Force de dissuasion nucléaire française
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L'histoire de la Force de dissuasion nucléaire française aussi nommée Force de frappe commence officiellement en 1958, pendant la Guerre froide, lorsque que le Général de Gaulle décide de doter la France d'une force de dissuasion nucléaire.
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[modifier] Objectifs
La base de la doctrine française est la volonté de conférer à l’arme nucléaire un rôle fondamentalement politique. Il s’agit « d’empêcher la guerre » : l’arme nucléaire ne saurait être un moyen de coercition ou une « arme d’emploi », c’est-à-dire une arme utilisable au même titre que les autres. Mais il s’agit également de pouvoir affirmer, sur la scène internationale, que la France ne dépend d’aucune autre puissance pour ce qui est de sa survie.
Une directive présidentielle du 16 décembre 1961 demandait que les forces nucléaires soient capables « d’infliger à l’URSS une réduction notable, c’est-à-dire environ 50 %, de sa fonction économique ». L'attaque de la France ne saurait ainsi se montrer rentable. Une déclaration au commencement du projet de Charles de Gaulle explique cet objectif : « Dans dix ans, nous aurons de quoi tuer 80 millions de Russes. Eh bien je crois qu'on n'attaque pas volontiers des gens qui ont de quoi tuer 80 millions de Russes, même si on a soi-même de quoi tuer 800 millions de Français, à supposer qu'il y eût 800 millions de Français ».
Dans ses mémoires, l'ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing mentionne un ordre de grandeur analogue, en précisant qu’il avait retenu « comme objectif pour notre frappe stratégique la destruction de 40 % des capacités économiques de l’Union soviétique situées en-deçà de l’Oural et la désorganisation de l’appareil de direction du pays ».
Le 19 janvier 2006, le Président de la République Jacques Chirac, en déplacement sur la base de sous-marins nucléaires de l'Île-Longue, confirme (suite à son discours de juin 2001) que l'utilisation de l'arme nucléaire contre « les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous » et également « à ceux qui envisageraient d'utiliser des armes de destruction massive » pourrait être envisagée. Cependant, il insiste bien sur le fait que l'arme nucléaire n'est pas une arme conventionnelle. Et que la France, dans l'optique de limiter au maximum l'impact sur les civils, se dote de missiles ayant plus de souplesses, de flexibilités et de précisions, comme le missile M-51 (mer-sol) et l'ASMPA (air-sol).
Dans ce discours, le Président a notamment précisé que les intérêts vitaux de l'État, défendus par la force de frappe, comprennent également les pays alliés de la France, ouvrant ainsi la voie à une véritable défense européenne. En réaction, Daniel Cohn-Bendit, président du groupe Vert au Parlement européen, affirmait qu'« il est hors de question que l'Allemagne intègre une stratégie nucléaire », et « la proposition est tout sauf européenne : si l'Iran est un problème, c'est à l'Union de régler le problème, pas à la France ».
[modifier] Historique
C'est avec l'ordonnance 45-2563, du 30 octobre 1945 (presque trois mois après l'explosion d'une bombe atomique sur Hiroshima), signé par le général De Gaulle, qu'est créé le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cet établissement a pour mission d'effectuer des "recherches scientifiques et techniques en vue de l'utilisation de l'énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale".
Les forces françaises eurent l'occasion de s'exercer au maniement d'armes nucléaires avec des armes tactiques américaines dans le cadre de l'OTAN, notamment avec des bombardiers SO.4050 Vautour de l'armée de l'air française qui eurent des armes "sous double clefs" dans les années 1950.
En 1959 est créée la Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques (SEREB), le mandataire de l'État et maître d'œuvre des futurs systèmes d'armes de la Force nucléaire stratégique (FNS). Un an plus tard, la SEREB collabore avec les sociétés Nord-Aviation et Sud-Aviation et établit les programmes des « Études Balistiques de Base » (EBB), dits des "Pierres Précieuses". Ils sont destinés à acquérir les technologies nécessaires à la réalisation de la FNS.
