Philippes
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Philippes (en grec ancien Φίλιπποι / Phílippoi) est une ville de Macédoine orientale, fondée par Philippe II en 356 av. J.-C. et abandonnée au XIVe siècle après la conquête ottomane.
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[modifier] Les origines
Philippes est une fondation du roi de Macédoine, Philippe II, sur le site de la colonie thasienne de Krènidès (Κρηνἱδες), sur le piémont du mont Orbèlos (nom antique du mont Lékani), en bordure Nord du marais qui occupait dans l'Antiquité toute la plaine le séparant du mont Pangée au Sud.
L'objectif de cette fondation était autant de prendre le contrôle des mines d'or voisines que d'établir une garnison sur un point de passage stratégique : le site contrôle la route entre Amphipolis et Néapolis, un segment de la grande route royale qui traverse d'Est en Ouest la Macédoine et qui sera plus tard reconstruite par les Romains sous le nom de Via Egnatia. Philippe II dote la nouvelle ville de fortifications importantes, qui barrent en partie le passage entre les marais et l'Orbèlos, et y envoie des colons. Il fait entreprendre des travaux de bonification des marais dont témoigne l'écrivain Théophraste. Philippes conserve une véritable autonomie au sein du royaume macédonien : c'est une cité avec ses propres institutions politiques (ekklèsia du démos). La découverte de nouvelles mines d'or aux environs de la ville, à Asyla, contribue à l'enrichissement du royaume de Philippe II qui y établit un atelier monétaire. L'intégration de la cité au royaume macédonien interviendra finalement sous Philippe V.
La ville reste malgré tout de taille modeste (2000 habitants ?) : lorsque les Romains détruisent définitivement le royaume argéade de Macédoine en 167 av. J.- C. et le divisent en quatre États distincts (merides), c'est Amphipolis et non Philippes qui devient la capitale de l'État de Macédoine orientale.
On ne connaît rien ou presque de la ville à cette époque, sinon l'enceinte, le théâtre, des fondations d'une maison sous le forum romain, un petit temple et surtout un hérôon (temple consacré à un héros). Ce monument recouvre la tombe d'un certain Exekestos peut-être située sur l'agora, et liée à un culte de κτίστης / ktístès (héros fondateur) de la cité.
[modifier] L'époque romaine
La ville réapparaît dans les sources à l'occasion de la guerre civile romaine qui suit l'assassinat de Jules César : ses héritiers Marc Antoine (M. Antonius) et Octave (G. Iulius Caesar Octavianus) affrontent les partisans de la République, M. Junius Brutus et C. Cassius Longinus, dans une double bataille décisive dans la plaine à l'Ouest de la ville en octobre 42 av. J.-C. Vainqueurs, Marc Antoine et Octave licencient une partie de leurs vétérans, probablement de la légion XXVIII, qu'ils installent dans la ville, refondée comme colonie romaine sous le nom de Colonia Victrix Philippensium. En 30 av. J.-C., Octave devenu seul maître de l'Empire réorganise la colonie et procède à une nouvelle déduction de vétérans, peut-être de prétoriens et d'Italiens : la ville prend le nom de Colonia Iulia Philippensis, complété en Colonia Augusta Iulia Philippensis après janvier 27 av. J.-C., lorsqu'Octave reçoit lui-même le nom du Sénat.
À la suite de cette deuxième déduction — et peut-être dès la première — le territoire de Philippes est centurié et distribué aux colons. La ville garde ses limites macédoniennes, matérialisées par l'enceinte, et son plan n'est que partiellement revu avec l'implantation du forum un peu à l'Est de l'emplacement probable de l'agora.
La colonie connaît un essor important lié à la richesse que lui apporte son riche territoire et sa position privilégiée sur la Via Egnatia. Cette richesse se traduit par un cadre monumental particulièrement imposant au regard de la taille de l'aire urbaine : le forum ordonné en deux terrasses de part et d'autre de la rue principale connaît plusieurs phases entre Claude et les Antonins, le théâtre est agrandi et aménagé pour recevoir des jeux romains. Une abondante épigraphie latine témoigne de cette prospérité.
En 49 ou 50 ap. J.-C., la ville reçoit la visite de l'apôtre Paul. Accompagné de Silas, Timothée, et peut-être de Luc, l'auteur présumé des Actes des Apôtres, il prêche pour la première fois sur le sol européen à Philippes, et y baptise une négociante de pourpre, Lydia, dans une rivière à l'Ouest de la ville : il y avait alors une communauté juive, et une synagogue attestée par l'épigraphie.
Paul aurait visité la ville en deux autres occasions, en 56 et 57 ap. J.-C.. L'épître aux Philippiens daterait de 54-55 ap. J.-C. et témoigne de l'impact immédiat de la parole paulinienne. Le développement subséquent du christianisme à Philippes est bien attesté, notamment par une lettre de Polycarpe de Smyrne adressée à la communauté philipienne vers 160 ap. J.-C., et par l'épigraphie funéraire.
[modifier] L'époque paléochrétienne
La première église attestée dans la ville est de taille modeste et correspond probablement à l'origine à une maison de prières : cette Basilique de Paul, identifiée par une inscription d'un pavement de mosaïque, est datée autour de 343 par la mention de l'évêque Porphyrios, dont la présence est attestée au concile de Serdica cette année-là.
