Esclavage
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Chronologie de l'esclavage
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Autres
Esclaves célèbres
Mémoire de l'esclavage
L'esclavage désigne la condition sociale de l'esclave, un travailleur non libre et généralement non rémunéré qui est juridiquement la propriété d'une autre personne et donc négociable, au même titre qu'un objet. Au sens large, l'esclavage est le système socio-économique reposant sur le maintien et l'exploitation de personnes dans cette condition. En France, il est considéré comme un crime contre l'humanité.
Les esclaves sont tenus d'obéir à tous les ordres de leur maître depuis leur naissance (ou capture, ou passage à l'état d'esclave) jusqu'à leur mort (ou parfois leur libération, ou affranchissement).
En tant que propriété, l'esclave peut faire l'objet des transferts inhérents à la notion de propriété : on peut donc l'acheter, le vendre, et même le louer.
L’esclave se distingue du captif ou du forçat, conditions voisines dans l'exploitation, et de la bête de somme, par un statut juridique propre, déterminé par les règles et les lois en vigueur dans le pays et l’époque considérés.
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[modifier] Définitions
[modifier] Étymologie
Le terme "moderne" esclavage vient du latin médiéval sclavus déformation de slavus (le slave), de grec sklabos. Le mot «esclave» serait apparu au Haut Moyen Âge à Venise, où la plupart des esclaves étaient des Slaves des Balkans (une région qui s'est longtemps appelée «Esclavonie» et qui est récemment devenue indépendante, sous le nom de «Slovénie»).
Rome pratiquant l'esclavage, le latin disposait évidemment d'un terme pour désigner l'esclave: servus, qui a conduit aux termes servile et servilité (relatifs à l'esclave et à sa condition), ainsi qu'aux termes serf du Moyen Âge et aux modernes service, serviteur, etc. (avec des évolutions dans le sens).
[modifier] Définition française
Selon l'Académie française, l'esclave est une "personne qui n'est pas de condition libre, qui appartient à un maître exerçant sur elle un pouvoir absolu."[1] L'esclavage est donc avant tout la condition d'esclave, et la réduction d'un homme à l'état d'esclave, de manière généralement involontaire. L'esclave peut dépendre de toute autorité : personne, groupe, organisation, État.
L'Académie ajoute à cela, par extension, toute "institution sociale fondée sur l'existence d'une classe d'esclaves"[2] Par analogie, l'esclavage est donc l'"état, [la] condition de ceux qui sont soumis à une tyrannie, à une autorité arbitraire ; asservissement, servitude."[3] La définition n'exclut donc pas formellement la notion de servitude volontaire.
Autres sens :
- Au sens figuré, l'esclavage est l'état d'une "personne qui, par intérêt ou par goût, se met dans la dépendance d'une autre et suit aveuglément ses volontés."[4]
- Par extension, "se dit d'une personne qui se tient dans un état d'assujettissement, de dépendance, qui subit l'empire d'une chose."[5]
- Au figuré, "se dit de tout ce qui tient dans un état d'assujettissement, de dépendance. L'esclavage du tabac. L'esclavage de la mode. L'esclavage des passions. Par méton. Activité imposant une sujétion. Ce travail est lucratif, mais c'est un véritable esclavage."[6]
[modifier] Définitions juridiques
Plusieurs textes internationaux ont tenté de définir la notion d'esclavage.
- La convention relative à l'esclavage (1926) de la Société des nations dispose en son article premier que "L'esclavage est l'état ou condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux". L'article définit également la traite des esclaves comme "tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un individu en vue de la réduire en esclavage; tout acte d'acquisition d'un esclave en vue de le vendre ou de l'échanger; tout acte de cession par vente ou échange d'un esclave acquis en vue d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d'esclaves."[7]
- L'Organisation internationale du travail a adopté en 1930 une définition du travail forcé que l'on peut rapprocher de celle de l'esclavage : "le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré."[8]
- La convention relative à l'abolition de l'esclavage (1956) des Nations unies renvoie à la définition de la convention de 1926, en ajoutant en son article premier plusieurs "Institutions et pratiques analogues à l'esclavage" : servitude pour dettes, servage, mariage forcé, etc.[9]
[modifier] Usages particuliers
- L'OIT assimile au travail forcé le travail des enfants (voir l'article).
