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Phalange (Antiquité)

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Pour les articles homonymes, voir Phalange. 

Une reconstitution moderne d'hoplites grecs en formation de phalange.
Une reconstitution moderne d'hoplites grecs en formation de phalange.

La phalange (en grec ancien φάλαγξ / phálanx) est une formation de combat d'infanterie utilisée depuis le milieu du IIIe millénaire av. J.-C. en Mésopotamie par les Sumériens. Sa forme la plus connue est celle qui se répand dans l'ensemble de la Grèce antique à partir de la période post-géométrique (VIIe siècle av. J.-C.) jusqu'à la période hellénistique (1re moitié du IIe siècle av. J.-C.)

Celle-ci, composée en général de 8 à 12 rangs de hoplites, fantassins lourdement armés, en formation serrée avançant au pas de charge, évolue sous sa forme macédonienne en un corps de combattants rangés sur 16 lignes, plus légèrement cuirassés mais équipés de la sarisse, longue pique de 6 à 7 mètres équipée de pointes de bronze à chaque extrémité.

Ayant fait la gloire des armées grecques durant la période classique puis devenue l'un des instruments de la conquête d'Alexandre le Grand, la phalange, formation trop rigide et incapable d'exécuter une manœuvre de circonstance, est supplantée par la souplesse de la légion romaine manipulaire d'origine samnite.

Sommaire

[modifier] La phalange sumérienne

C'est en Mésopotamie, au début du IVe millénaire av. J.-C. qu'apparaît la civilisation sumérienne et, si les bourgades-État semblent se développer durant les premiers siècles dans un calme relatif, on assiste à partir de 3000 avant J.-C. et jusqu'à l'unification de toute la région par Sargon le Grand en 2316 av. J.-C. à des conflits quasi-incessants, que ce soit entre les villes ou contre des menaces extérieures comme les Élamites de l'actuel Iran du nord à partir de XXVIIe siècle av. J.-C.. Cette fréquence des batailles provoque de grandes mutations pour ces États en formation que ce soit pour ce qui cause ces guerres ou pour les évolutions qu'elles engendrent.

[modifier] Évolution de la société

Depuis peu, en effet, l'agriculture est mieux maîtrisée et permet de subvenir aux besoins d'une population regroupée en bourgades qui peuvent se développer. Cette concentration démographique a naturellement un impact sur le gouvernement de ces communautés : l'ère de la tribu est révolue et de « chef de clan », le monarque ou tyran au pouvoir devient « administrateur ». Cet accroissement de production de nourriture voit aussi ces dirigeants disposer de revenus (alimentaires ou financiers, par taxation par exemple) qui rend possible la mise sur pied d'une force armée permanente pour la défense de la cité et de son territoire mais aussi pour légitimer leur pouvoir, car plus fidèle puisque rémunérée. D'autre part, ces soldats entraînés sont un indéniable avantage sur des voisins moins puissants qui doivent se contenter de citoyens mobilisés en cas de nécessité et de là, la possibilité d'une expansion géographique afin de contrôler des ressources supplémentaires. Il ne s'agit plus d'escarmouches pour régler un différend entre tribus voisines, mais d'actions planifiées : l'apparition de la guerre « moderne », comme celle d'une armée professionnelle, marque un profond changement dans la mentalité de la société qui se forme.

[modifier] Développement de l'armement

Les conflits constants stimulent le développement de la technologie et de la tactique militaires afin de maintenir l'avantage sur l'ennemi, ou tout au moins de ne pas prendre de retard et ceci, à un niveau bien supérieur à celui trouvé ailleurs. Ainsi, des pays isolés des agressions extérieures comme l'Égypte (unifiée vers XXXIIe siècle av. J.-C.) n'ont pas ressenti le besoin de faire évoluer grandement leur armement ou leurs tactiques tant que l'adversaire n'atteignait pas le niveau technologique suffisant pour représenter un réel péril. Encore faut-il ajouter que pour ce pays l'avancée s'est faite par transfert technologique depuis la Mésopotamie, comme par exemple l'épée-faucille, popularisée au cinéma par les péplums pharaoniques.

La présence sur les champs de bataille sumériens de la massue fait apparaître le casque, alors réalisé en cuivre, afin de protéger le crâne très exposé à cette arme. Pour contrer cette avancée est utilisée la hache qui évolue dans un premier temps avec un système original de fixation puisqu'il est pour la première fois emmanché (ce qui permet de porter des coups appuyés), puis, vers XXVe siècle av. J.-C., en s'affinant pour passer d'une arme de taille à une arme de pénétration, se rapprochant plus du poinçon que de la hache. Du danger des traits des archers naît le « manteau blindé », sorte de cape en toile ou cuir renforcée de disques de cuivre ce qui entraîne en réaction un développement de l'arc qui devient « composite » vers 2350-2250 av. J.-C. : fait d'un sandwich de bois, corne et tendons collés, il est plus petit, a une portée double et une force de jet deux à trois fois supérieures au modèle simple. Et ainsi de suite, d'autres exemples similaires pouvant être cités.