Bien qu'il n'en subsiste aucune trace archéologique ni littéraire, la tradition de la fondation apostolique de Philippes et le culte martyrial du saint sont les explications les plus vraisemblables pour expliquer au moins en partie la formidable prospérité de la ville aux Ve siècle et VIe siècle On y voit, comme dans les autres villes, se multiplier les fondations ecclésiastiques : sept églises différentes sont construites entre le milieu du IVe siècle et la fin du VIe siècle, dont certaines rivalisent en taille et en ornements avec les plus belles fondations thessaloniciennes, voire constantinopolitaines. La parenté du plan et de la décoration architecturale de la basilique B avec Sainte-Sophie et Sainte-Irène de Constantinople accordent une place privilégiée à cette église dans l'histoire de l'art paléochrétien. Le complexe épiscopal qui prend la place de la Basilique de Paul à partir du Ve siècle, construit autour d'une église octogonale, rivalise lui aussi avec les églises de la capitale.
À la même époque, les remparts de la ville sont reconstruits pour faire face à l'insécurité grandissante dans les Balkans : en 473, la ville est assiégée par les Ostrogoths qui ne parviennent pas à la prendre mais en brûlent les faubourgs.
[modifier] L'époque byzantine et ottomane
Affaiblie par les invasions slaves de la fin du VIe siècle qui ruinent l'économie agraire de la Macédoine, ainsi probablement que par la grande peste de 547, la ville est presque totalement détruite par un séisme vers 619, dont elle ne se relève pas : quelques aménagements témoignent du maintien d'une activité très réduite au VIIe siècle. La ville n'est plus guère alors qu'un village.
L'Empire byzantin y maintient peut-être une garnison, mais en 838 la ville est prise par les Bulgares du khan Isbul, qui célèbrent leur victoire par une inscription monumentale sur le stylobate de la Basilique B, alors partiellement ruinée. Le site de Philippes a une importance stratégique trop grande pour que les Byzantins ne tentent pas rapidement de la reprendre, ce qui est chose faite avant 850 : plusieurs sceaux de fonctionnaires et officiers byzantins datés de la première moitié du IXe siècle témoignent de la présence d'armées byzantines dans la ville.
Vers 969, l'empereur Nicéphore II Phocas fait reconstruire les fortifications de l'acropole et d'une partie de la ville. Celle-ci bénéficie graduellement de l'affaiblissement de la menace bulgare et du renouveau de l'Empire byzantin. En 1077, l'évêque Basile Kartzimopolos fait reconstruire une partie des défenses intérieures de la ville. Elle connaît alors une nouvelle période de prospérité dont témoigne le géographe arabe Al Idrisi qui la mentionne comme un centre de négoce et de production de vin vers 1150.
Brièvement occupée par les Francs après la IVe Croisade et la chute de Constantinople (1204), la ville tombe entre les mains des Serbes. Elle demeure alors une fortification notable sur le parcours de l'antique Via Egnatia : en 1354, le prétendant au trône de Byzance, Mathieu Cantacuzène, y est capturé par les Serbes.
La date de l'abandon définitif de la ville n'est pas connue, mais lorsque le voyageur français Pierre Belon la visite au XVIe siècle, il n'en subsiste plus que des ruines, exploitées par les Turcs comme carrières.
Le toponyme en fut conservé d'abord dans un village turc voisin dans la plaine, Philibedjik, aujourd'hui disparu, puis par un village grec dans les montagnes.
[modifier] L'exploration archéologique du site
Signalée ou brièvement décrite par des voyageurs dès le XVIe siècle, la ville fait l'objet d'une première description archéologique en 1856 par Perrot, puis en 1861 surtout par L. Heuzey et H. Daumet dans leur célèbre Mission archéologique de Macédoine.
Il faut néanmoins attendre l'été 1914 pour que débutent les premières fouilles archéologiques, aussitôt interrompues par la guerre : elles sont le fait de l'École française d'Athènes (EfA) qui les reprendra en 1920 et les poursuivra systématiquement jusqu'en 1937, avec la fouille du théâtre, du forum, des basiliques A et B, des thermes Sud et du rempart. Après la Seconde Guerre mondiale, les archéologues grecs reprennent l'exploration du site : la Société Archéologique de 1958 à 1978, puis le Service archéologique et l'Université de Thessalonique dégagent à leur tour le quartier épiscopal de l'Octogone, de grandes demeures privées, une nouvelle basilique près du Musée et deux autres dans les nécropoles à l'Est de la ville.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Article connexe
[modifier] Bibliographie
- P. Collart, Philippes ville de Macédoine de ses origines jusqu'à la fin de l'époque romaine, Paris, 1937 ;
- P. Lemerle, Philippes et la Macédoine orientale, Paris, 1945 ;
- M. Sève, « De la naissance à la mort d'une ville : Philippes en Macédoine (IVe siècle av. J.-C. – VIIe siècle ap. J.-C.) », Histoire urbaine n° 1, juin 2000, 187–204 ;
- (en) Ch. Bakirtzis, H. Koester (éd.), Philippi at the Time of Paul and after His Death, Harrisburg, 1998 ;
- (en) Ch. Koukouli-Chrysanthaki, Ch. Bakirtzis, Philippi, Athènes, 2e édition, 1997 ;
- (el) G. Gounaris, E. Gounaris, Philippes, Guide archéologique, Thessalonique, 2004.
[modifier] Liens externes
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