Judéo-arabe
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En linguistique, le terme "judéo-arabe" regroupe l'ensemble des dialectes parlés par les Juifs sépharades et mizrahim vivant ou ayant vécu dans des pays de langue arabe, empruntant généralement la forme de l'arabe parlé dans la ou les régions dans lesquelles ces Juifs avaient résidé, et qu'ils emportaient au cours de leurs migrations; souvent incompréhensibles pour les Arabes musulmans, ces langues étaient le plus souvent transcrites en caractères hébraïques légèrement modifiés pour les accommoder au système de lecture arabe, incluant souvent les points distinguant les consonnes dans l'alphabet arabe pour noter des phonèmes inexistants en hébreu. L'alphabet arabe lui-même était assez peu utilisé.
Les langues judéo-arabes furent donc naturellement les idiomes de prédilection des auteurs juifs, tant pour une diffusion aisée auprès de leurs coreligionnaires que pour un certain secret vis-à-vis de leurs voisins. Une importante partie d'ouvrages rabbiniques fut originellement écrite en judéo-arabe.
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[modifier] Histoire
Les dialectes judéo-arabes (Al Yahudiyya) furent parlés dans la péninsule arabique, avant même les conquêtes islamiques. Il n'est pas certain que celles-ci aient contribué directement à leur propagation, bien qu'elles se soient accompagnées de migrations de Juifs emportant leur langage. Toutefois, les dialectes naquirent pour la plupart par adoption puis adaptation de la langue des conquérants.
Vers la fin du quinzième siècle de l'ère commune (coïncidant avec l'arrivée en terre d'Islam des Juifs d'Espagne et du Portugal), les Juifs commencent à se dissocier des Arabes, aussi bien dans la langue que dans la culture. Le judéo-arabe devient alors plus dialectal, et de plus en plus de travaux apparaissent en Hébreu.
[modifier] Œuvres importantes rédigées en judéo-arabe
Nombre de textes fondamentaux de la pensée juive médiévale furent à l'origine rédigés en judéo-arabe "classique", de même que certains ouvrages halakhiques et que certains commentaires bibliques. Ce n'est que plus tard qu'ils furent traduits en hébreu médiéval, principalement par les communautés juives provençales, en particulier celle de Lunel, et purent être lus en Europe par les juifs ashkénazes.
Parmi les œuvres les plus notables :
- l'Emounot Vedeot de Saadia Gaon, son Tafsir (commentaire biblique sous forme de traduction), et son siddour (pour les portions explicatives, les prières étant rédigées en Hébreu ou en Araméen)
- le Tikkoun Middot HaNefesh de Salomon ibn Gabirol, dit Avicebron
- le Hovot Halevavot de Bahya ibn Paquda
- le Kuzari de Juda Halevi
- le Commentaire sur la Mishna, le Sefer Hamitzvot, le Guide des égarés et de nombreuses lettres et essais plus courts de Maïmonide. À contrario, son grand-œuvre halakhique, le Mishneh Torah fut rédigé en hébreu mishnique, ce qui lui fut acerbement reproché.
[modifier] Les langues judéo-arabes de nos jours
Dans les années qui suivirent la Guerre israélo-arabe de 1948, la plupart des Juifs arabophones résidant en pays arabe émigrèrent, principalement pour la France et Israël. Leurs dialectes judéo-arabes dépérirent dans ces nouveaux pays, et sont de nos jours menacés d'extinction, la quasi-totalité des descendants de ces Juifs ayant aujourd'hui le français ou l'hébreu moderne comme langue maternelle.
[modifier] Caractéristiques
À l'instar du monde arabe en général, le dialecte des Juifs arabophones variait en fonction de leur lieu de résidence, dans des proportions plus importantes que les variations entre les différents dialectes judéo-espagnols ou judéo-allemands. Par exemple, la langue des Juifs de la côte septentrionale du Maroc n'est pas un dialecte judéo-arabe mais judéo-espagnol, appelé ladino occidental ou haketia, le ladino oriental étant le ladino "classique". Les Juifs habitant la partie méridionale du Maroc parlaient une variante juive de l'arabe marocain.
Les dialectes arabes des communautés juives différaient de l'Arabe de leurs voisins musulmans :
- en partie du fait d'emprunts à l'Hébreu ou à l'Araméen, principalement dans les domaines culturels et rituels, mais aussi dans la phonologie, la morphologie, et la syntaxe. Par exemple,
- le Ila arabe était souvent utilisé par analogie au marqueur direct hébreu d'objet ett.
- des locutions typiquement arabes entrecoupées d'hébreu, comme ליגי וקת אל משיח Li iji oukt Mashiah, afin que le temps du Mashiah arrive
- à l'inverse des locutions typiquement hébraïques ou judéo-araméennes entrecoupées d'arabe comme בנאדר ברק Bnadir Braq, "traduction" judéo-arabe de Bnei Brak
- une prononciation de mots ou noms hébreux arabisée: Massa pour matsa, Amin pour amen
- une prononciation de mots ou noms arabes hébraïsée : Zenzlane pour Jenjlane, le son J n'existant pas en hébreu[1]
- et d'autre part du fait de leur géographie reflétant l'histoire des migrations juives. Par exemple, le Judéo-arabe des Juifs d'Égypte, y compris des Juifs cairotes, ressemblait au dialecte alexandrin, qui est plus proche de l'Arabe maghrébin que de l'arabe égyptien. De même, l'idiome des Juifs de Baghdad ressemblait davantage à l'Arabe de Mossoul, proche de l'Arabe syrien, qu'à l'Arabe irakien.
Par exemple, "J'ai dit" se dit qeltou dans le dialecte des Juifs et des Chrétiens d'Irak, comme à Mossoul ou en Syrie, tandis que les Musulmans disent guilit.
[modifier] Expressions usuelles dans un dialecte judéo-arabe : le judéo-marocain
Traduction française | Translittération | Judéo-marocain[2] |
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Bonjour | šlāma | שלמה |
Salut à toi | šlāma ʿlik | שלמה עליכ |
Au revoir | bšlāma (ʿlik) | ( בשלמה (עליכ |
Merci | mersi | מרסי |
Oui | ēywa | ייוה |
Non | lā | לא |
Comment allez-vous ? | āš iḫbark? | אשכברכ? |
Bien / Pas de problème | lābaš | לבש |
Bien, merci | lābaš, mersi | לבש, מרסי |
Bien, Dieu Soit loué | lābaš, hamdul'Illah | לבש, המדול'ילה |
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
- les langues judéo-berbères (en:Judeo-berber language)
- Teimani (dialecte des Juifs du Yemen)
[modifier] Liens externes
- Histoire et description du judéo-arabe (en anglais).
- sur la littérature judéo-arabe (en anglais).
- Certains Piyoutim en judeo-arabe dans le site Torat Emet du Rav Zermati.
- ↑ Tous ces exemples sont tirés du site dafina.net sur le judéo-arabe, le judéo-arabe marocain en particulier.
- ↑ Le Maghreb ayant fait partie de l'empire colonial français, ce dialecte emprunte à l'arabe, l'hébreu, l'araméen, mais aussi au français.