Durant deux millénaires le bassin mésopotamien est ainsi, malgré le caractère tragique des innovations, un formidable creuset d'avancées techniques et technologiques qui ne se répandront à travers les continents que bien plus tardivement.

[modifier] L'uniformisation et la phalange

Les métaux étant relativement rares et chers, ils sont surtout vitaux pour l'industrie de l'armement et les monarques soumettent au contrôle de l'État cette industrie. Ceci a pour conséquence une standardisation dans la fabrication pour raison de coûts et une homogénéisation dans les corps de troupe. Une superbe pièce, l'Étendard d'Ur, visible au British Museum et datant d'environ 2650 av. J.-C., illustre parfaitement cette standardisation : chariots de combat du même modèle et infanterie équipée à l'identique du casque, du « manteau blindé » et de la lance.

Bien que les cités soient durant le IIIe millénaire av. J.-C. dans un état quasi-permanent de guerre, les forces armées restent de dimension modestes. Si l'on se réfère à des tablettes trouvées dans l'ancienne Shuruppak et datant de 2600 av. J.-C., les rois prévoyaient l'entretien aux frais de l'État de 600 à 700 soldats professionnels. Tout au plus arrive-t-on, au faîte du règne de Sargon le Grand (23342279 avant J.-C.), à une estimation de 5 400 hommes qui composent le noyau de l'armée. Cette base semble se composer de deux corps principaux qui forment l'épine dorsale des forces : les chariots qui désarticulent les rangs ennemis en les traversant à la charge et l'infanterie lourde articulée en phalange qui suit.

Première représentation d'une phalange sur un fragment de la Stèle des Vautours
Première représentation d'une phalange sur un fragment de la Stèle des Vautours

Cette dernière a toute sa raison d'être sur ce théâtre d'opération : les combattants sont effectivement bien plus efficaces lors d'un corps à corps en étant proches les uns des autres, ne prêtant ainsi pas leurs flancs aux coups de l'adversaire ; et dans l'attaque, la phalange, compacte, a d'autant plus de chances de s'enfoncer dans les lignes ennemies désordonnées par le passage des chariots. Un précieux document iconographique, la Stèle des Vautours, exposée au musée du Louvre et réalisée vers 2450 av. J.-C. nous illustre la première évidence historique d'une phalange. Dans le registre qui nous intéresse est représentée la bataille victorieuse du roi Eannatum de Lagash sur Umma en 2525 av. J.-C., la formation étant équipée là aussi d'un armement homogène. Les soldats, coude contre coude, portent le casque de cuivre, un grand bouclier rectangulaire fait de peaux renforcé de disques métalliques soutenu à l'épaule et d'une lance tenue à deux mains. On peut raisonnablement supposer que cet équipement est complété par le « manteau blindé » et la hache (arme lourde apte à abattre un front adverse), ici cachés par les boucliers. Pour des besoins de composition et artistiques, cette représentation ne reflète certainement pas la réalité ou en tout cas n'est pas complète, peut-être dans la profondeur de la phalange qui est ici de six rangs, la largeur du front n'étant que partiellement visible (seulement cinq combattants). D'autre part, il est à douter que l'artiste ait assisté à des batailles, ne serait-ce que parce qu'il a sculpté les pointes des lances des différentes lignes dépassant du premier rang au même niveau. Ce dernier point nous amène cependant à deux remarques plus intéressantes. Cette illustration préfigure effectivement déjà la phalange macédonienne qui apparaîtra 2 200 ans plus tard, au-moins à l'avant, et une estimation de la longueur des lances (qui doivent en la présente plutôt être considérées comme des piques) qui égale au-moins celle de la sarisse d'infanterie pour pouvoir dépasser du premier rang. Un parallèle avec l'Étendard d'Ur s'impose ici mais sans toutefois pouvoir en tirer de conclusion certaine. Sur cette pièce de 200 ans plus ancienne, si une partie de l'armement est similaire, on peut remarquer que la formation adoptée n'est pas celle de la phalange. Est-ce que c'est parce qu'elle n'était pas encore utilisée ou simplement parce que les soldats ne sont pas au combat mais conduisent des prisonniers jusqu'au souverain ?

