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Médecine en Grèce antique - Wikipédia

Médecine en Grèce antique

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Médecin traitant un patient, aryballe à figures rouges du Peintre de la Clinique, v. 480-470 av. J.-C., musée du Louvre
Médecin traitant un patient, aryballe à figures rouges du Peintre de la Clinique, v. 480-470 av. J.-C., musée du Louvre

Probablement inspirée par la médecine égyptienne, la médecine en Grèce antique est censée remonter à l'époque homérique. Elle ne prend toutefois son véritable essor qu'au Ve siècle av. J.-C. avec Hippocrate.

Sommaire

[modifier] Médecine et épopée

Achille pansant Patrocle, kylix à figures rouges du peintre de Sôsias, v. 500 av. J.-C., Staatliche Museen de Berlin
Achille pansant Patrocle, kylix à figures rouges du peintre de Sôsias, v. 500 av. J.-C., Staatliche Museen de Berlin

L'Iliade cite pour médecins les guerriers achéens Machaon et Podalire, deux fils d'Asclépios, dieu de la médecine, ainsi que le dieu Péan, médecin des dieux. Le premier est chargé notamment de soigner Ménélas[1], atteint d'une flèche. Il commence par examiner (ἰδεῖν / ideĩn, littéralement « voir ») le malade puis retire la flèche, déshabille le blessé, suce le sang de la plaie et applique des médicaments (φάρμακα / phármaka) sur lesquels nous n'avons pas de précision, si ce n'est qu'ils ont été offerts par le centaure Chiron à Asclépios, lequel les a transmis à Machaon. Pour expliquer la part plus grande accordée à celui-ci par rapport à son frère, les scholies exégétiques du vers 193 estiment qu'Homère voit en Machaon un chirurgien, son frère étant simple médecin[2] : son nom viendrait de μάχαιρα, « couteau ». Péan soigne de même Hadès[3], atteint d'une flèche lancée par Héraclès : il répand sur la plaie des médicaments (pharmaka) dont on précise cette fois qu'ils sont analgésiques (ὀδυνήφατα / odynếphata).

L'Odyssée connaît pour sa part des médecins de profession : le porcher Eumée cite le médecin (ἰατήρ / iatếr, littéralement « celui qui soigne ») comme faisant partie des « artisans qui rendent service à tous[4] », à l'instar du couvreur ou de l'aède, mais aussi du devin. Ailleurs[5], le poète rend hommage à la science médecinale des Égyptiens, qu'il qualifie de « fils de Péan ».

[modifier] Médecine et religion

Asclépios appuyé sur son caducée, statue découverte à l'Asklépieion d'Épidaure, Musée national archéologique d'Athènes
Asclépios appuyé sur son caducée, statue découverte à l'Asklépieion d'Épidaure, Musée national archéologique d'Athènes

Le titre de médecin ne faisant l'objet d'aucun contrôle, n'importe qui peut se faire passer pour tel. Il existe donc nombre de guérisseurs dont les remèdes reposent sur des pratiques magiques ou religieuses.

De manière générale, les cultes guérisseurs ont pour caractéristique d'être situés hors des villes : développés de manière tardive, ils s'implantent à la marge[6]. Ainsi, Asclépios est d'abord vénéré à Trikka, en Thessalie, puis en pleine campagne près d'Épidaure. À Corinthe comme à Athènes, Délos ou Cos, le dieu s'installe à l'écart de l'agglomération. La visite au sanctuaire nécessite donc une excursion. Autre caractéristique, les sanctuaires sont souvent liés à une source ou une rivière dont les eaux possèdent des vertus bienfaisantes.

La plupart du temps, le dieu guérisseur agit par « incubation » : c'est le cas d'Asclépios à Épidaure ou Athènes, ou d'Amphiaraos à Oropos et Thèbes. Le rituel commence pour le malade par un bain de purification, suivi par un sacrifice relativement modeste et donc accessible à tous. À Épidaure, le patient doit également entonner un péan en l'honneur d'Apollon et d'Asclépios. Ensuite, le pélerin s'endort sous le portique sacré (ἅϐατον / ábaton) — au moins à Oropos, Pergame et Épidaure, chaque sexe possède son propre portique[7]. Les plus chanceux bénéficient pendant leur sommeil d'une apparition du dieu ; en touchant la partie malade du corps, celui-ci la guérit. Le dieu peut également se contenter de dicter au patient une liste de médicaments que celui-ci s'empressera de se procurer une fois réveillé.

