Travail des enfants

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Le travail des enfants désigne certaines activités entreprises par des personnes mineures, dont la définition varie selon les époques et les cultures. Actuellement, il est défini par l'OIT de la façon suivante^[1] (voir plus bas pour les détails) :

• « N'importe quelle activité économique entreprise par un enfant âgé de moins de 12 ans ;
• N'importe quel travail non “léger” entrepris par un enfant de 12 à 15 ans, prenant plus que quelques heures par semaine ;
• N'importe quel travail classé “dangereux” entrepris par un jeune de 15 à 18 ans. »

On estime qu'il existe environ 350 millions d'enfants concernés dans le monde, dont plus de 8 millions travaillent de façon inacceptable : enfants soldats, prostitution, pornographie, travail forcé, trafics et activités illicites.

Enfant ramassant des ordures à Jakarta, en Indonésie.

[modifier] Définitions

Le concept du travail des enfants est difficile à définir car on ne retient pas dans tous les cas la même définition.

On peut en distinguer deux formes grâce aux deux mots anglais childwork et childlabour:

1. Le childwork qui est une activité qui permet la scolarisation
2. Le childlabour qui est une activité d’une intensité supérieure qui empêche la scolarisation.

[modifier] Âge minimum

Vendeuse de bacoves à Hô-Chi-Minh-Ville au Viêt Nam.

L'organisation international du travail retient les définitions suivantes dans ses publications, qui servent souvent de référence lors de l'analyse du travail des enfants^[2] :

• Un enfant est une personne de moins de 18 ans^[3] ; puisqu'il est souvent considéré que les enfants de moins de 5 ans sont trop jeunes pour travailler^[4] (même s'il existe des cas d'abus), les statistiques ne prennent souvent en compte que les enfants entre 5 et 17 ans.
• Le travail est défini comme une « activité économique »^[5], qu'elle soit payée ou non. Ce dernier cas permet d'inclure l'économie informelle ou le travail domestique dans un autre foyer que le sien. Les enfants sont ainsi répartis dans cinq catégories : travaillant, travaillant et allant à l'école, allant à l'école et ne travaillant pas, travail domestique, et aucune activité (malade, éducation informelle...)

Ces définitions sont essentiellement statistiques et ne servent pas à établir la limite entre un travail « acceptable » (au vu des conventions internationales) ou non. La convention n^o 138 de l'OIT sur l'âge minimum d'emploi, de 1973, est le document de référence à ce sujet actuellement. Elle distingue un âge minimum général, un âge minimum pour les travaux légers et un autre pour les travaux dangereux. Elle distingue aussi les « pays où les services économiques et d'éducation sont insuffisamment développés », et les autres ; pour les autres pays, l'âge minimum général est de 15 ans ou l'âge de fin de scolarisation obligatoire s'il est plus élevé (14 ans dans ces pays en développement) ; pour les travaux légers, 13 ans (resp. 12 ans) ; pour les travaux dangereux, 18 ans, voire 16 ans selon certains conditions (idem).

[modifier] Type de travail

Diagramme des différentes types de travail des enfants, d'après l'OIT^[6]. Les chiffres correspondent au nombre d'enfants dans ces conditions (en millions), d'après l'évaluation globale de 2002.

La convention précédente impose de définir également les travaux « légers » et « dangereux ». D'après cette même convention, un « travail léger » doit être sans danger pour la santé et le développement de l'enfant, et ne doit pas l'empêcher d'aller à l'école ou de « bénéficier de sa formation ». Dans les statistiques, cela est souvent simplifié pour devenir « un travail non dangereux prenant moins de 14 heures par semaine ». Les deux autres catégories de travaux sont les travaux dits dangereux, et les « pires formes de travail des enfants »^[7].

Un travail dangereux est de façon générale ce qui peut « compromettre la santé ou la sécurité physique ou morale d'un enfant » ; plus précisément, cela inclut les métiers de la construction, dans les mines, avec certaines machines, au contact de pesticides, de plus de 43 heures par semaine, etc. : la convention OIT n^o 190 définit ces formes plus précisément, ainsi que les lois nationales.

Les pires formes de travail des enfants sont définies par la convention OIT n^o 182, article 2, et incluent le trafic d'enfants, le travail forcé ou en repaiement d'une dette, la participation des enfants à des conflits armés (en tant qu'enfants soldats mais aussi comme messagers, porteurs...), l'exploitation sexuelle par la prostitution et la pornographie, et les activités illicites comme le trafic de drogue ; voir les détails dans la partie dédiée.