La phalange, formation qui nécessite de l'entraînement pour garder son unité lors des mouvements allié au coût de l'armement, semble être réservée aux professionnels. Les citoyens, eux, s'équipent (ou sont équipés) plus légèrement, sans bouclier, avec l'épée-faucille en lieu de la hache ou comme archers et mobilisés quand une campagne est lancée.

[modifier] La phalange hoplitique en Grèce

[modifier] Apparition de la phalange

Une ébauche très élaborée de phalange est déjà connue au tournant du VIIIe siècle av. J.-C. puisque Homère, dans l'un de ses anachronismes, nous en donne une description :

« Le bouclier s'appuyait sur le bouclier, le casque sur le casque, l'homme sur l'homme ;
les casques à crinières se touchaient par leurs cimiers brillants,
dès qu'un guerrier se penchait, tant ils étaient serrés. » (Iliade, XVI, 215-217)
Vue de la face interne d'une sculpture d'aspis koilè, vers 500 av. J.-C.
Vue de la face interne d'une sculpture d'aspis koilè, vers 500 av. J.-C.
Casque corinthien en bronze, vers 500 avant J.-C.
Casque corinthien en bronze, vers 500 avant J.-C.
Gravure d'une statuette en bronze d'hoplite de l'époque classique
Gravure d'une statuette en bronze d'hoplite de l'époque classique

Evolution tactique, la phalange prend sa forme définitive au VIIe siècle av. J.-C. grâce à un ensemble d'événements et d'améliorations :

  • Progrès techniques récents de l'armement
  • Apparition de l'aspis koilè (bouclier creux communément et injustement appelé hoplon)
Bouclier rond d'environ 90 centimètres de diamètre formé d'une armature en bois recouverte de bronze et soutenu par tout l'avant-bras gauche ; il était non seulement pourvu d'une lanière pour le poing, mais d'une boucle en bronze passée sur l'avant-bras, permettant de porter un bouclier plus lourd, de diminuer la fatigue (le bouclier n'étant plus porté à bout de bras) et avec un meilleur maintien. Outre son caractère défensif, il permet au moment du choc, grâce à sa nouvelle forme mais surtout de son maintien, un appui plus ferme pour bousculer les lignes adverses et dans la suite du combat un maniement plus aisé.
  • Apparition du casque corinthien, parfois à cimier, fait d'une seule pièce de bronze martelée.
Ici aussi, Homère, dans un autre anachronisme, nous montre à quoi devait ressembler cette arme :

« À ces mots vers son enfant se pencha l'illustre Hector ;
Mais l'enfant, contre le sein de sa nourrice à la belle ceinture,
Se rejeta en criant, épouvanté à la vue de son père,
Effrayé par le bronze et le panache en crins de cheval que,
Terrible, au sommet du casque, il voyait s'agiter »
(Iliade, VI, 467-470)

Il faut voir ici la description d'un modèle de casque antérieur à celui qui apparaît au VIIe siècle av. J.-C. et qui était alors réalisé dans plusieurs plaques soudées entre elles, bien moins résistant lors des chocs.
  • Politique
Gouvernements de tyrans dans certaines villes du Péloponnèse. Il y a peut-être une relation entre l'apparition de ceux-ci et celle des hoplites et de la phalange : ces derniers auraient pu favoriser sciemment la mise en place de ce type de gouvernement aux dépens de la classe aristocratique, ou bien ils auraient été l'instrument des tyrans pour asseoir leur pouvoir.
  • Développement culturel et économique
Avec l'avènement de l'Age du fer, durant les premiers siècles du Ier millénaire, la Grèce connaît de profonds changements : les mythes et légendes sont créés, les grands sanctuaires (Delphes, Délos, Olympie,…) fondés, une augmentation démographique pousse les populations à rechercher de nouvelles terres pour les accueillir (colonisation de l'Asie mineure), la prospérité générale enrichit les agriculteurs et les commerçants.
Ce dernier élément voit cette classe, libre mais ne faisant pas partie de l'aristocratie, prendre un poids économique et politique plus important au sein des cités. Auparavant légèrement armée pour raisons financières (le citoyen paye son armement) et donc peu efficace au combat, cette classe peut dès lors s'offrir un équipement plus onéreux lui assurant une meilleure protection et des moyens offensifs étendus. De plus, cette population avait tout intérêt à prendre une part plus importante et déterminante au sein des combats afin de protéger ses terres et ses biens. Enfin, ce rôle militaire se traduisit dans la vie politique des cités (voir Révolution hoplitique). Il est à noter que, bien que se généralisant sur l'ensemble du territoire grec, certaines régions comme l'Étolie pauvres en ressources naturelles ne possèderont pas de phalange de hoplites par manque de moyens financiers.
  • Apparition du hoplite ([homme en armes], de hoplon : [arme])
Ce fantassin lourdement armé, indissociable de la phalange puisque c'est dans cette formation qu'il combat, est la force principale en présence sur le champ de bataille. Il est lui aussi le fruit de l'ensemble des bouleversements mentionnés ci-dessus.

