Psychotrope
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Un psychotrope est une substance chimique qui agit principalement sur l'état du système nerveux central en y modifiant certains processus biochimique et physiologique cérébraux, sans préjuger de sa capacité à induire des phénomènes de dépendance, ni de son éventuelle toxicité.[1] En altérant de la sorte les fonctions du cerveau, un psychotrope induit des modifications de la perception, des sensations, de l'humeur, de la conscience ou d'autres fonctions psychologiques et comportementales.
Le terme psychotrope signifie littéralement qui agit, qui donne une direction (trope) à l'esprit ou au comportement (psycho).
Selon Jean Delay en 1957 « On appelle psychotrope, une substance chimique d'origine naturelle ou artificielle, qui a un tropisme psychologique, c’est-à-dire qui est susceptible de modifier l'activité mentale, sans préjuger du type de cette modification. »
L'effet ressenti lors de l'usage d'un psychotrope est parfois désigne sous le terme effet psychotrope, s'il est communément admis que l'effet psychotrope peut être induit par une substance psychotrope, cet effet peut aussi être atteint par la spiritualité, la méditation ou à travers l'art.
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[modifier] Usages du terme en Droit
Le terme psychotrope possède une définition en droit pour désigner un ensemble de substances illégales ou réglementées listées par la Convention de 1971 de l'ONU.
L'existence de ces deux définitions amène souvent une confusion dans l'usage du terme : tout le groupe pharmacologique est supposé soumis à réglementation alors que le terme juridique ne désigne qu'une petite partie de ces substances. Dans le langage courant, c'est le sens pharmacologique qui est prédominant.
On désigne aussi parfois certains psychotropes sous le terme de stupéfiant ou de drogue[2], s'ils sont illégaux ou soumis à une réglementation[3], le terme stupéfiant ayant eu lui aussi deux définitions amenant souvent une confusion dans son usage.
Le terme psychotrope est officiellement utilisé par l'ONU pour désigner les substances classées aux tableaux I, II, III ou IV de la Convention de 1971.
L'ONU ne donne pas de définition du terme psychotrope dans ses conventions, se contentant de lister les substances ainsi catégorisées, cette absence de définition est à l'origine de la confusion qui a parfois lieu entre les deux définitions.
Du fait de son usage dans les conventions internationales, ce terme a été repris notamment par les législations de la Belgique, de la France et de la Suisse pour désigner un ensemble de produits généralement listés en annexe des textes législatifs mais non défini.
[modifier] Histoire de l'usage des psychotropes
Les produits psychotropes existent à l'état naturel dans divers plantes ou champignons, voire venins ; ainsi tout au long de l'histoire de l'humanité, la plupart des civilisations humaines ont utilisé des substances psychotropes dans des buts spirituels, divinatoires ou médicinales.
D'après les travaux de Robert Gordon Wasson[4] et de W. La Barre[5], l'usage des plantes psychotropes remonte à au moins 15 000 ou 20 000 ans avant notre ère et à au moins 100 000 ans (première sépulture connue) pour Peter T. Furst qui considère comme nécessairement contemporaines la pratique du chamanisme et la ritualisation de la mort[6]. Selon ces auteurs, les plantes psychotropes seraient essentielles dans l'idéologie et la pratique religieuse sur l'ensemble de la surface de la planète et l'extrême ancienneté de leur usage serait déterminée par leur uniformité de pratique et de thématique malgré les différences ethniques et géographiques. Cette uniformité témoignerait d'une structuration inconsciente programmée culturellement à accepter l'expérience extatique dans le cadre d'un culte organisé ainsi les chasseurs du paléolithique qui arrivèrent en Amérique étaient culturellement prédisposés à collecter des plantes psychotropes et à les préparer.
La sédentarisation dûe à la révolution du néolithique aurait permis l'institutionalisation de la religion occultant peu à peu l'origine chamanique au point de l'oublier comme c'est le cas en Europe où peu de ces rituels ont persistés.
À l'inverse d'autres auteurs[7] considèrent l'usage de substances psychotropes comme une dégénérescence des pratiques chamaniques originelles qui seraient fondées sur la « pure expérience religieuse spontanée ».
