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Le Livre noir du communisme - Wikipédia

Le Livre noir du communisme

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le Livre noir du communisme
Auteur Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panné, Andrej Packowski, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin
Genre Histoire
Pays d’origine (petit drapeau) France
Éditeur Robert Laffont
Date de parution 1997
Nombre de pages 846
ISBN 2-221-08-204-4

Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression (1997) est un ouvrage rédigé par un collectif d'universitaires, publié chez Robert Laffont. Rédigé pour marquer le quatre-vingtième anniversaire de la Révolution russe de 1917, il entend dresser un bilan des victimes du « communisme » (il est cependant précisé dans le livre qu’il s’agit en fait de parler des « régimes se réclamant du marxisme-léninisme »[1]).

Succès commercial, traduit en plusieurs langues, le livre a provoqué deux violentes polémiques : la première parmi les auteurs au sujet du chapitre introductif (dont le contenu a été plus médiatisé que le reste de l’ouvrage), la deuxième concernant plus largement l'ensemble de l'ouvrage.

Sommaire

[modifier] Contenu

Les auteurs sont Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panné, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin et Andrzej Paczkowski. Ont également collaboré Rémi Kauffer, Pierre Rigoulot, Pascal Fontaine, Yves Santamaria et Sylvain Boulouque.

Le livre décrit sur 840 pages les crimes commis par les États dont les dirigeants se sont revendiqués du communisme : États léninistes ou « marxiste-léninistes ». Les principales parties concernent l’URSS sous Lénine puis Staline, et la Chine sous Mao Zedong.

En particulier, l'étude du système de l'URSS confirme que le processus de terreur s'est mis en place peu après la prise du pouvoir par Lénine, avant même la guerre civile, avec la création de la tchéka, l'interdiction progressive des journaux d’opposition, l'arrestation et exécution de nobles, bourgeois, mencheviks, SR de gauche, anarchistes et paysans, la répression brutale des grèves ouvrières, ou de révoltes (Kronstadt)[2].

Les différents auteurs ont employé des dossiers récemment ouverts du KGB qui n'avaient jamais pu être utilisés par des historiens[réf. nécessaire]. Le livre a apporté de nouvelles informations sur les répressions en Europe de l'est.

Plus précisément, les faits décrits dans le livre incluent :

- Les goulags, camps de travail forcé, principalement de 1930 à 1953.
- La grande famine de 1932-1933.
- L'arrestation de communistes anti-staliniens (y compris non russes), l'assassinat de milliers d'entre eux à partir de 1934 (principalement en URSS mais aussi à l'étranger).
- Les « grandes purges » de 1936-1938.
- L'invasion de la Pologne pendant l'application du pacte germano-soviétique (1939-1941).
- Les déplacements forcés de populations.

- La famine sans précédent de 1959-1961, conséquence de l'échec du « grand bond en avant ».
- Les laogais, camps de travail forcé, principalement de 1954 à 1978.
- La « révolution culturelle », décrite comme étant une « guerre civile, ouverte ou larvée ».
- L'occupation du Tibet.

  • Corée du nord : Les répressions exercées par le régime dictatorial de la « République populaire démocratique de Corée », depuis sa mise en place en 1948.
  • Cambodge : La déportation, puis l'élimination d'une grande partie de la population urbaine par le régime des Khmers rouges, au pouvoir de 1975 à 1979.
  • Cuba : Les emprisonnements et condamnations à mort depuis la prise de pouvoir par Fidel Castro en 1959.
  • Afghanistan : L'intervention militaire de l'URSS de 1979 à 1989.

Stéphane Courtois s'est livré à une comptabilisation du nombre de morts. Les chiffres utilisés et le principe même d'addition de causes de mort parfois très différentes a été sujet d'une polémique.

[modifier] Dissensions entre auteurs

La moitié des auteurs — Nicolas Werth, Jean-Louis Margolin et Karel Bartosek — ont protesté publiquement contre le chapitre introductif de Stéphane Courtois, ils y refusent son rapprochement du génocide nazi et de la répression stalinienne, ainsi que le calcul du nombre de victimes, dont ils contestent à la fois l’opportunité et les chiffres utilisés, qui pour certains sont leurs chiffres mais augmentés sans raison par Courtois.

