Indo-européens

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Les Indo-Européens sont un ensemble de peuples d'Europe et d'Asie parlant des langues apparentées.

Indo-européen
Langues indo-européennes
Albanais \| Anatolien Arménien \| Balte \| Celte Germanique \| Grec moderne \| Indo-iranien Italique \| Slave \| Tokharien
Peuples indo-européens
Albanais \| Arméniens \| Aryens Baltes \| Celtes \| Germains Grecs \| Latins \| Slaves
Proto-indo-européens
Langue \| Société \| Religion
Études indo-européennes
Théorie de l'invasion aryenne Hypothèse kourgane

[modifier] Définition

En Europe, ce sont :

Les peuples de langue latine : Italiens, Français, Espagnols, Portugais, Roumains.
Les Celtes. Leurs langues sont encore parlées en Bretagne, en Irlande et surtout au Pays de Galles.
Les Baltes : Lituaniens et Lettons.
Les Slaves. On distingue le slave oriental (russe, biélorusse, ukrainien), méridional (serbo-croate, bulgare, slovène) et occidental (polonais, tchèque, slovaque). Le macédonien est du bulgare fortement imprégné d'éléments serbes.
Les peuples de langue germanique, actuellement divisés en une branche occidentale parlant l'anglais, le bas-allemand (néerlandais, afrikaans) et le haut-allemand (allemand, luxembourgeois, bavarois, alémanique), et une branche nordique ou scandinave (danois, islandais, suédois, norvégien).
Les Albanais.
Les Grecs.

En Asie, ce sont:

Les Peuples iraniens : Persans, Kurdes, Ossètes du Caucase, Tadjiks, Pachtounes et divers peuples du Pamir. Les Perses et les Kurdes constituent le groupe occidental. Le tadjik, parlé au Tadjikistan, mais aussi en Ouzbékistan et en Afghanistan, est très proche du persan moderne.

Des sous-familles peuvent être distinguées. Les langues iraniennes et les langues indiennes sont ainsi très proches; elles constituent la sous-famille indo-iranienne. On sait que les Indo-Iraniens s'appelaient eux-mêmes les Arya, terme qui a été francisé en Aryens. De même, le slave est proche du balte. On parle donc du groupe balto-slave.

Les Arméniens. Leur localisation en Asie dépend de la définition traditionnelle de l'Europe, qui fait du Caucase l'une de ses frontières méridionales.
Les Indo-Aryens. Une multitude de dialectes sont parlés en Inde du Nord, mais tous dérivent du sanskrit. Une forme archaïque du sanskrit est le védique, la langue des Vedas, les plus anciens textes indiens connus. Au nord du Pakistan, sont parlées des langues dites dardiques, comme le cachemiri ou le khowar. Elles sont indo-aryennes mais ne dérivent pas du sanskrit.

[modifier] Histoire

La situation des peuples indo-européens a beaucoup évolué au cours de leur histoire.

Dans l'Antiquité, les Celtes ont occupé une grande partie de l'Europe. Leur foyer se trouve en Europe centrale, autour de la Suisse et de l'Autriche. Leur expansion a commencé à partir du IV^e siècle av. J.-C.. Le peuple celtique des Boïens s'est déplacé vers l'Est et a donné son nom à la Bohème. Les Helvètes et les Belges étaient des Celtes, les seconds vivant originellement au sud de l'Allemagne. D'autres Celtes ont conquis le territoire de la France (sauf la Provence, qui a été laissé aux Ligures), le nord-ouest de la péninsule ibérique (occupée au sud-est par les Ibères, non indo-européens) et les îles Britanniques. Ils ont également migré vers les Balkans et ont atteint l'Anatolie en -278. Le peuple celtique installé sur ce dernier territoire s'appelait les Galates. Les guerriers celtiques ont effectué un raid à Rome en -386 et à Delphes en -279. C'est surtout l'expansion de Rome qui a réduit le territoire des Celtes, en éliminant leur langue de l'Italie du Nord, de la Gaule et de la péninsule ibérique. De leur côté, les Germains ont migré vers l'Allemagne du Sud, la Suisse et l'Europe centrale, (les Allemands de la Volga par exemple ou ceux de Carpathes - pratiquement totalement tous expulsés en 1945-6 soit approximativement min. 5 millions). Ils ont conquis l'Angleterre peu après le départ des Romains.

A l'origine, la langue latine n'était parlée que sur un territoire très réduit autour de Rome, appelé le Latium. Des langues apparentées au latin étaient cependant parlée ailleurs en Italie, comme les langues sabelliques (sabin, samnite, osque...) ou l'ombrien (connu grâce à sept tables de bronze datées de 1444). Ces langues sont qualifiées d'italiques. Elles étaient proches des langues celtiques. Les deux groupes constituaient la sous-famille italo-celtique.