[modifier] Composition et tactique

[modifier] Assaut

Arrivée sur le lieu désigné de la bataille, la troupe de hoplites se déploie en lignes serrées, épaule contre épaule, bras gauche replié vers le corps, en général sur 8 à 12 rangs.

Vu de face, le hoplite ne laisse que peu de parties de son corps à découvert : la tête est protégée par le casque à cimier en crins de cheval censé lui donner un air effrayant, ne laissant apparaître que les yeux ; le tronc, du menton jusqu'au haut des jambes, est inaccessible derrière le bouclier rond bombé (aspis koilè) qui comporte un emblème (l'épisème) identifiant le guerrier et sa cité et a aussi pour fonction de repousser le mauvais sort vers l'ennemi ; le côté droit du combattant est placé sous le bouclier de son voisin ; en deuxième protection pour le tronc, le hoplite porte une cuirasse de bronze qui lui recouvre le thorax, les épaules et le dos, parfois complétée par une plaque qui lui protège l'abdomen, éléments qui connaissent diverses évolutions ; les jambes, du genou à la cheville, sont quant à elles recouvertes par la cnémide, jambière réalisée dans une feuille de bronze ; accrochée à un baudrier, une épée destinée à la taille permet le combat au corps à corps ; de cet amas de bronze émerge une lance à pointe en bronze elle aussi.

Constituant la force principale sur le terrain, la phalange est appuyée par d'autres corps de troupe : des cavaliers, qui n'ont encore à l'époque qu'un rôle secondaire et des éléments légers de harcèlement, équipés d'arcs, de javelots ou de frondes. Ces derniers, au rôle parfois décisif (voir l'épisode de Sphactérie), seront longtemps déconsidérés, voire interdits durant la guerre lélantine, car pratiquant un combat déloyal et sans gloire. À cet ensemble s'ajoute la classe intermédiaire des peltastes.

Au signal, la phalange, formation compacte, s'avance au pas de charge vers les lignes ennemies et provoque pour l'adversaire au moment du contact l'effet d'un choc contre un mur de bronze hérissé de pointes du même métal, effet amplifié par la poussée due à l'élan des derniers rangs. L'assaut au pas de course n'a pas que pour effet l'inertie au moment du choc, il permet aussi de laisser les lignes en mouvement exposées moins longtemps aux attaques des archers et frondeurs. Seuls les Spartiates adoptent la marche pour monter à l'assaut comme nous le décrit Thucydide dans son récit de la bataille de Mantinée en 418 av. J.-C. lors de la guerre du Péloponnèse :

« Après cela, ils se mirent en marche: les Argiens et leurs alliés avançaient avec fougue et impétueusement, les Lacédémoniens, eux, avec lenteur, au rythme de nombreux joueurs de flûte... »
(Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 70)

Durant la charge, les combattants qui tombent sous les traits sont rapidement remplacés par ceux des rangs qui suivent, gardant ainsi la ligne de front intacte.

[modifier] Inconvénient de la phalange hoplitique

L'un des défauts de la phalange hoplitique vient de la disposition de la troupe qui la compose : le guerrier, avec son bouclier légèrement décalé sur sa gauche, laisse une partie de son côté droit découvert qu'il protège derrière le bouclier de son voisin. Thucydide nous explique le phénomène qui se produit lors d'un engagement, ici durant cette même bataille de Mantinée :

« Les armées, quelles qu'elles soient, font ceci : elles tendent à dévier, au cours de leur marche, vers leur propre aile droite ; si bien que chaque adversaire déborde avec sa droite la gauche de l'ennemi ; en effet, la crainte aidant, chacun serre le plus possible son côté non protégé contre le bouclier de son voisin de droite et pense que plus on est joint de façon étroite, plus on est à couvert ; et la responsabilité initiale revient au premier homme de l'aile droite, qui souhaite dérober toujours à l'adversaire son défaut de protection : les autres le suivent en vertu de la même crainte. »
(V, 71, 1)

Ce débordement entraîne une conséquence néfaste pour chaque parti sur son aile gauche : décalée ainsi vers le centre, l'extrémité de la ligne voit son flanc et ses arrières menacés par une possible manœuvre d'encerclement que peuvent exécuter les contingents ennemis qui ont débordé. Éventualité dramatique si l'on songe que la phalange est une formation rigide destinée à ne combattre que sur un seul front : l'avant.