Quoiqu'il en soit, ces plantes possèdent, pour les ethnies qui les utilisent, une image de plante magique ou de chair des dieux dotés de pouvoirs surnaturelles qui sont partagés par celui qui les consomme.
L'usage de Amanita muscaria remonte à 7 000 ans avant notre ère - voire au paléolithique - et se serait répandue au cours des migrations de la Sibérie jusqu'au nord de l'Inde.[6] L'usage de sophora secundiflora aurait 6 000 ou 7 000 ans d'âge selon des traces archéologiques trouvées dans des grottes du Texas.[6] L'usage de la coca en Amérique latine remonte à près de 5 000 ans[8]. La culture du pavot à opium était connue en Mésopotamie 4 000 ans avant l'ère chrétienne. L'usage de champignons hallucinogènes en Amérique daterait d'au moins 3 000 ans, tout comme l'usage du tabac et du San Pedro dont il existe des représentations sur des tissus de l'époque chavin.[6] L'usage du cannabis pour ses propriétés psychotropes est mentionné dès 2737 av. J.-C. dans le Shen nung pen Ts'ao king.[9] L'usage du peyotl est représenté sur des pièces d'art funéraire précolombien du Mexique occidental datant q'il y a 2 000 ans.[6] L'Ipomoea violacea est représentée sur des fresques de Teotihuacan et de Tepantitla datées de 400 ou 500 après J.C.[6]
Outre l'usage spécifique des plantes, la façon de les absorber via certaines préparations (ayahuasca, yopo, maté, ololiuqui, etc.), de n'en consommer que certaines parties fait aussi l'objet d'une connaissance ancestrale ainsi le fait de priser (sniffer) date au moins de 1 800 ans avant notre ère comme en témoignent une tablette à priser en os de baleine et un tube creux en os d'oiseau trouvés sur le site côtier de Huaca Prieta.[6]
Jusqu'au début du XIXe siècle, ces produits restent cantonné à ces usages originels mais au cours du siècle certains produits commencent à être consommé dans un but hédoniste de recherche du plaisir. Même si cet usage avait déjà été constaté au XVIIIe siècle en Chine avec l'opium ce qui induira les guerres de l'opium. Pendant la seconde moitié du siècle, les techniques d'administration et de purification évoluent augmentant la toxicité des substances.[10]
Le terme psychotrope apparaît à la fin du XIXe siècle, suite à la démonisation de la morphine en médecine.
Dans le même temps, les conséquences des guerres de l'opium posent le contexte de la future réglementation internationale fortement influencée par les ligues de tempérance américaine (issue de la morale protestante) qui prônent l'abstinence. Les résultats de cette politique aboutiront au Harrison Narcotics Tax Act en 1914 qui est le premier pas dans la campagne des États-Unis contre la toxicomanie et qui aboutira à la politique internationale actuelle de prohibition des drogues dont le premier acte officiel est la Convention Internationale de l'Opium.[1]
Au XXe siècle, l'expansion du problème de la toxicomanie se pose dans les pays occidentaux.[10]
Dans les années 1960, les pays occidentaux voient une augmentation importantes de la consommation et du trafic ce qui les dédident à adopter des réglementations internationales visant à combattre aussi les filières internationales d'approvisionnement.[10]La convention unique sur les stupéfiants de 1961 est alors adoptée puis complétée par la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
Ce n'est que vers les années 1960 et 1970 qu'apparaissent en occident les premiers écrits faisant état d'un culte de la drogue tant par la consommation de psychotropes illégaux que de médicaments psychotropes, on le décrit alors comme un phénomène social d'évasion face aux activités normales quotidiennes.
Le terme drogue se charge d'une valeur péjorative éloignée de son sens originel qui témoigne d'une évolution linguistique significative d'une rupture culturelle majeure quand au rapport de l'homme avec les psychotropes.[1]
Alors que parallèllement apparaissent les premières études ethnologiques et anthropologiques sur les usages rituels de ces produits.
Dans les années 1980, l'apparition du sida et de nouvelles substances poussent les pays occidentaux d'une politique presque uniquement répressive vers des politiques de prévention et de réduction des risques.[10]
Dans les années 1990, le problème de la consommation de psychotrope s'est répandu sous l'impulsion de la mondialisation[1] , il ne touche plus seulement les pays occidentaux même si des différences culturelles ou géographiques subsistent dans la consommation de tel ou tel produit.