Et le 13 février 1960 a lieu le premier essai français d'une bombe A à Reggane, dans le Sahara algérien. Suivi en 1961 par l'essai en vol de la fusée AGATE, première de la série des « Pierres Précieuses ».
En 1963, le Gouvernement opte pour la réalisation de deux systèmes d'armes, terrestre et naval, avec :
- des missiles sol-sol à tirer d'un silo : le SSBS.
- des missiles mer-sol à tirer d'un sous-marin à propulsion nucléaire : le MSBS
L'année suivante, le bombardier stratégique Mirage IV est mis en service. C'est le seul vecteur nucléaire jusqu'à la réalisation de ces programmes de missiles au début des années 1970.
Le 24 août 1968 à lieu le premier essai d'une bombe H, sur l'atoll de Mururoa dans l'océan Pacifique.
Entrée en service le 1er décembre 1971 du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), Redoutable.
Durant les années 1980, la Force de frappe atteint son maximum avec environ 500 ogives nucléaires :
- 6 SNLE basés à l'Île-Longue dans la rade de Brest emportant 384 têtes sur 64 missiles MSBS
- 18 missiles SSBS basé au plateau d'Albion
- 30 missiles Pluton dans 5 régiments d'artillerie de l'Armée de Terre, le missile Hadès devait le remplacer
- une soixantaine de missiles air-sol ASMP et de bombes nucléaires pouvant être utilisés par les Mirage IV, Mirage 2000, Dassault Jaguar de l'Armée de l'Air et les Super-Etendard de la Marine nationale.
Le 8 avril 1992, le Président François Mitterrand annonce la mise en place d'un moratoire sur les essais nucléaires. Le 13 juin 1995, nouvellement élu, le Président Jacques Chirac annonce que huit essais nucléaires auront lieu de septembre 1995 à janvier 1996. Ces essais ont pour but de récolter assez de données scientifiques pour simuler les futurs essais. Une vague de contestation internationale a lieu. Le 29 janvier 1996, dans un communiqué, la présidence annonce, après le sixième essai (qui a eu lieu le 27 janvier sur l'atoll de Fangataufa en Polynésie) sur les huit prévus à l'origine, que la France met fin aux essais nucléaires. Avec ce dernier tir, c'est 210 explosions qui ont été réalisées par la France depuis l'acquisition de l'arme atomique en 1960.
Suite à la fin de cette dernière campagne de tests, la France signe le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) le 24 septembre et démantelle ses installations de tests dans le Pacifique. Le Parlement ratifie le TICE le 6 avril 1998. Engageant ainsi la France à ne plus jamais réaliser d'essai nucléaire.
En 1996, les 18 silos de missiles sol-sol du plateau d'Albion dans le Vaucluse sont désactivés.
[modifier] La Force de frappe
[modifier] Les sites
- Mont-Verdun et Taverny (commandement de la Force Aérienne Stratégique)
- Mont-de-Marsan (Base aérienne 118)
- Valduc (site de fabrication des têtes nucléaires)
- l'Île-Longue (près de Brest) (base de la Force océanique stratégique française (FOST)
- le plateau d'Albion (18 silos de missiles sol-sol et une base aérienne) (démantelé en 1996)
- La Base d'aéronautique navale de Landivisiau, où siègent les Super-Étendard armés de missiles ASMP
[modifier] Armes
Au 15 août 2004, l'Observatoire des armes nucléaires françaises estime [1] (car il n'existe aucune donnée rendue publique) l'état des forces nucléaires françaises à 348 têtes nucléaires, dont :
- 4 sous-marins embarquant 16 missiles chacun, pour un total de 288 têtes, réparties en trois lots de 96 chacun :
- l'Inflexible (SNLE), en service jusqu'en 2008
- le Triomphant (SNLE-NG)
- le Téméraire (SNLE-NG)
- le Vigilant (SNLE-NG)
- le Terrible (SNLE-NG), en service à partir de 2009.
