Sans domicile fixe
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Un sans domicile fixe (SDF) est une personne qui dort dans la rue ou dans des foyers d'accueil. On parle aussi de sans abri ou d'itinérant. Le mot clochard a tendance à tomber en désuétude à cause de sa connotation péjorative et réductrice (« la Cloche » désigne parfois l'ensemble des clochards) [réf. nécessaire].
SDF est la nouvelle appellation en France depuis le milieu des années 1980 [réf. nécessaire]; ce nom succède à la notion de vagabond, ou chemineau (celui qui « fait le chemin »), si présent dans la vie en France au XIXe siècle. Les sans-abris sont souvent dits en situation d'exclusion sociale, bien que ce terme prête à débats. Nombre de sans-abris, en effet, travaillent (CDDs ou intérim) et peuvent donc difficilement être qualifiés de « marginaux ».
Sommaire |
[modifier] Histoire et évolution
![photographie d'un clochard à Paris en 1898 par Eugène Atget](../../../upload/shared/thumb/b/b9/Clochard_Atget_1898.jpeg/300px-Clochard_Atget_1898.jpeg)
Le terme de « sans domicile fixe » apparait dès le XIXe siècle sur les registres de police, il renvoie à une longue tradition de gestion de la pauvreté et de la mendicité [réf. nécessaire]. Les analyses de la pauvreté, les méthodes employées pour lutter contre celle-ci ont profondément évolué depuis l'Ancien Régime. Sur la période des années 1950 à nos jours, les concepts de pauvreté et de mendicité ont beaucoup changé.
L'évolution des termes témoigne de ces transformations. La prise en charge qui en résulte est elle aussi différente. Durant l'optimiste période de l'après-guerre, on a pensé que la formidable croissance économique permettrait sinon son éradication du moins sa quasi disparition.
[modifier] Nouveaux pauvres, accroissement du phénomène
Depuis la crise économique des années 1980, le problème de la grande précarité est réapparu d'autant plus fort que le nombre de chômeurs augmentait. L'apparition du terme nouveaux pauvres est significative. Des personnes qui étaient socialement bien intégrées, se sont retrouvées isolées suite à leur perte d'emploi, ou à l'augmentation du coût du logement. Des drames familiaux, l'augmentation du nombre des divorces, des problèmes d'alcool ou de drogue contribuent aussi à l'accroissement du phénomène. On assiste de plus dans cette population à un afflux de jeunes n'ayant encore jamais travaillé, et ayant coupé les ponts avec leur milieu d'origine familial et géographique. C'est dans ce contexte de croissance du phénomène et de l'apparition de nouveaux sans abris que le terme SDF, d'abord très technique et limité à un contexte administratif ou associatif, s'est répandu dans le public français et le langage courant.
[modifier] Nombre de SDF en France
![](../../../upload/shared/thumb/6/61/Searchtool.svg/15px-Searchtool.svg.png)
Population typiquement difficile à évaluer par son absence de la société organisée et administrée, les personnes sans domicile fixe sont difficiles à compter. Les évaluations varient considérablement.
Un comptage effectué une nuit de janvier 2004 par l'Insee [1] a dénombré 86 000 SDF en France, soit 0,13% de la population. Selon Patrick Declerck [2], il y a à Paris un noyau dur de 10 000 à 15 000 personnes qui vivent habituellement et de manière continue dans la rue (les clochards fortement désocialisés). Au-delà de cette population stable, on trouve un groupe plus instable ou moins durable et deux fois plus grand (20 000 à 30 000).
La recherche fréquente d'un recoin parfois bien caché, par souci de protection contre les intempéries ou par pudeur, augmente les incertitudes de dénombrement et surtout rendent plus difficiles l'action d'assistance ou d'entraide par les particuliers, les associations ou les secours.