[modifier] Histoire

Dans une usine américaine en 1908.

Le travail des enfants existe depuis l'Antiquité. Il prend de l'ampleur avec la révolution industrielle dès le début du XIX^e siècle dans certains pays, des manufacturiers menacent des enfants pour les obliger à travailler. Et c'est aussi pour les enfants et leurs familles un moyen de survie (la nourriture). Le marxisme, par le Manifeste du parti communiste, fut l'un des premiers courants politiques à prôner l'interdiction du travail des enfants.

[modifier] Situation actuelle

[modifier] Source des estimations

La majorité des statistiques existantes sur le travail des enfants ne sont que des estimations, en grande partie à cause du caractère informel et / ou illégal des activités concernées. L'évaluation la plus récente de l'OIT a été conduite par le projet SIMPOC^[2] (Statistical and Information Monitoring Programme) entre 1994 et 2002 dans 29 pays différents, principalement avec des enquêtes au niveau des ménages, plus rarement dans le cadre d'enquêtes statistiques nationales. D'autres organisations conduisent également des recherches dans ce domaine, notamment l'Unicef, la Banque mondiale et certains ONGs.

[modifier] Données

[modifier] Répartition géographique

Aujourd'hui, le travail des enfants concerne surtout les pays du Sud : ainsi l'Inde est, en valeur absolue, l'état le plus touché par le travail des enfants^[8]. D'après les ONG locales, il y aurait 16,4 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans qui travailleraient en Inde. La Banque mondiale avance un chiffre global de 44 millions d'enfants de moins de 18 ans qui travaillent dans ce pays^[8].

Proportion d'enfants de 5 à 14 ans au travail pour chaque pays, d'après un rapport de la Banque Mondiale^[9] et des données de l'OIT :

██ Pas de données ou 0 % ██ 0 à 10 % d'enfants au travail ██ 10 à 20 % d'enfants au travail

██ 20 à 30 % d'enfants au travail ██ 30 à 40 % d'enfants au travail ██ Plus de 40 % d'enfants au travail

[modifier] Typologie des activités

Le classement du travail par type d'activité pratiquée peut être trouvé dans une étude de 1996^[10] et indiquait que les enfants travaillaient dans les domaines suivants : 70,4 % dans l'agriculture, la chasse ou la pêche ; 8,3 % dans le commerce en gros ou au détail ou dans la restauration et les hôtels ; 8,3 % dans la fabrication ; 6,5 % dans les « services communautaires, sociaux ou personnels » ; 3,8 % dans les transports, les entrepôts et la communication, 1,9 % dans la construction, et 0,9 % dans les industries extractives (minières notamment). Les pires formes de travail sont traitées dans la partie suivante.

[modifier] Agriculture

Jeune berger au Sénégal.

Selon les pays, les enfants qui travaillent dans l'agriculture peuvent représenter 90 à 95 % des enfants au travail, la moyenne étant de 70 à 74 %. On distingue les enfants qui travaillent aux champs avec leurs parents, et ceux qui sont employés sur de grandes plantations ou exploitations. Le premier cas est fréquent dans les pays dont l'économie est essentiellement basé sur l'agriculture ; les enfants sont souvent responsables de la garde du bétail et de petits travaux. Si les abus restent possibles, ils sont moins nombreux puisque les enfants restent dans le cadre familial^[11].

Les enfants employés sur des plantations ont généralement des conditions de vie plus dures : leurs activités sont liées à celles de leur parents qu'ils aident, pour la cueillette du thé, du café, pour l'entretien de plantes ou l'application d'engrais. Les techniques d'agriculture modernes exposent les enfants aux mêmes dangers que l'industrie, en raison de la chaleur, de la poussière, des risques liés aux machines agricoles, et des dangers représentés par les produits toxiques comme les pesticides.

[modifier] Industrie et construction

Mineurs aux États-Unis en 1908.

Si l'industrie n'est pas le secteur dominant, il est souvent le plus connu, d'une part car il s'agit fréquemment de travail dangereux, d'autre part car c'est le travail d'enfants dans les manufactures de la révolution industrielle qui a rendu visible ce phénomène et a mené à sa réglementation. Dans les pays développés, c'est l'image la plus courante lorsque l'on évoque le travail d'enfants des pays en développement^[11]. L'emploi d'enfants en-dessous de 12 ans n'est pas rare dans la construction pour les petites tâches de nettoyage et de transport ; c'était encore le cas en Europe du Sud (notamment en Italie) dans les années 1980.