[modifier] Disposition sur le terrain

Pour remédier à ce problème, avec plus ou moins de succès, on place sur l'aile droite les troupes d'élite, en général locales et qui sont censées avoir plus de cœur au combat afin de protéger leur territoire et ont pour mission durant l'assaut de contenir cette dérive.

Il ne faut pas voir dans la phalange une formation en rectangle parfait à l'instar des armées d'une nation contemporaine de l'époque napoléonienne par exemple. En effet, la ligne était composée, d'une aile à une autre, de l'ensemble des troupes des cités-États alliées rangées par contingent, chacune choisissant éventuellement une profondeur de rangs différente.

[modifier] La phalange oblique

Principe d'action de la phalange oblique
Principe d'action de la phalange oblique

Ainsi, si la phalange hoplitique s'étale traditionnellement sur 8 à 12 rangs en profondeur, ce chiffre varie en fonction des cités, en particulier pour les Thébains. Déjà en 424 av. J.-C. lors de la bataille de Délion durant la guerre du Péloponnèse, ceux-ci organisent leurs troupes sur 25 rangs de profondeur face aux Athéniens et à leurs alliés. Cette disposition est portée à son paroxysme en 371 av. J.-C. lors de la bataille de Leuctres qui les oppose aux Lacédémoniens (Spartiates) avec 50 rangs de profondeur. Mais le génie tactique d'Épaminondas qui commande alors les Thébains ne se limite pas seulement à cette formation particulière puisque c'est aussi par une disposition des troupes sur le terrain qu'il innove. Contre toute attente, il place son contingent d'élite sur l'aile gauche, soit face à l'élite adverse. Effets de surprise et psychologique : les Spartiates ne résistent pas à la formidable poussée des 50 rangs ennemis. L'aile gauche, voyant celle de droite débordée, est déroutée. Épaminondas utilisera une nouvelle fois cette tactique mettant en œuvre la phalange dite « oblique » en 362 av. J.-C. à la bataille de Mantinée.

[modifier] Entraînement

Rappelons qu'à cette époque les armées sont composées de soldats-citoyens qui défendent leur sol, des amateurs de la guerre qui ne prennent les armes que lorsque la cité est en danger. Des professionnels de la guerre ne sont engagés qu'à compter de la guerre du Péloponnèse (fin du Ve siècle av. J.-C.), formés de mercenaires barbares qui forment des troupes légères d'appui et qui ne prennent pas place au sein de la phalange.

La bonne condition physique est un préalable aux jeux et concours sportifs qui tiennent dans la société grecque une place très importante. Le gymnase est le lieu de prédilection de l'entraînement individuel où se pratiquent l'athlétisme, discipline reine de la préparation au combat (athlon signifie combat), la course armée et la danse en armes, entre autres.

L'entraînement collectif, quant à lui, restera très peu évolué. Il se limitera au passage de l'ordre de marche à la formation de la phalange et au glissement vers l'avant, par colonne, des combattants pour combler l'espace laissé par ceux qui sont tombés lors de l'assaut.

Il n'est dès lors pas étonnant de voir que la phalange, formation rigide par elle-même, n'est pas capable de faire face à une quelconque situation imprévue demandant une manœuvre de circonstance et qui plonge les troupes dans la confusion. Thucydide nous en donne une illustration lors de la bataille de Délion en 424 av. J.-C. où les Athéniens, d'abord victorieux, sont mis en déroute par l'apparition de la cavalerie béotienne sur leurs arrières :

« Or, l'aile gauche des Béotiens, jusqu'au centre, avait le dessous devant les Athéniens… Là-dessus, il y eut un fait nouveau : comme Pagondas avait fait passer à la dérobée deux escadrons de cavalerie derrière la colline, à cause de la situation difficile où il voyait sa gauche, et comme ceux-ci s'étaient montrés soudain sur la hauteur, l'aile victorieuse athénienne, pensant voir s'avancer une nouvelle armée, fut prise de peur : dès lors, des deux côtés à la fois,… ce fut la fuite de toute l'armée athénienne. »
(IV, 96, 3-6)

Plus que dans l'entraînement, individuel ou collectif, c'est au niveau de la discipline qu'il faut voir les différences de qualité entre les armées et c'est dans ce domaine que se démarquent nettement les Spartiates. Entre Athènes, dont le modèle est suivi par la majorité des cités-États, et Sparte, ce sont deux idéologies radicalement opposées qui aboutissent à deux comportements sur le champ de bataille.

