Réalité
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Le mot réalité désigne plusieurs choses. Les éléments effectifs qui constituent le monde, le monde dans son ensemble, ou ce qui est donné, ce qui est actuel dans la représentation. Les problèmes que pose ce concept sont des problèmes fondamentaux pour la science et la philosophie, mais la détermination de son sens semble être une tâche bien au-delà de nos facultés. La question la plus générale est de savoir ce que nous pouvons tenir pour réel, si une telle chose existe.
Néanmoins, certaines distinctions permettent de mieux cerner les sens de ce concept ; ainsi, on distingue (mais suivant les points de vue) classiquement la réalité :
- de l'apparence et de l'illusion
- du possible
- de l'intelligible
- du relatif et du phénoménal
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[modifier] Étymologie
L'étymologie renvoie au latin res, la chose. Une ligne possible de discussion repose sur la dichotomie chose - objet (par exemple, Bruno Latour). Une autre peut s'intéresser à celle entre réalité et vérité. Une troisième dichotomie féconde est celle entre objet et sujet. Ces oppositions ont donné naissance à diverses philosophies se partageant le nom de réalisme.
Il s'agit en fait tout au plus d'une conjecture : en effet, le concept n'est pas réfutable.
La définition naïve : la réalité est ce qui existe indépendamment du sujet, ce qui n'est pas le produit de la pensée, et qui est l'objet d'études des sciences (ce qui a aussi été appelé Nature), est donc intenable.
La science moderne s'intéresse en effet à des phénomènes reproductibles, et donc à des protocoles expérimentaux. Ces expériences nécessitent un sujet, un expérimentateur, ainsi qu'une ponction d'énergie, sous une forme particulière.
Des artéfacts, des conventions, des choses (au sens que donne Latour à ce mot pour désigner des entités abstraites par opposition aux objets concrets), peuvent donner lieu à ces phénomènes reproductibles, et donc accéder à la réalité. C'est le sens du titre de Herbert Simon : Les Sciences de l'artificiel.
Berkeley est un précurseur de cette approche avec sa devise Esse est percipi.
[modifier] Réalité sensible et croyance
Une réponse spontanée à la question de savoir ce qui correspond à la réalité est : ce qui est donné par les sens, donc ce que l'on voit, ce que l'on touche, etc. On peut appeler cette position le réalisme naïf. Mais il y a au moins deux sens à cette réponse : ou bien les données des sens sont réelles du fait d'une certaine idée de la réalité (la doxa), ou bien ils sont la réalité. Dans les deux cas, qui en fait sont liés, la réalité sensible se révèle insaisissable et trompeuse. En effet, dans le premier cas le sensible est ontologiquement inconsistant, il n'est qu'un reflet du réel véritable, son statut de réalité est difficile à déterminer ; dans le second cas, qui n'est guère éloigné du premier, le sensible est changeant, les réalités que nous y saisissons dépendent de la relation que nous avons avec elles, et les sens sont une source d'illusion. La réalité en elle-même est inconsistante. On voit donc que ces deux cas rencontrent le même type de problème qui met en cause le réalisme naïf.
Ces difficultés révèlent qu'ici la réalité est d'abord une affaire de croyance; nous tenons quelque chose pour réel, le sensible, mais sitôt que les phénomènes se montrent contradictoires, cette croyance est ébranlée, le statut de la réalité sensible devient problématique. Il semble même impossible d'identifier sensible et réalité.
Une théorie, nommé solipsisme, de J. Hamburger, émettait l'hypothèse qu'il n'y aurait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui-même...
[modifier] La réalité en soi et le scepticisme
Face à ces difficultés, il est possible d'identifier trois grands types de réponses :
- l'hypothèse d'une réalité derrière ou au-delà de la « réalité » sensible : solution de type platonicienne, qui fait de l'intelligible la réalité ;
- la suppression de l'idée même de réalité, en tant que croyance en quelque chose de substantiel : c'est le scepticisme de la connaissance, pour lequel nous ne connaissons que des phénomènes. Ainsi, une chose a telle ou telle qualité parce que nous la voyons ainsi, et il est inutile de supposer une réalité de la chose en dehors de ce que nous en percevons. La réalité, en ce sens, appartient à ce qui a le plus de permanence dans le devenir, autrement dit, la réalité n'est pas dans la consistance, mais dans la durée.