Au début du XIX^e siècle les manufacturiers cherchaient des enfants pour aller dans les mines, pour des fabrications de chaussures (dans le textile).

[modifier] Commerce et services

[modifier] Activités domestiques

Cosette, personnage des Misérables de Victor Hugo.

Le travail domestique est la forme de travail la plus cachée et la plus difficile à estimer, puisqu'elle prend place au sein des foyers. Si l'implication d'un enfant dans les tâches domestiques est généralement considéré comme bénéfique et participant à son éducation, dans de nombreux pays des enfants sont employés comme domestiques par une autre famille que la leur, voire sont exploités par leur propre famille ; ce dernier cas n'est toutefois par inclus dans les enfants « économiquement actifs ».

Le nombre exact d'enfants dans ces conditions est inconnu : l'OIT avance un chiffre de plusieurs millions, en grande majorité des filles^[12] ; elle estime aussi qu'il y a plus de filles de 16 ans astreintes à un travail domestique que dans les autres formes de travail. Certaines évaluations permettent d'obtenir un ordre de grandeur : on parle ainsi de 482 000 enfants au Brésil, 300 000 uniquement à Dhaka, 700 000 en Indonésie, 200 000 au Kenya, 66 à 88 000 au Maroc, 200 000 en Haïti...

Les raisons de l'entrée dans le travail domestique sont nombreuses : il est souvent perçu comme « normal » ou au moins ne posant pas de problème ; il peut être institutionnalisé, ou peut représenter une manière d'échapper à la misère comme pour les restavecs haïtiens ; il peut aussi faire l'objet d'un trafic ou d'un repaiement de dettes (voir plus bas).

[modifier] Pires formes de travail

On estimait en 2002^[2] que 8,4 millions d'enfants se retrouvaient dans une des « pires formes de travail » telles que définies par l'OIT (convention 182, article 3). Ce chiffre est cependant une estimation basse, car seuls les pays effectivement inclus dans l'enquête ont été comptés, sans extrapolation aux autres pays ; les critères choisis sont également conservateurs. Le nombre réel d'enfants dans ces conditions peut en réalité être bien supérieur. L'OIT classe ces formes en cinq catégories : le trafic d'enfants, le travail forcé, les conflits armés, l'industrie du sexe et les activités illicites.

[modifier] Trafic d'enfants

Le trafic d'enfants inclut « le recrutement, le transport, le transfert, l'abri ou la réception d'un enfant à des fins d'exploitations^[13] ». L'OIT estime que 1,2 millions d'enfants subissent un tel trafic dans le monde, dont 550 millions en Amérique du Sud seulement même si le trafic touche le monde entier. Mais ces 1,2 millions ne sont pas comptés dans le total afin d'éviter un double compte : les enfants trafiqués subissent en général une autre forme d'exploitation.

Le but du trafic dépend de l'âge et du sexe des enfants : les garçons sont généralement trafiqués pour du travail forcé dans de grandes plantations ou le trafic de drogue, tandis que les filles sont plutôt destinées à l'exploitation sexuelle ou domestique. Les trafics s'opèrent aussi bien à l'intérieur des pays qu'entre différents pays, ainsi qu'à l'échelle mondiale^[2].

[modifier] Travail forcé

Le travail forcé concerne environ 5,7 millions d'enfants dans le monde ; il se distingue des autres formes de travail des enfants par une certaine restriction des mouvements de l'enfant, une violence mentale ou physique, l'absence de consentement et / ou une forme de contrôle au-delà de la normale^[14]. Si les estimations indiquent que la majorité de ces enfants se trouvent en Asie (5,5 millions), c'est aussi parce que les sources fiables manquent pour les autres régions, ce type de travail étant dur à apprécier. Une autre raison est le caractère quasi institutionnel du travail forcé en paiement de dettes (bonded labour, en anglais), comme le système de kamaiya au Népal^[15] : dans de tels systèmes, des parents peuvent placer un enfant dès 7 ou 8 ans pour un travail en usine, afin d'obtenir un prêt ou de payer des dettes. Placé à la merci d'un patron pas nécessairement scrupuleux, le travail que fait l'enfant peut vite tourner à de l'esclavage^[16].