À Lacédémone (autre nom de Sparte), les citoyens subissent dès la plus jeune enfance un entraînement rigide et difficile dans lequel prédomine l'obéissance et où tout se fait en commun pour le bien collectif afin que survive la cité, si nécessaire jusqu'au don de soi lors des batailles. L'exemple le plus flagrant reste l'épisode des Thermopyles en 480 av. J.-C. lors de la seconde guerre médique où 300 Spartiates de souche (hors troupes alliées) commandés par Léonidas, l'un des deux rois de la cité, ont fait face jusqu'à la mort à plusieurs dizaines de milliers de Perses dans la phase finale de la bataille, bien que la situation fût désespérée, pour ralentir l'ennemi et permettre la retraite du reste des forces. L'épitaphe des Spartiates illustre bien ce que la cité attend de ses citoyens :

« Étranger, va dire à Sparte qu'ici
Nous gisons, dociles à ses ordres. »
(Hérodote, Enquête [détail des éditions] [lire en ligne] VII, 228)

Au contraire, pour les Athéniens, toute contrainte d'ordre est vivement ressentie car portant atteinte à la liberté. Ils donnent davantage de valeur à l'initiative personnelle, au potentiel individuel et à l'esprit inventif de chacun. Dans ces conditions, sous la pression du combat, une discipline plus relâchée ne peut être qu'un handicap face à une force qui fait bloc.

[modifier] Inconnues de la bataille

Si l'Iliade et les vases peints mettent en scène des combats individuels, c'est bien pour louer les hauts faits des héros, source d'inspiration et de fierté des populations. Les chroniqueurs antiques ne nous ont pas laissé de description sur le déroulement même des batailles là où a lieu la mêlée. Comment se déroule le combat dans les heures qui suivent le premier choc ? Le combat dure-t-il même si longtemps ou ne se limite-t-il qu'à un choc suivi d'un court combat ? On peut douter qu'après un certain temps la phalange garde sa formation stabilisée. La bataille se transforme-t-elle alors en duels ? Après le choc, quel est le rôle des rangs arrières ? Y a-t-il des relèves entre les combattants à l'arrière et ceux au contact ? Les historiens contemporains ne peuvent que formuler des suppositions au vu des données en leur possession.

C'est en 338 avant J.-C. lors de la bataille de Chéronée que l'on place communément la fin de la phalange hoplitique en tant que force principale sur le terrain quand elle est défaite par une évolution macédonienne de sa forme et de sa composition.

[modifier] La phalange de piquiers macédonienne

[modifier] L'apport de Philippe II

Jusqu'au milieu du IVe siècle av. J.-C., la Macédoine n'a pas de grande influence vis-à-vis de l'extérieur, que ce soit dans le domaine économique, culturel ou militaire. Le pays est formé de montagnes boisées et de plaines idéales pour l'élevage des chevaux qui composent la force principale de l'armée et montés, à l'instar de la Grèce, par l'aristocratie que l'on nomme les « compagnons » (hetairoi).

Quand Philippe II accède au pouvoir en 359 avant J.-C., il entreprend de poursuivre et d'amplifier la réorganisation de l'institution militaire déjà initiée par ses prédécesseurs. Ceux-ci, au vu des piètres résultats des combattants, avaient en effet développé l'entraînement et formé une troupe d'élite professionnelle à pied appelée « compagnons à pied » ([pezhetairoi]) afin de valoriser ce type de combattants. Le royaume du nouveau monarque étant menacé de l'intérieur et de l'extérieur, celui-ci s'appuie sur l'armée afin de stabiliser le pays politiquement et de s'imposer militairement à l'extérieur. Pour ce faire, Philippe II prend diverses mesures comme nous les décrit Diodore de Sicile :

« Le roi donna à ses troupes une meilleure organisation, perfectionna les armements et occupa les soldats à des exercices continuels pour les habituer à la guerre. Il imagine de donner plus d'épaisseur aux rangs et fut l'inventeur de la phalange macédonienne. »
(Bibliothèque historique, XVI, 3, 1-2)

[modifier] Composition et formation

Au début du règne de Philippe II, la Macédoine n'est pas un pays riche et ne peut donc équiper ses soldats professionnels avec un armement lourd et onéreux comme celui des hoplites. Pour former sa phalange, il la compose de piquiers légèrement protégés et dont l'arme principale est la sarisse, une pique d'infanterie longue de six à sept mètres comportant aux extrémités des pointes en bronze, celle à l'arrière, de forme différente, étant additionnée de quatre arrêts afin de la planter dans le sol et de supporter une charge de cavalerie. La sarisse est tenue à deux mains et ne permet pas l'utilisation de l'aspis koilè, le bouclier du hoplite, qui est remplacé par un modèle d'environ 60 centimètres de diamètre. Le casque est à présent réalisé en fer et le modèle le plus commun est de forme conique dont l'extrémité s'arrondit vers l'avant, à la manière d'un bonnet phrygien, les protections de joues pouvant être articulées grâce à des charnières. La cuirasse, quant à elle, est l'apanage des officiers et réalisée de même en fer.

