Hypertension artérielle pulmonaire
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Identifiée pour la première fois en 1891 par le Docteur Ernst Von Romberg, l'hypertension artérielle pulmonaire correspond à un groupe de maladies d'évolution progressive caractérisée par une élevation anormale de la pression sanguine au niveau des artères pulmonaires, dont le symptôme principal est un essoufflement d'effort.
Selon la cause, l'hypertension artérielle pulmonaire peut être une maladie sévère avec une tolérance à l'effort très nettement diminuée et une insuffisance cardiaque droite.
Dans la majorité des cas, aucune cause n'est retrouvée. On parle alors d'hypertension artérielle pulmonaire idiopathique (dans sa forme sporadique) ou familiale. Elle est parfois associée à divers maladies (maladie auto-immune, infections,...) ou à l'utilisation de drogues (amphétamines anorexigènes...).
Il existe également diverses pathologies qui s'accompagnant d'une hypertension artérielle pulmonaire, telle la maladie thrombo-embolique par exemple.
L'hypertension artérielle pulmonaire était initialement classée en deux catégories : la forme primitive et la forme secondaire. Une nouvelle classification, plus exhaustive, a été proposée.
La faible spécificité des symptômes entraîne souvent un retard au diagnostic.
Le traitement est médical et d'efficacité modeste.
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[modifier] Epidémiologie
La prévalence est estimée à 15 cas pour un million d'habitants (adultes) et l'incidence de 2,4 cas par millions d'habitants (adultes) par an.
Elle touche 1,7 femmes pour 1 homme. Le pic de fréquence se situe entre 30 et 40 ans.
[modifier] Physiopathologie
[modifier] Mécanismes physiopathologiques
L'hypertension artérielle pulmonaire est définie par une élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne, qui devient supérieure à 20 mm de mercure au repos ou 30 mm de mercure à l'effort ; alors que chez le sujet sain, elle est comprise entre 10 et 15 mm de mercure. A noter qu'il existe une augmentation de la PAP lors du vieillissement, mais cette augmentation est discrète (de l'ordre de 1 mm de mercure par tranches de 10 années).
La pression artérielle pulmonaire est dépendante de la pression capillaire pulmonaire, du débit sanguin pulmonaire et des résistances vasculaires pulmonaires selon la formule suivante :
avec :
- PAP : Pression artérielle pulmonaire moyenne,
- PCP : Pression capillaire pulmonaire,
: Débit sanguin pulmonaire,
- RVP : résistance vasculaire pulmonaire.
La pression artérielle pulmonaire va donc être augmentée en cas d'augmentation :
- de la pression capillaire pulmonaire, secondaire à une augmentation de pression veineuse pulmonaire, elle-même secondaire à une insuffisance cardiaque gauche (ischémique) ou à un rétrécissement mitral. On parle alors d'hypertension post-capillaire.
- du débit sanguin pulmonaire, dans certaines cardiopathies congénitales (communication inter-auriculaire ou inter-ventriculaire, persistance du canal artériel).
- des résistances vasculaires pulmonaires, principalement dans les affections pulmonaires chroniques. On parle d'hypertension pré-capillaire.
Les mécanismes physiopathologiques principaux sont une vasoconstriction, un remodelage vasculaire et des phénomènes de thrombose qui vont progressivement entraîner une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires.
La vasoconstriction est un composant précoce de l'hypertension artérielle pulmonaire. Elle peut être l'expression d'un fonctionnement anormal des canaux potassiques ou à un dysfonctionnement de l'endothélium vasculaire (induisant la production chronique de vasodilatateurs). Le remodelage vasculaire implique toutes les couches de la paroi vasculaire et se caractérise par des modifications des tissus (voir Chapitre "Histopathologie").
L'élévation de la pression artérielle a principalement un retentissement sur le ventricule droit. Lorsqu'elle est saine, cette structure a une paroi mince qui se dilate facilement. Mais l'influence de l'hypertension aboutit à une hypertrophie ventriculaire droite, puis à une insuffisance ventriculaire responsable de dyspnée d'effort (essoufflement à l'effort), d'œdèmes de membres inférieurs, d'une augmentation du volume du foie dûe à sa congestion (hépatomégalie). A long terme, cela peut entraîner une insuffisance cardiaque irréversible, et même la survenue d'un arrêt cardiaque brutal lors d'un effort.
