueurs de la dévotion ou de l'ascétisme, son rôle de moraliste s'arrête là où il l'a défini : « Je ne sais s'il n'est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement »[1], et son but a d'abord été de « faire rire les honnêtes gens »[2]. Il fait donc sienne cette devise qui apparaît sur les tréteaux italiens dès les années 1620 en France, au sujet de la comédie : Castigat ridendo mores – Elle corrige les mœurs par le rire.
Sommaire |
La jeunesse de Molière
Fils d'un tapissier établi rue Saint-Honoré à Paris, Jean-Baptiste Poquelin est baptisé le 15 janvier 1622 à la paroisse Saint-Eustache, vraisemblablement né le même jour ou la veille. Son grand-père l’emmène souvent voir des représentations théâtrales, éveillant en lui le goût pour la comédie. Sa mère, Marie Cressé, meurt en 1632 alors qu'il n'a que dix ans. L'année suivante, il entre au collège de Clermont (actuel lycée Louis-le-Grand). Selon certaines sources, il aurait eu pour condisciple le prince de Conti, qui deviendra l'un de ses protecteurs. Il aurait peut-être également été l'élève du philosophe Pierre Gassendi. Il étudie ensuite probablement[3] le droit à Orléans.
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Le 18 décembre 1637, il prête le serment de tapissier royal, reprenant ainsi la charge de son père auprès de Louis XIII. On ne sait si Molière exerce ou non son nouveau métier, toujours est-il qu'à cette époque il fait la connaissance d'une famille de comédiens, les Béjart, avec qui il se lie. Il fonde avec eux l'« Illustre Théâtre » le 30 juin 1643, qui ouvre au jeu de paume des Métayers en janvier 1644.
Des débuts difficiles
L'Illustre Théâtre a pour directrice Madeleine Béjart, dont Molière s’éprend. En 1644, Jean-Baptiste lui succède sous le pseudonyme de « Molière ». Sur le choix de ce nom de scène, Grimarest, son premier biographe, écrit : « jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis ».
Les débuts de l'Illustre Théâtre sont désastreux. Après plusieurs échecs, les dettes s’accumulent et au printemps 1645, la troupe l’Illustre-Théâtre fait faillite. Molière est emprisonné au Châtelet pour dettes pendant quelques jours. Il quitte Paris et devient comédien de province avec Madeleine Béjart pendant onze ans. Entre janvier 1646 et mars 1657, il joue à Nantes, Albi, Toulouse, Carcassonne, Poitiers, Vienne, Narbonne, Agen, Pézenas, Grenoble, Lyon, Montpellier, Dijon, Avignon, Bordeaux, Béziers, Rouen. Lorsque le Prince de Conti cesse de la soutenir et lui devient même hostile, la troupe va à Rouen puis à Paris en 1658.
De 1645 à 1659, Molière se forme au métier d’acteur et de dramaturge : il écrit des canevas de farces ainsi que deux premières comédies : L’Étourdi (1655) et Le Dépit amoureux (1656) mettant en scène le personnage de Mascarille. Ces deux œuvres montrent une forte influence de la commedia dell'arte italienne.
Le début de la gloire
Molière retourne à Paris, où il loue le jeu de paume du Marais. Protégé par Monsieur, frère du roi, il joue alors devant Louis XIV une tragédie, qui ennuie, et une farce, qui amuse. Molière dispose d'un grand talent comique : sa voix et ses mimiques déclenchent l’hilarité. La troupe de Molière jouit bientôt d'une réputation inégalée dans le comique, et le roi l’installe au Petit-Bourbon, où elle joue en alternance avec la troupe italienne de Scaramouche.
Première des grandes comédies de Molière, Les Précieuses ridicules (1659) remportent un succès éclatant et confirment la faveur du roi. Mais les vieilles précieuses raillées par Molière, outrées, font détruire le théâtre. Le roi installe alors Molière dans un théâtre désaffecté, celui du Palais-Royal.
En 1662, Molière épouse Armande Béjart (fille ou sœur de Madeleine), de vingt ans sa cadette, avec qui il aura un fils Louis, baptisé le 24 février 1664 et mort à huit mois et demi, une fille Esprit-Madeleine, baptisée le 4 août 1665, et un autre fils Pierre, baptisé le 1er octobre 1672 et mort le mois suivant. L'année de son mariage, il s’attaque à un sujet peu courant à l’époque : la condition féminine. L'École des femmes est un triomphe. Mais les dévots, considérant Molière comme un libertin et craignant son influence sur le roi, condamnent L'École des femmes comme une pièce obscène et irréligieuse. Par ailleurs, la protection du roi suscite des jalousies de la part de troupes de comédiens. Molière réplique en ridiculisant ses adversaires dans La Critique de l'école des femmes et L’Impromptu de Versailles.
