Art islamique
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le terme art islamique désigne la production artistique ayant eu lieu depuis l'hégire (622 de l'ère chrétienne) jusqu'au XIXe siècle dans un territoire s'étendant de l'Espagne jusqu'à l'Inde, et habité par des populations de culture islamique.
L'art islamique présente une certaine unité stylistique, due aux déplacement des artistes, des commerçants, des commanditaires et des œuvres. L'emploi d'une écriture commune dans tout le monde islamique, et la mise en valeur particulière de la calligraphie renforce cette idée d'unité. Toutefois, la grande diversité des formes et des décors, selon les pays et les époques, amène souvent à parler plus d'arts de l'Islam que d'un art islamique.
L'architecture crée des bâtiments aux fonctions très spécifiques à ces régions, comme des mosquées et des madrasas, celles-ci prenant des formes très variées. S'il n'existe quasiment pas d'art de la sculpture, le travail des objets de métal, d'ivoire ou de céramique atteint fréquemment une grande perfection technique. Il faut aussi souligner la présence d'une peinture et d'une enluminure présentes dans les livres sacrés et profanes.
L'art islamique n'est pas un art proprement religieux : l'Islam est ici considéré avec une majuscule, comme une civilisation et non comme une religion. Contrairement à une idée reçue, il y existe des représentations humaines, animales, et même du Prophète : celles-ci ne sont bannies que dans les lieux ou ouvrages religieux (mosquées, madrasas, Corans), en dépit de quelques exceptions.
Sommaire
|
[modifier] Histoire de l'art islamique
[modifier] Les débuts de l'art islamique (VIIe–IXe siècles)
[modifier] Avant les dynasties
On connaît peu de choses sur l'architecture avant la dynastie des Omeyyades. Le bâtiment le plus important est sans doute la « maison du prophète », située à Médine. Cette maison, plus ou moins mythique, aurait été le premier lieu où se seraient rassemblés des musulmans pour prier, bien que la religion musulmane considère que la prière peut se faire en n'importe quel endroit.
La maison du prophète est d'une importance considérable pour l'architecture islamique, en ce sens qu'elle met en place le prototype de la mosquée de plan arabe : une cour, avec une salle de prière hypostyle. Construite en matériaux périssables (bois et pisé), elle n'a pas survécu longtemps. La grande mosquée de Médine s'élève actuellement à son emplacement supposé.
Les premiers objets islamiques sont très difficiles à distinguer des objets antérieurs, sassanides et byzantins : en effet, ils utilisent les mêmes techniques et les même motifs. On connaît notamment une abondante production de céramique non glaçurée, comme en témoigne un célèbre petit bol conservé au Louvre, dont l'inscription assure sa datation dans la période islamique. Les motifs végétaux sont alors sans doute les plus importants.
[modifier] L'art omeyyade
Sous les Omeyyades, l'architecture, religieuse et civile se développe, avec la mise en place de nouveaux concepts et de nouveaux plans. Ainsi, le plan arabe, à cour et salle de prière hypostyle, devient véritablement un plan-type à partir de la construction, à l'emplacement le plus sacré de la cité de Damas - sur l'ancien temple de Jupiter et à la place de la basilique Saint-Jean Baptiste - de la Grande mosquée des Omeyyades. Ce bâtiment majeur servira de repère aux bâtisseurs (et aux historiens de l'art) pour la naissance du plan arabe.
La Coupole du Rocher à Jérusalem est sans conteste l'un des bâtiments les plus importants de toute l'architecture islamique, marqué par une forte influence byzantine (mosaïque à fond d'or, plan centré qui rappelle celui du Saint-Sépulcre), mais comportant déjà des éléments purement islamiques, comme la grande frise d'inscription. Les châteaux du désert de Palestine nous offrent quant à eux de nombreux renseignements sur l'architecture civile et militaire importée d'Europe par les croisés et là aussi réaménagée au fil du temps et de la reconquète musulmane.
Outre l'architecture, les artisans travaillent une céramique encore primitive, non glaçurée, et le métal. Il reste très délicat de différencier ces objets de ceux de la période pré-islamique.