- 60 missiles air-sol ASMP :
- 50 sur Mirage 2000N
- 10 sur Super-Étendard
[modifier] Principaux programmes en cours
Plusieurs programmes sont en cours :
- la poursuite de la construction des sous-marins nucléaires de nouvelle génération (SNLE-NG)
- le développement du nouveau missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) qui sera livré en 2008
- l'entrée en production du missile balistique M-51, prévu pour 2010
- démantèlement depuis fin 1997 des deux sites de production de matières fissiles de qualité militaire (Marcoule pour le plutonium enrichi et Pierrelatte pour l'uranium)
- les différents programmes gérés par le CEA, à savoir les équipements de Simulation, en particulier le laser mégajoule, et la mise au point, grâce à ce dernier, des futures têtes nucléaires, dont la validation pourra se passer d'essais en vraie grandeur.
[modifier] Budget
Depuis la chute de l'Union soviétique et le changement dans la doctrine de la dissuasion nucléaire qui en a découlé, le budget du maintien de la Force de frappe a été réduit :
Crédits de paiement | Crédits de paiement (en milliards d'euros constants de 2005) |
Part dans le budget (titres V [3] et VI [4]) |
---|---|---|
1990 | 6,20 | 31,4% |
1995 | 3,63 | 21,9% |
2000 | 2,63 | 19,1% |
2005 | 3,15 | 20,7% |
[modifier] Contestation
Des manifestations pacifistes ont régulièrement lieu à proximité du principal site de stockage de ces armes, comme à l'occasion des commémorations des 60 ans des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.
Les contestations portent d'abord sur les essais nucléaires français. Elles ont été particulièrement vives lorsque le Président Jacques Chirac a décidé de reprendre une dernière fois les essais nucléaires en 1995, pour pouvoir effectuer des simulations dans le but de la continuité du développement de la Force de frappe, alors que le 12 mai 1995, le Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) avait été renouvelé pour une période indéfinie.
Les critiques portent également sur la doctrine de la dissuasion française. Avec la chute de l'Union soviétique et la fin de la Guerre froide, l'intérêt d'une force de frappe nucléaire est remis en question par certains de ces opposants : les intérêts vitaux de la France n'étant plus menacés directement par aucune puissance majeure (dixit Jacques Chirac), ils jugent que la réponse nucléaire n'est plus pertinente citation nécessaire.
Les critiques portent actuellement surtout sur la modernisation et l'adaptation des armes nucléaires françaises, qui constituent selon eux un encouragement à la prolifération nucléaire citation nécessaire. Par exemple, le nouveau missile M-51 contreviendrait aux dispositions des articles I et IV du TNP qui commande à la France de désarmer son arsenal nucléaire, et non pas de le développer citation nécessaire.
Les critiques portent aussi sur la « dimension morale » de la dissuation nucléaire, et s'appuient sur la déclaration de la Cour internationale de justice en 1996 : « la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés » [5], et sur la dimension « antidémocratique » de la Force de dissuasion nucléaire française, dans la mesure où ni les Français ni leur représentants n'ont jamais été consultés sur la création de la force de frappe citation nécessaire.
Enfin, les critiques portent sur la dimension économique et sociale de la force de dissuasion nucléaire, qui emploie plus de 10 milliards d'euros (3 millards seulement pour le missile M-51) dans le budget de défensecitation nécessaire.[6]
[modifier] Référence
- ↑ (fr) État des forces nucléaires françaises au 15 août 2004
- ↑ (fr) Rapport du Sénat sur le Projet de loi de finances pour 2005 : Défense - Nucléaire, espace et services communs
- ↑ Titre V : recherche et études ; développement, fabrication de matériels et munitions ; infrastructures
- ↑ Titre VI : subventions d'investissement
- ↑ Licéité de l'utilisation des armes nucléaires (avis consultatif de la CIJ du 8 juillet 1996)
- ↑ Document de la campagne contre le missile M-51 (pdf, 1.5 Mo)
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- (fr) La genése de l'arme nucléaire française et son évolution, Yves Le Baut, article de 1988 sur Stratisc.Org
- (fr) La dissuasion nucléaire française après la guerre froide
- (fr) La dissuasion nucléaire : quel rôle dans la défense française aujourd'hui?, Rapport d'information du Sénat Français, 24 octobre 2006
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