Les stèles retrouvées à Épidaure, sortes d'ex-voto, montrent qu'Asclépios guérit toutes sortes de maladies : il traite les ulcères et guérit la maladie de la pierre tout autant qu'il rend la vue aux aveugles. « Il y en aurait eu bien plus », commente Diogène au sujet d'une autre divinité guérisseuse, « si elles avaient été offertes par ceux qui n'ont pas été sauvés[8], p. 118. » Sans doute les patients non guéris attribuaient-ils cet échec au caractère insondable de la volonté du dieu.

Le traitement n'est pas gratuit : ainsi, à Oropos, le sanctuaire réclame une ἐπαρχή / eparkhế ou taxe de consultation à tout visiteur désirant se faire soigner. Une fois son dû acquitté — une drachme béotienne au début du IVe siècle av. J.-C., ce dernier reçoit une lamelle de plomb avec l'inscription : « sancutuaire d'Amphiaraos — santé »[9] —, qui lui sert de ticket d'entrée. Un néocore (sacristain) surveille que les patients ne resquillent pas.

Relief votif dédié à Asclépios et Hygie en remerciement de la guérison d'une jambe, v. 100-200 ap. J.-C., British Museum
Relief votif dédié à Asclépios et Hygie en remerciement de la guérison d'une jambe, v. 100-200 ap. J.-C., British Museum

Certaines des « ordonnances » dictées par le dieu ont été conservées et permettent de mieux comprendre les guérisons attestées par les ex-voto. D'abord, il faut souligner que le rituel mêle savamment suggestion et mise en scène. Ensuite, le dieu ordonne généralement des remèdes simples (cataplasmes, tisanes) et prodigue des conseils d'hygiène de vie : nécessité de faire de l'exercice (sport et promenade), régulation du régime alimentaire. Enfin, le volet religieux à proprement parler est généralement assorti d'une véritable cure thermale, comprenant bains et frictions[10]. À Oropos, où aucun témoignage de guérison ne nous est parvenu, les instruments médicaux découverts témoignent de la pratique de la chirurgie[11].

Les troubles mentaux sont également guéris par des pratiques cathartiques. Ainsi, le chœur dans l’Hippolyte porte-couronne d'Euripide[12] distingue trois types d'« égarement ». L'un est de type panique (associé à Pan), l'autre de type lunatique (associé à Hécate, déesse lunaire), le dernière enfin est associé à Cybèle et aux Corybantes. Hippocrate lui-même reprend ce type de considérations, avec un effort supplémentaire de typologie, dans Du mal sacré[13]. La cure consiste généralement en une danse rituelle au son d'une musique dans le mode phrygien.

En l'espèce, ce n'est pas le rituel qui est adapté à la maladie mais l'inverse : si le malade réagit aux rituels de tel dieu, c'est bien que son mal était envoyé par ce dieu. En l'absence de réaction, on passe au dieu suivant. Aristophane, dans les Guêpes[14], illustre bien l'indifférence des Grecs à la nature du traitement : l'important, c'est qu'il soit eficace. Ainsi, le jeune Bdélycléon essaie de traiter son père successivement par une cure hippocratique (bains et purge), un passage par les Corybantes (traitement par l'hypnose) puis par une nuit dans le sanctuaire d'Épidaure.

[modifier] Médecine scientifique

[modifier] L'apport hippocratique

Portrait d'Hippocrate d'après un buste antique, dans la Young Persons' Cyclopedia of Persons and Places, 1881
Portrait d'Hippocrate d'après un buste antique, dans la Young Persons' Cyclopedia of Persons and Places, 1881

Le développement scientifique de la médecine grecque est traditionnellement attribué à Hippocrate de Cos, médecin du Ve siècle av. J.-C. On lui rattache un ensemble de traités, le « Corpus hippocratique », bien que vraisemblablement il n'ait écrit aucun d'entre eux. Portant sur des sujets variés comme la gynécologie ou la chirurgie, ils s'étalent en effet de la fin du Ve siècle jusqu'à l'époque hellénistique : on estime généralement qu'il s'agit d'une bibliothèque d'école de médecine.