Dans l'architecture comme dans les arts mobiliers, les artistes et artisans umayyades n'inventent pas un vocabulaire nouveau, mais réutilisent volontiers celui de l'antiquité tardive méditerranéenne et iranienne, qu'ils adaptent à leur conception artistiques, en remplaçant par exemple les éléments figuratifs des mosaïques byzantines qui servent de modèles par des arbres et des villes, dans la grande mosquée de Damas. Les « châteaux du désert » témoignent particulièrement de ces emprunts. En mélangeant les traditions et en réadaptants motifs et éléments d'architecture, ils créent peu à peu un art typiquement musulman, palpable notamment dans l'esthétique de l'arabesque, présente aussi bien sur les monuments que les objets ou dans les Corans enluminés.
- Article détaillé : Art omeyyade.
- Période historique : Califat des Omeyyades de Damas.
- Monuments et œuvres majeurs : Dôme du Rocher.
[modifier] L'art abbasside
Alors qu'on en connaît beaucoup plus sur l'architecture omeyyade que sur les œuvres réalisées sous la première dynastie, les objets abbassides restent bien plus étudiés que les réalisations architecturales de cette période. Avec le déplacement des centres de pouvoir vers l'est, deux villes qui servent successivement de capitales entrent sur le devant de la scène : Bagdad et Samarra, en Irak. Si la ville de Bagdad n'a pu être fouillée, car elle est actuellement recouverte par des maisons contemporaines, les motifs des stucs de Samarra, bien étudiés, permettent la datation des bâtiments, et se retrouvent dans l'art mobilier depuis l'Égypte jusqu'en Iran, notamment dans le bois.
L'art de la céramique quant à lui connaît deux innovations majeures : l'invention de la faïence et celle du lustre métallique, qui se retrouveront longtemps après la disparition de la dynastie.
- Article détaillé : Art abbasside.
- Période historique : Califat des Abbassides.
[modifier] La période médiévale (IXe–XVe siècle)
Dès le IXe siècle, le pouvoir abbasside est contesté dans les provinces les plus reculées du centre irakien. C'est la création d'un califat chi'ite rival, celui des Fatimides, suivi de celui des Omeyyades d'Espagne, qui donne corps à cette opposition, tandis que de petites dynasties de gouverneurs autonomes voient le jour en Iran.
[modifier] Espagne et Maghreb
La première dynastie qui s'installe en Espagne (ou al-Andalus) est celle des Omeyyades d'Espagne. Comme son nom l'indique, cette lignée descend de celle des grands Omeyyades de Syrie, décimée au IXe siècle. Elle est remplacée après sa chute par différents royaumes autonomes, les Reyes de Taifas (1031–1091), mais la production artistique à cette période ne différe pas fondamentalement après ce changement politique. À la fin du XIe siècle, deux tribus berbères prennent successivement la tête du Maghreb et de l'Espagne, en pleine Reconquista : les Almoravides et les Almohades, qui apportent des influences maghrébines dans l'art. Cependant, peu à peu conquise par les rois chrétiens, l'Espagne islamique finit, au XIVe siècle, par se réduire à la ville de Grenade, avec la dynastie Nasride, qui parvient à se maintenir jusqu'en 1492.
Au Maghreb, ce sont les Mérinides qui reprennent le flambeau almohade à partir de 1196. Depuis leur capitale de Fès, ils participèrent à de nombreuses expéditions militaires tant en Espagne qu'en Tunisie, dont ils ne peuvent pourtant déloger les Hafsides, une petite dynastie solidement implantée. Les Mérinides voient leur pouvoir décroître à partir du XVe siècle et sont définitivement remplacés par les Sharifs en 1549. Les Hafsides quant à eux subissent la conquête des Turcs Ottomans en 1574.
L’al-Andalus est un lieu de grande culture à la période médiévale. Outre de grandes universités, qui permettent la diffusion de philosophies et de sciences inconnues du monde occidental, comme celle d'Averroès, ce territoire est également très foisonnant pour l'art. On pense évidemment, en architecture, à la grande mosquée de Cordoue, mais elle ne doit pas occulter d'autres réalisations plus petites, comme le Bab Mardum de Tolède, ou la ville califale de Madinat al-Zahra. À l'autre extrémité de la période, on trouve notamment les palais de l'Alhambra, à Grenade.
On a recours à plusieurs techniques pour la confection des objets. L'ivoire est très utilisé, pour la confection de boîtes et de coffrets. La pyxide d'al-Mughira en est un chef d'œuvre. Des métaux, notamment de grandes rondes-bosses, habituellement plutôt rares en terre d'Islam, servent d'aquamaniles ou de bouches de fontaines. Les tissus, soieries notamment, sont en grande partie exportées ; on en retrouve beaucoup dans les trésors d'églises occidentaux, enveloppant les ossements des saints personnages. À partir du règne des dynasties maghrébines, on note aussi un goût pour le travail du bois, sculpté et peint.