En France en novembre 2006, alors que la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) annonce près de 7 % de retard de paiement de loyers par les locataires en 2002 (souvent en raison des coûts du chauffage électrique), le gouvernement annonce la création de 100 000 places en centres d’hébergement pour les sans-abri au titre du « plan hiver » (du 1er novembre 2006 au 31 mars 2007). Nombre de sans-papiers et « invisibles » échappent aux statistiques (mais ils étaient environ 200 à manifester à Calais quelques jours avant.)
[modifier] Mortalité
En France, le collectif des Morts de la rue, regroupant une quarantaine d'associations, a recensé 112 morts de février à octobre 2005 [4]. La variation saisonnière est peu importante, le froid a tué 5 personnes sur les 112. Ces personnes avaient en moyenne 49 ans, alors que l'espérance de vie est de 77 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes, le plus jeune avait 31 ans et la moitié avaient moins de 50 ans.
Les principales pathologies sont liées à la malnutrition et notamment aux carences en vitamine C et en calcium : anémie, hémorragies, troubles neurologiques ou cardio-vasculaires, fractures. Le manque de suivi médical empêche la prévention de maladies bien traitées comme le diabète ou l'hypertension. À ceci s'ajoute une forte consommation d'alcool et de tabac, entraînant des maladies cardiovasculaires, des cancers ORL et des cirrhoses.
L'étude a également recensé 21 morts violentes : 8 assassinats, 7 morts dans des incendies et 6 chutes mortelles.
Dans un éditorial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire [8], Martin Hirsch faisait remarquer que « l’espérance de vie des plus pauvres en France est plus proche de l’espérance de vie au Sierra Léone (34 ans), pays qui a l’une des espérances de vie les plus courtes au monde, que de l’espérance de vie de l’ensemble de la population française. Autrefois, la pauvreté tuait brutalement. Aujourd’hui, elle tue tout aussi sûrement, mais plus lentement. »
[modifier] Sociologie
[modifier] Emploi et exclusion sociale
On voit souvent les personnes sans domicile fixe comme des personnes désocialisées, totalement exclues de la société. Or, on s'est aperçu au début des années 2000 que c'était loin d'être le cas général.
Une étude faite en 2004 par l'Insee [1] a montré qu'en France :
- trois SDF sur dix ont un emploi, en général précaire (contrat à durée déterminée, intérim) ; c'est généralement pour eux le coût du logement (en dramatique progression) et l'insuffisance des logements sociaux qui les maintiennent à la rue.
- quatre SDF sur dix sont inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi, et sont donc dans une dynamique de recherche d'emploi.
S'il n'y a pas double appartenance à ces deux catégories (conservation de l'inscription à l'ANPE en même temps que le bénéfice d'un emploi précaire), alors seuls 30 % des SDF en France sont réellement « désocialisés ».
Rectification : Il faut préciser que le mot « désocialisé » implique de ne plus être à même de vivre comme tout le monde et de ne plus pouvoir faire le cas échéant les démarches pour cela. Certains SDF ne sont pas inscrits à l'ANPE et ne cherchent pas d'emploi, non pas par désir de marginalité, mais parce qu'ils considèrent qu'on ne peux pas travailler lorsqu'on a pas de logement !
Par ailleurs, la crise du logement et le prix élevé de l'immobilier (en particulier en région parisienne) n'est que l'une des causes expliquant le phénomène des sans-abris. En effet, l'accès au logement, même pour celui qui peut payer, est restreint de nombreuses façons (nécessité d'avoir un garant, de pouvoir démontrer l'existence d'un salaire élevé et assuré, en général fondé sur un CDI, nécessité d'avoir des papiers, etc.) Ces contraintes demeurent considérables, au-delà même du coût du logement en lui-même.