L'enseignement qui en ressort apporte trois innovations qui marqueront durablement la médecine occidentale. Premièrement, il écarte les considérations religieuses. Ainsi, l'auteur de Sur la maladie sacrée entreprend de montrer que l'épilepsie, appelée alors « maladie sacrée », n'est pas « plus divine ou plus sacrée que n'importe quelle autre maladie[15].  » Sa preuve est simple : la maladie ne s'en prend qu'aux « flegmatiques » (cf. ci-dessous la théorie des humeurs) ; or si la maladie était véritablement une visitation divine, tous devraient pouvoir en être atteints. Si le traité Du régime reconnaît l'importance des rêves, c'est pour les considérer — en partie — comme des symptômes liés à l'état physiologique du patient : si ce dernier fait des cauchemars à répétition, cela peut témoigner d'un désordre mental. Toutefois, le corpus hippocratique n'est pas totalement exempt de considérations irrationnelles : dans le même traité, l'auteur considère que le rêve est la manifestation symbolique d'un diagnostic que l'âme, pendant le sommeil, pose sur le corps qu'elle habite. Ainsi fait-il se rejoindre oniromancie et médecine[16].

La médecine hippocratique est donc fondée, de manière générale, sur l'observation et le raisonnement. Les Épidémiques comprennent ainsi des séries d'observations quotidiennes effectuées par le médecin sur son patient : il commence par décrire précisément les symptômes puis observe jour après jour l'état général (calme, agitation) en veille et pendant le sommeil. Son examen porte aussi sur l'état de la langue, l'urine et les selles. Un effort de rationnalisation est fait : on distingue fièvre tierce ou quarte suivant le rythme observé dans les poussées de fièvre.

Deuxièmement, l'enseignement hippocratique tente de se donner un cadre théorique. Le plus connu est la théorie des humeurs (bile jaune, bile noire ou atrabile, phlegme ou lymphe et sang), dont le déséquilibre cause maladie physique mais aussi trouble psychique. On sait que d'autres attribuent la cause des maladies aux déséquilibres entre le chaud et le froid, le sec et l'humide dans le corps. Cependant, d'autres auteurs comme ceux de Sur l'ancienne médecine ou Sur la nature de l'homme mettent en garde contre toute tentation de simplification excessive : pour eux, le médecin doit avant tout agir et réfléchir de manière empirique.

Outre la recherche des grandes causes des maladies, les médecins hippocratiques s'intéressent à des problèmes de nature plutôt théorique, comme la croissance biologique (comment l'alimentation aboutit-elle à une croissance du corps) et la reproduction (comment la semence peut-elle donner naissance à un être complet ?). Sur un plan plus pratique, ils étudient le fonctionnement du corps humain, faisant ainsi considérablement progresser l'anatomie. Pour ce faire, ils se fondent surtout sur des connaissances cliniques : ainsi, la connaissance des os et des tendons se fonde probablement sur l'étude des entorses et autres luxations. Les médecins recourent également, dès cette époque, à la dissection, mais la pratique reste très marginale.

Enfin, l'enseignement hippocratique repose sur une véritable déontologie médicale, exprimée dans le traité Sur l'ancienne médecine, les Aphorismes du Corpus et surtout le célèbre Serment d'Hippocrate :

« Je ne donnerai jamais de poison à personne, même si l'on m'en demande ; je ne donnerai jamais à une femme de drogues propres à la faire avorter ; en quelque maison que j'entre, j'y viendrai pour le salut des malades, m'abstenant de toute injustice et de tout méfait volontaire, spécialement de toute séduction des femmes et des garçons aussi bien esclaves que libres[17]. »

[modifier] La médecine hellénistique

À l'époque hellénistique, Alexandrie devient la capitale des études biologiques et médicales. Leur principale innovation est l'introduction de la pratique de la dissection, allant ainsi à l'encontre des pratiques religieuses prohibant l'ouverture du corps. Dans son traité Sur les dissections, Hérophile décrit le cerveau et l'identifie, contre l'opinion d'Aristote, comme le centre du système nerveux. Il distingue les principaux ventricules et décrit le calamus scriptorius (fossette du plancher du quatrième ventricule), les « concaténations chorioïdes » (les méninges) et le « pressoir » (le sinus veineux, que l'on appelera ensuite en son honneur le torcular Herophili). Hérophile s'intéresse également à l'anatomie de l'œil et du cœur.