L'art d'Afrique du nord est assez méconnu, par manque de recherches depuis la décolonisation. Les dynasties Almoravides et Almohades, qui importent des nouveautés en Espagne, se caractérisent par une recherche d'austérité, qui transparaît par exemple dans des mosquées aux murs nus. Cependant, il faut noter que les arts précieux continuent d'être produits en masse. Les dynasties Mérinides et Hafsides parrainent une architecture importante, mais très méconnue, et un remarquable travail sur le bois, peint, sculpté et incrusté.
- Articles détaillés : Art des Omeyyades d'Espagne, Art almoravide et almohade, Art nasride, Art mérinide et hafside.
- Périodes historiques : Califat de Cordoue, Époque des taifas, Sultanats des Almoravides et des Almohades, Nasrides, Émirat de Grenade, Mérinides et Hafsides.
- Monuments et œuvres majeurs : Grande mosquée de Cordoue, mosquée Koutoubia, Alhambra.
[modifier] Égypte et Syrie
Régnant en Égypte entre 909 et 1171, la dynastie Fatimide est l'une des rares dynasties chiites du monde islamique. Sa grande œuvre consista en la fondation de la ville du Caire, en 969. La dynastie donne naissance à une importante architecture religieuse et à une riche production d'objets d'art dans les matériaux les plus divers : cristal, céramique lustrée et peinte sous glaçure, métaux incrustés, verres opaques... De nombreux artisans sont alors des chrétiens, coptes, qui constituent la majorité religieuse sous le règne particulièrement tolérant des Fatimides.
Au même moment en Syrie, les atabegs, c'est à dire les gouverneurs arabes des princes seldjoukides, s'arrogent le pouvoir. Très indépendants, ils jouent sur les inimitiés entre les princes turcs, et supportent en grande partie l'installation des croisés francs. En 1171, Saladin s'empare de l'Égypte fatimide, mettant sur le trône égyptien une éphémère dynastie ayyoubide. Cette période n'est pas faste pour l'architecture, mais la production d'objets de valeur ne s'interrompt pas pour autant. La céramique et le métal incrusté de grande qualité continuent à être produits, et le verre émaillé fait son apparition.
Les Mamelouks prennent le pouvoir aux Ayyoubides d'Égypte en 1250, et parviennent en 1261 à s'imposer en Syrie. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une dynastie, étant donné que les souverains ne règnent pas de père en fils : en effet, les Mamelouks sont des esclaves turcs affranchis, qui se passent (en théorie) le pouvoir entre camarades d'affranchissement. Ce gouvernement paradoxal perdurera près de trois siècles, jusqu'en 1517, et donnera lieu à une architecture foisonnante (plusieurs milliers de bâtiments furent construits pendant cette période), tandis que le mécénat se portera principalement sur le verre émaillé et le métal incrusté. C'est de cette période que date le baptistère de saint Louis, l'un des objets islamiques les plus célèbres.
- Articles détaillés : Art fatimide, Art d'Égypte et de Syrie des Fatimides aux Mamelouks, Art mamelouk et Architecture mamelouke.
- Périodes historiques : Califat des Fatimides à Kairouan et au Caire, Ayyoubides, sultanat mamelouk.
- Monuments et œuvres majeurs : Aiguière aux oiseaux, Baptistère de saint Louis.
[modifier] Iran et Asie Centrale
En Iran et dans le nord de l'Inde, ce sont les Tahirides, les Samanides, les Ghaznavides et les Ghurides qui se disputent le pouvoir au Xe siècle. L'art est alors un médium essentiel pour s'affirmer face à son voisin. De grandes villes sont créées, comme Nichapur et Ghazna, et la grande mosquée d'Ispahan voit le jour. L'architecture funéraire se développe, tandis que les potiers créent des pièces très différentes les unes des autres avec des décors kaléidoscopiques sur fond jaune, des décors jaspés, c'est-à-dire constitués de coulures de glaçures colorées, ou encore d'engobe sur engobe sous glaçure.