En 1664, Molière est nommé responsable des divertissements de la cour et anime les Plaisirs de l’Île enchantée : il y donne La Princesse d'Élide qui mêle texte, musique et danse, et recourt à des machines sophistiquées.
Cette même année, Molière crée le Tartuffe, qui dénonce l’hypocrisie religieuse. Le scandale soulevé parmi les dévots est tel que le roi se voit contraint de l'interdire pendant cinq ans. Molière en donnera toutefois quelques représentations privées. Cet épisode est demeuré célèbre sous le nom de « cabale des dévots ».
En 1665, on joue seulement quinze représentations du désormais célèbre Dom Juan. La troupe, soutenue par le roi, devient la Troupe du Roi.
Les dernières œuvres
Pendant les deux années qui suivent, Molière est malade. Il joue irrégulièrement mais continue à écrire, notamment Le Misanthrope, où il y exprime son amertume après sa séparation d'avec Armande, et Le Médecin malgré lui. Il tente alors de jouer à nouveau Tartuffe sous un titre différent, mais la pièce est interdite le lendemain. Molière collabora aussi avec Lully dans la production d’une nouvelle comédie-ballet, Monsieur de Pourceaugnac. En 1668, il crée deux pièces à machines : Amphitryon et George Dandin, ainsi que L’Avare dans un autre style. L’interdiction de représenter le Tartuffe est levée en 1669. La pièce remporte alors un succès considérable. Il écrit aussi Les Fourberies de Scapin en 1671.
Sa dernière pièce est Le Malade imaginaire.
La mort de Molière
Pris de convulsions au cours de la quatrième représentation du Malade imaginaire, Molière expire quelques heures plus tard d'une congestion pulmonaire, le 17 février 1673, chez lui et non pas en jouant cette pièce — comme le veut la tradition —, sans avoir abjuré la profession de comédien, considérée comme immorale par l’Église.
Dans le registre qu'il tient scrupuleusement, La Grange écrit ce jour :
- « Ce mesme jour après la Comédie sur les 10 heures du soir Monsieur de Molière mourust dans sa maison Rue de Richelieu, ayant joué le rosle dudit malade imaginaire fort incommodé d'un rhume de fluction sur la poitrine qui luy causoit une grande toux de sorte que dans les grans efforts qu'il fist pour cracher il se rompit une veyne dans le corps et ne vescut pas demye heure ou trois quarts d'heure depuis ladite veyne rompue. Son corps est enterré à St Joseph, ayde de la parroisse St Eustache. Il y a une tombe eslevée d'un pied hors de terre ».
Trente-deux ans plus tard, Grimarest, le premier biographe de Molière, détaille les circonstances de sa mort, sans y avoir toutefois assisté (il avait 15 ans lors du décès de Molière) :
- « Les Comédiens tinrent les lustres allumez[4], et la toile levée, précisément à quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté ; et la moitié des spectateurs s'aperçurent qu'en prononçant Juro, dans la cérémonie du Malade Imaginaire, il lui prit une convulsion. Aïant remarqué lui-même que l'on s'en étoit aperçu, il se fit un effort, et cacha par un ris forcé ce qui venoit de lui arriver. Quand la pièce fut finie il prit sa robe de chambre, et fut dans la loge de Baron, et lui demanda ce que l'on disoit de sa pièce. Mr Baron lui répondit que ses ouvrages avoient toujours une heureuse réussite à les examiner de près, et que plus on les représentoit, plus on les goûtoit. “Mais”, ajouta-t-il, “vous me paroissez plus mal que tantôt”. “Cela est vrai”, lui répondit Molière, “j'ai un froid qui me tue”. Baron après lui avoir touché les mains, qu'il trouva glacées, les lui mit dans son manchon, pour les réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui ; et il ne quitta point sa chaise, de peur qu'il ne lui arrivât quelque accident du Palais Royal dans la rue de Richelieu, où il logeoit [...]. Un instant après il lui prit une toux extrémement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. Baron aïant vu le sang qu'il venoit de rendre, s'écria avec frayeur. “Ne vous épouvantez point”, lui dit Molière, “vous m'en avez vu rendre bien davantage. Cependant”, ajouta-t-il, “allez dire à ma femme qu'elle monte”. Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le Carême, et auxquelles il donnoit l'hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l'on pouvoit attendre de leur charité, et il fit paroître tous les sentimens d'un bon Chrétien, et toute la résignation qu'il devoit à la volonté du Seigneur. Enfin il rendit l'esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortoit par sa bouche en abondance l'étouffa. Ainsi quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. J'ai cru que je devois entrer dans le détail de la mort de Molière, pour désabuser le public de plusieurs histoires que l'on a faites à cette occasion ».