Afin de mieux connaître l'anatomie interne, Hérophile et son contemporain Érasistrate pratiquent même la vivisection. D'après le téoignage du médecin romain Celse[18], tous deux examinent la conformation des organes de criminels encore vivants, mis à leur disposition par le roi. Malgré ces progrès, la science anatomique reste limitée puisque Hérophile, semble-t-il, soutient que les nerfs optiques sont creux.

[modifier] Galien

Fresque médiévale représentant Galien et Hippocrate, Anagni
Fresque médiévale représentant Galien et Hippocrate, Anagni

Né à Pergame en 129 ap. J.-C., Galien suit des études de médecine à Smyrne, Corinthe et Alexandrie. Pendant quatre ou cinq ans, il exerce auprès de gladiateurs et acquiert une expérience pratique des traumatismes profonds. Après un bref séjour à Rome, il acquiert une telle renommée qu'il est appelé par Marc-Aurèle et Lucius Verus comme chirurgien des armées. Il devient ensuite médecin personnel de Commode et jouit de la faveur impériale jusqu'à la fin de sa carrière.

La tradition attribue à Galien un grand nombre de traités, dont seul un petit nombre a survécu. Au travers de ces derniers, il démontre une solide connaissance des travaux de ses prédecesseurs (Hippocrate, Hérophile, Érasistrate, Asclépiade) mais aussi de Platon et d'Aristote. Dans Que le meilleur médecin est aussi philosophe, il souligne la nécessité pour le médecin d'avoir une solide formation de logique et de biologie théorique. Il s'élève également contre la cupidité de ses collègues, dont la vocation médicale est motivée par l'appât du gain.

Ses dissections sur les animaux ont prolongé son savoir en anatomie guidé par un finalisme influencé par Platon. Sa thèse sur la circulation du sang fera longtemps autorité. Pour lui, le sang se forme dans le foie après digestion des aliments. Les artères contiennent du sang et non de l'air comme le pensait au Érasistrate. Le sang artériel, chargé des esprits vitaux, subit un mouvement rythmé qui correspond au pouls. Galien complète la théorie humorale d'Hippocrate. Il privilégie le cerveau et non le cœur.

[modifier] Professions médicales

[modifier] Médecins

Timbre en pierre pour marquer des kollyria, modèle inscrit en latin mais comparable aux timbres grecs, Ier-IIIe siècle ap. J.-C., British Museum
Timbre en pierre pour marquer des kollyria, modèle inscrit en latin mais comparable aux timbres grecs, Ier-IIIe siècle ap. J.-C., British Museum

Les traités qui composent le Corpus hippocratique ne sont pas toujours rédigés par ce que nous appelerions un médecin. Aristote[19] reconnaît ainsi trois catégories de personnes habilitées à parler de médecine : le praticien (δημιουργός / dêmiourgós), le professeur de médecine ou médecin savant (ἀρχιτεκτονικός / arkhitektonikós) et l'homme cultivé qui a étudié la médecine au cours de son cursus général. Les sophistes prétendent également pouvoir enseigner, entre autres disciplines, la médecine.

Cependant, une distinction se fait jour, dans le Corpus hippocratique lui-même, entre d'une part le médecin et le profane (Sur l'ancienne médecine), d'autre part le médecin et le charlatan (Sur la maladie sacrée). Nous avons connaissance d'une école spécialisée à Cnide et la famille des Asclépiades, à Cos, peut être considérée comme une école.

Si les médecins sont souvent des hommes libres, il arrive que des esclaves apprennent la médecine, soit au contact de leur maître, lui-même médecin, soit sur demande de leur maître qui souhaite bénéficier d'un médecin privé.

La formation des médecins se fait la plupart du temps par apprentissage. Les disciples apprennent l'art du diagnostic et du prognostic auprès de leur maître, de même que les actes médicaux : saignées, lavements par clystères, pose de ventouses mais aussi actes chirurgicaux comme la trépanation. D'autres choisissent un cursus plus théorique : ils voyagent dans tout le bassin méditerranéen, fréquentant les différentes écoles de médecine. Ceux qui complètent leur cursus par l'étude des pratiques magiques ne sont pas rares. Ainsi, au Ier siècle ap. J.-C., le médecin Thessalos, après avoir après la médecine dialectique, se rend-t-il à Diospolis (Thèbes) pour apprendre les vertus des plantes. Cet apprentissage passe pour lui par l'astrologie et par une consultation d'Asclépios, par l'intermédiaire d'un prêtre égyptien[20]