- La notion d'esclavage ou de servitude est souvent utilisée comme argument politique ou idéologique : notion anticapitaliste d'esclavage salarié, notion libérale d'esclavage fiscal[10], raisonnement pacifiste assimilant le service militaire à une forme d'esclavage (ce que la convention de l'OIT de 1930 exclut clairement), notion d'esclavage animal[11]
[modifier] Histoire
[modifier] Histoire par périodes et par régions
[modifier] Le commerce
L'existence de l'esclavage entraîne logiquement l'existence d'un commerce des esclaves souvent étudié séparément. Cela découle de plusieurs constantes dans les différentes formes d'esclavage. L'esclave répond en effet constamment à certains critères. Il est considéré comme relevant de la propriété privée (certaines civilisations ayant cependant connu des esclaves publics), mais est généralement d'origine étrangère, ou relève du moins d'une ethnie différente de l'ethnie dominante.
Les réseaux commerciaux ont évolué en fonction du "marché". Tourné vers l'Europe dans l'Antiquité et au cours du Moyen Âge, le commerce européen des esclaves a évolué vers une forme transatlantique à l'époque moderne, dite de commerce triangulaire, tandis que le commerce musulman des esclaves est resté à destination des pays musulmans depuis les zones d'approvisionnement tradionnelles du monde musulman (Afrique Noire, Europe, mer Noire) jusqu'au XIXe siècle.
Cette traite a ainsi permis au Nouveau Monde et aux économies européennes de se développer rapidement, grâce à une main-d’œuvre corvéable et bon marché, importée d'Afrique noire du XVIe siècle au XIXe siècle. Les estimations du nombre de déportés varient, selon les auteurs, de 11 millions (pour Olivier Pétré-Grenouilleau[12]) à 50 millions (pour Victor Bissengué[13]) en 1789.
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Les formes actuelles de l'esclavage répondent aux mêmes caractéristiques, notamment les réseaux de proxénétisme, tournés vers les lieux de consommation.
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[modifier] Abolitionnisme et abolitions
La première trace d'une abolition de l'esclavage est la série de lois édictées en 958 par Gwangjong, le quatrième roi du royaume de Koryŏ (Corée actuelle), mais les invasions qui ont suivi ont balayé cette réforme. En Europe à la même époque, les marchés aux esclaves sont progressivement interdits, sous l’influence de l’Église (voir sainte Bathilde). L'Empire du Mali interdit à son tour l'esclavage au XIIIe siècle, sous Soundiata Keïta (il sera rétabli en 1591 par le pacha marocain Djouder, puis à nouveau aboli en 1891 avec l'arrivée des Français).
En Europe, le Portugal fut le premier pays à abolir l'esclavage par un décret du 12 février 1761 (Marquis de Pombal).
En France, le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention vote l'abolition de l' esclavage dans les colonies françaises (ou ce qu'il en reste). Cette mesure méritante, sera abrogée par Napoléon Bonaparte. Il l'est en 1833 en Angleterre et 1847 dans l'Empire ottoman. La France attend ainsi 1848, année qui voit Victor Schoelcher faire adopter le décret d'abolition définitif pour ce qui concerne l'hexagone.
En 1865 les États-Unis promulguent le 13e amendement interdisant l'esclavage. La question de l'esclavage, en partie révélée par le livre La Case de l'oncle Tom conduisit Abraham Lincoln à promettre son abolition s'il était élu. Son élection conduisit donc les États du Sud à demander la Sécession. Celle-ci leur fut refusée (elle aurait en effet privé les caisses fédérales de l'essentiel de ses impôts), conduisant à la guerre civile. La Guerre de Sécession qui en suivit sera la plus meurtrière de toute l'histoire de ce pays.
En droit positif la prohibition de l'esclavage est contenue dans les articles 4 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, l'article 8 du Pacte des droits civils et politiques de l'ONU, dans la convention de Genève de 1926, de New York de 1956, de l'OIT de 1930 et 1936.
[modifier] Persistances de l'esclavage
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L'esclavage n'a cependant pas totalement disparu dans certaines régions du monde, comme la péninsule arabique ou le sous-continent indien. L'Organisation internationale du travail (OIT) estime à 25 millions le nombre de personnes vivant actuellement dans des conditions assimilables à de l'esclavage, d'où le terme d' « esclavage moderne ». Selon l'ONU, chaque année, deux millions de personnes sont réduites en esclavage.