Nomades d'origine turque (c'est-à-dire de Mongolie actuelle), les Seldjoukides déferlent sur le monde islamique vers la fin du Xe siècle. Ils s'emparent de Bagdad en 1048 et s'éteignent en 1194 en Iran, bien que la production d'objet éponymes date de la fin XIIe et du début du XIIIe siècle et ait donc été réalisée pour des souverains indépendants, plus petits. C'est sous les Seldjoukides qu'apparaît pour la première fois le plan iranien. Les techniques du haftrang et de la pâte siliceuse en céramique et les incrustations de métaux précieux dans les objets en bronze sont également inventés par des artisans de cette période.
Au XIIIe, une nouvelle vague d'envahisseurs s'abat sur le monde islamique, remontant jusqu'aux portes de Vienne : ce sont les Mongols, sous la direction de leur chef Gengis Khan. À la mort de celui-ci, son empire est divisé entre ses fils et plusieurs branches se créent : en Chine, la dynastie des Yuan, en Iran celle des Houlagides ou Il-khanides, tandis qu'au nord de l'Iran se trouvent les nomades de la Horde d'Or.
[modifier] Les Il-khanides
Sous ces « petits khans », originellement soumis à l'empereur Yuan, mais rapidement indépendants, une riche civilisation se développe. L'activité architecturale s'intensifie au fur et à mesure que les Mongols se sédentarisent, et reste plus ou moins marquée par les traditions des nomades, ce que prouve l'orientation nord-sud des bâtiments. On note toutefois une importante persianisation, et la reprise de types déjà établis comme le plan iranien. Le tombeau d'Oldjaïtou à Soltaniyeh est un des monuments les plus grands et les plus impressionnants de l'Iran, mais de nombreuses destructions sont malheureusement à déplorer. C'est aussi sous cette dynastie que naît l'art du livre persan, à travers de grands manuscrits comme les Jami al-tawarikh commandés par le vizir Rashid al-Din. De nouvelles techniques apparaissent en céramique, notamment celle du lajvardina, et on note des influences chinoises dans tous les arts.
[modifier] La Horde d'Or
L'art de ces nomades est extrêmement mal connu. Les chercheurs, qui commencent à peine à s'y intéresser, ont découvert qu'il existait un urbanisme et une architecture dans ces régions. Une importante orfèvrerie se développe également, dont la plupart des pièces montrent une forte influence chinoise. Conservées au musée de l'Ermitage de Saint-Petersbourg, elles commencent seulement à être étudiées.
C'est une troisième invasion de nomades, celle des troupes de Tamerlan, qui fonde la troisième grande période médiévale iranienne : celle des Timurides. Le développement au XVe siècle de cette dynastie donnera lieu à l'apogée de l'art du livre persan, notamment avec des peintres comme Behzad, et de nombreux foyers et mécènes. L'architecture et l'urbanisme persans, à travers les monuments de Samarcande en particulier, connaissent également un âge d'or. Les décors de céramique, les voûtes de muqarnas sont particulièrement impressionnants. On note une forte influence de l'art du livre et de la Chine dans tous les autres domaines. C'est en partie la période timuride qui donne sa cohésion à l'art persan, permettant son essor plus tard, dans le grand empire Séfévide.
- Articles détaillés : Art de l'Iran autonome avant les Seljoukides, Art des Saljukides d'Iran, Art de l'Iran mongol, Art timuride.
- Périodes historiques : Sultanat seldjoukide, Horde d'Or, Empire timuride.
[modifier] Anatolie
Continuant sur leur lancée, les Turcs seldjoukides poursuivirent leurs conquêtes jusqu'en Anatolie. Après la bataille de Manzikert en 1071, ils constituent un sultanat indépendant de celui de leurs cousins iraniens. Leur pouvoir semble s'éteindre dès 1243, après les invasions mongoles, mais des monnaies sont frappées en leur nom jusqu'en 1304. L'architecture et les objets synthétisent différents styles, tant iraniens que syriens, rendant souvent les attributions délicates. Le bois est un art majeur, et on connaît un unique manuscrit illustré datant de cette époque.