Contrairement à l'Égypte, la Grèce ne connaît guère que le médecin généraliste ; ni la chirurgie ni la gynécologie ne sont des spécialités[21]. Les écoles de Cos et de Cnide ont tout de même laissé respectivement des traités dans ces deux disciplines. On a connaissance d'ophtalmologistes, soignant à bases de κολλὐρια / kollúria, c'est-à-dire des emplâtres solides, moulés en forme de bâtonnets. Il existe également des dentistes, capables de plomber les dents cariées. Enfin, les armées comportent des médecins militaires[22] spécialisés dans le pansage des blessés, et des médecins du sport.

[modifier] Médecins publics

Décret du roi d'Idalion en faveur du médecin Onasilos et de ses frères, portant règlement d'honoraires pour les soins prodigués aux blessés après le siège de la ville par les Mèdes (478-470 av. J.-C.), Cabinet des médailles
Décret du roi d'Idalion en faveur du médecin Onasilos et de ses frères, portant règlement d'honoraires pour les soins prodigués aux blessés après le siège de la ville par les Mèdes (478-470 av. J.-C.), Cabinet des médailles

Les médecins peuvent exercer à titre privé. Dans ce cas, ils sont généralement itinérants, ce qui leur pose problème pour faire reconnaître d'emblée leurs compétences dans leur ville d'arrivée. Il existe également être médecins publics, payés par la cité elle-même. Ainsi d'un médecin réputé du début du Ve siècle, Démokédès de Crotone[23] : il fait carrière d'abord à Égine, puis à Athènes et Samos, avant d'être capturé par les Perses et d'entrer au service du roi Darius Ier, qu'il guérit d'une affection au pied. En relatant cet épisode de la vie du Grand Roi, Hérodote affirme, pour la première fois dans la littérature grecque, la supériorité de la médecine grecque sur la médecine égyptienne. À Égine, Démokédès gagne un talent par an dès la seconde année, et à Athènes, cent mines. Une plaque de bronze de la même époque (cf. illustration) nous apprend également qu'un dénommé Onasilos et ses frères sont embauchés par Idalion, à Chypre, pour être médecins publics.

Dans la cité attique, la procédure nous est bien connue : il revient à l'Ecclésia d'examiner les titres de chaque candidat et de sélectionner le plus capable. Le médecin recruté se voit ensuite mettre à disposition un local servant aux consultations. Les médicaments prescrits sont remboursés par l'État grâce à un impôt spécial, le ἰατρικόν / iatrikón. De manière générale cependant, il s'agit moins de mettre en place un système de soins gratuits, à l'instar des Sécurités sociales modernes, que de disposer d'un médecin toujours à portée de main, dans des cités où l'état sanitaire est souvent précaire (cf. la « peste » d'Athènes de 430-429 av. J.-C.), l'activité sismique souvent présente et où les conflits armés sont fréquents.

Les inscriptions en l'honneur de médecins publics nous permettent de savoir quelles qualités on attendait d'un tel praticien. Ainsi, une stèle de Samos datée de 201-197 av. J.-C.[24] loue Diodoros, fils de Dioscouridès, pour s'être, lors d'un séisme, « également partagé entre tout le monde pour porter secours à tous » et « avoir placé le secours commun au-dessus de toute fatigue et de toute dépense. »

[modifier] Autres professions de santé

Les remèdes grecs étant élaborés à partir d'épices et de plantes, le pharmacien (φαρμακοπώλης / pharmakopốlês) occupe une place importante dans le système de soins, même s'il arrive que le médecin prépare ses propres remèdes. Le pharmacien prépare les médicaments prescrits par le médecin mais aussi des remèdes vendus directement. Ainsi, dans les Thesmophories (v. 504), Aristophane décrit le mari d'une femme sur le point d'accoucher courant « les boutiques en achetant des spécifiques pour hâter la délivrance. »

Une autre profession importante est celle de sage-femme. S'il existe quelques femmes médecins, les accoucheuses et infirmières sont bien plus nombreuses. Selon le Théétète (149a), Phénarètè, la mère de Socrate, est sage-femme, et Socrate reprend l'accouchement comme métaphore de son art, la maïeutique.