L'esclavage réapparaît actuellement au Soudan. Les Musulmans du nord ont rétabli la Charia lors de la décolonisation et l'appliquent de force aux noirs chrétiens et animistes du sud qui se sont rebellés. Ceux-ci, repoussés dans la Province Équatoriale, la plus insalubre, ont résisté de leur mieux depuis l'indépendance. Aussi les forces gouvernementales ont-elles massacré les populations civiles de nombreux villages et continuent à y enlever de nombreux enfants pour les convertir à l'islam et les utiliser comme esclaves à Khartoum.
Dans les pays développés, par extension et suite à l'évolution des points de vue, le politiquement correct considère d'autres situations assimilable à de l'esclavage moderne.
- La proxénétisme dont le tourisme sexuel[14].
- Le travail clandestin,
- Certaines conditions de travail travail des enfants par exemple
En 2000, l'UNICEF estimait que 200 000 enfants étaient retenus en esclavage en Afrique centrale et occidentale. D'après l'Organisation Internationale des Migrations (OIM) quelque 200 000 femmes et enfants sont victimes de l'esclavage.
La pratique des enfants soldats peut également être assimilée à une forme d'esclavage, d'autant qu'à l'emprise psychologique mise en œuvre sur des enfants, s'ajoute la dépendance physiologique obtenue par l'usage de drogues fortes[15].
[modifier] Mémoire de l'esclavage
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[modifier] Littérature
- Aphra Behn, auteur de Oroonoko en 1688
- Olaudah Equiano, esclave affranchi du XVIIIe siècle, auteur de mémoires au succès mondial
- Harriet Beecher Stowe, notamment grâce au grand classique La case de l'oncle Tom et sa suite Dred, histoire du grand marais maudit
- William Wells Brown et son roman Clotel
- Kyle Onstott avec son roman Mandingo
- William Styron, auteur des Confessions de Nat Turner, Prix Pulitzer en 1967
- Alex Haley avec son roman non traduit en français Roots: The Saga of an American Family (1976)
- Terry Bisson (Fire on the Mountain, non paru en France)
- Toni Morrison, principalement dans son roman Beloved, Prix Pulitzer en 1988
- Edward P. Jones à travers son roman Le monde connu, Prix Pulitzer en 2004
- Aimé Césaire, poète et essayiste (Esclavage et colonisation)
[modifier] Philosophie
[modifier] Arts
[modifier] Cinéma et télévision
- Stanley Kubrick, Spartacus, 1960
- Sergio Giral, Cimarron, 1967
- Marlon Brando, Burn!, 1969
- Sergio Giral, El Otro Francisco, 1975
- Tomas Gutierrez Alea, La Ultima Cena, 1976
- Alex Haley, Roots, série TV américaine basée sur le roman de Alex Haley
- "Maluala", 1979
- Carlos Diegues, Quilombo, 1984
- Gene Hackman, Mississippi Burning, 1988
- Julie Dash, Daughters of the Dust, 1991
- Haile Gerima, Sankofa, 1993
- Charles Burnett, Nightjohn, 1996
- Steven Spielberg, Amistad, 1997
- Jonathan Demme, Beloved (film), 1998 (adapté du roman de Toni Morrison
- Kevin Willmott, C.S.A.: The Confederate States of America, 2004(faux documentaire)
- Owen 'Alik Shahadah, 500 Years Later, 2005
- Michael Apted, Amazing Grace, 2006
[modifier] Notes
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclave", 1.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclavage", 1.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclavage", 2.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclave", 2.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclave", 2.
- ↑ Dictionnaire de l'Académie française, article "esclavage", 3.
- ↑ SDN, Convention relative à l'esclavage, 1926, [1]
- ↑ OIT, Convention sur le travail forcé, 1930 [2]
- ↑ ONU, Conseil économique et social, relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, 1956 [3]
- ↑ E.G. Machan, R. Tibor, "Tax Slavery", Ludwig von Mises Institute, 2000 [4]
- ↑ Spiegel, Marjorie, The Dreaded Comparison: Human and Animal Slavery, Mirror Books, New York, 1996
- ↑ Les Traites négrières, Essai d'histoire globale, NRF Gallimard, 2004
- ↑ Contribution à l'histoire ancienne des pygmées, L'Harmattan, 2004
- ↑ Dans nombre de pays, des lois punissent le proxénétisme mais tolèrent la prostitution à condition qu'elle soit volontaire et tant que cela ne trouble pas l'ordre public. Celle-ci est conforme à la déclaration des Droits de l'homme autorisant chaque adulte à faire ce qu'il veut (ou peut) de sa personne.