[modifier] Histopathologie
Des anomalies cellulaires ont été décrites dans la vascularisation pulmonaire des sujets atteints et pourraient jouer un rôle dans le développement et la progression de la maladie. Ces anomalies incluent des dysfonctionnement de l'endothélium pulmonaire avec une synthèse anormale substances vasodilatatrices (monoxyde d'azote (NO), de thromboxane A2, de prostacycline et d'endothéline[1] (endothéline-1, ET-1)), une altération des canaux potassiques.
De plus, des lésions se situent dans toutes les différentes structures de la paroi des vaisseaux sanguins et incluent une hypertrophie de la média (secondaire à la fois à une hypertrophie et une hyperplasie[2] des fibres musculaires lisses et une augmentation du tissu conjonctif), un épaississement de l'intima et de l'adventice (par production accrue de matrice extracellulaire) associées à des lésions plus complexes.
[modifier] Causes
Les causes les plus souvent recensées d'hypertension artérielle pulmonaire incluent l'infection par le VIH, la sclérodermie et autres maladies auto-immunes, la cirrhose et l'hypertension portale, la drépanocytose, les pathologies thyroïdiennes, certaines cardiopathies congénitales, la sarcoïdose, l'histiocytose X. Elle peut également être secondaire à l'obstruction chronique des vaisseaux pulmonaires par des caillots (HTAPS post-embolique).
Certains comportements pouvent également déclencher cette variation de pression artérielle tel que la prise de médicaments anorexigènes, de cocaïne, de méthamphétamine, d'alcool.
Les pathologies pulmonaires responsales d'hypoxie sont également des causes d'hypertension pulmonaire : la broncho-pneumopathie chronique obstructive, le syndrome de Pickwick.
A noter qu'il existe des formes familiales, liées à une mutation sur le gène BMPR2 (Bone morphogenetic protein receptor type II). La pénétrance de cette mutation est incomplète[3], de l'ordre de 15 à 20%[4].
Lorsqu'aucune cause ne peut être identifiée, on parle d'hypertension artérielle pulmonaire primitive ou idiopathique.
Il existe une classification étiologique de établie par l'OMS[5] en 1998 et révisée en 2003 où l'hypertension artérielle pulmonaire est séparée en cinq catégories, elles-mêmes divisées en sous-catégories :
- Hypertension artérielle pulmonaire :
- forme idiopathique (aucune cause retrouvée et absence d'antécédents familiaux),
- forme familiale,
- associée à une connectivite, à une cardiopathie congénitale, une hypertension portale, une infection par le VIH, à l'utilisation de drogues et toxines, autres (désordres thyroïdiens, maladie de Gaucher, hémoglobinopathies, syndromes myéloprolifératifs),
- associée à une pathologie veineuse ou capillaire (maladie veino-occlusive pulmonaire, hémangiome capillaire pulmonaire),
- hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né,
- Hypertension veineuse pulmonaire associée à des maladies du cœur gauche :
- maladies de l'oreillette ou du ventricule gauche,
- maladies valvulaires du cœur gauche,
- Hypertension pulmonaire associée à une maladie pulmonaire et/ou une hypoxémie (broncho-pneumopathies chroniques obstructives, syndrome d'apnée du sommeil, maladies interstitielles pulmonaires, exposition chronique aux hautes altitudes),
- hypertension pulmonaire due à une maladie thrombo-embolique (par obstruction thrombo-embolique des artères pulmonaires proximales ou distales, ou par une obstruction d'origine non thrombotique (tumeur, parasite, corps étranger)),
- Divers : sarcoïdose, histiocytose X, lymphangiomatose, compression des vaisseaux pulmonaires (adénopathies, tumeur, médiastinite fibrosante).
[modifier] Diagnostic
Les signes de cette pathologie n'étant pas spécifiques, il existe souvent un retard diagnostic. Ce retard est estimé de 18 mois à 2 ans en moyenne.
[modifier] Signes fonctionnels
Il n'existe pas de signes fonctionnels sépcifiques.
Le sujet peut ressentir une dyspnée d'effort (qui est le signe cardinal de cette pathologie), des douleurs thoraciques (d'allure angineuse, retro-sternales, constrictives d'effort et/ou de repos), une toux non productive, des lipothymies (voire de réelles syncopes d'effort), une asthénie (grande fatigue), des palpitations, plus rarement des hémoptysies de faible abondance (présence de sang lors d'efforts de toux), une dysphonie.