Enfin, il faut mentionner les pédotribes, responsable de l'enseignement sportif au sein du gymnase. Apprenant sur le tas le plus souvent, ils sont à la fois diététiciens, masseurs et kinésithérapeutes : ils doivent prendre en charge les entorses, luxations, tendinites et autres traumatismes courants dans la pratique sportive. Certains se convertissent à la médecine à proprement parler : ainsi d'Hérodicos de Sélymbria, mentionné à plusieurs reprises par Platon (par exemple République, III, 406 a–b ou encore Protagoras, 316 e).

[modifier] Notes

  1. Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (IV, 188-219).
  2. G.S. Kirk, The Iliad: a Commentary, Cambridge University Press, 1985, p. 251, note aux vers 193-194.
  3. L'Iliade (V, 400-401).
  4. Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne] (XVII, 383-385).
  5. L'Odyssée (IV, 231-232).
  6. Jean-Marie André et Françoise Baslez, Voyager dans l'Antiquité, Fayard, 1993 (ISBN 2-213-03097-9), p. 22-23.
  7. Brigitte Le Guen-Pollet, La Vie religieuse dans le monde grec du Ve au IIIe siècle, Presses Universitaires du Mirail, 1991, n° 40, p. 132.
  8. Diogène Laërce (VI, 59). Cité par E. R. Dodds, Les Grecs et l'irrationnel, Flammarion, coll. « Champs », Paris, 1977 (1re édition 1959) (ISBN 2-08-081028-6)
  9. Le Guen-Pollet, op. cit., n° 76, p. 207.
  10. André et Baslez, op. cit., p. 267-281.
  11. Le Guen-Pollet, op. cit., n° 40, p. 132.
  12. Hippolyte porte-couronne [détail des éditions] [lire en ligne] (141-150).
  13. Du mal sacré (I, 6, 360.13).
  14. Les Guêpes (v. 118-124).
  15. Cité par Geoffrey E. R. LLoyd, Les débuts de la science grecque, de Thalès à Aristote, La Découverte, 1990 (1re édition 1974), ch. 5, p. 69.
  16. Dodds, op. cit., p. 124-125 et 136.
  17. Cité par Robert Flacelière, La Vie quotidienne en Grèce au temps de Périclès, Hachette, 1988 (1re édition 1959) (ISBN 2-01-005966-2), p. 176.
  18. Sur la médecine, introduction, § 23 et suivants.
  19. Politique, III, 11, 11.
  20. Catalogum Astrologorum Græcorum, VIII, 3, p. 113 et suiv. Cité par André Bernand, Sorciers grecs, Hachette, coll. « Pluriel », 1991, p. 267.
  21. Anne-Marie Buttin, La Grèce classique, Belles Lettres, coll. « Guide des civilisations », p. 224-225.
  22. Xénophon, Anabase [lire en ligne], III, 4, 30.
  23. Hérodote, Enquête [détail des éditions] [lire en ligne], III, 129-133.
  24. Samos, Inv. J 1 + J 278. Jean Pouilloux, Choix d'inscriptions grecques, Belles Lettres, 2003 (1re édition 1960), p. 64, no 14 = Christian Habicht, Athenische Mitteilungen, 72 (1957), p. 233, no 64.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Louis Bourgey, Observation et expérience chez les médecins de la collection hippocratique, Vrin, coll. « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie », Paris, 2005 (1re édition 1953) (ISBN 2-7116-0083-1) ;
  • (en) Louis Cohn-Haft, The Public Physicians of Ancient Greece, Northampton, Massachusets, 1956 ;
  • (en) W. H. S. Jones, Philosophy and Medicine in Ancient Greece, Johns Hopkins Press, Baltimore, 1946 ;
  • Geoffrey E. R. Lloyd :
    • Les Débuts de la science grecque, de Thalès à Aristote, La Découverte, coll. « Textes à l'appui », 1999 (1re édition 1973) (ISBN 2-7071-1943-1),
    • La Science grecque après Aristote, La Découverte, coll. « Textes à l'appui », 1999 (1re édition 1974) (ISBN 2-7071-1951-2) ;
  • Jacques Jouanna, Hippocrate, Fayard, Paris, 1992 (ISBN 2213028613) ;
  • Jean Lombard, Aristote et la médecine, le fait et la cause, L'Harmattan, 2004 ;
  • (en) James Longrigg, Greek Rational Medicine: Philosophy and Medicine from Alcmæon to the Alexandrians, Routledge, 1993.

[modifier] Liens externes


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