Le foyer des Slaves est localisé à l'est des Carpates et sur la haute Vistule. Leur expansion a été déclenchée au V^e siècle par les Grandes invasions et s'est faite dans toutes les directions. Au sud, les Slaves sont devenus voisins des Grecs et ils ont même atteint la Crète. A l'ouest, ils ont fait reculer les Germains et ont atteint l'Elbe. Au nord, ils sont entrés en contact avec les Baltes, qui ont longtemps occupé un territoire plus vaste que maintenant. La Prusse était un pays balte. Au XIV^e siècle, les Lituaniens ont même fondé avec les Polonais le plus vaste État de l'Europe, allant jusqu'à la Mer Noire.

L'expansion la plus spectaculaire a été celle des Indo-Iraniens. Les Indo-Aryens sont entrés en Inde à partir de l'Asie centrale vers -1700, mais ils n'ont pas migré que vers ce territoire. Ils ont joué un rôle dans la fondation du royaume du Mitanni en haute Mésopotamie, vers -1500. Les tablettes mitanniennes ont en effet livré une grande quantité de noms propres védiques, et en particulier de noms de dieux cités dans le Rig-Veda : Varuna, Mitra, Indra, les Nāsatya, Yama ou Yamī. Ceci montre que l'époque védique a commencé avant -1500, en dehors de l'Inde. Les Indo-Aryens ont contribué au développement d'une civilisation dite bactro-margienne, ou de l'Oxus, datée de -2200 à -1700. Elle était située dans les actuels Ouzbékistan et Turkménistan méridionaux (cf. Théorie de l'invasion aryenne). Plus au nord, durant une grande partie du II^e millénaire av. J.-C., une culture dite d'Andronovo s'est développée sur tout le Kazakhstan et une partie de la plaine de Sibérie centrale. Elle était certainement indo-iranienne, sans doute iranienne. Les Scythes étaient ses héritiers et les Ossètes du Caucase en sont un petit résidu. A l'ouest, les Iraniens ont fortement influencé les Slaves (du vocabulaire iranien est reconnaissable dans les langues slaves et le dieu slave Sventovit n'était autre que le Mithra iranien), et à l'est, près de la frontière mongole, ils ont laissé des noms de rivières. C'est l'expansion des peuples turcs, au I^er millénaire, qui a réduit le domaine des Iraniens. Au sud, la présence des Perses sur le plateau iranien est attestée dès le IX^e siècle av. J.-C., grâce aux sources assyriennes. Ils vivaient près d'un autre peuple iranien, les Mèdes.

Certains peuples indo-européens ont disparu:

Les Hittites ont fondé un empire en Anatolie durant le II^e millénaire av. J.-C., qui a duré jusque vers -1200. En s'avançant au Proche-Orient, ils se sont heurtés aux Égyptiens. Ils apparaissent brièvement dans la Bible, où ils sont appelés Hittim. Leur capitale, Hattusa, se trouvait près de l'actuelle Kültepe. D'autres langues apparentées au hittite étaient parlées en Anatolie, le louwite et le palaïte. Elles sont connues grâce à des inscriptions en écriture cunéiforme. Au I^er millénaire av. J.-C., la Lycie, au sud-ouest de l'Anatolie, parlait une langue issue du louwite. Les Lyciens utilisaient l'alphabet grec. Ces langues, les plus archaïques de toutes les langues indo-européennes connues, formaient un groupe qualifié d'anatolien. La langue de la Lydie, à l'ouest de l'Anatolie, était anatolienne, mais de statut difficile à déterminer (issue du hittite ?). Son roi, avant la conquête des Perses en -546, était Crésus.

Les Tokhariens ont vécu jusqu'à la fin du I^er millénaire dans l'actuelle province chinoise du Xinjiang. Ils étaient les plus orientaux de tous les Indo-Européens, mais leurs deux langues, le tokharien proprement dit et le koutchéen, présentaient des affinités particulières avec l'italo-celtique. Elles partageaient également beaucoup de vocabulaire avec le germanique et le grec. La langue indo-européenne la plus dissemblable du tokharien était géographiquement sa proche voisine: l'iranien. Au II^e millénaire av. J.-C., les Koutchéens étaient un peuple très puissant qui a laissé une forte empreinte sur la civilisation chinoise. Ils étaient connus des Chinois sous le nom de Quanrong. Au I^er millénaire av. J.-C., les Yuezhi ont fondé le premier empire connu de l'Asie centrale, à partir du Gansu. Ils ont été vaincus au II^e siècle av. J.-C. par un peuple d'origine sibérienne, les Xiongnu. En s'installant sur le territoire des Tokhariens au IX^e siècle, les Ouïgours ont provoqué l'extinction de ces langues.