En formation de combat, la sarisse est tenue à environ 4,50 mètre de son extrémité et à l'horizontale, chaque combattant à environ un mètre l'un de l'autre. Les quatre rangs suivant, distants chacun d'un mètre, tiennent leur pique de la même manière. On a donc là cinq lignes de piques qui émergent à l'avant de la phalange et qui rendent l'approche pour l'ennemi particulièrement difficile. Polybe, qui a une excellente connaissance de la phalange macédonienne nous explique l'utilité de la sarisse dans les rangs suivants :

« Les hommes alignés au-delà du cinquième rang ne peuvent pas utiliser leurs sarisses pour porter des coups à l'ennemi. C'est pourquoi, au lieu de les abaisser à l'horizontale, ils les tiennent la pointe en l'air, mais en les inclinant vers les épaules des soldats qu'ils ont devant eux, afin de protéger toute la troupe contre les traits arrivant au-dessus d'elle, car toutes ces hampes dressées les unes à côté des autres arrêtent les projectiles. »
(Histoire, XVIII, 30)

Pour le combat au corps à corps, l'armement est complété par une épée à lame en fer.
Outre l'utilisation de piquiers au sein de la phalange, Philippe II porte cette formation à une profondeur de 16 rangs en s'inspirant de la phalange hoplitique thébaine.

[modifier] Inconvénient de la phalange de piquiers

Ces nombreuses piques qui pointent vers le ciel pose le problème du type de terrain sur lequel doit combattre la phalange macédonienne : tout comme celle des hoplites, un terrain plat et sans obstacles, mais plus que tout, hors du couvert des arbres dans lesquels s'emmêlent les sarisses. De plus, ces longues piques gênent les mouvements courbes de la phalange qui peut avoir à exécuter des manœuvres rapides qu'imposent parfois les circonstances du combat et la rendent très vulnérables sur ses flancs.

[modifier] Entraînement

Professionnalisée, l'armée de Philippe II ouvre de nouvelles perspectives qu'il ne manque pas d'exploiter et même de développer. L'entraînement va ainsi bien plus loin que celui qui était permis dans les cités-États grecques, même en comparaison à celui pratiqué à Sparte. Les hommes sont ainsi occupés à des exercices incessants qui leur permettent d'acquérir les automatismes nécessaires dans les diverses phases d'un engagement, mais ce n'est là pas le seul intérêt : la maîtrise des mouvements dans le terrain compense la vulnérabilité des soldats légèrement protégés et ces manœuvres ont aussi un impact positif sur la discipline qui devient stricte. On voit sur ce point l'avantage qu'apporte la monarchie sur d'autres formes de gouvernements pratiqués dans le reste de la Grèce qui permet un meilleur contrôle des troupes. D'autre part, Philippe II ne limite pas les exercices aux déplacements de base de toute phalange puisqu'il imagine différentes manœuvres originales qui impliquent la feinte et la surprise afin d'obtenir pendant les batailles un avantage décisif et ceci, tout en maintenant lors de ces mouvements l'ordre et l'unité les plus stricts au sein des troupes. Un exemple nous est donné à la bataille de Chéronée quand, feignant une retraite, la phalange macédonienne recule en ordre, laissant suffisamment d'espace entre elle et la phalange de hoplites athénienne pour que celle-ci, cherchant à maintenir le contact avec l'ennemi, se disloque et donne l'opportunité à la cavalerie macédonienne de pénétrer ses lignes.

[modifier] La phalange dans l'armée d'Alexandre

Cet exemple illustre bien l'utilisation que feront les Macédoniens de leur phalange : au contraire des Grecs, elle n'est plus le corps de troupes sur lequel repose le sort de la bataille et c'est là aussi une avance dans le domaine tactique à mettre au crédit de Philippe II. Elle reste toutefois le point d’ancrage de l’armée, autour duquel évoluent l’infanterie légère et la cavalerie.

La cavalerie était en Macédoine la force principale avant l'apparition de la phalange et elle joue un rôle important (comme à Chéronée ou Issos) au côté de celle-ci, permettant la rupture du front adverse ou bien apportant rapidement des renforts là où le besoin s’en fait sentir. L’absence de selle (qui n'a pas encore été inventée) limite son armement. Les cavaliers emportent eux aussi une sarisse, d'un modèle plus court (quatre à cinq mètres), ainsi qu'un sabre courbe (machaira), une cuirasse et un casque. Cette force très mobile se voit adjoindre d'autres types de combattants à cheval, comme des archers par exemple, au fil des ans et des conquêtes.