Les exemples les plus connus sont au Népal, au Pakistan et en Inde ; dans ce dernier pays, la pratique est répandue dans l'agriculture et les industries de la cigarette, de la soie ou des tapis. Une étude portait sur les conditions de vie des milliers d'enfants travaillant dans l'industrie du tapis et les décrivait

« [...] kidnappés, déplacés ou placés par leurs parents pour de faibles sommes d'argent. La plupart d'entre eux sont retenus en capitivité, torturés et forcés à travailler 20 heures par jour sans une pause. Ces petits enfants doivent s'accroupir sur leurs orteils, de l'aube au crépuscule chaque jour, handicapant sévèrement leur croissance. Les activistes sociaux dans ce domaine n'arrivent pas à travailler en raison du contrôle proche de celui d'une mafia exercé par les gérants des ateliers de tissage^[17]. »

D'autres situations similaires se retrouvent au Brésil avec les plantations de canne à sucre et les charbonniers, travaux dans lesquels les enfants sont impliqués. En 1993, des enfants de 4 ans avaient été reportés au travail dans une plantation de coton à Paraná^[18]. En Mauritanie, malgré l'abolition de l'esclavage en 1980, il reste encore environ 400 000 personnes d'Afrique noire servant d'esclaves à des Berbères, les enfants comme les adultes^[19].

[modifier] Exploitation sexuelle

Prostituée de 10 ou 11 ans, enceinte de 4 mois (Angleterre, 1871).

D'après l'OIT, 1,8 millions d'enfants sont impliqués dans le commerce sexuel mondial, la plupart entre 15 et 17 ans ; 750 000 se trouvaient en Amérique du Sud et Caraïbes, 590 000 en Asie / zone Pacifique, et 420 000 dans les pays développés. Les formes de travail sont diverses : pornographie juvénile, prostitution, trafic sexuel et / ou tourisme sexuel. La majorité (plus d'un million en 1997 d'après l'Unicef^[16]) sont des filles.

L'expoitation sexuelle des enfants apparaît dans les médias à l'occasion de scandales sur le tourisme sexuel, organisé en général pour des hommes venant de pays développés vers la Thaïlande, la République dominicaine ou le Brésil entre autres pays. Mais l'exploitation sexuelle est aussi organisée localement : aux États-Unis, on estime à plus de 100 000 le nombre d'enfants prostitués^[16]. L'exploitation sexuelle peut être liée à d'autres formes d'exploitations : les fabriques indiennes de tapis citées plus haut sont connues pour servir de centres de recrutement pour des maisons closes. Les enfants prostitués sont exposés aux maladies sexuellement transmissibles, aux grossesses non désirées, aux drogues ; ils souffrent également de stigmatisations dans le reste de la société, quand ils ne sont pas considérés comme « illégaux » et traités comme tels par les forces de l'ordre.

[modifier] Législations et prohibition du travail des enfants

Au niveau international, le travail des enfants est régi par plusieurs conventions de l'OIT, dont les principales sont la convention n^o 138 sur l'âge minimum de travail (datant de 1973 et remplaçant plusieurs conventions précédentes sur l'âge minimum dans divers secteurs d'activités), et la convention n^o 182 sur les pires formes de travail.

Pays ayant ratifié les conventions 138 et 182 de l'OIT, en 2006^[20] :

██ Ratification des conventions 138 et 182

██ Ratification de la convention 182 mais pas de la 138

██ Ratification de la convention 138 mais pas de la 182

██ Aucune ratification

██ Aucune donnée / pays non membre de l'OIT

[modifier] Notes

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

• Esclavage
• Enfant soldat
• Exploitation de l'enfant
• Droits de l'enfant
• Développement durable

[modifier] Bibliographie

• Bénédicte Manier, Le Travail des enfants dans le monde, La Découverte, 2005, 119 p. (ISBN 2707130265).
  Une synthèse assez complète de la situation actuelle.
• Sigrid Baffert, Ces ouvriers aux dents de lait : Les enfants au travail, Syros, 2006, 159 p. (ISBN 2748504836).
  Histoires d'enfants au travail en France à différentes époques.
• Martin Monestier, Les Enfants esclaves. L'Enfer quotidien de 300 millions d'enfants, Le Cherche-midi Editeur, 1999, 271 p. (ISBN 2862745693).
• Chakib Guessous, L'exploitation de l'innocence : Le travail des enfants au Maroc, Eddif Maroc, 2004, 371 p. (ISBN 9981090824).
• Michel Bonnet , Le travail des enfants : terrain de luttes, Page deux, 1999, 126 p. (ISBN 2940189153).

[modifier] Liens externes

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur le travail des enfants.

• Site de l'ILO sur le travail des enfants.