[modifier] Motifs de consommation
Un psychotrope peut être consommé d'une manière récréative dans le but d'altérer intentionnellement la conscience par exemple le café, l'alcool, la cocaïne ou le cannabis.
Il peut être consommé comme un enthéogène dans un but spirituel par exemple la mescaline ou la psilocybine.
Un psychotrope peut être consommé comme thérapie, par exemple l'utilisation de narcotiques afin de contrôler la douleur, de stimulants afin de traiter les narcolepsies ou les troubles déficitaires de l'attention mais aussi des antidépresseurs ou antipsychotiques afin de traiter des maladies neurologiques ou psychiatriques, on les appelle souvent les médicaments psychotropes. La prescription de psychotrope peut parfois induire un usage détourné.
Il peut être aussi consommé pour améliorer les performances physiques ou intellectuelles, on parle alors de produits dopants.
Il peut être consommé dans le but d'assouvir un besoin compulsif dans le cadre de la toxicomanie.
Il peut être consommé involontairement dans un but de soumission chimique : drogue de viol, sérum de vérité.
La consommation d'un certain type de produit peut être liée à une mode ou à un moyen d'affirmer son appartenance à tel ou tel groupe social.
Pour certains consommateurs, la consommation de psychotrope s'inscrit dans un mode de vie hédoniste ou antisocial, adopté préalablement à leur initiation aux drogues, la recherche du plaisir étant le fondement ou le but de la vie.[10]
Pour d'autres, la consommation de psychotrope constitue une modalité défensive contre des angoisses et des tensions contre lesquelles ils ne parviennent pas à lutter avec leurs seules ressources psychiques, ces personnes qualifient parfois leur consommation d'automédication sans que cela puisse avoir une justification médicale.
[modifier] Modes d'action
Les psychotropes altèrent l'homéostasie du système nerveux central en agissant sur les neuromédiateurs.
Selon les produits, il existe trois mode d'action[11] :
- la substance psychotrope ressemble à un neuromédiateur et se substitue à lui sur les récepteurs (par exemple, la nicotine se substitue à l'acétylcholine en accaparant ses récepteurs) ;
- la substance psychotrope active la sécrétion d'un neuromédiateur (par exemple, le MDMA augmente la sécrétion de dopamine et de sérotonine) ;
- la substance psychotrope bloque l'action d'un neuromédiateur (par exemple, la caféine bloque l'action de l'adénosine).
[modifier] Conséquences de l'usage de psychotrope
L'usage répété peut conduire à une dépendance psychique voire une dépendance physique pour certaines substances type opiacés ou alcool. La dépendance constituant l'ensemble des symptômes qui se manifeste en relation avec la prise d'une substance spécifique ; en cas de dépendance physique, le sevrage en fait parti.
L'usage répété et prolongé de substances psychotropes peut entraîner une adaptation de l'organisme appelée accoutumance.
Si cet usage est non contrôlé - de type compulsif -, il est question toxicomanie dont le traitement vise généralement à l'abstinence par l'intermédiaire de cures de désintoxication et post-cures ou de programmes de substitution.
Les effets ressentis peuvent parfois être désagréables et entraîner un bad trip, notamment concernant les produits hallucinogènes pouvant engendrer des troubles durables regroupés sous le nom de « syndrome post-hallucinatoire persistant ».
Concernant les hallucinogènes, il existe aussi un phénomène d'effet retour ou flash back qui peut replacer brièvement l'usager dans l'état généré par l'usage de psychotrope sans en consommer, et ce plusieurs mois après la dernière prise.
[modifier] Classifications des psychotropes
Le Diagramme de Venn suivant essaye d'organiser les psychotropes afin de fournir une vue d'ensemble des éléments les plus connus à travers des groupes et des sous-groupes basés sur leur classification pharmacologique et leurs effets. Les produits de chaque sous-groupe sont proches et ont des modes d'action similaires. Ils sont placés en fonction de la légende ci-après. Les intersections primaires sont signalées par un mélange de couleur.
Légende
- Groupes primaires
- Bleu: Stimulants dont l'action augmente généralement en allant en haut à gauche.