Il n'y a habituellement ni orthopnée (difficulté respiratoire en position couchée), ni dyspnée paroxystique nocturne.
[modifier] Signes cliniques
Il n'existe pas de signes cliniques spécifiques à cette pathologie.
L'auscultation cardiaque peut mettre en évidence une tachycardie (voire une arythmie), un éclat du B2 (deuxième bruit cardiaque) au niveau du foyer pulmonaire (signe quasi-constant), un souffle systolique d'insuffisance tricuspide fonctionnelle, un souffle diastolique d'insuffisance pulmonaire.
L'auscultation pulmonaire est habituellement normale.
L'examen clinique doit rechercher des signes d'insuffisance ventriculaire droite[6].
[modifier] Examens complémentaires
[modifier] Biologie
La biologie standard est classiquement normale. Les anomalies qui peuvent cependant être retrouvées ne sont pas spécifiques : thrombopénie et anémie modérées, insuffisance rénale, anomalies du bilan hépatique, taux de prothrombine spontané bas.
Une recherche d'anticorps sera effectué afin de rechercher une maladie auto-immune.
Le taux d'endothéline est élevé dans le plasma et le tissu pulmonaire des patients ayant une hypertension artérielle pulmonaire. Ce taux semble proportionnel à la sévérité et au pronostic de la maladie.
[modifier] Electrocardiogramme
L'électrocardiogramme peut montrer des signes d'hypertrophie du ventricule droit et de l'oreillette droite. Le rythme est habituellement sinusal (normal), bien que des troubles du rythme soient possibles. Un ECG normal n'élimine pas le diagnostic.
[modifier] Radiographie standard
La radiologie pulmonaire est anormale dans la majorité des cas (90%). Elle va alors montrer une augmentation de la silhouette cardiaque (cardiomégalie) et une augmentation du volume du diamètre tronc artériel pulmonaire et des artères pulmonaires proximales.
[modifier] Cathétérisme cardiaque droit
C'est une exploration invasive de l'artère pulmonaire visant à établir avec certitude l'existence d'une hypertension artérielle pulmonaire. Il est également utile au suivi évolutif de la maladie. Cet examen consiste à mettre un catheter (petit tuyau souple, généralement en plastique) dans une artère pulmonaire pour mesurer les pressions à ce niveau.
[modifier] Échographie cardiaque
L'échographie cardiaque permet de faire le diagnostic, d'évaluer la gravité et le retentissement de l'hypertension artérielle pulmonaire et de rechercher une étiologie.
Elle va permettre l'estimation de la pression systolique dans l'artère pulmonaire (PASP). Cette pression artérielle systolique pulmonaire est équivalente à la pression systolique du ventricule droit. La PASP est estimée en mesurant la vitesse de passage du flux sanguin au travers de la valve cardiaque tricuspide (V)[7] et une pression estimée de l'oreillette droite (RAP). La PASP est ainsi estimée à l'aide de la formule suivante : PASP = 4V2 + RAP.
A l'aide du doppler, il va pouvoir être calculé un gradient (différence) de pression au travers certains valves cardiaques (tricuspide ou pulmonaire).
[modifier] Autres examens
D'autres examens pourront être réalisés : un scanner thoracique pour évaluer notamment une éventuelle maladie thrombo-embolique, et également à la rechercher d'une pathologie du parenchyme pulmonaire, une scintigraphie pulmonaire de perfusion (voire de ventilation/perfusion), des explorations fonctionnelles respiratoires pour évaluer la capacité respiratoire.
La réalisation d'une biopsie pulmonaire n'a pas d'intéret établi.
[modifier] Evaluation de la sévérité
La sévérité de l'hypertension artérielle est côtée selon la classification fonctionnelle OMS/NYHA[8] :
- Classe I : absence de limitation de l'activité physique. Les activités physiques habituelles ne provoquent pas de troubles.
- Classe II : limitation légère de l'activité physique. Asymptomatique au repos. Les activités physiques habituelles provoquent une dyspnée ou une fatigue ou des douleurs thoraciques ou des lipothymies.
- Classe III : limitation marquée de l'activité physique. Asymptomatique au repos. Un effort moins intense que l'activité de la vie quotidienne induit une dyspnée ou une fatigue.