- la même solution que précédemment, mais en maintenant l'existence de choses extérieures, que nous ne pouvons connaître. Certes, nous ne connaissons que la réalité phénoménale. Mais il serait absurde de supposer des phénomènes qui soient phénomènes de rien ; il faut donc que le phénomène soit une relation entre une chose inconnaissable en elle-même (donc une réalité indépendante de nous) et un sujet connaissant.
[modifier] La réalité dans les sciences
- La question de savoir ce qu'est une table en réalité ne présente aucun sens. Il en va de même ainsi de toutes les notions physiques. L'ensemble du monde qui nous entoure ne constitue rien d'autre que la totalité des expériences que nous en avons. Sans elles, le monde extérieur n'a aucune signification. Toute question se rapportant au monde extérieur qui ne se fonde pas en quelque manière sur une expérience, une observation, est déclarée absurde et rejetée comme telle. (Max Planck, L'image du monde dans la physique contemporaine).
[modifier] Définition de Richard Dawkins
Richard Dawkins estime qu'on peut définir la réalité comme ce qui vous riposte quand on donne un coup de pied dedans (« Reality is what can kick back »). C'est selon lui le seul critère qui permette de la distinguer sans discussion possible de l'illusion.
Cette définition particulière a pour effet de définir par exemple comme réelles :
- La réalité virtuelle (ce qui justifie d'ailleurs l'emploi du terme de « réalité »)
- Les nombres premiers; en effet, aucune décision arbitraire ne peut empêcher un nombre premier de l'être, ni deux personnes qui n'ont jamais communiqué ensemble et vivent sur deux continents différents de découvrir les mêmes sans jamais s'être concertés.
Cette position est voisine de celle de l'écrivain Philip K. Dick pour qui « la réalité, c'est ce qui continue à s'imposer à vous quand vous cessez d'y croire ».
[modifier] Le réel en psychanalyse
- Article détaillé : Réel symbolique imaginaire.
La psychanalyse étudie une «réalité psychique» : elle donne le statut de réalité à l'esprit et l'étudie tout comme un lieu ou un appareil, composé de différents phénomènes, systèmes ou instances. Sigmund Freud compara par exemple cette réalité à une ville réunissant anciens monuments et bâtiments modernes. La psychanalyse ne discrédite cependant pas l'idée d'une «réalité extérieure» ; il s'agit en fait de redonner sa place au psychique.
Selon le psychanalyste Jacques Lacan, le réel est ce qui fait retour, et dont pourtant nous ignorons tout. Ce réel est «situé entre» le symbolique et l'imaginaire : c'est au moment de l'acquisition de la capacité de symbolisation que le réel intervient, se plaçant entre le «fantasme cru» et la représentation.
[modifier] Informatique et réalité
Le philosophe Nick Bostrom affirme qu'en vertu de l'évolution des performances informatiques, nous sommes probablement des êtres simulés :
- il sera bientôt possible de simuler la vie (à l'instar du jeu vidéo Les Sims)
- si c'est possible, l'utilisation massive des simulations fera que le nombre d'êtres simulés deviendra rapidement largement supérieurs au nombre d'êtres réels...
- ... nous avons donc toutes les chances d'être simulés !
Voir l'article dans la revue Pour la Science : [réels]
[modifier] Bibliographie
- Platon, La République
- Descartes, Méditations Métaphysiques
- Berkeley, Principes de la connaissance humaine
- Hume, Traité de la nature humaine
- Clément Rosset, "Le réel" et "Le réel et son double"
- Mona Chollet, "La Tyrannie de la réalité"
[modifier] Voir aussi
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