Dans un article du Monde daté du 14 novembre 1997, Nicolas Werth et Jean-Louis Margolin listent les principaux points mis en cause du chapitre introductif : « la centralité du crime de masse dans les pratiques répressives des communismes au pouvoir ; l'assimilation entre doctrine communiste et mise en application de celle-ci, ce qui fait remonter le crime jusqu'au coeur même de l'idéologie communiste ; l'affirmation qui en découle de la grande similitude du nazisme et du communisme, tous deux intrinsèquement criminels dans leur fondement même ; un chiffrage des victimes du communisme abusif, non clarifié (85 millions ? 95 ? 100 ?), non justifié, et contredisant formellement les résultats des coauteurs sur l'URSS, l'Asie et l'Europe de l'Est (de leurs études, on peut tirer une « fourchette » globale allant de 65 à 93 millions ; la moyenne 79 millions n'a de valeur que purement indicative). » Ils ajoutent : « On chercherait cependant en vain, dans le chapitre introductif comme dans le reste de l'ouvrage, la discussion serrée et approfondie que nécessiteraient des questions aussi complexes et délicates que la comparaison entre fascisme et communisme, ou la présence de potentialités terroristes dans la théorie marxiste elle-même. Nous n'entendons pas disqualifier ces indispensables questionnements. Mais, tout simplement, notre livre ne porte pas là-dessus. »

Nicolas Werth estime que : « le crime est certes une composante essentielle [du communisme], mais le mensonge qui a permis l’occultation de la terreur me paraît plus central que le crime lui-même. »[3] Jean-Louis Margolin va dans le même sens : « Cela [l'analyse de Stéphane Courtois] revient à enlever son caractère historique au phénomène. Même si le terreau communiste peut aboutir aux crimes de masse, le lien entre doctrine et pratique n'est pas évident, contrairement à ce que dit Stéphane Courtois »[4]. MM. Werth et Margolin reprochent à M. Courtois son « obsession d'arriver aux cent millions de morts ». M. Werth décompte ainsi quinze millions de victimes en URSS, alors que Stéphane Courtois, dans son introduction, parle de vingt millions ; M. Margolin explique « qu'il n'a jamais fait état d'un million de morts au Vietnam », contrairement à ce qu'écrit M. Courtois[5].

Des auteurs menacent de poursuite l'éditeur avant la sortie de l'ouvrage. Jean-Louis Margolin obtient le changement du titre, qui devait être Le Livre des crimes communistes, et l'adjonction du sous-titre[6].

Karel Bartosek et Nicolas Werth démissionnent de la revue Communisme fondée par Stéphane Courtois, Bartosek dit protester non contre le livre mais pour refuser « absolument toute approche idéologique et politique de ces souffrances »[7].

M. Courtois répond que « c'est une équipe entièrement de gauche et qui, parce qu'elle est de gauche, se pose des questions. »[8]

[modifier] Débat sur l'ouvrage

Les critiques du Livre noir considèrent qu'il emploie le terme vague de « communisme » pour se rapporter à une grande variété de différents systèmes.

Un certain nombre de critiques estiment que les régimes mentionnés dans le livre n'étaient pas communistes. Ce n'est pas une idée nouvelle : la question de savoir si les États concernés sont réellement allés vers le communisme est ouverte depuis leur apparition. Stéphane Courtois propose, pour justifier le titre, une définition d'un « État communiste » comme un État gouverné par un seul parti qui se proclame ouvertement d'inspiration marxiste-léniniste.