Les Turkmènes, qui nomadisent dans la région du lac de Van, sont très mal connus. On leur doit pourtant plusieurs mosquées, comme la mosquée bleue de Tabriz, et ils auront une influence décisive autant en Anatolie après la chute des Seldjoukides de Rum qu'en Iran, pendant la dynastie Timuride. En effet, à partir du XIIIe siècle, l'Anatolie est dominée par de petites dynasties turkmènes qui s'installent, s'appropriant progressivement le territoire byzantin. Peu à peu, une dynastie émerge : celle des Ottomans, qu'on appelle « premiers Ottomans » avant 1453. Le mécénat s'exerce alors principalement dans l'architecture, où apparaît une recherche sur l'unification de l'espace par l'emploi de coupoles. En céramique aussi sont posés les jalons de ce qui deviendra l'art ottoman proprement dit, avec la « céramique de Milet » et les premiers bleu-et-blancs anatoliens.
- Articles détaillés : Art des Saljukides d'Anatolie, Art turkmène, Art de l'Anatolie turkmène et des premiers Ottomans.
- Périodes historiques : Sultanat seldjoukide, Empire ottoman.
[modifier] Inde
L'Inde, conquise par les Ghaznévides et les Ghurides au IXe siècle ne devient autonome qu'à partir de 1206, lorsque les Muizzî, ou rois-esclaves, prennent le pouvoir, marquant la naissance du sultanat de Delhi. Plus tard d'autres sultanats concurrents voient le jour au Bengale, au Cachemire, au Gujarat, à Jawnpur, au Mâlvâ et dans le nord du Deccan (Bahmanides). Ils s'éloignent peu à peu des traditions persanes, donnant naissance à une architecture et un urbanisme originaux, teintés de syncrétisme avec l'art hindou. La production d'objets n'est quasiment pas étudiée à l'heure actuelle, mais on connaît un important art du livre. La période des sultanats s'achève avec l'arrivée des Moghols, qui s'emparent peu à peu de toute la région.
- Article détaillé : Art de l'Inde des sultanats.
- Période historique : Sultanat de Delhi.
[modifier] Les trois empires (XVe–XIXe siècles)
[modifier] Ottomans
L'empire ottoman, né au XIVe siècle, se poursuivra jusqu'après la Première Guerre mondiale. Cette longévité impressionnante, conjuguée à un territoire immense (depuis l'Anatolie jusqu'à la Tunisie), ne pouvait qu'offrir une place importante à l'art. On compte donc à la fois une architecture foisonnante, une production en masse de céramiques (les céramiques d'Iznik notamment), une importante activité joaillère et un art du livre exceptionnel, aux multiples influences.
Le plan ottoman des mosquées est à la fois inspiré du plan de l'église Sainte-Sophie, que les musulmans découvrent après la conquête de la ville par Mehmet II, et par les recherches antérieures des premiers Ottomans. Il faut signaler en particulier la figure de l'architecte Sinan, qui vécut extrêmement longtemps (environ cent ans), et réalisa plusieurs centaines d'édifices.
Dans l'art du livre, on peut signaler par exemple les deux livres des fêtes créés, l'un à la fin du XVIe siècle, l'autre pour le sultan Murad III, et qui comportent de nombreuses illustrations. Les minitatures sont extrêmement influencées par l'Iran Séfévide, connu après la prise de nombreux objets comme butin de guerre au début du XVIe siècle.
Les Ottomans sont également les premiers à obtenir un rouge vif, dit « rouge d'Iznik » en céramique.
- Article détaillé : Art de l'empire ottoman.
- Période historique : Empire ottoman.
[modifier] Moghols
Les Moghols règnent en Inde entre 1526 et 1858, moment où les Anglais s'empareront du pays pour en faire un protectorat. L'architecture est mise à l'honneur, avec la mise en place définitive du plan moghol pour les mosquées et la création du célébrissime Taj Mahal, tout comme l'art de la joaillerie et le travail des pierres dures comme le jade. La série des poignards en pierre dure à tête de cheval est particulièrement impressionnante.
Un magnifique art du livre voit le jour, où l'on aperçoit pour la première fois une forte influence occidentale (utilisation de la perspective et copie de gravures européennes). Restent tout de même des traits persans, des peintres persans ayant fondé l'art du livre moghol sous le règne d'Humayun. En effet, celui-ci s'était réfugié chez les Séfévides après avoir été provisoirement détrôné, et il avait ramené avec lui certains artistes. Des traits hindous se retrouvent également, notamment dans les centres provinciaux.
On peut signaler aussi l'invention du bidri, une technique permettant de créer des pièces de métal au fond noir très mat, qui contraste avec certains motifs d'argent brillants.