C'est bien là une autre caractéristique des forces macédoniennes en perpétuelle réorganisation, que ce soit dans le volume de soldats au sein des unités comme dans celui de leur composition : Alexandre le Grand, dans son périple jusqu'à l'Indus, intègre dans son armée celle des pays vaincus mais s'inspire aussi d'eux pour modifier l'équipement de ses propre forces. Déjà Philippe II avait innové quand il avait augmenté la profondeur de la phalange, influence des Thébains qu'il avait pu étudier alors qu'il passait sa jeunesse dans leur ville comme otage. Alexandre ne fera que poursuivre l'œuvre de son père en favorisant ces influences extérieures, gages d'adaptation et de succès.

[modifier] Les défauts de la phalange

La phalange, quelle que soit sa forme, est une formation qui combat en bloc et qui doit rester compacte afin de donner tout son potentiel. Polybe, dans son récit de la bataille de Cynoscéphales qui eut lieu en 197 avant J.-C., met à jour sa faiblesse majeure :

« A la guerre, le moment et le lieu où l'action s'engagera ne peuvent être déterminés à l'avance, alors que, pour lui permettre de donner toute sa mesure, il faut à la phalange son moment et son terrain… uni et nu, un terrain que ne coupe aucun obstacle tel que fossés, ravins, vallonnements, talus ou cours d'eau car n'importe lesquels de ces accidents suffit pour paralyser ou disloquer une troupe ainsi formée. »
(Histoire, XVIII, 31)

Un autre grave défaut, source de bien des défaites, est que la phalange hoplitique n'est formée que pour se battre vers l'avant et très vulnérable dès lors qu'une troupe l'attaque sur ses arrières, ou même sur ses flancs :

« Comme la phalange est organisée de telle sorte qu'il est impossible aux hommes de faire volte-face et de livrer des combats individuels, les Romains purent pousser leur attaque, en massacrant les soldats qui se trouvaient devant eux et qui ne pouvaient se défendre... »
(XVIII, 26)

Philippe II pallie ce défaut grâce à l’équipement plus léger de ses soldats, et à l’entraînement intensif (drill avant l’heure), permettant à chaque syntagme de faire front de tout côté.

Force principale et efficace pendant tout l'âge d'or de la Grèce antique et instrument de son indépendance face aux Perses, parfaite pour le type de combat qui était engagé, du moins jusqu'à la première partie de la guerre du Péloponnèse (les batailles étaient planifiées, hors de la saison des moissons par exemple), la phalange hoplitique doit s'incliner en 338 avant J.-C. face à sa forme macédonienne mieux équipée et entraînée, dirigée par des stratèges qui utilisent à meilleur escient chaque corps de troupe, mais son organisation n'en reste pas moins rigide, compliquée à manœuvrer sur le terrain et qui ne peut se scinder en éléments capables de combattre sur plusieurs fronts. L'épisode tragique de Cynoscéphales, suivi de peu par celui de Magnésie puis de Pydna en 168 avant J.-C. montre que la phalange en est à son crépuscule et doit céder le pas à une formation qui possède les qualités qui lui font défaut : les troupes organisée en manipules. Cette invention samnite sera développé dans la légion romaine avec succès.

Ce n'est qu'à partir du XIVe siècle que l'on voit réapparaître une phalange sur les champs de bataille avec les réputés piquiers suisses, articulée sur deux types de combattants : dans les premiers rangs prennent place les piquiers chargés de stopper la charge de l'ennemi (à pied ou montée), ceux à l'arrière, armés de haches ou d'épées, s'avançant après le choc entre les piques pour combattre l'adversaire empêtré dans celles-ci.

Article connexe : armée romaine.

[modifier] Sources

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Pierre Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Hachette Littératures, coll. Pluriel, Paris, 1999 (réédition) (ISBN 2012789862) ;
  • Victor Davis Hanson, Le modèle occidental de la guerre, Belles Lettres, coll. Histoire, Paris, 1990 (ISBN 2251380043) ;
  • (en) Anthony M. Snodgrass, Arms and armors of the Greeks, Londres, 1967 ;
  • (en) Sir John Winthrop Hackett, Warfare in the Ancient World, Checkmark Books, 1990 ;
  • (en) Richard Humble, Warfare in the Ancient World, 1980 ;
  • Voir aussi le site Polemos du Service Commun de la Documentation de l'université Lille 3 pour une large bibliographie sur la période gréco-macédonienne.

[modifier] Liens externes

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