L'éditeur Maurice Nadeau, dans La Quinzaine littéraire, a considéré le livre comme « une escroquerie » : « l'escroquerie réside en ce que ce collectif d'auteurs appelle "communisme" ce qui en est précisément le contraire ». « Où donc ont-ils fait leurs classes ces "historiens" ? Pour quelques-uns, tiens, pardi ! chez Staline précisément ». « Nos "historiens et universitaires" s'obstinent à appeler "communisme" ce qui en bonne langue française et en connaissance honnête de l'Histoire s'appelle "stalinisme", pour les Chinois "maoïsme", pour les Cambodgiens "Khmers rouges". Quand on fait la publicité d'un livre sur des millions de cadavres on n'a pas le droit de jouer sur les mots »[9].

Le journaliste Gilles Perrault, dans Le Monde diplomatique, a précisé le fait que l'histoire et les traditions locales ont joué, dans chaque cas, un rôle important, et que le livre regroupe des phénomènes historiques trop différent pour être objet d'une condamnation unique : « Par quelle aberration peut-on englober dans la même condamnation des sandinistes nicaraguayens qui remirent démocratiquement en jeu leur pouvoir et les fous furieux du Sentier lumineux ? ». Il regrette que le livre ne discute pas du rôle des Etats-Unis dont l'obstruction est selon lui cause d'échec de plusieurs expériences communistes[10].

À Alain Blum qui qualifie le livre de « négation de l'Histoire »[11], Nicolas Werth répond : « N'existe-t-il pas bel et bien un terreau commun, un noyau dur constitué par des pratiques politiques fondées, dans tous les pays qui se sont réclamés du communisme, sur de larges et terribles séquences répressives, voire, à certains moments, massivement criminelles, sur l'exclusion de catégories sociales entières, sur « une culture de guerre civile », sur l'idée centrale de l'« exacerbation de la lutte des classes » au fur et à mesure que l'on progresse vers le but idéal, sur un certain nombre de mythes modernisateurs porteurs d'une violence extrême contre « un vieux monde » à abattre (y compris dans le Cambodge de Pol Pot qu'Alain Blum oppose abusivement, sur ce dernier point, à la Chine) ? » Il en conclue que « ces similitudes suggèrent que l'objet « système communiste » est bien autre chose qu'une simple catégorie idéologique. »[12]

Stéphane Courtois rejette vivement l'idée qu'il assimilerait nazisme et communisme[13], accusation faite selon lui pour discréditer toute approche comparative[14]. Il réplique à ses détracteurs que « Face au Livre noir, nombre de communistes admettent désormais que le communisme réel a été « monstrueux », voire meurtrier en masse, mais ils soutiennent que l'idéal serait sauf et exempt de toute responsabilité dans la tragédie. » Il cite Jacques Julliard : « Voir les derniers marxistes de ce pays se réfugier dans une morale de l'intention restera, pour qui aime à rigoler, une des rigolades de cette fin de siècle. »

Il poursuit : « il n'était pas dans notre propos d'examiner en quoi la théorie marxiste pouvait, en tant que telle, avoir eu un rôle dans les crimes du communisme au XXe siècle. Cette question est cependant légitime. Ainsi, en 1872, Bakounine dénonçait l'idée de dictature du prolétariat comme l'institution d'« un poste d'ingénieur en chef de la révolution mondiale », qui mènerait inéluctablement à l'asservissement des masses. » Il distingue ensuite communisme et marxisme au profit du second : « D'ailleurs, nombre de marxistes de la fin du XIXe siècle et de la IIe Internationale, tous imprégnés de culture démocratique et de respect de la personne humaine, furent parmi les premiers à dénoncer avec force l'expérience léninienne. A Tours en 1920, s'adressant à ses camarades socialistes qui allaient fonder le PCF, Léon Blum analysait « l'ensemble doctrinal » proposé par l'Internationale communiste : « Votre dictature n'est plus la dictature temporaire. (...) Elle est un système de gouvernement stable, presque régulier dans votre esprit. (...) C'est dans votre pensée un système de gouvernement créé une fois pour toute. (...) Vous concevez le terrorisme comme moyen de gouvernement. » Il nous semble donc abusif d'assimiler l'idéologie communiste à l'idéologie marxiste, nombre de marxistes parmi les plus éminents ayant combattu le communisme de Lénine. »