- Article détaillé : Art moghol.
- Période historique : Empire moghol.
[modifier] Séfévides et Kadjars
L'Iran, entre les Moghols et les Ottomans, résiste tant bien que mal avec à sa tête une dynastie de Chi'ites Ismaeliens qui perdure de 1501 à 1786. L'art séfévide voit peu à peu un déclin de la céramique et de l'art du métal. Les porcelaines chinoises, très appréciées, conduisent à des imitations en bleu et blanc, avec des motifs très sinisants. Une architecture florissante se met en place, et une nouvelle ville à Ispahan est créée par Shah 'Abbas : elle contient de nombreux jardins, des palais de plaisance comme le Ali Qapu, un immense bazar et la grande mosquée du Shah.
L'art du livre atteint des sommets, avec en particulier le Grand Shah Nama de Shah Tahmasp, un immense manuscrit contenant plus de 250 peintures. Au XVIIe siècle, un nouveau type de peinture se développe : la peinture d'album (muhaqqa). Il s'agit de feuilles uniques, peintes, dessinées ou calligraphiées par différents artistes puis réunies par des amateurs. Riza 'Abbasi est l'un des plus grands représentant de cette forme nouvelle d'art.
La chute des Séfévides permet la montée au pouvoir d'une tribu turkmène implantée depuis l'époque mongole sur les rives de la mer Caspienne, les Kadjars. Ils donnent lieu à un art assez peu important, et très influencé par l'Occident : les grands portraits peints à l'huile sur toile des shahs kadjars ont peu à voir avec la peinture persane. De nouvelles techniques, comme le travail de l'acier, furent mises en œuvre dans l'art. Comme pour les Ottomans, ce fut des suites de la Première Guerre mondiale que le royaume se désagrégea, bien que l'Iran ait tenté de rester neutre dans les combats.
- Articles détaillés : Art safavide et Art kadjar.
- Périodes historiques : Séfévides, Dynastie Kadjar.
[modifier] Techniques de l'art islamique
[modifier] L'urbanisme, l'architecture et son décor
L'architecture prend de nombreuses formes spécifiques dans le monde islamique : la mosquée en est une, évidemment, mais les madrasa, les lieux de retraite, les tombeaux, etc. sont autant de bâtiments typiques des pays d'Islam.
Les typologies des bâtiments varient beaucoup selon les périodes et les régions. Dans le berceau du monde arabe, c'est à dire en Égypte, en Syrie, en Irak et en Turquie, avant le XIIIe siècle, les mosquées suivent toutes le même plan, avec une grande cour et une salle de prière hypostyle, mais varient beaucoup dans leur décor, et même dans leurs formes. L'Iran a ses propres spécificités, comme l'emploi de la brique et l'utilisation de formes particulières comme les iwans, l'arc persan, et est à la naissance des madrasas, tandis qu'en Espagne, on trouve plutôt le goût pour une architecture colorée, avec l'emploi d'arcs variés (en fer à cheval, polylobés...). En Turquie actuelle, c'est surtout l'influence de Byzance qui permet la construction des grandes mosquées ottomanes à coupole unique et démesurée, alors que l'Inde moghole développe des plans particuliers, s'éloignant peu à peu du modèle iranien et met en valeur les fameux dômes bulbeux.
- Article détaillé : Architecture islamique.
[modifier] L'art du livre
L'art du livre est peut-être le médium le plus connu de l'art islamique, mais aussi le plus difficile à étudier. Ce domaine regroupe à la fois :
- la peinture ;
- la reliure ;
- la calligraphie ;
- l'enluminure, c'est à dire les arabesques et les dessins des marges et des titres.
On divise traditionnellement l'art du livre en trois domaines distincts : arabe, pour les manuscrits syriens, égyptiens, de Jezirah, du Maghgreb, voire ottomans (mais ceux-ci peuvent aussi être considérés à part), persan, pour les manuscrits créés dans le domaine iranien, surtout à partir de la période mongole, et Indien, pour les œuvres mogholes. Chacun de ces domaines possède son style propre, divisé en différentes écoles, avec leurs propres artistes, leurs conventions... Les évolutions sont parallèles, même s'il semble évident que des influences ont eu lieu entre écoles, et même entre domaines géographiques, avec les changements politiques et les fréquents déplacements des artistes.
- Articles détaillés : Art du livre persan, Art du livre arabe, Art de la miniature en Inde.