[modifier] Les « grands exclus »
Le phénomène des « grands exclus » est un phénomène social complexe à gérer. Il ne s'agit pas uniquement de pauvreté, mais surtout d'une désocialisation, d'une perte du lien social. En effet, une personne pauvre a en général des amis, de la famille qui peut l'héberger ; si la personne se retrouve dans la rue, c'est qu'elle a coupé ses liens avec ses amis et sa famille, ou l'inverse, ce qui arrive le plus souvent. Cela peut être en raison d'un déracinement (personne née à l'étranger ou ayant longtemps vécu à l'étranger, qu'elle soit de nationalité étrangère ou pas), de problèmes psychiatriques, d'un drame familial, d'un rejet de la part de l'entourage, d'une rupture voulue en raison de sévices subis. Dans un ouvrage récent [5], L. Thelen, chercheur belge ayant travaillé avec des acteurs institutionnels et des ONG d’aide aux personnes sans-logis ainsi qu’«en tant que» sans domicile fixe lui-même, cela en Belgique, en France et au Portugal, met en exergue la violence extrême qu’exerce l’environnement de la rue sur ses usagers principaux. Afin de survivre à ce milieu destructeur, ces derniers sont contraints à se soumettre à toute une série d’adaptations qui, à leur tour, vont encore renforcer la dépendance de l’individu vis-à-vis dudit milieu. Ce véritable cercle vicieux va mener le sans-abri à ce que l'auteur nomme «l’exil de soi», processus de désocialisation à ce point poussé que celui qui en est victime se trouve graduellement dépourvu de tout support social.
En sus d’apporter un certain nombre d’évidences montrant que le sans-abrisme peut conduire aux mêmes extrémités dans des milieux socioculturels très différenciés, cet ouvrage met également en lumière le fait que certaines institutions d’aide sociale, en ne prenant pas suffisamment en compte les contraintes environnementales auxquelles sont soumises les personnes souffrant d’extrême exclusion, participent au renforcement du processus d’exil de soi.
En effet, les personnes sans domicile fixe sont souvent réticentes à dormir dans les foyers : ceux-ci ne présentent pas des garanties de sécurité (notamment en ce qui concerne les vols), ils n'acceptent en général pas ceux qui ont des chiens, ni les couples de SDF.
Les chiens, outre le fait d'être des compagnons fidèles qui ne jugent pas, constituent également un moyen de défense contre l'agression, et empêchent de se faire arrêter par la police ou la gendarmerie lorsque celle-ci ne dispose pas d'un chenil.
[modifier] Langage
Le terme « sans domicile fixe » désigne les personnes sans domicile, mais pas les personnes ayant un domicile « mobile » (gens du voyage). L'emploi du mot fixe est donc inutile, et ne sert qu'à marquer le non emploi du mot personne. Le terme exclut donc du langage le caractère humain de ces personnes.
[modifier] Bibliographie
- [1] Pour les sans-abri, l'hiver commence aujourd'hui, Tonino Serafini, Libération, 1er novembre 2004
- [2] Les naufragés, Patrick Declerck, éd. Plon, 2002.
- [3] Critique de l'urgence sociale. Et si les SDF n'étaient pas des exclus ?, Stéphane Rullac, éd. Vuibert, Collection Perspectives Sociales, 2006
- [4] Dans la rue, l'espérance de vie ne dépasse pas la cinquantaine, Tonino Serafini, Libération, 15 décembre 2005 [1]
- [5] L'exil de soi. Sans-abri d'ici et d'ailleurs, Lionel Thelen, Publ. des Facultés Universitaires Saint-Louis, 2006.
- [6] Dans la dèche à Paris et à Londres, George Orwell, Michel Petris (Traduction) Poche 10/18
- [7] La Question SDF : Critique d'une action publique, Julien Damon, éd. Presses Universitaires de France, collection le lien social, novembre 2002
- [8] Les inégalités sociales de santé en France en 2006 : éléments de l’état des lieux, BEH du 23 janvier 2007, InVS
[modifier] Filmographie
- Une époque formidable..., un film de et avec Gérard Jugnot
- Sans toit ni loi d'Agnès Varda
[modifier] Voir aussi