On peut citer d'autres peuples disparus, dont on ne sait parfois pas grand chose: les Daces ou Gètes habitaient au nord du Danube, les Thraces ont laissé leur nom à la partie orientale des Balkans, les Illyriens vivaient au nord-ouest de la Grèce et les Phrygiens ont fondé un puissant royaume en Anatolie après l'effacement des Hittites.

Bien sûr, l'histoire des Indo-Européens ne s'arrête pas à la fin de l'Antiquité. La conquête des Amériques ou de l'Australie en fait également partie. La famille des langues indo-européennes est celle qui comprend actuellement le plus de locuteurs. L'expansion du II^e millénaire amène à réfléchir sur le concept d'Indo-Européen. Un Sioux qui est intégré à la société américaine et ne parle plus que l'anglais est-il indo-européen ou indo-européanisé ? Les peuples précédemment cités n'étaient-ils pas indo-européanisés? Leur diversité génétique amène à le penser. Il y a peu de points communs entre un Irlandais et un Indien.

[modifier] Le processus de diffusion

L'existence de cette famille de langues étant reconnue, il faut expliquer comment elle s'est formée. Deux type de familles linguistiques existent: les familles génétiques, dont les éléments descendent par différenciation d'un ancêtre commun, et les familles aréales, qui se sont constituées par échanges entre plusieurs peuples non apparentés. La ressemblance des langues indo-européennes est telle que peu de spécialistes doutent de leur nature génétique: elles ont à la fois un vocabulaire et une grammaire commune. La langue mère, l'indo-européen commun, a pu être partiellement reconstituée. L'observation selon laquelle les Iraniens et les Tokhariens étaient géographiquement voisins, au I^er millénaire, mais que leurs langues étaient pour ainsi dire diamétralement opposées, rend l'hypothèse d'une famille aréale pratiquement invraisemblable. Il est évident que les langues iraniennes et tokhariennes ont longuement évolué par différenciation, après la séparation de leurs locuteurs, puis que leurs migrations ont fini par les remettre en contact. On connaît des familles aréales. Les langues altaïques sont l'une d'elles. Les grammaires de ces langues présentent de nombreuses similitudes, mais elles ont peu de vocabulaire en commun.

Il faut ajouter que les similitudes entre les Indo-Européens ne sont pas que linguistiques. Leurs sociétés ont également de nombreux points communs, tels que leur caractère patriarcal et guerrier. Les différentes mythologies indo-européennes présentent également des ressemblances très frappantes. Leur étude fait l'objet de la mythologie comparée, discipline initiée par des chercheurs tels que Georges Dumézil. Les mythes sont un facteur d'identité culturelle aussi sûr que les langues: les peuples sans écriture conservent leurs mythes avec beaucoup de soin car ils constituent leur savoir. Les mythes donnent en effet la signification des phénomènes naturels (la succession des saisons, le lever et le coucher de soleil, le tonnerre, etc.). On sait qu'ils peuvent traverser les millénaires sans altération.

S'il est linguistique et culturel, le phénomène indo-européen n'est pas racial. Les Indo-Européens ne sont certainement pas les descendants d'une « race » unique qui se serait étendue en repoussant d'autres peuples. Le phénomène de diffusion des langues et des cultures peut être observé à l'époque historique, et ce n'est généralement pas ainsi qu'il se déroule. Le plus souvent, des envahisseurs ayant établi leur pouvoir sur une nation étrangère, les autochtones ne sont pas vraiment contraints d'apprendre leur langue, mais ils ont tout intérêt à le faire s'ils veulent occuper une place dans leur société. C'est ainsi que le latin s'est diffusé ou que le germanique s'est installé en Angleterre. Les Indo-Européens ayant un tempérament guerrier, ce mode de diffusion de leurs langues a dû être largement prédominant. On a de plus observé qu'ils avaient un tempérament « aristocratique ». Ils se comportaient comme des seigneurs. Même leurs langues étaient de nature aristocratique, comme le remarquait le linguiste Antoine Meillet. Ils aimaient guerroyer, faire des razzias, élever leurs animaux, mais ils méprisaient la culture de la terre et tous les travaux manuels. C'était aux femmes, aux hommes âgés ou à toute personne dominée de cultiver leurs champs. Il est probable que les basses castes de l'Inde, notamment les Intouchables, aient été originellement constituées d'autochtones auxquels les travaux manuels étaient confiés (mais le système des castes est propre à l'Inde). Envahir un pays et utiliser ses habitants comme une main-d'œuvre servile devait être courant chez les Indo-Européens. Si les dominés avaient la possibilité, même faible, de « grimper dans la hiérarchie » en adoptant les langues et les coutumes de leurs seigneurs, c'était un très puissant moyen d'indo-européanisation.