[modifier] Les arts dits « mineurs »
On appelle en Europe « arts mineurs » des domaines qui font partie des arts décoratifs. Cependant, en terres d'Islam, comme dans de nombreuses civilisations extra-européennes ou anciennes, ces média ont été largement utilisés à des fins plus artistiques qu'utilitaires, et portés à un point de perfection qui interdit de les classer comme artisanat. Ainsi, si les artistes islamiques ne s'intéressent pas à la sculpture, ils font parfois preuve, selon les époques et les régions, d'une inventivité et d'une maîtrise remarquables sur ces différents terrains :
- l'art du métal ;
- l'art de la céramique ;
- l'art du verre ;
- l'art de la pierre taillée (cristal de roche notamment, mais également pierres dures comme la sardoine) ;
- l'art du bois sculpté et de la marqueterie ;
- l'art de l'ivoire...
- Articles détaillés : Art du métal islamique, Art de la céramique en terre d'Islam.
[modifier] Motifs, thèmes et iconographie de l'art islamique
Lorsqu'on évoque le terme d'art islamique, on pense souvent à un art aniconique, constitué uniquement de motifs géométriques et d'arabesques. Toutefois, il existe aussi de nombreuses représentations figurées dans les arts d'Islam, notamment dans tout ce qui ne relève pas du domaine du religieux.
[modifier] L'art et la religion
Les religions jouent donc un rôle important dans le développement de l'art islamique, celui-ci étant souvent destiné à des fins sacrées. On pense bien sûr à la religion musulmane, cependant, le monde islamique n'est devenu à majorité musulmane que dans le cours du XIIIe siècle, et d'autres croyances ont également joué un rôle non négligeable : le christianisme notamment dans une zone courant de l'Égypte jusqu'à la Turquie actuelle, le zoroastrisme, en particulier dans le monde iranien, l'hindouisme et le bouddhisme dans le monde Indien, et l'animisme, au Maghreb principalement.
- Article détaillé : Art islamique et religion.
[modifier] L'art et la littérature
Toutefois, tout l'art islamique n'est pas religieux, loin de là, et d'autres sources sont utilisées par les artistes, notamment littéraires. La littérature persane, comme le Shâh Nâmâ, l'épopée nationale composée au début du Xe siècle par Firdawsi, les Cinq poèmes (ou Khamsa) de Nizami (XIIe siècle), est ainsi une source importante de motifs, que l'on retrouve tant dans les arts du livre que dans les objets (céramique, tapis...). Les œuvres des poètes mystiques Saadi et Djami donnent aussi lieu à de nombreuses représentations. Le Jami al-tawarikh, ou Histoire universelle, composé par le vizir Il-khanide Rashid al-Din au début du XIVe siècle est support de nombreuses représentations dans tout le monde islamique, et ce dès sa rédaction.
La littérature arabe n'est cependant pas en reste, et les fables d'origine indienne du Kalîla wa Dimna ou les Maqamat d'al-Hariri et d'autres textes sont fréquemment illustrés dans les ateliers de Bagdad ou de Syrie.
La littérature scientifique, comme les traités d'astronomie ou de mécanique donne également lieu à des illustrations.
[modifier] Motifs abstraits et calligraphie
Les motifs décoratifs sont légions dans cette forme d'art, et extrêmement variés, depuis les motifs géométriques jusqu'aux arabesques. La calligraphie en terre d'Islam est considérée comme une activité majeure, voire sacrée, étant donné que les sourates du Coran sont considérées comme des paroles divines. En outre, les représentations d'êtres vivants sont exclues des lieux et des ouvrages religieux ; la calligraphie fait donc l'objet de soins tout particuliers, dans le domaine religieux mais aussi dans les œuvres profanes.
- Articles détaillés : Styles calligraphiques arabes, Motifs décoratifs de l'art islamique, Notion de module
[modifier] Les représentations figurées
On pense souvent que l'art islamique est entièrement anicônique, néanmoins, on ne peut que constater les nombreuses figures humaines et animales présentes dans les céramiques. Les figures religieuses des prophètes, comme Mahomet, mais aussi Jésus et ceux présents dans l'Ancien Testament, ainsi que les imams peuvent d'ailleurs donner lieu à des représentations ayant, selon les époques et les endroits, le visage voilé ou non. La question de la représentation figurée est donc complexe, d'autant que son évolution la rend encore plus difficile à comprendre.