- ↑ Anecdote : Le 26 juillet 2005 : condamnation de la France qui n'a pas respecté l'article 4 de la convention européenne des droits de l'Homme sur l'esclavage. Paris n'a pas assez condamné un cas d'esclavage domestique sur une jeune Togolaise, Siwa-Akofa Siliadin, dans les années 1990. (Voir Le Monde et Wikinews).
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
- chronologie de l'esclavage
- Esclaves célèbres.
- Commerce des esclaves
- Négriers - Commerce triangulaire
- Traites : Traite des noirs - Traite des Blanches - Traite orientale
- Marronnage
- Formes de l’esclavage : Servitude dans l'Égypte antique - Esclavage en Grèce antique - Servage - Mamelouks et Janissaires - Dynastie des esclaves - Camp de travail - Camp de concentration - Goulag - Esclavage moderne - Restavecs (enfants esclaves d'Haïti) - Verdingkinder (enfants zouaves en Suisse et Bavière)
- Articles décrivant les phénomènes liés à l'esclavage sexuel :
- Esclavage | Esclavage moderne | Traite des Blanches
- Prostitution | Proxénétisme | Tourisme sexuel
- Articles traitant de l’abolition de l’esclavage :
- Dates d'abolition de l'esclavage - Abolition de l'esclavage en France par la reine sainte Bathilde - Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848 - La Case de l'oncle Tom - Guerre de Sécession - Ministériaux
- Abolitionnistes
[modifier] Bibliographie
[modifier] Témoignages
- Mungo Park, Voyage dans l'intérieur de l'Afrique, FM/ La Découverte, Maspero, Paris 1980, ISBN 2-7072-2629-2.
- Jehan Mousnier, Journal de la traite des Noirs, Editions de Paris, Paris, 1957.
- Théodore Canot, Les Aventures d'un négrier, éd. La Découvrance, Paris, 2004.
- Jean-Pierre Plasse, Journal de bord d'un négrier, éd. Les Mots et le Reste, Paris, 2005.
- Dieudonné Gnammankou, Abraham Hanibal, l'aïeul noir de Pouchkine, éd. Présence Africaine, Paris, 1996, ISBN 2-7087-0609-8.
- Olaudah Equiano, La Véridique Histoire par lui-même d'Olaudah Equiano, Africain, esclave aux Caraïbes, homme libre, éd. Editions Caribéennes, Paris, 1987.
- Bernardin de Saint-Pierre, "Lettre sur les Noirs" dans Pajou Jean-Charles, Esclaves des îles françaises, Paris, Les éditeurs libres, 2006, ISBN 2-916399-01-1
[modifier] Ouvrages historiques et théoriques
- Angrand Jean Luc. Celeste oule temps des Signares: Histoire des Signares de Gorée du 17ie au 19ie siécle
- Olivier Pétré-Grenouilleau, Les Traites négrières, Essai d'histoire globale, NRF Gallimard, 2004, ISBN 2-07-073499-4
- Olivier Pétré-Grenouilleau, L'argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement, Aubier, 1996, ISBN 2-7007-2279-5
- Olivier Pétré-Grenouilleau, La Traite des noirs, Que sais-je?, ASIN 2130484158
- Éric Saugera, Bordeaux, port négrier. XVII°-XIX° siècles, J&D - Karthala, 1995, ISBN 2-84127-042-4
- Serge Daget, La traite des Noirs, Ouest-France Université, 1990, ISBN 2-7373-0259-5
- Christian Delacampagne, Une histoire de l'esclavage, Le Livre de Poche, 2002, ISBN 2253905933.
- Christiane Taubira, L'esclavage raconté à ma fille, Bibliophane - Daniel Radford, 2002, rééd. coll. "Bibliopoche", 2006, ISBN 2-86970-122-5
- Robert C. Davis, Esclaves chrétiens. Maîtres musulmans. L'esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800), éd. Jacqueline Chambon, Paris, 2006
- Anthroplogie de l’esclavage, le ventre de fer et d’argent, Claude Meillassoux, 1986, Paris, P.U.F., 375 p.
[modifier] Liens externes
- L'esclavage moderne Gérard Verna.
- Dossier sur l'esclavage sur le site de l'encyclopédie de l'Agora
- Sources et documents pour l'esclavage médiéval
- Anti-Slavery International homepage
- Free the Slaves
- Aid Watch
- Observatoire de l'action humanitaire
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