- Rouge: Dépresseurs dont l'action augmente généralement en allant en bas à droite.
- Vert: Hallucinogènes sont des psychédéliques vers la gauche, des dissociatifs vers la droite, généralement les moins prévisibles en bas à droite et généralement les plus actifs près du titre.
- Rose: Antipsychotiques sont généralement plus sédatifs (tranquilisants) à droite.
- Groupes secondaires
- Cyan (bleu clair): Intersection des stimulants (bleu) avec les hallucinogènes psyhcédéliques (vert) - psychédéliques primaires ayant un pouvoir stimulant.
- Jaune : Intersection des Dépresseurs (rouge) avec les hallucinogènes dissociatifs (vert) - dissociatifs primaires ayant un pouvoir dépresseur.
- Lavande: Intersection des stimulants (bleu) avec les antipsychotiques (rose) - antidépresseurs moderne non-sédatifs.
- Saumon: Intersection des dépresseurs (rouge) avec les antipsychotiques (rose) - anciens antidépresseurs sédatifs et anxiolytiques.
- Groupes tertiaires
- Magenta (mauve): Intersection des stimulants (bleu) avec les dépresseurs (rouge) — Exemple : la nicotine possède ces deux effets.
- Blanc : Intersection des stimulants, dépresseurs et hallucinogènes — Exemple : le THC possède des effets appartenant aux trois groupes.
- Bleu ciel: Intersection des stimulants, hallucinogènes psyhcédéliques et antipsychotiques - exemple : les empathogènes / entactogènes.
- Pêche: Intersection des dépresseurs, hallucinogènes dissociatifs et antipsychotiques.
- Groupes quaternaires
- Rose clair (rose clair) : Intersection centrale des quatre sections (stimulants, dépresseurs, hallucinogènes et antipsychotiques) - le cannabis contient du THC et du CBD qui possèdent des effets appartenant à toutes les sections, le THC étant le constituant primaire de la section hallucinogène.
- Autres classifications
Il existe de nombreuses classifications des psychotropes. Ces classifications ont été établies au cours du XXe siècle en prenant en compte leurs effets, leur famille pharmacologique, leur activité sur le système nerveux, leur dangerosité (en fonction de la dépendance physique, psychique et de la tolérance), leurs implications sociales ou leur statut juridique.
[modifier] Liste de substances psychotropes ou contenant une composé psychotrope
[modifier] Note
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 Denis Richard, Jean-Louis Senon, Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, 2004 (ISBN 2-03-505431-1)
- ↑ Rapport du comité spécial du sénat (canadien) sur les drogues illicites, septembre 2002 [1]
- ↑ L. Manuila, A. Manuila, M. Nicoulin, Dictionnaire médical, Éditions Masson, 1991 (réimpr. 4° édition) (ISBN 2-225-81957-2)
- ↑ Richard Evans Schultes, Un panorama des hallucinogènes du nouveau monde, Édition L'esprit frappeur, 2000 (ISBN 2-84405-098-0)
- ↑ Weston La Barre, Les plantes psychédéliques et les origines chamaniques de la religion, Édition L'esprit frappeur, 2000 (ISBN 2-84405-105-7)
- ↑ 6,0 6,1 6,2 6,3 6,4 6,5 6,6 Peter T. Furst, Introduction à la chair des dieux, Édition L'esprit frappeur, 2000 (ISBN 2-84405-097-2)
- ↑ telque Mircea Eliade
- ↑ Alain Labrousse, Géopolitique des drogues, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2004 (ISBN 2-13-054186-0)
- ↑ voir l'article détaillé Histoire du chanvre
- ↑ 10,0 10,1 10,2 10,3 10,4 Michèle Diaz, Marc-Eden Afework, La Drogue, Hachette, coll. « qui, quand, où ? », 1995 (ISBN 2-01-291469-1)
- ↑ Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », 2003 (ISBN 2-7081-3532-5)
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
- (en) Vaults of Erowid site à vocation documentaire sur le sujet des relations complexes entre l'être humain et les substances psychoactives.
- (en) Lycaeum site travaillant à l'information et à l'éducation du public à propos des psychotropes et de leur usage.
[modifier] Bibliographie
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