« L'idéologie communiste, Lénine l'a définie. Cette doctrine, bientôt codifiée en « marxisme-léninisme » par Staline, est une doctrine d'élimination de la « bourgeoisie » (puis d'autres classes sociales, en premier lieu des fractions de la paysannerie), de dictature du prolétariat (devenue en fait dictature sur le prolétariat), de guerre civile permanente, d'agression et d'expansion par les armes du système soviétique. »[15]

[modifier] Réception

Le livre dépasse immédiatement ses objectifs de vente (seulement 19.000 exemplaires initiaux). Trois ans après sa vente, il est diffusé à 700.000 exemplaire et est traduit en 16 langues[16].

En France et, dans une moindre mesure, en Allemagne et en Italie, le livre a parfois été jugé sévèrement, suscitant des débats très animés. Par contre, le Livre noir a été reçu plus favorablement dans les ex-Pays de l'Est, suscitant de nombreux débats, traductions et poussant même des historiens à proposer des compléments (RDA, Roumanie, pays Baltes...). Ces compléments ont été recueillis dans Du Passé, faisons table rase (Robert Laffont, 2002), ouvrage prolongeant le livre initial. Dans la préface, Stéphane Courtois revient longuement sur les polémiques suscitées en France par la publication du Livre noir.

Selon le World Socialist Web Site (structure trotskiste), le livre « jette arbitrairement ensemble des phénomènes historiques complètement différents tels que la guerre civile de 1918-21, le collectivisation obligatoire et la Grande Terreur en Union soviétique, le règne de Mao en Chine et Pol Pot au Cambodge, le gouvernement militaire de l'Éthiopie aussi bien que de divers mouvements politiques latino-américains, des sandinistes au Nicaragua au Sentier lumineux du Pérou[17]. »

Le Livre noir du capitalisme, publié par le Temps des Cerises en 1998, tente d’apporter une réplique au livre.

Le Siècle des communismes, publié par les Éditions de l'Atelier en 2000[18], est un ouvrage historique qui part de l’idée que « le communisme est une réalité autrement plus complexe. L’heure est venue d’interprétations plus distanciées et plus lucides. »

[modifier] Notes et références

  1. Le Livre noir du communisme, p. 823.
  2. Faits qui avaient déjà été étudiés, notamment par Jacques Baynac : La Terreur sous Lénine (1917-1924), Sagittaire, 1975. L’auteur de cette partie du Livre noir, Nicolas Werth, précise qu’il « n’a pas la prétention de présenter des révélations sur l’exercice de la violence d’Etat en URSS » qui « a déjà été, depuis longtemps, explorée par les historiens » (Livre noir du communisme, p. 289).
  3. Dans un entretien pour L'Humanité
  4. Le Monde, 31 octobre 1997
  5. Le Monde, 31 octobre 1997
  6. Le Monde, 31 octobre 1997
  7. Le Monde, 31 octobre 1997
  8. Le Monde, 31 octobre 1997
  9. La Quinzaine littéraire n° 728, décembre 1997.
  10. Gilles Perrault, « Loin de l’Histoire, une opération à grand spectacle. Communisme, les falsifications d’un "livre noir" », Le Monde diplomatique, décembre 1997.
  11. Le Monde, 18 novembre 1997
  12. Le Monde, 27 novembre 1997
  13. Selon Nicolas Werth : « Plus on compare le communisme et le nazisme, plus les différences sautent aux yeux. », Le Monde, 21 septembre 2000.
  14. Le Monde, 20 décembre 1997
  15. Le Monde, 20 décembre 1997
  16. Le Monde, 21 septembre 2000
  17. (en) Ulrich Rippert, « The spectre returns! A political evaluation of Schwarzbuch des Kommunismus (The Black Book of Communism) », World Socialist Web Site, 15 juillet 1998.
  18. Le Siècle des communismes, réédition augmentée, Seuil, 2004. Voir aussi un entretien avec trois des auteurs.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Article connexe

[modifier] Liens externes

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