- Classe IV : incapacité au moindre effort. Manifestations d'insuffisance cardiaque droite. La dyspnée ou la fatigue peuvent être présentes au repos. La gêne est augmentée au moindre effort.
[modifier] Prise en charge
Le traitement de base associe, selon les cas, un traitement anticoagulant, une oxygénothérapie, des digitaliques, les diurétiques, les inhibiteurs calciques (nifédipine, diltiazem).
Les autres traitements pouvant être proposés en plus du traitement de base sont :
- l'époprosténol (prostacycline), en intra-veineux continu,
- le bosentan, inhibiteur compétitif des récepteurs de l'endothéline, traitement par voie orale,
- le sildénafil, inhibiteur de la phosphodiestérase,
- l'iloprost, analogue de la prostacycline, vasodilatateur et antiagrégant plaquettaire[9], par voie inhalée.
En dernier recours, il sera éventuellement proposée une transplantation pulmonaire ou une transplantation du bloc coeur-poumons.
[modifier] Evolution et complications
L'évolution naturelle de cette maladie est très variable d'un individu à l'autre. Elle conduit plus ou moins rapidement à l'insuffisance ventriculaire droite. Le décès peut survenir en quelques mois ou après plusieurs années.
La médiane de survie[10] est de deux à trois ans après le diagnostic, il y a 75% de mortalité à cinq ans.
Les complications sont des risques thrombo-emboliques, des poussées d'insuffisance cardiaque (œdème aigu du poumon), un risque de mort subite.
Une grossesse est extrêmement dangereuse durant une HTAP, avec une importante morbidité et mortalité fœto-maternelles
[modifier] Notes et références
- ↑ Neurohormone sécrétée par l'endothélium vasculaire.
- ↑ Augmentation de volume d’un tissu ou d’un organe due à une augmentation du nombre de ses cellules.
- ↑ Tous les sujets porteurs de la mutation ne déclareront pas obligatoirement la maladie.
- ↑ 15 à 20% des sujets porteurs de la mutation génétique sur le gène BMPR2 développeront la maladie.
- ↑ Organisation Mondiale de la Santé.
- ↑ Hépatomégalie, reflux hépato-jugulaire, turgescence jugulaire, œdèmes des membres inférieurs.
- ↑ Valve séparant le ventricule droit de l'oreillette droite.
- ↑ New York Heart Association.
- ↑ Jusqu'à maintenant utilisé sous forme injectable dans le traitement des artérites périphériques (maladie de Buerger, ischémie chronique sévère des membres inférieurs, phénomène de Raynaud avec troubles trophiques graves) a récemment reçu une Autorisation de Mise sur le Marché" (AMM) dans le traitement de l'hypertension artérielle pulmonaire à un stade fonctionnel III (CLasse III de la CLassification OMS/NYHA).
- ↑ Durée de survie dépassée par la moitié des malades.
- (en) Cet article est partiellement issu d’une traduction de l’article en anglais : "Pulmonary hypertension".
- Rédaction Prescrire. L'hypertension artérielle pulmonaire. Grave, quand elle est symptomatique. Rev Prescrire 2004 ; 24 : 843-846.
- Société Française d'Anesthésie Réanimation. Hypertension artérielle pulmonaire. 2004 - Page visitée le 27/03/2007.
- Simoneau G et Coll. Clinical classification of pulmonary hypertension. J Am Coll Cardiol 2004 ; 43 : S5-12.
- European Society of Cardiology. Guidelines on diagnosis and treatment of pulmonary arterial hypertension. Eur Heart J 2004 ; 25 : 2243-2279.
- Chaouat A. Kraemer J.P. Canuet M. Kadaoui N. Ducolone A. Kessler R. Weitzenblum E. Hypertension pulmonaire des affections respiratoires chroniques. Press Med 2005 ; 34 : 1465-74.
- Sithon O et coll. Long-term response to calcium channel blockers in idiopathic pulmonary arterial hypertension. Circ 2005 ; 111 : 3105-3111.
- Humbert M. Sitbon O. Chaouat A. Bertocchi M. Habib G. Gressin V. Yaici A. Weitzenblum E. Cordier J.F. Chabot F. Dromer C. Pison C. Reynaud-Gaubert M. Haloun A. Laurent M. Hachulla E. Simonneau G. Pulmonary arterial hypertension in France : results from a national registry. Am J Respir Crit Care Med 2006 ; 173 : 1023-30.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Lien externe
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