- « Aussi-tôt que Molière fut mort, Baron fut à Saint Germain en informer le Roi ; Sa Majesté en fut touchée, et daigna le témoigner [...]. Tout le monde sait les difficultez que l'on eut à faire enterrer Molière, comme un Chrétien Catholique ; et comment on obtint en considération de son mérite et de la droiture de ses sentimens, dont on fit des informations, qu'il fût inhumé à Saint Joseph. Le jour qu'on le porta en terre il s'amassa une foule incroyable de peuple devant sa porte [...]. Le convoi se fit tranquillement à la clarté de près de cent flambeaux, le mardi vingt un de février ».
Le lendemain du décès de Molière, sa femme supplie Louis XIV et l'archevêque de Paris d'autoriser un enterrement en terre sacrée. Molière sera enterré la nuit, quatre jours plus tard, au cimetière Saint-Joseph de la paroisse Saint-Eustache, sans cérémonie mais en présence de huit prêtres et huit cents personnes venues y assister.
En 1817, sa dépouille a été transférée au cimetière du Père Lachaise en même temps que celle de La Fontaine.
Polémique sur l'identité
- Article détaillé : Affaire Molière - Corneille.
Pierre Louÿs, lui même amateur de supercheries (voir la génèse de Bilitis), publie dans la revue Comedia du 7 novembre 1919 un article intitulé « Molière est un chef d'œuvre de Corneille ». En comparant l’Amphitryon de Molière et l’Agésilas de Corneille, il soupçonne que Molière n'aurait fait que prêter son nom pour signer des vers écrit par Corneille, et en déduit que Molière n'a peut-être jamais écrit l'œuvre qu'on lui connaît. L'idée est reprise plus tard par quelques écrivains : Henry Poulaille dans Corneille sous le masque de Molière en 1957, les avocats Hippolyte Wouters et Christine de Ville de Goyet dans Molière ou l'auteur imaginaire en 1990 (dont ils tirent une pièce : Le Destin de Pierre créée en 1997 à Bruxelles), Dominique Labbé dans le Journal of Quantitative Linguistics n° de décembre 2001, le romancier Frédéric Lenormand dans L'ami du genre humain en 1993, le dramaturge Pascal Bancou dans L'Imposture comique pièce créée en 2000 au Théâtre de la Huchette, et enfin Denis Boissier dans L'Affaire Molière : la grande supercherie littéraire en 2004.
Certains argumentent qu'un comédien habitué à jouer des rôles légers et comiques ne pourrait pas devenir l'auteur de pièces profondes et complexes comme le sont les dernières pièces de Molière. Mais la plupart du temps c'est sur la similitude de style, ou même l'analyse lexicale, que se basent les théories.
Ses œuvres
Notes
Citations
- « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger » (L'Avare).
- « La faiblesse humaine est d'avoir des curiosités d'apprendre ce qu'on ne voudrait pas savoir » (Amphitryon).
- « On ne voit pas les cœurs » (Le Misanthrope).
- « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » (Tartuffe).
- « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage » (Les Femmes savantes).
- « On ne meurt qu'une fois, et c'est pour si longtemps ! » (Mascarille dans Le Dépit amoureux, acte V scène III).
- « Il nous faut en riant instruire la jeunesse » (Ariste dans L'École des maris, acte I scène 2).
- « Il n'y a point de pire sourds que ceux qui ne veulent pas entendre»
Voir aussi
Articles connexes
- Illustre Théâtre
- Troupe de Molière
- Comédie-Française
- Excommunication des acteurs
- Affaire Molière - Corneille
- Nuit des Molières
- Claas Hugo Humbert
Bibliographie
- Grimarest, La Vie de M. de Molière, Paris, Le Febvre, 1705. Réédition critique de Georges Mongrédien, Paris, M. Brient, 1955, et Slatkine, 1973.
- A. J. Guibert, Bibliographie des œuvres de Molière publiées au XVIIe siècle, CNRS, Paris, 1961–1973, 2 vol. + suppléments.
- Madeleine Jurgens et Elisabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, Archives Nationales, 1963.
- Roger Duchêne, Molière, Fayard, Paris, 1998 (ISBN 2-213-60040-6).
Liens externes
- Biographie détaillée de Molière
- Tout Molière : biographie, bibliographie, filmographie, un dictionnaire des termes moliéresques et l'intégralité des œuvres commentées
- Sur In Libro Veritas, toutes les œuvres de Molière à lire en ligne ou à télécharger gratuitement en pdf
- Biblioweb : les œuvres de Molière résumées et commentées, ainsi que la biographie
- Molière, ses œuvres et leurs représentations sur le site CÉSAR
- Ressources et documents sur Molière
- Biographie de Molière à la Comédie-Française
- À propos de son pseudonyme, sur le site de la Comédie-Française
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