La diffusion des langues indo-européennes s'est faite « par paliers ». Le peuple parlant la langue mère, que l'on appelle les Proto-indo-européens, a communiqué sa langue à ses voisins. Après avoir été indo-européanisés, ceux-ci ont à leur tour transmis cette langue à leurs voisins. C'est un processus qui s'est déroulé sur des milliers d'années. Cette observation remet en cause une explication parfois avancée à l'expansion indo-européenne: elle aurait été déclenchée par des variations climatiques dans le pays des Proto-Indo-Européens. De manière bien plus probable, ces derniers ont attrapé une maladie contagieuse: la soif de pouvoir alliée à la soif de richesses. Leur puissance militaire leur donnait le moyen d'atteindre leurs objectifs. Dans leur principe, les conquêtes qu'ils ont effectuées ne diffèrent en rien de la colonisation du monde par les Européens, au II^e millénaire. On colonise un pays pour exploiter sa population et ses richesses naturelles.

La théorie de Marija Gimbutas, élaborée à partir des années 1950, situe le pays des Proto-Indo-Européens au nord de la Mer Noire. Leur civilisation, appelée la culture des Kourganes, s'est constituée vers 5000 av. J.-C.. Ils entretenaient des relations avec une civilisation technologiquement beaucoup plus évoluée que la leur, dite de Cucuteni-Tripolye, située en Roumanie. Ces gens avaient de véritables villes constituées de centaines d'habitations. Ils fabriquaient de belles poteries, parfois recouvertes de poudre de graphite ou d'or, grâce à des températures de cuisson atteignant les 1200 °C. Ces poteries étaient exportées au nord de la Mer Noire. Ce doit être tout simplement la convoitise qui a poussé certains Proto-Indo-Européens à migrer vers la Roumanie. La première migration s'est produite entre -4400 et -4200, selon M. Gimbutas. C'était le début de l'indo-européanisation de l'Europe.

L'esprit d'aventure ne devait pas être étranger aux Proto-Indo-Européens. On n'explique pas autrement le fait qu'à la fin du IV^e millénaire av. J.-C., une partie d'entre eux aient quitté leur territoire pour s'installer sur le cours supérieur de l'Ienisseï, 4000 km plus à l'est. Tout indique que cette migration a été, non pas lente et progressive, mais assez rapide. Ces migrants ont fondé une culture dite d'Afanasievo qui apparaît comme une véritable antenne de celle des Kourganes, dans un milieu culturel très différent du leur. On voit en eux les ancêtres des Tokhariens. Ils évoquent les Malayo-Polynésiens, qui sont partis à la conquête des océans avec leurs petites embarcations et ont diffusé leurs langues de Madagascar à l'Île de Pâques.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Remarques sur la bibliographie

Les ouvrages consacrés aux peuples indo-européens sont innombrables, mais les ouvrages de synthèse dont la qualité soit irréprochable sont très rares. On peut citer:

James P. Mallory, A la recherche des Indo-Européens, Paris, Editions du Seuil, 1997 (traduction de In search of the Indo-Europeans, London and New York, Thames & Hudson, 1989).
J. P. Mallory & D. Q. Adams, Encyclopedia of the Indo-European Culture, London and Chicago, Fitsroy Dearborn, 1997.
Emile Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, Editions de Minuit, 1969.
Bernard Sergent, Les Indo-Européens, Paris, Payot, 2005.

Ces auteurs sont internationalement reconnus. Si les ouvrages de qualité sont rares, c'est parce que traiter de l'ensemble des Indo-Européens demande une immense érudition. Il faut connaître la plupart des peuples indo-européens, leurs langues et leurs cultures, avoir des connaissances en archéologie et même en anthropologie. Nombreux sont les spécialistes qui ont voulu parler des Indo-Européens mais ont commis de grossières erreurs, parce qu'ils sont sortis de leur domaine de spécialité. Un généticien comme Luigi Luca Cavalli-Sforza a beau être une sommité dans sa discipline, il ne saurait avoir le dernier mot quand il veut situer le foyer des Indo-Européens parce que le phénomène indo-européen est linguistique et culturel, bien plus que génétique.