- Article détaillé : Représentation figurée dans les arts de l'Islam .
[modifier] La connaissance des arts de l'Islam dans le monde
[modifier] Histoire de l'histoire de l'art islamique
L'art islamique est connu depuis longtemps en Europe, grâce aux nombreuses importations de matériaux précieux (soie, cristal de roche) au Moyen Âge. Beaucoup de ces objets, devenus reliquaires, sont actuellement conservés dans les trésors des églises du monde occidental. Toutefois, l'histoire de l'art islamique en tant que science est une discipline très récente, en comparaison, par exemple, avec celle des arts antiques. Sur les champs de fouille d'ailleurs, l'art islamique a souvent été victime des archéologues désireux d'accéder aux niveaux antiques et qui pour cela saccageaient les plus récents.
Née au XIXe siècle, poussée par le mouvement orientaliste, cette discipline connaît une évolution marquée de nombreux cahots, dûs aux événements politiques et religieux mondiaux. La colonisation notamment a favorisé l'étude de certains pays — ainsi que l'éclosion des collections européennes et américaines — mais des périodes entières ont été négligées. De même, la guerre froide a considérablement ralenti l'étude des arts de l'Islam en empêchant la diffusion des études et des découvertes.
- Article détaillé : Histoire de l'histoire de l'art islamique.
[modifier] Grandes collections d'art islamique
Comme souvent, les grandes collections d'art islamique se situent plutôt dans le monde occidental, aux musée du Louvre, Metropolitan Museum of Art, British Museum, Victoria and Albert Museum notamment. Cependant, il existe des collections autre part, notamment celle du musée islamique du Caire ou du musée du Qatar. La fondation Gulbenkian de Lisbonne et la collection Khalili conservent également de nombreuses pièces. Les musées américains, comme la Freer Gallery of Art de Washington, ont souvent un fond assez important, aussi bien pour les objets que les manuscrits. Le corning museum of Glass de New York possède l'un des fonds de verres islamiques les plus importants au monde. Pour les manuscrits, il faut aussi signaler de grandes bibliothèques, comme la British Library ou la bibliothèque nationale de France, dont les fonds orientaux sont assez développés, mais les musées conservent aussi des pages illustrées et des manuscrits.
- Article détaillé : Collections d'art islamique dans le monde.
[modifier] Grands sites d'art islamique
Pour les productions les plus anciennes, tant d'architecture que d'objets, une importante archéologie islamique a eu cours, notamment en Irak, à Samarra ou à Suse par exemple, ou encore au Caire. Malgré le contexte actuel, de grands sites sont encore fouillés dans tout le monde islamique, depuis le Pakistan jusqu'au Maghreb.
- Article détaillé : Archéologie islamique.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Bibliographie succincte
Il existe malheureusement peu de bons livres sur l'art islamique en langue française, et la consultation d'ouvrages anglophones s'impose.
- Arts et civilisations de l'Islam, sous la direction de Markus Hattstein et Peter Delius, Könemann, Cologne, 2000 ;
- Encyclopédie de l'Islam, Brill, 1960 (2e édition) ;
- C.E. Bosworth, Les Dynasties musulmanes, trad. Y. Thoraval, Actes sud, coll. « Sinbad », 1996 ;
- H. Stierlin, Islam : de Bagdad à Cordoue, des origines au XIIIe siècle, Taschen, 2002 ;
- (en) S. Blair, J. Bloom, The art and architecture of Islam 1250-1800, Yale University Press, 1994 ;
- (en) R. Ettinghausen, O. Grabar, M. Jenkins-Madina, Islamic Art and Architecture 650–1250, Yale University Press, 2001 ;
- (en) R. Hillenbrand, Islamic architecture : form, function and meaning, Edinburgh university press, 1994.
- Voir aussi : Bibliographie détaillée concernant l'art islamique.
[modifier] Liens externes
- (en) Catégorie Art islamique de l'annuaire dmoz.
- Département art islamique du Louvre
- (en) Département art islamique du Métropolitan Museum of Art
- La première peinture arabe, image des paradis profanes par Jean-Paul Roux, Directeur de recherche honoraire au CNRS.
|
|
Cet article a été reconnu article de qualité le 3 janvier 2006 (comparer avec la version actuelle). Pour toute information complémentaire, consulter sa page de discussion et le vote l'ayant promu. |